Ce n’est pas une traduction mots a mots mais les livres dans les deux languages mis côte a côte. Vous pouvez le lire en Français, en anglais ou parallèlement.
This is not a word-by-word translation but the books in the two languages put side by side. You can read it in French, in English or both.
L’homme qui rit, par Victor Hugo
| BOOK THE SIXTH. URSUS UNDER DIFFERENT ASPECTS. | LIVRE SIXIÈME ASPECTS VARIÉS D’URSUS |
| BOOK THE SEVENTH. THE TITANESS. | LIVRE SEPTIEME LA TITANE |
| CHAPTER I. THE AWAKENING. | I RÉVEIL |
| And Dea! | —Et Dea! |
| It seemed to Gwynplaine, as he watched the break of day at Corleone Lodge, while the things we have related were occurring at the Tadcaster Inn, that the call came from without; but it came from within. | Il sembla à Gwynplaine, regardant poindre le jour à Corleone-lodge pendant ces aventures de l’inn Tadcaster, que ce cri venait du dehors; ce cri était en lui. |
| Who has not heard the deep clamours of the soul? | Qui n’a entendu les profondes clameurs de l’âme? |
| Moreover, the morning was dawning. | D’ailleurs le jour se levait. |
| Aurora is a voice. | L’aurore est une voix. |
| Of what use is the sun if not to reawaken that dark sleeper—the conscience? | A quoi servirait le soleil si ce n’est à réveiller la sombre endormie, la conscience? |
| Light and virtue are akin. | La lumière et la vertu sont de même espèce. |
| Whether the god be called Christ or Love, there is at times an hour when he is forgotten, even by the best. All of us, even the saints, require a voice to remind us; and the dawn speaks to us, like a sublime monitor. Conscience calls out before duty, as the cock crows before the dawn of day. | Que le dieu s’appelle Christ ou qu’il s’appelle Amour, il y a toujours une heure où il est oublié, même par le meilleur; nous avons tous, même les saints, besoin d’une voix qui nous fasse souvenir, et l’aube fait parler en nous l’avertisseur sublime. La conscience crie devant le devoir comme le coq chante devant le jour. |
| That chaos, the human heart, hears the fiat lux! | Le cœur humain, ce chaos, entend le Fiat lux. |
| Gwynplaine—we will continue thus to call him (Clancharlie is a lord, Gwynplaine is a man)—Gwynplaine felt as if brought back to life. | Gwynplaine—nous continuerons à le nommer ainsi; Clancharlie est un lord, Gwynplaine est un homme;—Gwynplaine fut comme ressuscité. |
| It was time that the artery was bound up. | Il était temps que l’artère fût liée. |
| For a while his virtue had spread its wings and flown away. | Il y avait en lui une fuite d’honnêteté. |
| “And Dea!” he said. | —Et Dea! dit-il. |
| Then he felt through his veins a generous transfusion. Something healthy and tumultuous rushed upon him. The violent irruption of good thoughts is like the return home of a man who has not his key, and who forces his own look honestly. It is an escalade, but an escalade of good. It is a burglary, but a burglary of evil. | Et il sentit dans ses veines comme une transfusion généreuse. Quelque chose de salubre et de tumultueux se précipitait en lui. L’irruption violente des bonnes pensées, c’est un retour au logis de quelqu’un qui n’a pas sa clef, et qui force honnêtement son propre mur. Il y a escalade, mais du bien. Il y a effraction, mais du mal. |
| “Dea! Dea! Dea!” repeated he. | —Dea! Dea! Dea! répéta-t-il. |
| He strove to assure himself of his heart’s strength. | Il s’affirmait à lui-même son propre cœur. |
| And he put the question with a loud voice— | Et il fit cette question à haute voix: |
| “Where are you?” | —Où es-tu? |
| He almost wondered that no one answered him. Then again, gazing on the walls and the ceiling, with wandering thoughts, through which reason returned. | Presque étonné qu’on ne lui répondit pas. Il reprit, regardant le plafond et les murs, avec un égarement où la raison revenait: |
| “Where are you? Where am I?” | —Où es-tu? où suis-je? |
| And in the chamber which was his cage he began to walk again, to and fro, like a wild beast in captivity. | Et dans cette chambre, dans cette cage, il recommença sa marche de bête farouche enfermée. |
| “Where am I? At Windsor. And you? In Southwark. Alas! this is the first time that there has been distance between us. Who has dug this gulf? I here, thou there. Oh, it cannot be; it shall not be! What is this that they have done to me?” | —Où suis-je? à Windsor. Et toi? à Southwark. Ah! mon Dieu! voilà la première fois qu’il y a une distance entre nous. Qui donc a creusé cela? moi ici, toi là! Oh! cela n’est pas. Cela ne sera pas. Qu’est-ce donc qu’on m’a fait? |
| He stopped. | Il s’arrêta. |
| “Who talked to me of the queen? What do I know of such things? I changed! Why? Because I am a lord. Do you know what has happened, Dea? You are a lady. What has come to pass is astounding. My business now is to get back into my right road. Who is it who led me astray? There is a man who spoke to me mysteriously. I remember the words which he addressed to me. ‘My lord, when one door opens another is shut. That which you have left behind is no longer yours.’ In other words, you are a coward. That man, the miserable wretch! said that to me before I was well awake. He took advantage of my first moment of astonishment. I was as it were a prey to him. Where is he, that I may insult him? He spoke to me with the evil smile of a demon. But see—I am myself again. That is well. They deceive themselves if they think that they can do what they like with Lord Clancharlie, a peer of England. Yes, with a peeress,who is Dea! Conditions! Shall I accept them? The queen! What is the queen to me? I never saw her. I am not a lord to be made a slave. I enter my position unfettered. Did they think they had unchained me for nothing? They have unmuzzled me. That is all. Dea! Ursus! we are together. That which you were, I was; that which I am, you are. Come. No. I will go to you directly—directly. I have already waited too long. What can they think, not seeing me return! That money. When I think I sent them that money! It was myself that they wanted. I remember the man said that I could not leave this place. We shall see that. Come! a carriage, a carriage! put to the horses. I am going to look for them. Where are the servants? I ought to have servants here, since I am a lord. I am master here. This is my house. I will twist off the bolts, I will break the locks,I will kick down the doors, I will run my sword through the body of any one who bars my passage. I should like to see who shall stop me. I have a wife, and she is Dea. I have a father, who is Ursus. My house is a palace, and I give it to Ursus. My name is a diadem, and I give it to Dea. Quick, directly, Dea, I am coming; yes, you may be sure that I shall soon stride across the intervening space!” | —Qui donc m’a parlé de la reine? est-ce que je connais cela? Changé! moi changé! pourquoi? parce que je suis lord. Sais-tu ce qui se passe, Dea? tu es lady. C’est étonnant les choses qui arrivent. Ah ça! il s’agit de retrouver mon chemin. Est-ce qu’on m’aurait perdu? Il y a un homme qui m’a parlé avec un air obscur. Je me rappelle les paroles qu’il m’a adressées:—Milord, une porte qui s’ouvre ferme une autre porte. Ce qui est derrière vous n’est plus.—Autrement dit: Vous êtes un lâche! Cet homme-là, le misérable! il me disait cela pendant que je n’étais pas encore réveillé. Il abusait de mon premier moment étonné. J’étais comme une proie qu’il avait. Où est-il, que je l’insulte! Il me parlait avec le sombre sourire du rêve. Ah! voici que je redeviens moi! C’est bon. On se trompe si l’on croit qu’on fera de lord Clancharlie ce qu’on voudra! Pair d’Angleterre, oui, avec une pairesse, qui est Dea. Des conditions! est-ce que j’en accepte? La reine? que m’importe la reine! je ne l’ai jamais vue. Je ne suis pas lord pour être esclave. J’entre libre dans la puissance. Est-ce qu’on se figure m’avoir déchaîné pour rien? On m’a démuselé, voilà tout. Dea! Ursus! nous sommes ensemble. Ce que vous étiez, je l’étais. Ce que je suis, vous l’êtes. Venez! Non. J’y vais! Tout de suite. Tout de suite! J’ai déjà trop attendu. Que doivent-ils penser de ne pas me voir revenir? Cet argent! quand je pense que je leur ai envoyé de l’argent! C’était moi qu’il fallait. Je me rappelle, cet homme, il m’a dit que je ne pouvais pas sortir d’ici. Nous allons voir. Allons, une voiture! une voiture! qu’on attelle. Je veux aller les chercher. Où sont les valets? Il doit y avoir des valets, puisqu’il y a un seigneur. Je suis le maître ici. C’est ma maison. Et j’en tordrai les verrous, et j’en briserai les serrures, et j’en enfoncerai les portes à coups de pied. Quelqu’un qui me barre le passage, je lui passe mon épée au travers du corps, car j’ai une épée maintenant. Je voudrais bien voir qu’on me résistât. J’ai une femme, qui est Dea. J’ai un père, qui est Ursus. Ma maison est un palais et je le donne à Ursus. Mon nom est un diadème et je le donne à Dea. Vite! Tout de suite! Dea, me voici! Ah! j’aurai vite enjambé l’intervalle, va! |
| And raising the first piece of tapestry he came to, he rushed from the chamber impetuously. | Et, levant la première portière venue, il sortit de la chambre impétueusement. |
| He found himself in a corridor. | Il se trouva dans un corridor. |
| He went straight forward. | Il alla devant lui. |
| A second corridor opened out before him. | Un deuxième corridor se présenta. |
| All the doors were open. | Toutes les portes étaient ouvertes. |
| He walked on at random, from chamber to chamber, from passage to passage, seeking an exit. | Il se mit à marcher au hasard, de chambre en chambre, de couloir en couloir, cherchant la sortie. |
| CHAPTER II. THE RESEMBLANCE OF A PALACE TO A WOOD. | II RESSEMBLANCE D’UN PALAIS AVEC UN BOIS |
| In palaces after the Italian fashion, and Corleone Lodge was one, there were very few doors, but abundance of tapestry screens and curtained doorways. | Dans les palais à l’italienne, Corleone-lodge était de cette sorte, il y avait très peu de portes. Tout était rideau, portière, tapisserie. |
| In every palace of that date there was a wonderful labyrinth of chambers and corridors, where luxury ran riot; gilding, marble, carved wainscoting, Eastern silks; nooks and corners, some secret and dark as night, others light and pleasant as the day. There were attics, richly and brightly furnished; burnished recesses shining with Dutch tiles and Portuguese azulejos. The tops of the high windows were converted into small rooms and glass attics, forming pretty habitable lanterns. The thickness of the walls was such that there were rooms within them. Here and there were closets, nominally wardrobes. They were called “The Little Rooms.” It was within them that evil deeds were hatched. | Pas de palais à cette époque qui n’eût, à l’intérieur, un singulier fouillis de chambres et de corridors où abondait le faste; dorures, marbres, boiseries ciselées, soies d’orient; avec des recoins pleins de précaution et d’obscurité, d’autres pleins de lumière. C’étaient des galetas riches et gais, des réduits vernis, luisants, revêtus de faïences de Hollande ou d’azulejos de Portugal, des embrasures de hautes fenêtres coupées en soupentes, et des cabinets tout en vitres, jolies lanternes logeables. Les épaisseurs de mur, évidées, étaient habitables. Ça et là, des bonbonnières, qui étaient des garde-robes. Cela s’appelait «les petits appartements». C’est là qu’on commettait les crimes. |
| When a Duke of Guise had to be killed, the pretty Présidente of Sylvecane abducted, or the cries of little girls brought thither by Lebel smothered, such places were convenient for the purpose. They were labyrinthine chambers, impracticable to a stranger; scenes of abductions; unknown depths, receptacles of mysterious disappearances. In those elegant caverns princes and lords stored their plunder. In such a place the Count de Charolais hid Madame Courchamp, the wife of the Clerk of the Privy Council; Monsieur de Monthulé, the daughter of Haudry, the farmer of La Croix Saint Lenfroy; the Prince de Conti, the two beautiful baker women of L’Ile Adam; the Duke of Buckingham, poor Pennywell, etc. The deeds done there were such as were designated by the Roman law as committed vi, clam, et precario—by force, in secret, and for a short time. Once in, an occupant remained there till the master of the house decreed his or her release. They were gilded oubliettes, savouring both of the cloister and the harem. Their staircases twisted, turned, ascended, and descended. A zigzag of rooms, one running into another, led back to the starting-point. A gallery terminated in an oratory. A confessional was grafted on to an alcove. Perhaps the architects of “the little rooms,” building for royalty and aristocracy, took as models the ramifications of coral beds, and the openings in a sponge. The branches became a labyrinth. Pictures turning on false panels were exits and entrances. They were full of stage contrivances, and no wonder—considering the dramas that were played there! The floors of these hives reached from the cellars to the attics.Quaint madrepore inlaying every palace, from Versailles downwards, like cells of pygmies in dwelling-places of Titans. Passages, niches, alcoves, and secret recesses. All sorts of holes and corners, in which was stored away the meanness of the great. | Si l’on avait à tuer le duc de Guise ou à fourvoyer la jolie présidente de Sylvecane, ou, plus tard, à étouffer les cris des petites qu’amenait Lebel, c’était commode. Logis compliqué, inintelligible à un nouveau venu. Lieu des rapts; fond ignoré où aboutissaient les disparitions. Dans ces élégantes cavernes les princes et les seigneurs déposaient leur butin; le comte de Charolais y cachait madame Courchamp, la femme du maître des requêtes; M. de Monthulé y cachait la fille de Haudry, le fermier de la Croix Saint-Lenfroy; le prince de Conti y cachait les deux belles boulangères de l’Ile-Adam; le duc de Buckingham y cachait la pauvre Pennywell, etc. Les choses qui s’accomplissaient là étaient de celles qui se font, comme dit la loi romaine, vi, clam et precario, par force, en secret, et pour peu de temps. Qui était là y restait selon le bon plaisir du maître. C’étaient des oubliettes, dorées. Cela tenait du cloître et du sérail. Des escaliers tournaient, montaient, descendaient. Une spirale de chambres s’emboîtant vous ramenait à votre point de départ. Une galerie s’achevait en oratoire. Un confessionnal se greffait sur une alcôve. Les ramifications des coraux et les percées des éponges avaient probablement servi de modèles aux architectes des «petits appartements» royaux et seigneuriaux. Les embranchements étaient inextricables. Des portraits pivotant sur des ouvertures offraient des entrées et des sorties. C’était machiné. Il le fallait bien; il s’y jouait des drames. Les étages de cette ruche allaient des caves aux mansardes. Madrépore bizarre incrusté dans tous les palais, à commencer par Versailles, et qui était comme l’habitation des pygmées dans la demeure des titans. Couloirs, reposoirs, nids, alvéoles, cachettes. Toutes sortes de trous où se fourraient les petitesses des grands. |
