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Twenty Thousand Leagues Under The Sea by Jules Vernes Bilingual Book French/English Page 10

Ce n’est pas une traduction mots a mots mais les livres dans les deux languages mis côte a côte. Vous pouvez le lire en Français, en anglais ou parallèlement.

This is not a word-by-word translation but the books in the two languages put side by side. You can read it in French, in English or both.

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Twenty Thousand Leagues Under The Sea by Jules Vernes

Twenty Thousand Leagues Under The Sea by Jules VernesVingt Mille Lieues
Sous Les Mers de Jules Vernes
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PART IIPART II
CHAPTER VICHAPITRE VI
CHAPTER VI
THE GRECIAN ARCHIPELAGO
CHAPITRE VI
L’ARCHIPEL GREC.
The next day, the 12th of February, at the dawn of day, the Nautilus rose to the surface. I hastened on to the platform. Three miles to the south the dim outline of Pelusium was to be seen. A torrent had carried us from one sea to another. About seven o’clock Ned and Conseil joined me.Le lendemain, 12 février, au lever du jour, le Nautilus remonta à la surface des flots. Je me précipitai sur la plate-forme. A trois milles dans le sud se dessinait la vague silhouette de Péluse. Un torrent nous avait portés d’une mer à l’autre. Mais ce tunnel, facile à descendre, devait être impraticable à remonter. Vers sept heures, Ned et Conseil me rejoignirent.
Ces deux inséparables compagnons avaient tranquillement dormi, sans se préoccuper autrement des prouesses du Nautilus.
“Well, Sir Naturalist,” said the Canadian, in a slightly jovial tone, “and the Mediterranean?”«Eh bien, monsieur le naturaliste, demanda le Canadien d’un ton légèrement goguenard, et cette Méditerranée?
“We are floating on its surface, friend Ned.”—Nous flottons à sa surface, ami Ned.
“What!” said Conseil, “this very night.”—Hein! fit Conseil, cette nuit même?…
“Yes, this very night; in a few minutes we have passed this impassable isthmus.”—Oui, cette nuit même, en quelques minutes, nous avons franchi cet isthme infranchissable
“I do not believe it,” replied the Canadian.—Je n’en crois rien, répondit le Canadien.
“Then you are wrong, Master Land,” I continued; “this low coast which rounds off to the south is the Egyptian coast. And you who have such good eyes, Ned, you can see the jetty of Port Said stretching into the sea.”—Et vous avez tort, maître Land, repris-je. Cette côte basse qui s’arrondit vers le sud est la côte égyptienne. —A d’autres, monsieur, répliqua l’entêté Canadien.
—Mais puisque monsieur l’affirme, lui dit Conseil, il faut croire monsieur.
—D’ailleurs, Ned, le capitaine Nemo m’a fait les honneurs de son tunnel, et j’étais près de lui, dans la cage du timonier, pendant qu’il dirigeait lui-même le Nautilus à travers cet étroit passage.
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—Vous entendez, Ned? dit Conseil.
—Et vous qui avez de si bons yeux, ajoutai-je, vous pouvez, Ned, apercevoir les jetées de Port-Saïd qui s’allongent dans la mer.»
The Canadian looked attentively.Le Canadien regarda attentivement.
“Certainly you are right, sir, and your Captain is a first-rate man. We are in the Mediterranean. Good! Now, if you please, let us talk of our own little affair, but so that no one hears us.”«En effet, dit-il, vous avez raison, monsieur le professeur, et votre capitaine est un maître homme. Nous sommes dans la Méditerranée. Bon. Causons donc, s’il vous plaît, de nos petites affaires, mais de façon à ce que personne ne puisse nous entendre.»
I saw what the Canadian wanted, and, in any case, I thought it better to let him talk, as he wished it; so we all three went and sat down near the lantern, where we were less exposed to the spray of the blades.Je vis bien où le Canadien voulait en venir. En tout cas, je pensai qu’il valait mieux causer, puisqu’il le désirait, et tous les trois nous allâmes nous asseoir près du fanal, où nous étions moins exposés à recevoir l’humide embrun des lames.
“Now, Ned, we listen; what have you to tell us?”«Maintenant, Ned, nous vous écoutons, dis-je. Qu’avez-vous à nous apprendre?