| These winding and narrow passages recalled games, blindfolded eyes, hands feeling in the dark, suppressed laughter, blind man’s buff, hide and seek, while, at the same time, they suggested memories of the Atrides, of the Plantagenets, of the Médicis, the brutal knights of Eltz, of Rizzio, of Monaldeschi; of naked swords, pursuing the fugitive flying from room to room. | Ces lieux, serpentants et murés, éveillaient des idées de jeux, d’yeux bandés, de mains à tâtons, de rires contenus, colin-maillard, cache-cache; et en même temps faisaient songer aux Atrides, aux Plantagenets, aux Médicis, aux sauvages chevaliers d’Elz, à Rizzio, à Monaldeschi, aux épées poursuivant un fuyard de chambre en chambre. |
| The ancients, too, had mysterious retreats of the same kind, in which luxury was adapted to enormities. The pattern has been preserved underground in some sepulchres in Egypt, notably in the tomb of King Psammetichus, discovered by Passalacqua. The ancient poets have recorded the horrors of these suspicious buildings. Error circumflexus, locus implicitus gyris. | L’antiquité avait, elle aussi, de mystérieux logis de ce genre, où le luxe était approprié aux horreurs. L’échantillon en a été conservé sous terre dans certains sépulcres d’Egypte, par exemple dans la crypte du roi Psamméticus, découverte par Passalacqua. On trouve dans les vieux poètes l’effroi de ces constructions suspectes. Error circumflexus, locus implicitus gyris. |
| Gwynplaine was in the “little rooms” of Corleone Lodge. | Gwynplaine était dans les petits appartements de Corleone-lodge. |
| He was burning to be off, to get outside, to see Dea again. The maze of passages and alcoves, with secret and bewildering doors, checked and retarded his progress. He strove to run; he was obliged to wander. He thought that he had but one door to thrust open, while he had a skein of doors to unravel. To one room succeeded another. | Il avait la fièvre de partir, d’être dehors, de revoir Dea. Cet enchevêtrement de corridors et de cellules, de portes dérobées, de portes imprévues, l’arrêtait et le ralentissait. Il eût voulu y courir, il était forcé d’y errer. Il croyait n’avoir qu’une porte à pousser, il avait un écheveau à débrouiller. |
| Then a crossway, with rooms on every side. | Après une chambre, une autre. Puis des carrefours de salons. |
| Not a living creature was to be seen. He listened. Not a sound. | Il ne rencontrait rien de vivant. Il écoutait. Aucun mouvement. |
| At times he thought that he must be returning towards his starting-point; | Il lui semblait parfois revenir sur ses pas. |
| then, that he saw some one approaching. It was no one. It was only the reflection of himself in a mirror, dressed as a nobleman. | Par moments il croyait voir quelqu’un venir à lui. Ce n’était personne. C’était lui, dans une glace, en habit de seigneur. |
| That he? Impossible! Then he recognized himself, but not at once. | C’était lui, invraisemblable. Il se reconnaissait, mais pas tout de suite. |
| He explored every passage that he came to. | Il allait, prenant tous les passages qui s’offraient. |
| He examined the quaint arrangements of the rambling building, and their yet quainter fittings. Here, a cabinet, painted and carved in a sentimental but vicious style; there, an equivocal-looking chapel, studded with enamels and mother-of-pearl, with miniatures on ivory wrought out in relief, like those on old-fashioned snuff-boxes; there, one of those pretty Florentine retreats, adapted to the hypochondriasis of women, and even then called boudoirs. Everywhere—on the ceilings, on the walls, and on the very floors—were representations, in velvet or in metal, of birds, of trees; of luxuriant vegetation, picked out in reliefs of lacework; tables covered with jet carvings, representing warriors, queens, and tritons armed with the scaly terminations of a hydra. Cut crystals combining prismatic effects with those of reflection. Mirrors repeated the light of precious stones, and sparkles glittered in the darkest corners. It was impossible to guess whether those many-sided, shining surfaces, where emerald green mingled with the golden hues of the rising sun where floated a glimmer of ever-varying colours, like those on a pigeon’s neck, were miniature mirrors or enormous beryls. Everywhere was magnificence, at once refined and stupendous; if it was not the most diminutive of palaces,it was the most gigantic of jewel-cases. A house for Mab or a jewel for Geo. | Il s’engageait dans des méandres d’architecture intime; là un cabinet coquettement peint et sculpté, un peu obscène et très discret; là une chapelle équivoque tout écaillée de nacres et d’émaux, avec des ivoires faits pour être vus à la loupe, comme des dessus de tabatières; là un de ces précieux retraits florentins accommodés pour les hypocondries féminines, et qu’on appelait dès lors boudoirs. Partout, sur les plafonds, sur les murs, sur les planchers même, il y avait des figurations veloutées ou métalliques d’oiseaux et d’arbres, des végétations extravagantes enroulées de perles, des bossages de passementerie, des nappes de jais, des guerriers, des reines, des tritonnes cuirassées d’un ventre d’hydre. Les biseaux des cristaux taillés ajoutaient des effets de prismes à des effets de reflets. Les verroteries jouaient les pierreries. On voyait étinceler des encoignures sombres. On ne savait si toutes ces facettes lumineuses, où des verres d’émeraudes s’amalgamaient à des ors de soleil levant et où flottaient des nuées gorge de pigeon, étaient des miroirs microscopiques ou des aigues-marines démesurées. Magnificence à la fois délicate et énorme. C’était le plus mignon des palais, à moins que ce ne fût le plus colossal des écrins. Une maison pour Mab ou un bijou pour Géo. Gwynplaine cherchait l’issue. |
| Gwynplaine sought an exit. He could not find one. Impossible to make out his way. There is nothing so confusing as wealth seen for the first time. Moreover, this was a labyrinth. At each step he was stopped by some magnificent object which appeared to retard his exit, and to be unwilling to let him pass. He was encompassed by a net of wonders. He felt himself bound and held back. | Il ne la trouvait pas. Impossible de s’orienter. Rien de capiteux comme l’opulence quand on la voit pour la première fois. Mais en outre c’était un labyrinthe. A chaque pas, une magnificence lui faisait obstacle. Cela semblait résister à ce qu’il s’en allât. Cela avait l’air de ne pas vouloir le lâcher. Il était comme dans une glu de merveilles. Il se sentait saisi et retenu. |
| What a horrible palace! he thought. | —Quel horrible palais! pensait-il. |
| Restless, he wandered through the maze, asking himself what it all meant—whether he was in prison; chafing, thirsting for the fresh air. He repeated Dea! Dea! as if that word was the thread of the labyrinth, and must be held unbroken, to guide him out of it. | Il rôdait dans ce dédale, inquiet, se demandant ce que cela voulait dire, s’il était en prison, s’irritant, aspirant à l’air libre. Il répétait: Dea! Dea! comme on tient le fil qu’il ne faut pas laisser rompre et qui vous fera sortir. |
| Now and then he shouted, | Par moments il appelait. |
| “Ho! Any one there?” | —Hé! quelqu’un! |
| No one answered. | Rien ne répondait. |
| The rooms never came to an end. All was deserted, silent, splendid, sinister. | Ces chambres n’en finissaient pas. C’était désert, silencieux, splendide, sinistre. |
| It realized the fables of enchanted castles. | On se figure ainsi les châteaux enchantés. |
| Hidden pipes of hot air maintained a summer temperature in the building. It was as if some magician had caught up the month of June and imprisoned it in a labyrinth. There were pleasant odours now and then, and he crossed currents of perfume, as though passing by invisible flowers. It was warm. Carpets everywhere. One might have walked about there, unclothed. | Des bouches de chaleur cachées entretenaient dans ces corridors et dans ces cabinets une température d’été. Le mois de juin semblait avoir été pris par quelque magicien et enfermé dans ce labyrinthe. Par moments cela sentait bon. On traversait des bouffées de parfums comme s’il y avait là des fleurs invisibles. On avait chaud. Partout des tapis. On eût pu se promener nu. |
| Gwynplaine looked out of the windows. The view from each one was different. From one he beheld gardens, sparkling with the freshness of a spring morning; from another a plot decked with statues; from a third, a patio in the Spanish style, a little square, flagged, mouldy, and cold. At times he saw a river—it was the Thames; sometimes a great tower—it was Windsor. | Gwynplaine regardait par les fenêtres. L’aspect changeait. Il voyait tantôt des jardins, remplis des fraîcheurs du printemps et du matin, tantôt de nouvelles façades avec d’autres statues, tantôt des patios à l’espagnole, qui sont de petites cours quadrangulaires entre de grands bâtiments, dallées, moisies et froides; parfois une rivière qui était la Tamise, parfois une grosse tour qui était Windsor. |
| It was still so early that there were no signs of life without. | Dehors, de si grand matin, il n’y avait point de passants. |
| He stood still and listened. | Il s’arrêtait. Il écoutait. |
| “Oh! I will get out of this place,” said he. “I will return to Dea! They shall not keep me here by force. Woe to him who bars my exit! What is that great tower yonder? If there was a giant, a hell-hound, a minotaur, to keep the gate of this enchanted palace, I would annihilate him. If an army, I would exterminate it. Dea! Dea!” | —Oh! je m’en irai, disait-il. Je rejoindrai Dea. On ne me gardera pas de force. Malheur à qui voudrait m’empêcher de sortir! Qu’est-ce que c’est que cette grande tour-là? S’il y a un géant, un dogue d’enfer, une tarasque, pour barrer la porte dans ce palais ensorcelé, je l’exterminerai. Une armée, je la dévorerais. Dea! Dea! |
| Suddenly he heard a gentle noise, very faint. It was like dropping water. | Tout à coup il entendit un petit bruit, très faible. Cela ressemblait à de l’eau qui coule. |
| He was in a dark narrow passage, closed, some few paces further on, by a curtain. | Il était dans une galerie étroite, obscure, fermée à quelques pas devant lui par un rideau fendu. |
| He advanced to the curtain, pushed it aside, entered. | Il alla à ce rideau, l’écarta, entra. |
| He leaped before he looked. | Il pénétra dans de l’inattendu. |
| CHAPTER III. EVE. | III EVE |
| An octagon room, with a vaulted ceiling, without windows but lighted by a skylight; walls, ceiling, and floors faced with peach-coloured marble; a black marble canopy, like a pall, with twisted columns in the solid but pleasing Elizabethan style, overshadowing a vase-like bath of the same black marble—this was what he saw before him. In the centre of the bath arose a slender jet of tepid and perfumed water, which, softly and slowly, was filling the tank. | Une salle octogone, voûtée en anse de panier, sans fenêtres, éclairée d’un jour d’en haut, toute revêtue, mur, pavage et voûte, de marbre fleur de pêcher; au milieu de la salle un baldaquin pinacle en marbre drap mortuaire, à colonnes torses, dans le style pesant et charmant d’Elisabeth, couvrant d’ombre une vasque-baignoire du même marbre noir; au milieu de la vasque un fin jaillissement d’eau odorante et tiède remplissant doucement et lentement la cuve; c’est là ce qu’il avait devant les yeux. |
| The bath was black to augment fairness into brilliancy. | Bain noir fait pour changer la blancheur en resplendissement. |
| It was the water which he had heard. A waste-pipe, placed at a certain height in the bath, prevented it from overflowing. Vapour was rising from the water, but not sufficient to cause it to hang in drops on the marble. The slender jet of water was like a supple wand of steel, bending at the slightest current of air. | C’était cette eau qu’il avait entendue. Une fuite ménagée dans la baignoire à un certain niveau ne la laissait pas déborder. La vasque fumait, mais si peu qu’il y avait à peine quelque buée sur le marbre. Le grêle jet d’eau était pareil à une souple verge d’acier fléchissante au moindre souffle. |
| There was no furniture, except a chair-bed with pillows, long enough for a woman to lie on at full length, and yet have room for a dog at her feet. The French, indeed, borrow their word canapé from can-al-pié. | Aucun meuble. Si ce n’est, près de la baignoire, une de ces chaises-lits à coussins assez longues pour qu’une femme, qui y est étendue, puisse avoir à ses pieds son chien, ou son amant; d’où can-al-pie, dont nous avons fait canapé. |
| This sofa was of Spanish manufacture. In it silver took the place of woodwork. The cushions and coverings were of rich white silk. | C’était une chaise longue d’Espagne, vu que le bas était en argent. Les coussins et le capiton étaient de soie glacée blanc. |
| On the other side of the bath, by the wall, was a lofty dressing-table of solid silver, furnished with every requisite for the table, having in its centre, and in imitation of a window, eight small Venetian mirrors, set in a silver frame. | De l’autre côté de la baignoire, se dressait, adossée au mur, une haute étagère de toilette en argent massif avec tous ses ustensiles, ayant à son milieu huit petites glaces de Venise ajustées daans un châssis d’argent et figurant une fenêtre. |
| In a panel on the wall was a square opening, like a little window, which was closed by a door of solid silver. This door was fitted with hinges, like a shutter. On the shutter there glistened a chased and gilt royal crown. Over it, and affixed to the wall, was a bell, silver gilt, if not of pure gold. | Dans le pan coupé de muraille le plus voisin du canapé, était entaillée une baie carrée qui ressemblait à une lucarne et qui était bouchée d’un panneau fait d’une lame d’argent rouge. Ce panneau avait des gonds comme un volet. Sur l’argent rouge brillait, niellée et dorée, une couronne royale. Au-dessus du panneau était suspendu et scellé au mur un timbre qui était en vermeil, à moins qu’il ne fût en or. |
| Opposite the entrance of the chamber, in which Gwynplaine stood as if transfixed, there was an opening in the marble wall, extending to the ceiling, and closed by a high and broad curtain of silver tissue. | Vis-à-vis l’entrée de cette salle, en-face de Gwynplaine qui s’était arrêté court, le pan coupé de marbre manquait. Il était remplacé par une ouverture de même dimension, allant jusqu’à la voûte et fermée d’une large et haute toile d’argent. |
| This curtain, of fairy-like tenuity, was transparent, and did not interrupt the view. | Cette toile, d’une ténuité féerique, était transparente. On voyait au travers. |
| Through the centre of this web, where one might expect a spider, Gwynplaine saw a more formidable object—a woman. | Au centre de la toile, à l’endroit où est d’ordinaire l’araignée, Gwynplaine aperçut une chose formidable, une femme nue. |
| Her dress was a long chemise—so long that it floated over her feet, like the dresses of angels in holy pictures; but so fine that it seemed liquid. | Nue à la lettre, non. Cette femme était vêtue. Et vêtue de la tête aux pieds. Le vêtement était une chemise, très longue, comme les robes d’anges dans les tableaux de sainteté, mais si fine qu’elle semblait mouillée. De là un à peu près de femme nue, plus traître et plus périlleux que la nudité franche. L’histoire a enregistré des processions de princesses et de grandes dames entre deux files de moines, où, sous prétexte de pieds nus et d’humilité, la duchesse de Montpensier se montrait ainsi à tout Paris dans une chemise de dentelle. Correctif: un cierge à la main. |
| The silver tissue, transparent as glass and fastened only at the ceiling, could be lifted aside. It separated the marble chamber, which was a bathroom, from the adjoining apartment, which was a bedchamber. This tiny dormitory was as a grotto of mirrors. Venetian glasses, close together, mounted with gold mouldings, reflected on every side the bed in the centre of the room. On the bed, which, like the toilet-table, was of silver, lay the woman; she was asleep. | La toile d’argent, diaphane comme une vitre, était un rideau. Elle n’était fixée que du haut, et pouvait se soulever. Elle séparait la salle de marbre, qui était une salle de bain, d’une chambre, qui était une chambre à coucher. Cette chambre, très petite, était une espèce de grotte de miroirs. Partout des glaces de Venise, contiguës, ajustées polyédriquement, reliées par des baguettes dorées, réfléchissaient le lit qui était au centre. Sur ce lit, d’argent comme la toilette et le canapé, était couchée la femme. Elle dormait. |
| The crumpled clothes bore evidence of troubled sleep. The beauty of the folds was proof of the quality of the material. | Elle dormait la tête renversée, un de ses pieds refoulant ses couvertures, comme la succube au-dessus de laquelle le rêve bat des ailes. |
| It was a period when a queen, thinking that she should be damned, pictured hell to herself as a bed with coarse sheets. | Son oreiller de guipure était tombé à terre sur le tapis. |
| A dressing-gown, of curious silk, was thrown over the foot of the couch. It was apparently Chinese; for a great golden lizard was partly visible in between the folds. | Entre sa nudité et le regard il y avait deux obstacles, sa chemise et le rideau de gaze d’argent, deux transparences. La chambre, plutôt alcôve que chambre, était éclairée avec une sorte de retenue par le reflet de la salle de bain. La femme peut-être n’avait pas de pudeur, mais la lumière en avait. |
| Le lit n’avait ni colonnes, ni dais, ni ciel, de sorte que la femme, quand elle ouvrait les yeux, pouvait se voir mille fois nue dans les miroirs au-dessus de sa tête. | |
| Les draps avaient le désordre d’un sommeil agité. La beauté des plis indiquait la finesse de la toile. C’était l’époque où une reine, songeant qu’elle serait damnée, se figurait l’enfer ainsi: un lit avec de gros draps. | |
| Du reste, cette mode du sommeil nu venait d’Italie, et remontait aux romains. Sub clara nuda lucerna, dit Horace. | |
| Une robe de chambre en soie singulière, de Chine sans doute, car dans les plis on entrevoyait un grand lézard d’or, était jetée sur le pied du lit. | |
| Beyond the couch, and probably masking a door, was a large mirror, on which were painted peacocks and swans. Shadow seemed to lose its nature in this apartment, and glistened. The spaces between the mirrors and the gold work were lined with that sparkling material called at Venice thread of glass—that is, spun glass. | Au delà du lit, au fond de l’alcôve, il y avait probablement une porte, masquée et marquée par une assez grande glace sur laquelle étaient peints des paons et des cygnes. Dans cette chambre faite d’ombre tout reluisait. Les espacements entre les cristaux et les dorures étaient enduits de cette matière étincelante qu’on appelait à Venise «fiel de verre». |
| At the head of the couch stood a reading desk, on a movable pivot, with candles, and a book lying open, bearing this title, in large red letters, “Alcoranus Mahumedis.” | Au chevet du lit était fixé un pupitre en argent à tasseaux tournants et à flambeaux fixes sur lequel on pouvait voir un livre ouvert portant au haut des pages ce titre en grosses lettres rouges: Alcoramus Mahumedis. |
| wynplaine saw none of these details. He had eyes only for the woman. | Gwynplaine ne percevait aucun de ces détails. La femme, voilà ce qu’il voyait. |
| He was at once stupefied and filled with tumultuous emotions, states apparently incompatible, yet sometimes co-existent. | Il était à la fois pétrifié et bouleversé; ce qui s’exclut, mais ce qui existe. |
| He recognized her. | Cette femme, il la reconnaissait. |
| Her eyes were closed, but her face was turned towards him. | Elle avait les yeux fermés et le visage tourné vers lui. |
| It was the duchess | C’était la duchesse. |
| —she, the mysterious being in whom all the splendours of the unknown were united; she who had occasioned him so many unavowable dreams; she who had written him so strange a letter! The only woman in the world of whom he could say, “She has seen me, and she desires me!” He had dismissed the dreams from his mind; he had burnt the letter. He had, as far as lay in his power, banished the remembrance of her from his thoughts and dreams. He no longer thought of her. He had forgotten her…. | Elle, cet être mystérieux en qui se mélangeaient tous les resplendissements de l’inconnu, celle qui lui avait fait faire tant de songes inavouables, celle qui lui avait écrit une si étrange lettre! La seule femme au monde dont il pût dire: Elle m’a vu, et elle veut de moi! Il avait chassé les songes, il avait brûlé la lettre. Il l’avait reléguée, elle; le plus loin qu’il avait pu hors de sa rêverie et de sa mémoire; il n’y pensait plus; il l’avait oubliée… |
| Again he saw her, | Il la revoyait! |
| and saw her terrible in power. | Il la revoyait terrible. |
| La femme nue, c’est la femme armée. | |
| His breath came in short catches. He felt as if he were in a storm-driven cloud. He looked. This woman before him! Was it possible? | Il ne respirait plus. Il se sentait soulevé comme dans un nimbe, et poussé. Il regardait. Cette femme devant lui! Était-ce possible? |
| At the theatre a duchess; here a nereid, a nymph, a fairy. Always an apparition. | Au théâtre, duchesse. Ici, néréide, naïade, fée. Toujours apparition. |
| He tried to fly, but felt the futility of the attempt. His eyes were riveted on the vision, as though he were bound. | Il essaya de fuir et sentit que cela ne se pouvait pas. Ses regards étaient devenus deux chaînes, et l’attachaient à cette vision. |
| Was she a woman? Was she a maiden? Both. Messalina was perhaps present, though invisible, and smiled, while Diana kept watch. Over all her beauty was the radiance of inaccessibility. No purity could compare with her chaste and haughty form. Certain snows, which have never been touched, give an idea of it—such as the sacred whiteness of the Jungfrau. Immodesty was merged in splendour. She felt the security of an Olympian, who knew that she was daughter of the depths, and might say to the ocean, “Father!” And she exposed herself, unattainable and proud, to everything that should pass—to looks, to desires, to ravings, to dreams; as proud in her languor, on her boudoir couch, as Venus in the immensity of the sea-foam. | Était-ce une fille? Était-ce une vierge? Les deux. Messaline, présente peut-être dans l’invisible, devait sourire, et Diane devait veiller. Il y avait sur cette beauté la clarté de l’inaccessible. Pas de pureté comparable à cette forme chaste et altière. Certaines neiges qui n’ont jamais été touchées sont reconnaissables. Les blancheurs sacrées de la Yungfrau, cette femme les avait. Ce qui se dégageait de ce front inconscient, de cette vermeille chevelure éparse, de ces cils abaissés, de ces veines bleues vaguement visibles, de ces rondeurs sculpturales des seins, des hanches et des genoux modelant les affleurements roses de la chemise, c’était la divinité d’un sommeil auguste. Cette impudeur se dissolvait en rayonnement. Cette créature était nue avec autant de calme que si elle avait droit au cynisme divin, elle avait la sécurité d’une olympienne qui se fait fille du gouffre, et qui peut dire à l’océan: Père! et elle s’offrait, inabordable et superbe, à tout ce qui passe, aux regards, aux désirs, aux démences, aux songes, aussi fièrement assoupie sur ce lit de boudoir que Vénus dans l’immensité de l’écume. |
| She had slept all night, and was prolonging her sleep into the daylight; her boldness, begun in shadow, continued in light. | Elle s’était endormie la nuit et prolongeait son sommeil au grand jour; confiance commencée dans les ténèbres et continuée dans la lumière. |
| Gwynplaine shuddered. | Gwynplaine frémissait. Il admirait. |
| He admired her with an unhealthy and absorbing admiration, which ended in fear. | Admiration malsaine, et qui intéresse trop. |
| Il avait peur. | |
| Misfortunes never come singly. Gwynplaine thought he had drained to the dregs the cup of his ill-luck. Now it was refilled. Who was it who was hurling all those unremitting thunderbolts on his devoted head, and who had now thrown against him, as he stood trembling there, a sleeping goddess? What! was the dangerous and desirable object of his dream lurking all the while behind these successive glimpses of heaven? Did these favours of the mysterious tempter tend to inspire him with vague aspirations and confused ideas, and overwhelm him with an intoxicating series of realities proceeding from apparent impossibilities? Wherefore did all the shadows conspire against him, a wretched man; and what would become of him,with all those evil smiles of fortune beaming on him? Was his temptation prearranged? This woman, how and why was she there? No explanation! Why him? Why her? Was he made a peer of England expressly for this duchess? Who had brought them together? Who was the dupe? Who the victim? Whose simplicity was being abused? Was it God who was being deceived? All these undefined thoughts passed confusedly, like a flight of dark shadows, through his brain. That magical and malevolent abode, that strange and prison-like palace, was it also in the plot? Gwynplaine suffered a partial unconsciousness. Suppressed emotions threatened to strangle him. He was weighed down by an overwhelming force. His will became powerless. How could he resist? He was incoherent and entranced. This time he felt he was becoming irremediably insane. His dark,headlong fall over the precipice of stupefaction continued. | La boîte à surprises du sort ne s’épuise point. Gwynplaine avait cru être au bout. Il recommençait. Qu’était-ce que tous ces éclairs, s’abattant sur sa tête sans relâche, et enfin, foudroiement suprême, lui jetant, à lui, homme frissonnant, une déesse endormie? Qu’était-ce que toutes ces ouvertures de ciel successives d’où finissait par sortir, désirable et redoutable, son rêve? Qu’était-ce que ces complaisances du tentateur inconnu lui apportant, l’une après l’autre, ses aspirations vagues, ses velléités confuses, jusqu’à ses mauvaises pensées devenues chair vivante, et l’accablant sous une enivrante série de réalités tirées de l’impossible? Y avait-il conspiration de toute l’ombre contre lui, misérable, et qu’allait-il devenir avec tous ces sourires de la fortune sinistre autour de lui? Qu’était-ce que ce vertige arrangé exprès? Cette femme! là! pourquoi? comment? Nulle explication. Pourquoi lui? Pourquoi elle? Était-il fait pair d’Angleterre exprès pour cette duchesse? Qui les amenait ainsi l’un à l’autre? qui était dupe? qui était victime? De qui abusait-on la bonne foi? était-ce Dieu qu’on trompait? Toutes ces choses, il ne les précisait pas, il les entrevoyait à travers une suite de nuages noirs dans son cerveau. Ce logis magique et malveillant, cet étrange palais, tenace comme une prison, était-il du complot? Gwynplaine subissait une sorte de résorption. Des forces obscures le garrottaient mystérieusement. Une gravitation l’enchaînait. Sa volonté, soutirée, s’en allait de lui. A quoi se retenir? Il était hagard et charmé. Cette fois, il se sentait irrémédiablement insensé. La sombre chute à pic dans le précipice d’éblouissement continuait. |