“What I have to tell you is very simple. We are in Europe; and before Captain Nemo’s caprices drag us once more to the bottom of the Polar Seas, or lead us into Oceania, I ask to leave the Nautilus.”—Ce que j’ai à vous apprendre est très-simple, répondit le Canadien. Nous sommes en Europe, et avant que les caprices du capitaine Nemo nous entraînent jusqu’au fond des mers polaires ou nous ramènent en Océanie, je demande à quitter le Nautilus.»
I wished in no way to shackle the liberty of my companions, but I certainly felt no desire to leave Captain Nemo.J’avouerai que cette discussion avec le Canadien m’embarrassait toujours. Je ne voulais en aucune façon entraver la liberté de mes compagnons, et cependant je n’éprouvais nul désir de quitter le capitaine Nemo.
Thanks to him, and thanks to his apparatus, I was each day nearer the completion of my submarine studies; and I was rewriting my book of submarine depths in its very element. Should I ever again have such an opportunity of observing the wonders of the ocean? No, certainly not! And I could not bring myself to the idea of abandoning the Nautilus before the cycle of investigation was accomplished.Grâce à lui, grâce à son appareil, je complétais chaque jour mes études sous-marines, et je refaisais mon livre des fonds sous-marins au milieu même de son élément. Retrouverais-je jamais une telle occasion d’observer les merveilles de l’Océan? Non, certes! Je ne pouvais donc me faire à cette idée d’abandonner le Nautilus avant notre cycle d’investigations accompli.
“Friend Ned, answer me frankly, are you tired of being on board? Are you sorry that destiny has thrown us into Captain Nemo’s hands?”«Ami Ned, dis-je, répondez-moi franchement. Vous ennuyez-vous à bord? Regrettez-vous que la destinée vous ait jeté entre les mains du capitaine Nemo?»
The Canadian remained some moments without answering. Then, crossing his arms, he said:Le Canadien resta quelques instants sans répondre. Puis, se croisant les bras:
“Frankly, I do not regret this journey under the seas. I shall be glad to have made it; but, now that it is made, let us have done with it. That is my idea.”«Franchement, dit-il, je ne regrette pas ce voyage sous les mers. Je serai content de l’avoir fait; mais pour l’avoir fait, il faut qu’il se termine. Voilà mon sentiment.
“It will come to an end, Ned.”—Il se terminera, Ned.
“Where and when?”—Où et quand?
“Where I do not know—when I cannot say; or, rather, I suppose it will end when these seas have nothing more to teach us.”—Où? je n’en sais rien. Quand? je ne peux le dire, ou plutôt je suppose qu’il s’achèvera, lorsque ces mers n’auront plus rien à nous apprendre.
“Then what do you hope for?” demanded the Canadian.Tout ce qui a commencé a forcément une fin en ce monde.
—Je pense comme monsieur, répondit Conseil, et il est fort possible qu’après avoir parcouru toutes les mers du globe, le capitaine Nemo nous donne la volée à tous trois.
—La volée! s’écria le Canadien. Une volée, voulez-vous dire?
—N’exagérons pas, maître Land, repris-je. Nous n’avons rien à craindre du capitaine, mais je ne partage pas non plus les idées de Conseil. Nous sommes maîtres des secrets du Nautilus, et je n’espère pas que son commandant, pour nous rendre notre liberté, se résigne à les voir courir le monde avec nous.
—Mais alors, qu’espérez-vous donc? demanda le Canadien.
“That circumstances may occur as well six months hence as now by which we may and ought to profit.”—Que des circonstances se rencontreront dont nous pourrons, dont nous devrons profiter, aussi bien dans six mois que maintenant.
“Oh!” said Ned Land, “and where shall we be in six months, if you please, Sir Naturalist?”—Ouais! fit Ned Land. Et où serons-nous dans six mois, s’il vous plaît, monsieur le naturaliste?
“Perhaps in China; you know the Nautilus is a rapid traveller. It goes through water as swallows through the air, or as an express on the land. It does not fear frequented seas; who can say that it may not beat the coasts of France, England, or America, on which flight may be attempted as advantageously as here.”—Peut-être ici, peut-être en Chine. Vous le savez, le Nautilus est un rapide marcheur. Il traverse les océans comme une hirondelle traverse les airs, ou un express les continents. Il ne craint point les mers fréquentées. Qui nous dit qu’il ne va pas rallier les côtes de France, d’Angleterre ou d’Amérique, sur lesquelles une fuite pourra être aussi avantageusement tentée qu’ici?
“M. Aronnax,” replied the Canadian, “your arguments are rotten at the foundation. You speak in the future, `We shall be there! we shall be here!’ I speak in the present, `We are here, and we must profit by it.'”—Monsieur Aronnax, répondit le Canadien, vos arguments pèchent par la base. Vous parlez au futur: «Nous serons là! Nous serons ici!» Moi je parle au présent: «Nous sommes ici, et il faut en profiter.»
Ned Land’s logic pressed me hard, and I felt myself beaten on that ground. I knew not what argument would now tell in my favour.J’étais pressé de près par la logique de Ned Land, et je me sentais battu sur ce terrain. Je ne savais plus quels arguments faire valoir en ma faveur.
“Sir,” continued Ned, “let us suppose an impossibility: if Captain Nemo should this day offer you your liberty; would you accept it?”«Monsieur, reprit Ned, supposons, par impossible, que le capitaine Nemo vous offre aujourd’hui même la liberté. Accepterez-vous?
“I do not know,” I answered.—Je ne sais, répondis-je.
“And if,” he added, “the offer made you this day was never to be renewed, would you accept it?”—Et s’il ajoute que cette offre qu’il vous fait aujourd’hui, il ne la renouvellera pas plus tard, accepterez-vous?»
Je ne répondis pas.
«Et qu’en pense l’ami Conseil? demanda Ned Land.
—L’ami Conseil, répondit tranquillement ce digne garçon, l’ami Conseil n’a rien à dire. Il est absolument désintéressé dans la question. Ainsi que son maître, ainsi que son camarade Ned, il est célibataire. Ni femme, ni parents, ni enfants ne l’attendent au pays. Il est au service de monsieur, il pense comme monsieur, il parle comme monsieur, et, à son grand regret, on ne doit pas compter sur lui pour faire une majorité. Deux personnes seulement sont en présence: monsieur d’un côté, Ned Land de l’autre. Cela dit, l’ami Conseil écoute, et il est prêt à marquer les points.»
Je ne pus m’empêcher de sourire, à voir Conseil annihiler si complétement sa personnalité. Au fond, le Canadien devait être enchanté de ne pas l’avoir contre lui.
«Alors, monsieur, dit Ned Land, puisque Conseil n’existe pas, ne discutons qu’entre nous deux. J’ai parlé, vous m’avez entendu. Qu’avez-vous à répondre?»
Il fallait évidemment conclure, et les faux-fuyants me répugnaient.
“Friend Ned, this is my answer. Your reasoning is against me. We must not rely on Captain Nemo’s good-will. Common prudence forbids him to set us at liberty. On the other side, prudence bids us profit by the first opportunity to leave the Nautilus.”«Ami Ned, dis-je, voici ma réponse. Vous avez raison contre moi, et mes arguments ne peuvent tenir devant les vôtres. Il ne faut pas compter sur la bonne volonté du capitaine Nemo. La prudence la plus vulgaire lui défend de nous mettre en liberté. Par contre, la prudence veut que nous profitions de la première occasion de quitter le Nautilus.
“Well, M. Aronnax, that is wisely said.”—Bien, monsieur Aronnax, voilà qui est sagement parlé.
“Only one observation—just one. The occasion must be serious, and our first attempt must succeed; if it fails, we shall never find another, and Captain Nemo will never forgive us.”—Seulement, dis-je, une observation, une seule. Il faut que l’occasion soit sérieuse. Il faut que notre première tentative de fuite réussisse; car si elle avorte, nous ne retrouverons pas l’occasion de la reprendre, et le capitaine Nemo ne nous pardonnera pas.
“All that is true,” replied the Canadian. “But your observation applies equally to all attempts at flight, whether in two years’ time, or in two days’. But the question is still this: If a favourable opportunity presents itself, it must be seized.”—Tout cela est juste, répondit le Canadien. Mais votre observation s’applique à toute tentative de fuite, qu’elle ait lieu dans deux ans ou dans deux jours. Donc, la question est toujours celle-ci: si une occasion favorable se présente, il faut la saisir.
“Agreed! And now, Ned, will you tell me what you mean by a favourable opportunity?”—D’accord. Et maintenant, me direz-vous, Ned, ce que vous entendez par une occasion favorable?
“It will be that which, on a dark night, will bring the Nautilus a short distance from some European coast.”—Ce serait celle qui, par une nuit sombre, amènerait le Nautilus à peu de distance d’une côte européenne.
“And you will try and save yourself by swimming?”—Et vous tenteriez de vous sauver à la nage?