| But the woman slept on. | La femme dormait. |
| What aggravated the storm within him was, that he saw not the princess, not the duchess, not the lady, but the woman. | Pour lui, l’état de trouble s’aggravant, ce n’était même plus la lady, la duchesse, la dame; c’était la femme. |
| Les déviations sont dans l’homme à l’état latent. Les vices ont dans notre organisme un tracé invisible tout préparé. Même innocents, et en apparence purs, nous avons cela en nous. Être sans tache, ce n’est pas être sans défaut. L’amour est une loi. La volupté est un piège. Il y a l’ivresse, et il y a l’ivrognerie. L’ivresse, c’est de vouloir une femme; l’ivrognerie, c’est de vouloir la femme. | |
| Gwynplaine, losing all self-command, trembled. | Gwynplaine, hors de lui, tremblait. |
| What could he do against such a temptation? Here were no skilful effects of dress, no silken folds, no complex and coquettish adornments, no affected exaggeration of concealment or of exhibition, no cloud. It was fearful simplicity—a sort of mysterious summons—the shameless audacity of Eden. The whole of the dark side of human nature was there. Eve worse than Satan; the human and the superhuman commingled. A perplexing ecstasy, winding up in a brutal triumph of instinct over duty. The sovereign contour of beauty is imperious. When it leaves the ideal and condescends to be real, its proximity is fatal to man. | Que faire contre cette rencontre? Pas de flots d’étoffes, pas d’ampleurs soyeuses, pas de toilette prolixe et coquette, pas d’exagération galante cachant et montrant, pas de nuage. La nudité dans sa concision redoutable. Sorte de sommation mystérieuse, effrontément édénique. Tout le côté ténébreux de l’homme mis en demeure. Ève pire que Satan. L’humain et le surhumain amalgamés. Extase inquiétante, aboutissant au triomphe brutal de l’instinct sur le devoir. Le contour souverain de la beauté est impérieux. Quand il sort de l’idéal et quand il daigne être réel, c’est pour l’homme une proximité funeste. |
| Now and then the duchess moved softly on the bed, with the vague movement of a cloud in the heavens, changing as a vapour changes its form. Absurd as it may appear, though he saw her present in the flesh before him, yet she seemed a chimera; and, palpable as she was, she seemed to him afar off. Scared and livid, he gazed on. He listened for her breathing, and fancied he heard only a phantom’s respiration. He was attracted, though against his will. How arm himself against her—or against himself? | Par instants la duchesse se déplaçait mollement sur le lit, et avait les vagues mouvements d’une vapeur dans l’azur, changeant d’attitude comme la nuée change de forme. Elle ondulait, composant et décomposant des courbes charmantes. Toutes les souplesses de l’eau, la femme les a. Comme l’eau, la duchesse avait on ne sait quoi d’insaisissable. Chose bizarre à dire, elle était là, chair visible, et elle restait chimérique. Palpable, elle semblait lointaine. Gwynplaine, effaré et pâle, contemplait. Il écoutait ce sein palpiter et croyait entendre une respiration de fantôme. Il était attiré, il se débattait. Que faire contre elle? que faire contre lui? |
| He had been prepared for everything except this danger. A savage doorkeeper, a raging monster of a jailer—such were his expected antagonists. He looked for Cerberus; he saw Hebe. | Il s’était attendu à tout, excepté à cela. Un gardien féroce en travers de la porte, quelque furieux monstre geôlier à combattre, voilà sur quoi il avait compté. Il avait prévu Cerbère; il trouvait Hébé. |
| A sleeping woman! | Une femme nue. Une femme endormie. |
| What an opponent! | Quel sombre combat! |
| He closed his eyes. Too bright a dawn blinds the eyes. But through his closed eyelids there penetrated at once the woman’s form—not so distinct, but beautiful as ever. | Il fermait les paupières. Trop d’aurore dans l’œil est une souffrance. Mais, à travers ses paupières fermées, tout de suite il la revoyait. Plus ténébreuse, aussi belle. |
| Fly! Easier said than done. He had already tried and failed. He was rooted to the ground, as if in a dream. When we try to draw back, temptation clogs our feet and glues them to the earth. We can still advance, but to retire is impossible. The invisible arms of sin rise from below and drag us down. | Prendre la fuite, ce n’est pas facile. Il avait essayé, et n’avait pu. Il était enraciné comme on est dans le rêve. Quand nous voulons rétrograder, la tentation cloue nos pieds au pavé. Avancer reste possible, reculer non. Les invisibles bras de la faute sortent de terre et nous tirent dans le glissement. |
| There is a commonplace idea, accepted by every one, that feelings become blunted by experience. Nothing can be more untrue. You might as well say that by dropping nitric acid slowly on a sore it would heal and become sound, and that torture dulled the sufferings of Damiens. | Une banalité acceptée de tout le monde, c’est que l’émotion s’émousse. Rien n’est plus faux. C’est comme si l’on disait que, sous de l’acide nitrique tombant goutte à goutte, une plaie s’apaise et s’endort, et que l’écartèlement blase Damiens. |
| The truth is, that each fresh application intensifies the pain. | La vérité est qu’à chaque redoublement, la sensation est plus aiguë. |
| rom one surprise after another, Gwynplaine had become desperate. That cup, his reason, under this new stupor, was overflowing. He felt within him a terrible awakening. | D’étonnement en étonnement, Gwynplaine était arrivé au paroxysme. Ce vase, sa raison, sous cette stupeur nouvelle, débordait. Il sentait en lui un éveil effrayant. |
| Compass he no longer possessed. One idea only was before him—the woman. An indescribable happiness appeared, which threatened to overwhelm him. He could no longer decide for himself. There was an irresistible current and a reef. The reef was not a rock, but a siren—a magnet at the bottom of the abyss. He wished to tear himself away from this magnet; but how was he to carry out his wish? He had ceased to feel any basis of support. Who can foresee the fluctuations of the human mind! A man may be wrecked, as is a ship. Conscience is an anchor. It is a terrible thing, but, like the anchor, conscience may be carried away. | De boussole, il n’en avait plus. Une seule certitude était devant lui, cette femme. On ne sait quel irrémédiable bonheur s’entr’ouvrait, ressemblant à un naufrage. Plus de direction possible. Un courant irrésistible, et l’écueil. L’écueil, ce n’est pas le rocher, c’est la sirène. Un aimant est au fond de l’abîme. S’arracher à cette attraction, Gwynplaine le voulait, mais comment faire? Il ne sentait plus de point d’attache. La fluctuation humaine est infinie. Un homme peut être désemparé comme un navire. L’ancre, c’est la conscience. Chose lugubre, la conscience peut casser. |
| He had not even the chance of being repulsed on account of his terrible disfigurement. The woman had written to say that she loved him. | Il n’avait même pas cette ressource:—Je suis défiguré et terrible. Elle me repoussera.—Cette femme lui avait écrit qu’elle l’aimait. |
| In every crisis there is a moment when the scale hesitates before kicking the beam. When we lean to the worst side of our nature, instead of strengthening our better qualities, the moral force which has been preserving the balance gives way, and down we go. Had this critical moment in Gwynplaine’s life arrived? | Il y a dans les crises un instant de porte-à-faux. Quand nous débordons sur le mal plus que nous ne nous appuyons sur le bien, cette quantité de nous-même qui est en suspens sur la faute finit par l’emporter et nous précipite. Ce moment triste était-il venu pour Gwynplaine? |
| How could he escape? | Comment échapper? |
| So it is she—the duchess, the woman! There she was in that lonely room—asleep, far from succour, helpless, alone, at his mercy; yet he was in her power! | Ainsi c’était elle! la duchesse! cette femme! Il l’avait devant lui, dans cette chambre, dans ce lieu désert, endormie, livrée, seule. Elle était à sa discrétion, et il était en son pouvoir! |
| The duchess! | La duchesse! |
| We have, perchance, observed a star in the distant firmament. We have admired it. It is so far off. What can there be to make us shudder in a fixed star? Well, one day—one night, rather—it moves. We perceive a trembling gleam around it. The star which we imagined to be immovable is in motion. It is no longer a star, but a comet—the incendiary giant of the skies. The luminary moves on, grows bigger, shakes off a shower of sparks and fire, and becomes enormous. It advances towards us. Oh, horror, it is coming our way! The comet recognizes us, marks us for its own, and will not be turned aside. Irresistible attack of the heavens!What is it which is bearing down on us? An excess of light, which blinds us; an excess of life, which kills us. That proposal which the heavens make we refuse; that unfathomable love we reject. We close our eyes; we hide; we tear ourselves away; we imagine the danger is past. We open our eyes: the formidable star is still before us; but, no longer a star, it has become a world—a world unknown, a world of lava and ashes; the devastating prodigy of space. It fills the sky, allowing no compeers. The carbuncle of the firmament’s depths, a diamond in the distance, when drawn close to us becomes a furnace. You are caught in its flames. And the first sensation of burning is that of a heavenly warmth.We close our eyes; we hide; we tear ourselves away; we imagine the danger is past. We open our eyes: the formidable star is still before us; but, no longer a star, it has become a world—a world unknown, a world of lava and ashes; the devastating prodigy of space. It fills the sky, allowing no compeers. The carbuncle of the firmament’s depths, a diamond in the distance, when drawn close to us becomes a furnace. You are caught in its flames. And the first sensation of burning is that of a heavenly warmth.We close our eyes; we hide; we tear ourselves away; we imagine the danger is past. We open our eyes: the formidable star is still before us; but, no longer a star, it has become a world—a world unknown, a world of lava and ashes; the devastating prodigy of space. It fills the sky, allowing no compeers. The carbuncle of the firmament’s depths, a diamond in the distance, when drawn close to us becomes a furnace. You are caught in its flames. And the first sensation of burning is that of a heavenly warmth.a diamond in the distance, when drawn close to us becomes a furnace. You are caught in its flames. And the first sensation of burning is that of a heavenly warmth.a diamond in the distance, when drawn close to us becomes a furnace. You are caught in its flames. | On a aperçu une étoile au fond des espaces. On l’a admirée. Elle est si loin! que craindre d’une étoile fixe? Un jour,—une nuit,—on la voit se déplacer. On distingue un frisson de lueur autour d’elle. Cet astre, qu’on croyait impassible, remue. Ce n’est pas l’étoile, c’est la comète. C’est l’immense incendiaire du ciel. L’astre marche, grandit, secoue une chevelure de pourpre, devient énorme. C’est de votre côté qu’il se dirige. O terreur, il vient à vous! La comète vous connaît, la comète vous désire, la comète vous veut. Épouvantable approche céleste. Ce qui arrive sur vous, c’est le trop de lumière, qui est l’aveuglement; c’est l’excès de vie, qui est la mort. Cette avance que vous fait le zénith, vous la refusez. Cette offre d’amour du gouffre, vous la rejetez. Vous mettez votre main sur vos paupières, vous vous cachez, vous vous dérobez, vous vous croyez sauvé. Vous rouvrez les yeux…—L’étoile redoutable est là. Elle n’est plus étoile, elle est monde. Monde ignoré. Monde de lave et de braise. Dévorant prodige des profondeurs. Elle emplit le ciel. Il n’y a plus qu’elle. L’escarboucle du fond de l’infini, diamant de loin, de près est fournaise. Vous êtes dans sa flamme. |
| And the first sensation of burning is that of a heavenly warmth. | Et vous sentez commencer votre combustion par une chaleur de paradis. |
| CHAPTER IV. SATAN. | IV SATAN |
| Suddenly the sleeper awoke. She sat up with a sudden and gracious dignity of movement, her fair silken tresses falling in soft disorder. Then stretching herself, she yawned like a tigress in the rising sun. | Tout à coup la dormeuse se réveilla. Elle se dressa sur son séant avec une majesté brusque et harmonieuse; ses cheveux de blonde soie floche se répandirent avec un doux tumulte sur ses reins; sa chemise tombante laissa voir son épaule très bas; elle toucha de sa main délicate son orteil rose, et regarda quelques instants son pied nu, digne d’être adoré par Périclés et copié par Phidias; puis elle s’étira et bâilla comme une tigresse au soleil levant. |
| Perhaps Gwynplaine breathed heavily, as we do when we endeavour to restrain our respiration. | Il est probable que Gwynplaine respirait, comme lorsqu’on retient son souffle, avec effort. |
| “Is any one there?” said she. | —Est-ce qu’il y a là quelqu’un? dit-elle. |
| She yawned as she spoke, and her very yawn was graceful. | Elle dit cela tout en bâillant, et c’était plein de grâce. |
| Gwynplaine listened to the unfamiliar voice—the voice of a charmer, its accents exquisitely haughty, its caressing intonation softening its native arrogance. | Gwynplaine entendit cette voix qu’il ne connaissait pas. Voix de charmeuse; accent délicieusement hautain; l’intonation de la caresse tempérant l’habitude du commandement. |
| Then rising on her knees—there is an antique statue kneeling thus in the midst of a thousand transparent folds—she drew the dressing-gown towards her, and springing from the couch stood upright. In the twinkling of an eye the silken robe was around her. The trailing sleeve concealed her hands; only the tips of her toes, with little pink nails like those of an infant, were left visible. | En même temps, se dressant sur ses genoux, il y a une statue antique ainsi agenouillée dans mille plis transparents, elle tira à elle la robe de chambre et se jeta à bas du lit, nue et debout, le temps de voir passer une flèche, et tout de suite enveloppée. En un clin d’œil la robe de soie la couvrit. Les manches, très longues, lui cachaient les mains. On ne voyait plus que le bout des doigts de ses pieds, blancs avec de petits ongles, comme des pieds d’enfant. |
| Having drawn from underneath the dressing-gown a mass of hair which had been imprisoned by it, she crossed behind the couch to the end of the room, and placed her ear to the painted mirror, which was, apparently, a door. | Elle s’ôta du dos un flot de cheveux qu’elle rejeta sur sa robe, puis elle courut derrière le lit, au fond de l’alcôve, et appliqua son oreille au miroir peint qui vraisemblablement recouvrait une porte. |
| Tapping the glass with her finger,she called, | Elle frappa contre la glace avec le petit coude que fait l’index replié. |
| “Is any one there? Lord David? Are you come already? What time is it then? Is that you, Barkilphedro?” | —Y a-t-il quelqu’un? Lord David! est-ce que ce serait déjà vous? Quelle heure est-il donc? Est-ce toi, Barkilphedro? |
| She turned from the glass. | Elle se retourna. |
| “No! it was not there. Is there any one in the bathroom? Will you answer? Of course not. No one could come that way.” | —Mais non. Ce n’est pas de ce côté-ci. Est-ce qu’il y a quelqu’un dans la chambre de bain? Mais répondez donc! Au fait, non, personne ne peut venir par là. |
| Going to the silver lace curtain, she raised it with her foot, thrust it aside with her shoulder, and entered the marble room. | Elle alla au rideau de toile d’argent, l’ouvrit du bout de son pied, l’écarta d’un mouvement d’épaule, et entra dans la chambre de marbre. |
| An agonized numbness fell upon Gwynplaine. No possibility of concealment. It was too late to fly. Moreover, he was no longer equal to the exertion. He wished that the earth might open and swallow him up. Anything to hide him. | Gwynplaine sentit comme un froid d’agonie. Nul abri. Il était trop tard pour fuir. D’ailleurs il n’en avait pas la force. Il eût voulu que le pavé se fendît, et tomber sous terre. Aucun moyen de ne pas être vu. |
| She saw him. | Elle le vit. |
| She stared, immensely astonished, but without the slightest nervousness. Then, in a tone of mingled pleasure and contempt, she said, | Elle le regarda, prodigieusement étonnée, mais sans aucun tressaillement, avec une nuance de bonheur et de mépris: |
| “Why, it is Gwynplaine!” | —Tiens, dit-elle, Gwynplaine! |
| Suddenly with a rapid spring, for this cat was a panther, she flung herself on his neck. | Puis, subitement, d’un bond violent, car cette chatte était une panthère, elle se jeta à son cou. |
| Elle lui pressa la tête entre ses bras nus dont les manches, dans cet emportement, s’étaient relevées. | |
| Suddenly, pushing him back, and holding him by both shoulders with her small claw-like hands, she stood up face to face with him, and began to gaze at him with a strange expression. | Et tout à coup le repoussant, abattant sur les deux épaules de Gwynplaine ses petites mains comme des serres, elle debout devant lui, lui debout devant elle, elle se mit à le regarder étrangement. |
| It was a fatal glance she gave him with her Aldebaran-like eyes—a glance at once equivocal and starlike. Gwynplaine watched the blue eye and the black eye, distracted by the double ray of heaven and of hell that shone in the orbs thus fixed on him. The man and the woman threw a malign dazzling reflection one on the other. Both were fascinated—he by her beauty, she by his deformity. Both were in a measure awe-stricken. | Elle regarda, fatale, avec ses yeux d’Aldébaran, rayon visuel mixte, ayant on ne sait quoi de louche et de sidéral. Gwynplaine contemplait cette prunelle bleue et cette prunelle noire, éperdu sous la double fixité de ce regard de ciel et de ce regard d’enfer. Cette femme et cet homme se renvoyaient l’éblouissement sinistre. Ils se fascinaient l’un l’autre, lui par la difformité, elle par la beauté, tous deux par l’horreur. |
| Pressed down, as by an overwhelming weight, he was speechless. | Il se taisait, comme sous un poids impossible à soulever. Elle s’écria: |
| “Oh!” she cried. “How clever you are! You are come. You found out that I was obliged to leave London. You followed me. That was right. Your being here proves you to be a wonder.” | —Tu as de l’esprit. Tu es venu. Tu as su que j’avais été forcée de partir de Londres. Tu m’as suivie. Tu as bien fait. Tu es extraordinaire d’être ici. |
| The simultaneous return of self-possession acts like a flash of lightning. Gwynplaine, indistinctly warned by a vague, rude, but honest misgiving, drew back, but the pink nails clung to his shoulders and restrained him. Some inexorable power proclaimed its sway over him. He himself, a wild beast, was caged in a wild beast’s den. | Une prise de possession réciproque, cela jette une sorte d’éclair. Gwynplaine, confusément averti par une vague crainte sauvage et honnête, recula, mais les ongles roses crispés sur son épaule le tenaient. Quelque chose d’inexorable s’ébauchait. Il était dans l’antre de la femme fauve, homme fauve lui-même. |
| She continued, | Elle reprit: |
| “Anne, the fool—you know whom I mean—the queen—ordered me to Windsor without giving any reason. When I arrived she was closeted with her idiot of a Chancellor. But how did you contrive to obtain access to me? That’s what I call being a man. Obstacles, indeed! there are no such things. You come at a call. You found things out. My name, the Duchess Josiana, you knew, I fancy. Who was it brought you in? No doubt it was the page. Oh, he is clever! I will give him a hundred guineas.Which way did you get in? Tell me! No, don’t tell me; I don’t want to know. Explanations diminish interest. I prefer the marvellous, and you are hideous enough to be wonderful. You have fallen from the highest heavens, or you have risen from the depths of hell through the devil’s trap-door. Nothing can be more natural. The ceiling opened or the floor yawned. A descent in a cloud, or an ascent in a mass of fire and brimstone, that is how you have travelled. You have a right to enter like the gods. Agreed; you are my lover.” | —Anne, cette sotte,—tu sais? la reine,—elle m’a fait venir à Windsor sans savoir pourquoi. Quand je suis arrivée, elle était enfermée avec son idiot de chancelier. Mais comment as-tu fait pour pénétrer jusqu’à moi? Voilà ce que j’appelle être un homme. Des obstacles. Il n’y en a pas. On est appelé, on accourt. Tu t’es renseigné? Mon nom, la duchesse Josiane, je pense que tu le savais. Qui est-ce qui t’a introduit? C’est le mousse sans doute. Il est intelligent. Je lui donnerai cent guinées. Comment t’y es-tu pris? dis-moi cela. Non, ne me le dis pas. Je ne veux pas le savoir. Expliquer rapetisse. Je t’aime mieux surprenant. Tu es assez monstrueux pour être merveilleux. Tu tombes de l’empyrée, voilà, ou tu montes du troisième dessous, à travers la trappe de l’Érèbe. Rien de plus simple, le plafond s’est écarté ou le plancher s’est ouvert. Une descente par les nuées ou une ascension dans un flamboiement de soufre, c’est ainsi que tu arrives. Tu mérites d’entrer comme les dieux. C’est dit, tu es mon amant. |
| Gwynplaine was scared, and listened, his mind growing more irresolute every moment. Now all was certain. Impossible to have any further doubt. That letter! the woman confirmed its meaning. Gwynplaine the lover and the beloved of a duchess! Mighty pride, with its thousand baleful heads, stirred his wretched heart. | Gwynplaine, égaré, écoutait, sentant de plus en plus sa pensée osciller. C’était fini. Et impossible de douter. La lettre de la nuit, cette femme la confirmait. Lui, Gwynplaine, amant d’une duchesse, amant aimé! l’immense orgueil aux mille têtes sombres remua dans ce cœur infortuné. |
| Vanity, that powerful agent within us, works us measureless evil. | La vanité, force énorme en nous, contre nous. |
| The duchess went on, | La duchesse continua: |
| “Since you are here, it is so decreed. I ask nothing more. There is some one on high, or in hell, who brings us together. The betrothal of Styx and Aurora! Unbridled ceremonies beyond all laws! The very day I first saw you I said, ‘It is he!’ I recognize him. He is the monster of my dreams. He shall be mine. We should give destiny a helping hand. Therefore I wrote to you. One question, Gwynplaine: do you believe in predestination? For my part, I have believed in it since I read, in Cicero, Scipio’s dream. Ah! I did not observe it. Dressed like a gentleman! You in fine clothes! Why not? You are a mountebank. All the more reason. A juggler is as good as a lord. Moreover, what are lords? Clowns. You have a noble figure; you are magnificently made. It is wonderful that you should be here.When did you arrive? How long have you been here? Did you see me naked? I am beautiful, am I not? I was going to take my bath. Oh, how I love you! You read my letter! Did you read it yourself? Did any one read it to you? Can you read? Probably you are ignorant. I ask questions, but don’t answer them. I don’t like the sound of your voice. It is soft. An extraordinary thing like you should snarl, and not speak. You sing harmoniously. I hate it. It is the only thing about you that I do not like. All the rest is terrible—is grand. In India you would be a god. Were you born with that frightful laugh on your face? No! No doubt it is a penal brand. I do hope you have committed some crime. Come to my arms. | —Puisque tu es là, c’est que c’est voulu. Je n’en demande pas davantage. Il y a quelqu’un en haut, ou en bas, qui nous jette l’un à l’autre. Fiançailles du Styx et de l’Aurore. Fiançailles effrénées hors de toutes les lois! Le jour où je t’ai vu, j’ai dit:—C’est lui. Je le reconnais. C’est le monstre de mes rêves. Il sera à moi.—Il faut aider le destin. C’est pourquoi je t’ai écrit. Une question, Gwynplaine? crois-tu à la prédestination? J’y crois, moi, depuis que j’ai lu le Songe de Scipion dans Cicéron. Tiens, je ne remarquais pas. Un habit de gentilhomme. Tu t’es habillé en seigneur. Pourquoi pas? Tu es saltimbanque. Raison de plus. Un bateleur vaut un lord. D’ailleurs, qu’est-ce que les lords? des clowns. Tu as une noble taille, tu es très bien fait. C’est inouï que tu sois ici! Quand es-tu arrivé? Depuis combien de temps es-tu là? Est-ce que tu m’as vue nue? je suis belle, n’est-ce pas? J’allais prendre mon bain. Oh! je t’aime. Tu as lu ma lettre! L’as-tu lue toi-même? Te l’a-t-on lue? Sais-tu lire? Tu dois être ignorant. Je te fais des questions, mais n’y réponds pas. Je n’aime pas ton son de voix. Il est doux. Un être incomparable comme toi ne devrait pas parler, mais grincer. Tu chantes, c’est harmonieux. Je hais cela. C’est la seule chose en toi qui me déplaise. Tout le reste est formidable, tout le reste est superbe. Dans l’Inde, tu serais dieu. Est-ce que tu es né avec ce rire épouvantable sur la face? Non, n’est-ce pas? C’est sans doute une mutilation pénale. J’espère bien que tu as commis quelque crime. Viens dans mes bras. |
| She sank on the couch, and made him sit beside her. They found themselves close together unconsciously. What she said passed over Gwynplaine like a mighty storm. He hardly understood the meaning of her whirlwind of words. Her eyes were full of admiration. She spoke tumultuously, frantically, with a voice broken and tender. Her words were music, but their music was to Gwynplaine as a hurricane. | Elle se laissa tomber sur le canapé et le fit tomber près d’elle. Ils se trouvèrent l’un près de l’autre sans savoir comment. Ce qu’elle disait passait sur Gwynplaine comme un grand vent. Il percevait à peine le sens de ce tourbillon de mots forcenés. Elle avait l’admiration dans les yeux. Elle parlait en tumulte, frénétiquement, d’une voix éperdue et tendre. Sa parole était une musique, mais Gwynplaine entendait cette musique comme une tempête. |
| Again she fixed her gaze upon him and continued,— | Elle appuya de nouveau sur lui son regard fixe. |