“Yes, if we were near enough to the bank, and if the vessel was floating at the time. Not if the bank was far away, and the boat was under the water.”—Oui, si nous étions suffisamment rapprochés d’un rivage, et si le navire flottait à la surface. Non, si nous étions éloignés, et si le navire naviguait sous les eaux.
“And in that case?”—Et dans ce cas?
“In that case, I should seek to make myself master of the pinnace. I know how it is worked. We must get inside, and the bolts once drawn, we shall come to the surface of the water, without even the pilot, who is in the bows, perceiving our flight.”—Dans ce cas, je chercherais à m’emparer du canot. Je sais comment il se manœuvre. Nous nous introduirions à l’intérieur, et les boulons enlevés, nous remonterions à la surface, sans même que le timonier, placé à l’avant, s’aperçût de notre fuite.
“Well, Ned, watch for the opportunity; but do not forget that a hitch will ruin us.”—Bien, Ned. Épiez donc cette occasion; mais n’oubliez pas qu’un échec nous perdrait.
“I will not forget, sir.”—Je ne l’oublierai pas, monsieur.
“And now, Ned, would you like to know what I think of your project?”—Et maintenant, Ned, voulez-vous connaître toute ma pensée sur votre projet?
“Certainly, M. Aronnax.”—Volontiers, monsieur Aronnax.
“Well, I think—I do not say I hope—I think that this favourable opportunity will never present itself.”—Eh bien, je pense,—je ne dis pas j’espère,—je pense que cette occasion favorable ne se présentera pas.
“Why not?”—Pourquoi cela?
“Because Captain Nemo cannot hide from himself that we have not given up all hope of regaining our liberty, and he will be on his guard, above all, in the seas and in the sight of European coasts.”—Parce que le capitaine Nemo ne peut se dissimuler que nous n’avons pas renoncé à l’espoir de recouvrer notre liberté, et qu’il se tiendra sur ses gardes, surtout dans les mers et en vue des côtes européennes.
—Je suis de l’avis de monsieur, dit Conseil.
“We shall see,” replied Ned Land, shaking his head determinedly.—Nous verrons bien, répondit Ned Land, qui secouait la tête d’un air déterminé.
“And now, Ned Land,” I added, “let us stop here. Not another word on the subject. The day that you are ready, come and let us know, and we will follow you. I rely entirely upon you.”—Et maintenant, Ned Land, ajoutai-je, restons-en là. Plus un mot sur tout ceci. Le jour où vous serez prêt, vous nous préviendrez et nous vous suivrons. Je m’en rapporte complétement à vous.»
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Thus ended a conversation which, at no very distant time, led to such grave results. I must say here that facts seemed to confirm my foresight, to the Canadian’s great despair. Did Captain Nemo distrust us in these frequented seas? or did he only wish to hide himself from the numerous vessels, of all nations, which ploughed the Mediterranean?Cette conversation, qui devait avoir plus tard de si graves conséquences, se termina ainsi. Je dois dire maintenant que les faits semblèrent confirmer mes prévisions au grand désespoir du Canadien. Le capitaine Nemo se défiait-il de nous dans ces mers fréquentées, ou voulait-il seulement se dérober à la vue des nombreux navires de toutes nations qui sillonnent la Méditerranée?
 I could not tell; but we were oftener between waters and far from the coast. Or, if the Nautilus did emerge, nothing was to be seen but the pilot’s cage; and sometimese it went to great depths, for, between the Grecian Archipelago and Asia Minor we could not touch the bottom by more than a thousand fathoms.Je l’ignore, mais il se maintint le plus souvent entre deux eaux et au large des côtes. Ou le Nautilus émergeait, ne laissant passer que la cage du timonier, ou il s’en allait à de grandes profondeurs, car entre l’archipel grec et l’Asie Mineure nous ne trouvions pas le fond par deux mille mètres.
Thus I only knew we were near the Island of Carpathos, one of the Sporades, by Captain Nemo reciting these lines from Virgil:Aussi, je n’eus connaissance de l’île de Carpathos, l’une des Sporades, que par ce vers de Virgile que le capitaine Nemo me cita, en posant son doigt sur un point du planisphère:
“Est Carpathio Neptuni gurgite vates,
Caeruleus Proteus,”
Est in Carpathio Neptuni gurgite vates Cæruleus Proteus…
as he pointed to a spot on the planisphere.