| “I feel degraded in your presence, and oh, what happiness that is! How insipid it is to be a grandee! I am noble; what can be more tiresome? Disgrace is a comfort. I am so satiated with respect that I long for contempt. We are all a little erratic, from Venus, Cleopatra, Mesdames de Chevreuse and de Longueville, down to myself. I will make a display of you, I declare. Here’s a love affair which will be a blow to my family, the Stuarts. Ah! I breathe again. I have discovered a secret. I am clear of royalty. To be free from its trammels is indeed deliverance. To break down, defy, make and destroy at will, that is true enjoyment. Listen, I love you.” | —Je me sens dégradée près de toi, quel bonheur! Être altesse, comme c’est fade! Je suis auguste, rien de plus fatigant. Déchoir repose. Je suis si saturée de respect que j’ai besoin de mépris. Nous sommes toutes un peu des extravagantes, à commencer par Vénus, Cléopâtre, mesdames de Chevreuse et de Longueville, et à finir par moi. Je t’afficherai, je le déclare. Voilà une amourette qui fera une contusion à la royale famille Stuart dont je suis. Ah! je respire! J’ai trouvé l’issue. Je suis hors de là majesté. Être déclassée, c’est être délivrée. Tout rompre, tout braver, tout faire, tout défaire, c’est vivre. Écoute, je t’aime. |
| She paused; then with a frightful smile went on, | Elle s’interrompit, et eut un effrayant sourire. |
| “I love you, not only because you are deformed, but because you are low. I love monsters, and I love mountebanks. A lover despised, mocked, grotesque, hideous, exposed to laughter on that pillory called a theatre, has for me an extraordinary attraction. It is tasting the fruit of hell. An infamous lover, how exquisite! To taste the apple, not of Paradise, but of hell—such is my temptation. It is for that I hunger and thirst. I am that Eve, the Eve of the depths. Probably you are, unknown to yourself, a devil. I am in love with a nightmare. You are a moving puppet, of which the strings are pulled by a spectre. You are the incarnation of infernal mirth. You are the master I require. I wanted a lover such as those of Medea and Canidia. I felt sure that some night would bring me such a one.You are all that I want. I am talking of a heap of things of which you probably know nothing. Gwynplaine, hitherto I have remained untouched; I give myself to you, pure as a burning ember. You evidently do not believe me; but if you only knew how little I care!” | —Je t’aime non seulement parce que tu es difforme, mais parce que tu es vil. J’aime le monstre, et j’aime l’histrion. Un amant humilié, bafoué, grotesque, hideux, exposé aux rires sur ce pilori qu’on appelle un théâtre, cela a une saveur extraordinaire. C’est mordre au fruit de l’abîme. Un amant infamant, c’est exquis. Avoir sous la dent la pomme, non du paradis, mais de l’enfer, voilà ce qui me tente, j’ai cette faim et cette soif, et je suis cette Ève-là. L’Ève du gouffre. Tu es probablement, sans le savoir, un démon. Je me suis gardée à un masque du songe. Tu es un pantin dont un spectre tient les fils. Tu es la vision du grand rire infernal. Tu es le maître que j’attendais. Il me fallait un amour comme en ont les Médées et les Canidies. J’étais sûre qu’il m’arriverait une de ces immenses aventures de la nuit. Tu es ce que je voulais. Je te dis là un tas de choses que tu ne dois pas comprendre. Gwynplaine, personne ne m’a possédée, je me donne à toi pure comme la braise ardente. Tu ne me crois évidemment pas, mais si tu savais comme cela m’est égal! |
| Her words flowed like a volcanic eruption. Pierce Mount Etna, and you may obtain some idea of that jet of fiery eloquence. | Ses paroles avaient le pêle-mêle de l’éruption. Une piqûre au flanc de l’Etna donnerait l’idée de ce jet de flamme. |
| Gwynplaine stammered, | Gwynplaine balbutia: |
| “Madame—” | —Madame… |
| he placed her hand on his mouth. | Elle lui mit la main sur la bouche. |
| “Silence,” she said. “I am studying you. I am unbridled desire, immaculate. I am a vestal bacchante. No man has known me, and I might be the virgin pythoness at Delphos, and have under my naked foot the bronze tripod, where the priests lean their elbows on the skin of the python, whispering questions to the invisible god. My heart is of stone, but it is like those mysterious pebbles which the sea washes to the foot of the rock called Huntly Nabb, at the mouth of the Tees, and which if broken are found to contain a serpent. That serpent is my love—a love which is all-powerful, for it has brought you to me. An impossible distance was between us. I was in Sirius, and you were in Allioth. You have crossed the immeasurable space, and here you are. ‘Tis well. Be silent. Take me.” | —Silence! je te contemple. Gwynplaine, je suis l’immaculée effrénée. Je suis la vestale bacchante. Aucun homme ne m’a connue, et je pourrais être Pythie à Delphes, et avoir sous mon talon nu le trépied de bronze où les prêtres, accoudés sur la peau de Python, chuchotent des questions au dieu invisible. Mon cœur est de pierre, mais il ressemble à ces cailloux mystérieux que la mer roule au pied du rocher Huntly Nabb, à l’embouchure de la Thees, et dans lesquels, si on les casse, on trouve un serpent. Ce serpent, c’est mon amour. Amour tout-puissant, car il t’a fait venir. La distance impossible était entre nous. J’étais dans Sirius et tu étais dans Allioth. Tu as fait la traversée démesurée, et te voilà. C’est bien. Tais-toi. Prends-moi. |
| She ceased; he trembled. Then she went on, smiling, | Elle s’arrêta. Il frissonnait. Elle se remit à sourire. |
| “You see, Gwynplaine, to dream is to create; to desire is to summon. To build up the chimera is to provoke the reality. The all-powerful and terrible mystery will not be defied. It produces result. You are here. Do I dare to lose caste? Yes. Do I dare to be your mistress—your concubine—your slave—your chattel? Joyfully. Gwynplaine, I am woman. Woman is clay longing to become mire. I want to despise myself. That lends a zest to pride. The alloy of greatness is baseness. They combine in perfection. Despise me, you who are despised. Nothing can be better. Degradation on degradation. What joy! I pluck the double blossom of ignominy. Trample me under foot. You will only love me the more. I am sure of it. Do you understand why I idolize you? Because I despise you.You are so immeasurably below me that I place you on an altar. Bring the highest and lowest depths together, and you have Chaos, and I delight in Chaos—Chaos, the beginning and end of everything. What is Chaos? A huge blot. Out of that blot God made light, and out of that sink the world. You don’t know how perverse I can be. Knead a star in mud, and you will have my likeness.” | —Vois-tu, Gwynplaine, rêver, c’est créer. Un souhait est un appel. Construire une chimère, c’est provoquer la réalité. L’ombre toute-puissante et terrible ne se laisse pas défier. Elle nous satisfait. Te voilà. Oserai-je me perdre? oui. Oserai-je être ta maîtresse, ta concubine, ton esclave, ta chose? avec joie. Gwynplaine, je suis la femme. La femme, c’est de l’argile qui désire être fange. J’ai besoin de me mépriser. Cela assaisonne l’orgueil. L’alliage de la grandeur, c’est la bassesse. Rien ne se combine mieux. Méprise-moi, toi qu’où méprise. L’avilissement sous l’avilissement, quelle volupté! la fleur double de l’ignominie! je la cueille. Foule-moi aux pieds. Tu ne m’en aimeras que mieux. Je le sais, moi. Sais-tu pourquoi je t’idolâtre? parce que je te dédaigne. Tu es si au-dessous de moi que je te mets sur un autel. Mêler le haut et le bas, c’est le chaos, et le chaos me plaît. Tout commence et finit par le chaos. Qu’est-ce que le chaos? une immense souillure. Et avec cette souillure, Dieu a fait la lumière, et avec cet égout, Dieu a fait le monde. Tu ne sais pas à quel point je suis perverse. Pétris un astre dans de la boue, ce sera moi. |
| Ainsi parlait cette femme formidable, montrant nu, par sa robe défaite, son torse de vierge. | |
| She went on,— | Elle poursuivit: |
| “A wolf to all beside; a faithful dog to you. How astonished they will all be! The astonishment of fools is amusing. I understand myself. Am I a goddess? Amphitrite gave herself to the Cyclops. Fluctivoma Amphitrite. Am I a fairy? Urgele gave herself to Bugryx, a winged man, with eight webbed hands. Am I a princess? Marie Stuart had Rizzio. Three beauties, three monsters. I am greater than they, for you are lower than they. Gwynplaine, we were made for one another. The monster that you are outwardly, I am within. Thence my love for you. A caprice? Just so. What is a hurricane but a caprice? Our stars have a certain affinity. Together we are things of night—you in your face, I in my mind. As your countenance is defaced, so is my mind. You, in your turn, create me. You come, and my real soul shows itself. I did not know it. It is astonishing. Your coming has evoked the hydra in me, who am a goddess. You reveal my real nature. See how I resemble you. Look at me as if I were a mirror. Your face is my mind. I did not know I was so terrible. I am also, then,a monster. O Gwynplaine, you do amuse me!” | —Louve pour tous, chienne pour toi. Comme on va s’étonner! l’étonnement des imbéciles est doux. Moi, je me comprends. Suis-je une déesse? Amphitrite s’est donnée au Cyclope. Fluctivoma Amphitrite. Suis-je une fée? Urgèle s’est livrée à Bugryx, l’androptère aux huit mains palmées. Suis-je une princesse? Marie Stuart a eu Rizzio. Trois belles, trois monstres. Je suis plus grande qu’elles, car tu es pire qu’eux. Gwynplaine, nous sommes faits l’un pour l’autre. Le monstre que tu es dehors, je le suis dedans. De là mon amour. Caprice, soit. Qu’est-ce que l’ouragan? un caprice. Il y a entre nous une affinité sidérale; l’un et l’autre nous sommes de la nuit, toi par la face, moi par l’intelligence. A ton tour tu me crées. Tu arrives, voilà mon âme dehors. Je ne la connaissais pas. Elle est surprenante. Ton approche fait sortir l’hydre de moi, déesse. Tu me révèles ma vraie nature. Tu me fais faire la découverte de moi-même. Vois comme je te ressemble. Regarde dans moi comme dans un miroir. Ton visage, c’est mon âme. Je ne savais pas être à ce point terrible. Moi aussi je suis donc un monstre! O Gwynplaine, tu me désennuies. |
| She laughed, a strange and childlike laugh; and, putting her mouth close to his ear, whispered,— | Elle eut un étrange rire d’enfant, s’approcha de son oreille et lui dit tout bas: |
| “Do you want to see a mad woman? look at me.” | —Veux-tu voir une femme folle? c’est moi. |
| She poured her searching look into Gwynplaine. A look is a philtre. Her loosened robe provoked a thousand dangerous feelings. Blind, animal ecstasy was invading his mind—ecstasy combined with agony. | Son regard entrait dans Gwynplaine. Un regard est un philtre. Sa robe avait des dérangements redoutables. L’extase aveugle et bestiale envahissait Gwynplaine. Extase où il y avait de l’agonie. |
| Whilst she spoke, though he felt her words like burning coals, his blood froze within his veins. He had not strength to utter a word. She stopped, and looked at him. “O monster!” she cried. She grew wild. | Pendant que cette femme parlait, il sentait comme des éclaboussures de feu. Il sentait sourdre l’irréparable. Il n’avait pas la force de dire un mot. Elle s’interrompait, elle le considérait: O monstre! murmurait-elle. Elle était farouche. |
| Suddenly she seized his hands. | Brusquement, elle lui saisit les mains. |
| “Gwynplaine, I am the throne; you are the footstool. Let us join on the same level. Oh, how happy I am in my fall! I wish all the world could know how abject I am become. It would bow down all the lower. The more man abhors, the more does he cringe. It is human nature. Hostile, but reptile; dragon, but worm. Oh, I am as depraved as are the gods! They can never say that I am not a king’s bastard. I act like a queen. Who was Rodope but a queen loving Pteh, a man with a crocodile’s head? She raised the third pyramid in his honour. Penthesilea loved the centaur, who, being now a star, is named Sagittarius. And what do you say about Anne of Austria? Mazarin was ugly enough! Now, you are not only ugly; you are deformed. Ugliness is mean, deformity is grand. Ugliness is the devil’s grin behind beauty;deformity is the reverse of sublimity. It is the back view. Olympus has two aspects. One, by day, shows Apollo; the other, by night, shows Polyphemus. You—you are a Titan. You would be Behemoth in the forests, Leviathan in the deep, and Typhon in the sewer. You surpass everything. There is the trace of lightning in your deformity; your face has been battered by the thunderbolt. The jagged contortion of forked lightning has imprinted its mark on your face. It struck you and passed on. A mighty and mysterious wrath has, in a fit of passion, cemented your spirit in a terrible and superhuman form. Hell is a penal furnace, where the iron called Fatality is raised to a white heat. You have been branded with it. To love you is to understand grandeur. I enjoy that triumph. To be in love with Apollo—a fine effort, forsooth!Glory is to be measured by the astonishment it creates. I love you. I have dreamt of you night after night. This is my palace. You shall see my gardens. There are fresh springs under the shrubs; arbours for lovers; and beautiful groups of marble statuary by Bernini. Flowers! there are too many—during the spring the place is on fire with roses. Did I tell you that the queen is my sister? Do what you like with me. I am made for Jupiter to kiss my feet, and for Satan to spit in my face. Are you of any religion? I am a Papist. My father, James II., died in France, surrounded by Jesuits. I have never felt before as I feel now that I am near you. Oh, how I should like to pass the evening with you, in the midst of music, both reclining on the same cushion, under a purple awning, in a gilded gondola on the soft expanse of ocean! Insult me, beat me,kick me, cuff me, treat me like a brute! I adore you.” Caresses can roar. If you doubt it, observe the lion’s. The woman was horrible, and yet full of grace. The effect was tragic. First he felt the claw, then the velvet of the paw. A feline attack, made up of advances and retreats. There was death as well as sport in this game of come and go. She idolized him, but arrogantly. The result was contagious frenzy. Fatal language, at once inexpressible, violent, and sweet. The insulter did not insult; the adorer outraged the object of adoration. She, who buffeted, deified him. Her tones imparted to her violent yet amorous words an indescribable Promethean grandeur. According to Æschylus, in the orgies in honour of the great goddess the women were smitten by this evil frenzy when they pursued the satyrs under the stars. Such paroxysms raged in the mysterious dances in the grove of Dodona.This woman was as if transfigured—if, indeed, we can term that transfiguration which is the antithesis of heaven. Her hair quivered like a mane; her robe opened and closed. The sunshine of the blue eye mingled with the fire of the black one. She was unearthly. Gwynplaine, giving way, felt himself vanquished by the deep subtilty of this attack. | —Gwynplaine, je suis le trône, tu es le tréteau. Mettons-nous de plain-pied. Ah! je suis heureuse, me voilà tombée. Je voudrais que tout le monde pût savoir à quel point je suis abjecte. Ou s’en prosternerait davantage, car plus on abhorre, plus on rampe. Ainsi est fait le genre humain. Hostile, mais reptile. Dragon, mais ver. Oh! je suis dépravée comme les dieux. On ne peut toujours pas m’ôter cela d’être la bâtarde d’un roi. J’agis en reine. Qu’était-ce que Rhodope? Une reine qui aima Phtèh, l’homme à la tête de crocodile. Elle a bâti en son honneur la troisième pyramide. Penthésilée a aimé le centaure, qui s’appelle le Sagittaire, et qui est une constellation. Et que dis-tu d’Anne d’Autriche? Mazarin était-il assez laid! Tu n’es pas laid, toi, tu es difforme. Le laid est petit, le difforme est grand. Le laid, c’est la grimace du diable derrière le beau. Le difforme est l’envers du sublime. C’est l’autre côté. L’Olympe a deux versants; l’un, dans la clarté, donne Apollon; l’autre, dans la nuit, donne Polyphème. Toi, tu es Titan. Tu serais Béhémoth dans la forêt, Léviathan dans l’océan, Typhon dans le cloaque. Tu es suprême. Il y a de la foudre dans ta difformité. Ton visage a été dérangé par un coup de tonnerre. Ce qui est sur ta face, c’est la torsion courroucée du grand poing de flamme. Il t’a pétri et il a passé. La vaste colère obscure a, dans un accès de rage, englué ton âme sous cette effroyable figure surhumaine. L’enfer est un réchaud pénal où chauffe ce fer rouge qu’on appelle la Fatalité; tu es marqué de ce fer-là. T’aimer, c’est comprendre le grand. J’ai ce triomphe. Être amoureuse d’Apollon, le bel effort! La gloire se mesure à l’étonnement. Je t’aime. J’ai rêvé de toi des nuits, des nuits, des nuits! C’est ici un palais à moi. Tu verras mes jardins. Il y a des sources sous les feuilles, des grottes où l’on peut s’embrasser, et de très beaux groupes de marbre qui sont du cavalier Bernin. Et des fleurs! Il y en a trop. Au printemps, c’est un incendie de roses. T’ai-je dit que la reine était ma sœur? Fais de moi ce que tu voudras. Je suis faite pour que Jupiter baise mes pieds et pour que Satan me crache au visage. As-tu une religion? Moi je suis papiste. Mon père Jacques II est mort en France avec un tas de jésuites autour de lui. Jamais je n’ai ressenti ce que j’éprouve auprès de toi. Oh! je voudrais être le soir avec toi, pendant qu’on ferait de la musique, tous deux adossés au même coussin, sous le tendelet de pourpre d’une galère d’or, au milieu des douceurs infinies de la mer. Insulte-moi. Bats-moi. Paye-moi. Traite-moi comme une créature. Je t’adore. Les caresses peuvent rugir. En doutez-vous? entrez chez les lions. L’horreur était dans cette femme et se combinait avec la grâce. Rien de plus tragique. On sentait la griffe, on sentait le velours. C’était l’attaque féline, mêlée de retraite. Il y avait du jeu et du meurtre dans ce va-et-vient. Elle idolâtrait, insolemment. Le résultat, c’était la démence communiquée. Fatal langage, inexprimablement violent et doux. Ce qui insultait n’insultait pas. Ce qui adorait outrageait. Ce qui souffletait déifiait. Son accent imprimait à ses paroles furieuses et amoureuses on ne sait quelle grandeur prométhéenne. Les fêtes de la Grande Déesse, chantées par Eschyle, donnaient aux femmes cherchant les satyres sous les étoiles cette sombre rage épique. Ces paroxysmes compliquaient les danses obscures sous les branches de Dodone. Cette femme était comme transfigurée, s’il est possible qu’on se transfigure du côté opposé au ciel. Ses cheveux avaient des frissons de crinière; sa robe se refermait, puis se rouvrait; rien de charmant comme ce sein plein de cris sauvages, les rayons de son œil bleu se mêlaient aux flamboiements de son œil noir, elle était surnaturelle. Gwynplaine, défaillant, se sentait vaincu par la pénétration profonde d’une telle approche. |
| “I love you!” she cried. | —Je t’aime! cria-t-elle. |
| And she bit him with a kiss. | Et elle le mordit d’un baiser. |
| Homeric clouds were, perhaps, about to be required to encompass Gwynplaine and Josiana, as they did Jupiter and Juno. For Gwynplaine to be loved by a woman who could see and who saw him, to feel on his deformed mouth the pressure of divine lips, was exquisite and maddening. Before this woman, full of enigmas, all else faded away in his mind. The remembrance of Dea struggled in the shadows with weak cries. There is an antique bas-relief representing the Sphinx devouring a Cupid. The wings of the sweet celestial are bleeding between the fierce, grinning fangs. | Homère a des nuages qui peut-être allaient devenir nécessaires sur Gwynplaine et Josiane comme sur Jupiter et Junon. Pour Gwynplaine, être aimé par une femme qui avait un regard et qui le voyait, avoir sur sa bouche informe une pression de lèvres divines, c’était exquis et fulgurant. Il sentait devant cette femme pleine d’énigmes tout s’évanouir en lui. Le souvenir de Dea se débattait dans cette ombre avec de petits cris. Il y a un bas-relief antique qui représente le sphinx mangeant un amour; les ailes du doux être céleste saignent entre ces dents féroces et souriantes. |
| Did Gwynplaine love this woman? Has man, like the globe, two poles? Are we, on our inflexible axis, a moving sphere, a star when seen from afar, mud when seen more closely, in which night alternates with day? Has the heart two aspects—one on which its love is poured forth in light; the other in darkness? Here a woman of light, there a woman of the sewer. Angels are necessary. Is it possible that demons are also essential? Has the soul the wings of the bat? Does twilight fall fatally for all? Is sin an integral and inevitable part of our destiny? Must we accept evil as part and portion of our whole? Do we inherit sin as a debt? What awful subjects for thought! | Est-ce que Gwynplaine aimait cette femme? Est-ce que l’homme a, comme le globe, deux pôles? Sommes-nous, sur notre axe inflexible, la sphère tournante, astre de loin, boue de près, où alternent le jour et la nuit? Le cœur a-t-il deux côtés, l’un qui aime dans la lumière, l’autre qui aime dans les ténèbres? Ici la femme rayon; là la femme cloaque. L’ange est nécessaire. Est-ce qu’il serait possible que le démon, lui aussi, fût un besoin? Y a-t-il pour l’âme l’aile de chauve-souris? l’heure crépusculaire sonne-t-elle fatalement pour tous? la faute fait-elle partie intégrante de notre destinée non refusable? le mal, dans notre nature, est-il à prendre en bloc, avec le reste? est-ce que la faute est une dette à payer? Frémissements profonds. |
| Yet a voice tells us that weakness is a crime. Gwynplaine’s feelings are not to be described. The flesh, life, terror, lust, an overwhelming intoxication of spirit, and all the shame possible to pride. Was he about to succumb? | Et une voix pourtant nous dit que c’est un crime d’être faible. Ce que Gwynplaine éprouvait était indicible, la chair, la vie, l’effroi, la volupté, une ivresse accablée, et toute la quantité de honte qu’il y a dans l’orgueil. Est-ce qu’il allait tomber? |
| She repeated, “I love you!” | Elle répéta:—Je t’aime! |
| and flung her frenzied arms around him. | Et, frénétique, elle l’étreignit contre sa poitrine. |
| Gwynplaine panted. | Gwynplaine haletait. |
| Suddenly close at hand there rang, clear and distinct, a little bell. It was the little bell inside the wall. The duchess, turning her head, said,— | Tout à coup, tout près d’eux, une petite sonnerie ferme et claire vibra. C’était le timbre scellé dans le mur qui tintait. La duchesse tourna la tête, et dit: |
| “What does she want of me?” | —Qu’est-ce qu’elle me veut? |
| Quickly, with the noise of a spring door, the silver panel, with the golden crown chased on it, opened. | Et brusquement, avec le bruit d’une trappe à ressort, le panneau d’argent incrusté d’une couronne royale s’ouvrit. |
| A compartment of a shaft, lined with royal blue velvet, appeared, and on a golden salver a letter. | L’intérieur d’un tour, tapissé de velours bleu prince, apparut avec une lettre sur une assiette d’or. |
| The letter, broad and weighty, was placed so as to exhibit the seal, which was a large impression in red wax. The bell continued to tinkle. | Cette lettre était volumineuse et carrée et posée de façon à montrer le cachet, qui était une grande empreinte sur de la cire vermeille. Le timbre continuait de sonner. |
| The open panel almost touched the couch where the duchess and Gwynplaine were sitting. Leaning over, but still keeping her arm round his neck, she took the letter from the plate, and touched the panel. The compartment closed in, and the bell ceased ringing. | Le panneau ouvert touchait presque au canapé où tous deux étaient assis. La duchesse, penchée et se retenant d’un bras au cou de Gwynplaine, étendit l’autre bras, prit la lettre sur l’assiette, et repoussa le panneau. Le tour se referma et le timbre se tut. |
| The duchess broke the seal, and, opening the envelope, drew out two documents contained therein, and flung it on the floor at Gwynplaine’s feet. | La duchesse cassa la cire entre ses doigts, défit l’enveloppe, en tira deux plis qu’elle contenait, et jeta l’enveloppe à terre aux pieds de Gwynplaine. |
| The impression of the broken seal was still decipherable, and Gwynplaine could distinguish a royal crown over the initial A. | Le sceau de cire brisé restait déchiffrable, et Gwynplaine put y distinguer une couronne royale et au-dessous la lettre A. |
| The torn envelope lay open before him, so that he could read, “To Her Grace the Duchess Josiana.” | L’enveloppe déchirée étalait ses deux côtés, de sorte qu’on pouvait en même temps lire la suscription: A sa grâce la duchesse Josiane. |
| The envelope had contained both vellum and parchment. The former was a small, the latter a large document. On the parchment was a large Chancery seal in green wax, called Lords’ sealing-wax. The face of the duchess, whose bosom was palpitating, and whose eyes were swimming with passion, became overspread with a slight expression of dissatisfaction. | Les deux plis qu’avait contenus l’enveloppe étaient un parchemin et un vélin. Le parchemin était grand, le vélin était petit. Sur le parchemin était empreint un large sceau de chancellerie, en cette cire verte dite cire de seigneurie. La duchesse, toute palpitante et les yeux noyés d’extase, fit une imperceptible moue d’ennui. |
| “Ah!” she said. “What does she send me? A lot of papers! What a spoil-sport that woman is!” | —Ah! dit-elle, qu’est-ce qu’elle m’envoie là? Une paperasse! Quel trouble-fête que cette femme! |
| Pushing aside the parchment, she opened the vellum. | Et, laissant de côté le parchemin, elle entr’ouvrit le vélin. |
| “It is her handwriting. It is my sister’s hand. It is quite provoking. Gwynplaine, I asked you if you could read. Can you?” | —C’est de son écriture. C’est de l’écriture de ma sœur. Cela me fatigue. Gwynplaine, je t’ai demandé si tu savais lire. Sais-tu lire? |
| Gwynplaine nodded assent. | Gwynplaine fit de la tête signe que oui. |
| She stretched herself at full length on the couch, carefully drew her feet and arms under her robe, with a whimsical affectation of modesty, and, giving Gwynplaine the vellum, watched him with an impassioned look. | Elle s’étendit sur le canapé, presque comme une femme couchée, cacha soigneusement ses pieds sous sa robe et ses bras sous ses manches, avec une pudeur bizarre, tout en laissant voir son sein, et, couvrant Gwynplaine d’un regard passionné, elle lui tendit le vélin. |
| “Well, you are mine. Begin your duties, my beloved. Read me what the queen writes.” | —Eh bien, Gwynplaine, tu es à moi. Commence ton service. Mon bien-aimé, lis-moi ce que m’écrit la reine. |
| Gwynplaine took the vellum, unfolded it, and, in a voice tremulous with many emotions, began to read:— | Gwynplaine prit le vélin, il défit le pli, et, d’une voix où il y avait toutes sortes de tremblements, il lut: |
| “MADAM, | «Madame, |