It was indeed the ancient abode of Proteus, the old shepherd of Neptune’s flocks, now the Island of Scarpanto, situated between Rhodes and Crete. I saw nothing but the granite base through the glass panels of the saloon.C’était, en effet, l’antique séjour de Protée, le vieux pasteur des troupeaux de Neptune, maintenant l’île de Scarpanto, située entre Rhodes et la Crète. Je n’en vis que les soubassements granitiques à travers la vitre du salon.
The next day, the 14th of February, I resolved to employ some hours in studying the fishes of the Archipelago; but for some reason or other the panels remained hermetically sealed. Upon taking the course of the Nautilus, I found that we were going towards Candia, the ancient Isle of Crete. At the time I embarked on the Abraham Lincoln, the whole of this island had risen in insurrection against the despotism of the Turks. But how the insurgents had fared since that time I was absolutely ignorant, and it was not Captain Nemo, deprived of all land communications, who could tell me.Le lendemain, 14 février, je résolus d’employer quelques heures à étudier les poissons de l’Archipel; mais par un motif quelconque, les panneaux demeurèrent hermétiquement fermés. En relevant la direction du Nautilus, je remarquai qu’il marchait vers Candie, l’ancienne île de Crète. Au moment où je m’étais embarqué sur l’Abraham-Lincoln, cette île venait de s’insurger tout entière contre le despotisme turc. Mais ce qu’était devenu cette insurrection depuis cette époque, je l’ignorais absolument, et ce n’était pas le capitaine Nemo, privé de toute communication avec la terre, qui aurait pu me l’apprendre.
I made no allusion to this event when that night I found myself alone with him in the saloon. Besides, he seemed to be taciturn and preoccupied. Then, contrary to his custom, he ordered both panels to be opened, and, going from one to the other, observed the mass of waters attentively. To what end I could not guess; so, on my side, I employed my time in studying the fish passing before my eyes.Je ne fis donc aucune allusion à cet événement, lorsque, le soir, je me trouvai seul avec lui dans le salon. D’ailleurs, il me sembla taciturne, préoccupé. Puis, contrairement à ses habitudes, il ordonna d’ouvrir les deux panneaux du salon, et, allant de l’un à l’autre, il observa attentivement la masse des eaux. Dans quel but? je ne pouvais le deviner, et, de mon côté, j’employai mon temps à étudier les poissons qui passaient devant mes yeux.
Entre autres, je remarquai ces gobies aphyses, citées par Aristote et vulgairement connues sous le nom de «loches de mer,» que l’on rencontre particulièrement dans les eaux salées avoisinant le delta du Nil. Près d’elles se déroulaient des pagres à demi phosphorescents, sortes de spares que les Égyptiens rangeaient parmi les animaux sacrés, et dont l’arrivée dans les eaux du fleuve, dont elles annonçaient le fécond débordement, était fêtée par des cérémonies religieuses. Je notai également des cheilines longues de trois décimètres, poissons osseux à écailles transparentes, dont la couleur livide est mélangée de taches rouges; ce sont de grands mangeurs de végétaux marins, ce qui leur donne un goût exquis; aussi ces cheilines étaient-elles très-recherchées des gourmets de l’ancienne Rome, et leurs entrailles, accommodées avec des laites de murènes, des cervelles de paons et des langues de phénicoptères, composaient ce plat divin qui ravissait Vitellius.
Un autre habitant de ces mers attira mon attention et ramena dans mon esprit tous les souvenirs de l’antiquité. Ce fut le rémora qui voyage attaché au ventre des requins; au dire des anciens, ce petit poisson, accroché à la carène d’un navire, pouvait l’arrêter dans sa marche, et l’un d’eux, retenant le vaisseau d’Antoine pendant la bataille d’Actium, facilita ainsi la victoire d’Auguste. A quoi tiennent les destinées des nations! J’observai également d’admirables anthias qui appartiennent à l’ordre des lutjans, poissons sacrés pour les Grecs qui leur attribuaient le pouvoir de chasser les monstres marins des eaux qu’ils fréquentaient; leur nom signifie fleur, et ils le justifiaient par leurs couleurs chatoyantes, leurs nuances comprises dans la gamme du rouge depuis la pâleur du rose jusqu’à l’éclat du rubis, et les fugitifs reflets qui moiraient leur nageoire dorsale. Mes yeux ne pouvaient se détacher de ces merveilles de la mer, quand ils furent frappés soudain par une apparition inattendue.