| —We are graciously pleased to send to you herewith, sealed and signed by our trusty and well-beloved William Cowper, Lord High Chancellor of England, a copy of a report showing forth the very important fact that the legitimate son of Linnæus Lord Clancharlie has just been discovered and recognized, bearing the name of Gwynplaine, in the lowest rank of a wandering and vagabond life, among strollers and mountebanks. His false position dates from his earliest days. In accordance with the laws of the country, and in virtue of his hereditary rights, Lord Fermain Clancharlie, son of Lord Linnæus, will be this day admitted, and installed in his position in the House of Lords. Therefore, having regard to your welfare, and wishing to preserve for your use the property and estates of Lord Clancharlie of Hunkerville,we substitute him in the place of Lord David Dirry-Moir, and recommend him to your good graces. We have caused Lord Fermain to be conducted to Corleone Lodge. We will and command, as sister and as Queen, that the said Fermain Lord Clancharlie, hitherto called Gwynplaine, shall be your husband, and that you shall marry him. Such is our royal pleasure.” | «Nous vous envoyons gracieusement la copie ci-jointe d’un procès-verbal, certifié et signé par notre serviteur William Cowper, lord chancelier de ce royaume d’Angleterre, et duquel il résulte cette particularité considérable que le fils légitime de lord Linnaeus Clancharlie vient d’être constaté et retrouvé, sous le nom de Gwynplaine, dans la bassesse d’une existence ambulante et vagabonde et parmi des saltimbanques et bateleurs. Cette suppression d’état remonte à son plus bas âge. En conséquence des lois du royaume, et en vertu de son droit héréditaire, lord Fermain Clancharlie, fils de lord Linnaeus, sera, ce jourd’hui même, admis et réintégré dans la chambre des lords. C’est pourquoi, voulant vous bien traiter et vous conserver la transmission des biens et domaines des lords Clancharlie Hunkerville, nous le substituons dans vos bonnes grâces à lord David Dirry-Moir. Nous avons fait amener lord Fermain dans votre résidence de Corleone-lodge; nous commandons et voulons, comme reine et sœur, que notre dit lord Fermain Clancharlie, nommé jusqu’à ce jour Gwynplaine, soit votre mari, et vous l’épouserez, et c’est notre plaisir royal.» |
| While Gwynplaine, in tremulous tones which varied at almost every word, was reading the document, the duchess, half risen from the couch, listened with fixed attention. When Gwynplaine finished, she snatched the letter from his hands. | Pendant que Gwynplaine lisait, avec des intonations qui chancelaient presque à chaque mot, la duchesse, soulevée du coussin du canapé, écoutait, l’œil fixe. Comme Gwynplaine achevait, elle lui arracha la lettre. |
| “Anne R,” she murmured in a tone of abstraction. | —ANNE, REINE, dit-elle, lisant la signature, avec une intonation de rêverie. |
| Then picking up from the floor the parchment she had thrown down, she ran her eye over it. It was the confession of the shipwrecked crew of the Matutina, embodied in a report signed by the sheriff of Southwark and by the lord chancellor. | Puis elle ramassa à terre le parchemin qu’elle avait jeté, et y promena son regard. C’était la déclaration des naufragés de la Matutina, copiée sur un procès-verbal signé du shériff de Southwark et du lord-chancelier. |
| Having perused the report, she read the queen’s letter over again. Then she said, | Le procès-verbal lu, elle relut le message de la reine. Puis elle dit: |
| “Be it so.” | —Soit. |
| And calmly pointing with her finger to the door of the gallery through which he had entered, | Et, calme, montrant du doigt à Gwynplaine la portière de la galerie par où il était entré: |
| she added, “Begone.” | —Sortez, dit-elle. |
| Gwynplaine was petrified, and remained immovable. | Gwynplaine, pétrifié, demeura immobile. |
| She repeated, in icy tones, | Elle reprit, glaciale: |
| “Since you are my husband, begone | —Puisque vous êtes mon mari, sortez. |
| ” Gwynplaine, speechless, and with eyes downcast like a criminal, remained motionless. She added, | Gwynplaine, sans parole, les yeux baissés comme un coupable, ne bougeait pas. Elle ajouta: |
| “You have no right to be here; it is my lover’s place.” | —Vous n’avez pas le droit d’être ici. C’est la place de mon amant. |
| Gwynplaine was like a man transfixed. | Gwynplaine était comme cloué. |
| “Very well,” said she; “I must go myself. So you are my husband. Nothing can be better. I hate you.” | —Bien, dit-elle. Ce sera moi, je m’en vais. Ah! vous êtes mon mari! Rien de mieux. Je vous hais. |
| She rose, and with an indescribably haughty gesture of adieu left the room. | Et se levant, jetant à on ne sait qui dans l’espace un hautain geste d’adieu, elle sortit. |
| The curtain in the doorway of the gallery fell behind her. | La portière de la galerie se referma sur elle. |
| CHAPTER V. THEY RECOGNIZE, BUT DO NOT KNOW, EACH OTHER. | V ON SE RECONNAIT, MAIS ON NE SE CONNAIT PAS |
| Gwynplaine was alone | Gwynplaine demeura seul. |
| —alone, and in the presence of the tepid bath and the deserted couch. | Seul en présence de cette baignoire tiède et de ce lit défait. |
| The confusion in his mind had reached its culminating point. His thoughts no longer resembled thoughts. They overflowed and ran riot; it was the anguish of a creature wrestling with perplexity. He felt as if he were awaking from a horrid nightmare. | La pulvérisation des idées était en lui à son comble. Ce qu’il pensait ne ressemblait pas à de la pensée. C’était une diffusion, une dispersion, l’angoisse d’être dans l’incompréhensible. Il avait en lui quelque chose comme le sauve-qui-peut d’un rêve. |
| The entrance into unknown spheres is no simple matter. | L’entrée dans les mondes inconnus n’est pas une chose simple. |
| From the time he had received the duchess’s letter, brought by the page, a series of surprising adventures had befallen Gwynplaine, each one less intelligible than the other. Up to this time, though in a dream, he had seen things clearly. Now he could only grope his way. | A partir de la lettre de la duchesse, apportée par le mousse, une série d’heures surprenantes avait commencé pour Gwynplaine, de moins en moins intelligibles. Jusqu’à cet instant il était dans le songe, mais il y voyait clair. Maintenant il y tâtonnait. |
| He no longer thought, nor even dreamed. He collapsed | Il ne pensait pas. Il ne songeait même plus. Il subissait. |
| . He sank down upon the couch which the duchess had vacated. | Il restait assis sur le canapé, à l’endroit où la duchesse l’avait laissé. |
| Suddenly he heard a sound of footsteps, and those of a man. The noise came from the opposite side of the gallery to that by which the duchess had departed. The man approached, and his footsteps, though deadened by the carpet, were clear and distinct. Gwynplaine, in spite of his abstraction, listened. | Tout à coup il y eut dans cette ombre un bruit de pas. C’était un pas d’homme. Ce pas venait du côté opposé à la galerie par où était sortie la duchesse. Il approchait, et on l’entendait sourdement, mais nettement. Gwynplaine, quelle que fût son absorption, prêta l’oreille. |
| Suddenly, beyond the silver web of curtain which the duchess had left partly open, a door, evidently concealed by the painted glass, opened wide, and there came floating into the room the refrain of an old French song, carolled at the top of a manly and joyous voice,— | Subitement, au delà du rideau de toile d’argent que la duchesse avait laissé entr’ouvert, derrière le lit, la porte qu’il était aisé de soupçonner sous la glace peinte s’ouvrit toute grande, et une voix mâle et joyeuse, chantant à pleine gorge, jeta dans la chambre aux miroirs ce refrain d’une vieille chanson française: |
| “Three little piglets on their manure Swore like chair carriers,” | Trois petits gorets sur leur fumier Juraient comme des porteurs de chaise. |
| and a man entered. | Un homme entra. |
| He wore a sword by his side, a magnificent naval uniform, covered with gold lace, and held in his hand a plumed hat with loops and cockade. | Cet homme avait l’épée au côté et à la main un chapeau à plumes avec ganse et cocarde, et était vêtu d’un magnifique habit de mer, galonné. |
| Gwynplaine sprang up erect as if moved by springs. | Gwynplaine se dressa, comme si un ressort le mettait debout. |
| He recognized the man, and was, in turn, recognized by him. | Il reconnut cet homme et cet homme le reconnut. |
| From their astonished lips came, simultaneously, this double exclamation:— | De leurs deux bouches stupéfaites s’échappa en même temps ce double cri: |
| “Gwynplaine!” | —Gwynplaine! |
| “Tom-Jim-Jack!” | —Tom-Jim-Jack! |
| The man with the plumed hat advanced towards Gwynplaine, who stood with folded arms. | L’homme au chapeau à plumes marcha sur Gwynplaine, qui croisa les bras. |
| “What are you doing here, Gwynplaine?” | —Comment es-tu ici, Gwynplaine? |
| “And you, Tom-Jim-Jack, what are you doing here?” | —Et toi, Tom-Jim-Jack, comment y viens-tu? |
| “Oh! I understand. Josiana! a caprice. A mountebank and a monster! The double attraction is too powerful to be resisted. You disguised yourself in order to get here, Gwynplaine?” | —Ah! je comprends. Josiane! un caprice. Un saltimbanque qui est un monstre, c’est trop beau pour qu’on y résiste. Tu t’es déguisé pour venir ici, Gwynplaine. |
| “And you, too, Tom-Jim-Jack?” “Gwynplaine, what does this gentleman’s dress mean?” “Tom-Jim-Jack, what does that officer’s uniform mean?” “Gwynplaine, I answer no questions.” “Neither do I, Tom-Jim-Jack.” “Gwynplaine, my name is not Tom-Jim-Jack.” “Tom-Jim-Jack, my name is not Gwynplaine.” “Gwynplaine, I am here in my own house.” “I am here in my own house, Tom-Jim-Jack.” “I will not have you echo my words. You are ironical; but I’ve got a cane. An end to your jokes, you wretched fool.” | —Et toi aussi, Tom-Jim-Jack. —Gwynplaine, que signifie cet habit de seigneur? —Tom-Jim-Jack, que signifie cet habit d’officier? —Gwynplaine, je ne réponds pas aux questions. —Ni moi, Tom-Jim-Jack. —Gwynplaine, je ne m’appelle pas Tom-Jim-Jack. —Tom-Jim-Jack, je ne m’appelle pas Gwynplaine. —Gwynplaine, je suis ici chez moi. —Je suis ici chez moi, Tom-Jim-Jack. —Je te défends de me faire écho. Tu as l’ironie, mais j’ai ma canne. Trêve à tes parodies, misérable drôle. |
| Gwynplaine became ashy pale. | Gwynplaine devint pâle. |
| “You are a fool yourself, and you shall give me satisfaction for this insult.” “In your booth as much as you like, with fisticuffs.” “Here, and with swords?” | —Drôle toi-même! et tu me rendras raison de cette insulte. —Dans ta baraque, tant que tu voudras. A coups de poing. —Ici, et à coups d’épée. |
| “My friend Gwynplaine, the sword is a weapon for gentlemen. With it I can only fight my equals. At fisticuffs we are equal, but not so with swords. At the Tadcaster Inn Tom-Jim-Jack could box with Gwynplaine; at Windsor the case is altered. Understand this: I am a rear-admiral.” | —L’ami Gwynplaine, l’épée est affaire de gentilshommes. Je ne me bats qu’avec mes pareils. Nous sommes égaux devant le poing, inégaux devant l’épée. A l’inn Tadcaster, Tom-Jim-Jack peut boxer Gwynplaine. A Windsor, c’est différent. Apprends ceci: je suis contre-amiral. |
| “And I am a peer of England.” | —Et moi, je suis pair d’Angleterre. |
| The man whom Gwynplaine recognized as Tom-Jim-Jack burst out laughing. | L’homme en qui Gwynplaine voyait Tom-Jim-Jack éclata de rire. |
| “Why not a king? Indeed, you are right. An actor plays every part. You’ll tell me next that you are Theseus, Duke of Athens.” | —Pourquoi pas roi? Au fait, tu as raison. Un histrion est tous ses rôles. Dis-moi que tu es Theseus, duc d’Athènes. |
| “I am a peer of England, and we are going to fight.” | —Je suis pair d’Angleterre, et nous nous battrons. |
| “Gwynplaine, this becomes tiresome. Don’t play with one who can order you to be flogged. I am Lord David Dirry-Moir.” | —Gwynplaine, ceci devient long. Ne joue pas avec quelqu’un qui peut te faire fouetter. Je m’appelle lord David Dirry-Moir. |
| “And I am Lord Clancharlie.” | —Et moi, je m’appelle lord Clancharlie. |
| Again Lord David burst out laughing. | Lord David eut un second éclat de rire. |
| “Well said! Gwynplaine is Lord Clancharlie. That is indeed the name the man must bear who is to win Josiana. Listen. I forgive you; and do you know the reason? | —Bien trouvé. Gwynplaine est lord Clancharlie. C’est en effet le nom qu’il faut avoir pour posséder Josiane. Écoute, je te pardonne. Et sais-tu pourquoi? |
| It’s because we are both lovers of the same woman.” | C’est que nous sommes les deux amants. |
| The curtain in the door was lifted, and a voice exclaimed, | La portière de la galerie s’écarta, et une voix dit: |
| “You are the two husbands, my lords.” | —Vous êtes les deux maris, messeigneurs. |
| They turned. | Tous deux se retournèrent. |
| “Barkilphedro!” cried Lord David. | —Barkilphedro! s’écria lord David. |
| It was indeed he; | C’était Barkilphedro, en effet. |
| he bowed low to the two lords, with a smile on his face. | Il saluait profondément les deux lords avec un sourire. |
| Some few paces behind him was a gentleman with a stern and dignified countenance, who carried in his hand a black wand. | Derrière lui, à quelques pas, on apercevait un gentilhomme au visage respectueux et sévère qui avait une baguette noire à la main. |
| This gentleman advanced, and, bowing three times to Gwynplaine, said, | Ce gentilhomme s’avança, fit trois révérences à Gwynplaine, et lui dit: |
| “I am the Usher of the Black Rod. I come to fetch your lordship, in obedience to her Majesty’s commands.” | —Milord, je suis l’huissier de la verge noire. Je viens chercher votre seigneurie, conformément aux ordres de sa majesté. |
| BOOK THE EIGHTH. THE CAPITOL AND THINGS AROUND IT. | LIVRE HUITIEME LE CAPITOLE ET SON VOISINAGE |
| Texte bilingue établi par Akirill.com, déposé sur le site Akirill.com le 26 mars 2022. Chacun des livres (anglais ou français) peut être repris séparément et réutilisé a des fins personnelles et non commerciales. Ils sont libres de droits d’auteur. Toute utilisation des deux livres côte a côte doit mentionner leur origine https://www.Akirill.com Bilingual text prepared by Akirill.com , deposited on the site Akirill.com on March 26, 2022. Each of the books (English or French) can be taken back separately and reused for personal and non-commercial purposes. They are free of copyright. Any use of the two books side by side must mention their origin https://www.Akirill.com |
| If you liked this page, don’t forget to like and share. Si vous avez aimé cette page, n’oublier pas d’aimer et de partager. |
| Subscribe to not miss anything Abonnez-vous pour ne rien manquer |
| Check out our latest posts |
| Découvrez nos derniers articles |