In the midst of the waters a man appeared, a diver, carrying at his belt a leathern purse. It was not a body abandoned to the waves; it was a living man, swimming with a strong hand, disappearing occasionally to take breath at the surface.Au milieu des eaux, un homme apparut, un plongeur portant à sa ceinture une bourse de cuir. Ce n’était pas un corps abandonné aux flots. C’était un homme vivant qui nageait d’une main vigoureuse, disparaissant parfois pour aller respirer à la surface et replongeant aussitôt.
I turned towards Captain Nemo, and in an agitated voice exclaimed:Je me retournai vers le capitaine Nemo, et d’une voix émue:
“A man shipwrecked! He must be saved at any price!”

«Un homme! un naufragé! m’écriai-je. Il faut le sauver à tout prix!»
The Captain did not answer me, but came and leaned against the panel.Le capitaine ne me répondit pas et vint s’appuyer à la vitre.
The man had approached, and, with his face flattened against the glass, was looking at us.L’homme s’était rapproché, et, la face collée au panneau, il nous regardait.
To my great amazement, Captain Nemo signed to him. The diver answered with his hand, mounted immediately to the surface of the water, and did not appear again.A ma profonde stupéfaction, le capitaine Nemo lui fit un signe. Le plongeur lui répondit de la main, remonta immédiatement vers la surface de la mer, et ne reparut plus.
“Do not be uncomfortable,” said Captain Nemo. “It is Nicholas of Cape Matapan, surnamed Pesca. He is well known in all the Cyclades. A bold diver! water is his element, and he lives more in it than on land, going continually from one island to another, even as far as Crete.”«Ne vous inquiétez pas, me dit le capitaine. C’est Nicolas, du cap Matapan, surnommé le Pesce. Il est bien connu dans toutes les Cyclades. Un hardi plongeur! L’eau est son élément, et il y vit plus que sur terre, allant sans cesse d’une île à l’autre et jusqu’à la Crète.
“You know him, Captain?”—Vous le connaissez, capitaine?
“Why not, M. Aronnax?”—Pourquoi pas, monsieur Aronnax?»
Saying which, Captain Nemo went towards a piece of furniture standing near the left panel of the saloon. Near this piece of furniture, I saw a chest bound with iron, on the cover of which was a copper plate, bearing the cypher of the Nautilus with its device.Cela dit, le capitaine Nemo se dirigea vers un meuble placé près du panneau gauche du salon. Près de ce meuble, je vis un coffre cerclé de fer, dont le couvercle portait sur une plaque de cuivre le chiffre du Nautilus, avec sa devise Mobilis in mobile.
At that moment, the Captain, without noticing my presence, opened the piece of furniture, a sort of strong box, which held a great many ingots.En ce moment, le capitaine, sans se préoccuper de ma présence, ouvrit le meuble, sorte de coffre-fort qui renfermait un grand nombre de lingots.
They were ingots of gold. From whence came this precious metal, which represented an enormous sum? Where did the Captain gather this gold from? and what was he going to do with it?C’étaient des lingots d’or. D’où venait ce précieux métal qui représentait une somme énorme? Où le capitaine recueillait-il cet or, et qu’allait-il faire de celui-ci?
I did not say one word. I looked. Captain Nemo took the ingots one by one, and arranged them methodically in the chest, which he filled entirely. I estimated the contents at more than 4,000 lb. weight of gold, that is to say, nearly L200,000.Je ne prononçai pas un mot. Je regardai. Le capitaine Nemo prit un à un ces lingots et les rangea méthodiquement dans le coffre qu’il remplit entièrement. J’estimai qu’il contenait alors plus de mille kilogrammes d’or, c’est-à-dire près de cinq millions de francs.
The chest was securely fastened, and the Captain wrote an address on the lid, in characters which must have belonged to Modern Greece.Le coffre fut solidement fermé, et le capitaine écrivit sur son couvercle une adresse en caractères qui devaient appartenir au grec moderne.
This done, Captain Nemo pressed a knob, the wire of which communicated with the quarters of the crew. Four men appeared, and, not without some trouble, pushed the chest out of the saloon. Then I heard them hoisting it up the iron staircase by means of pulleys.Ceci fait, le capitaine Nemo pressa un bouton dont le fil correspondait avec le poste de l’équipage. Quatre hommes parurent, et non sans peine ils poussèrent le coffre hors du salon. Puis, j’entendis qu’ils le hissaient au moyen de palans sur l’escalier de fer.
At that moment, Captain Nemo turned to me.En ce moment, le capitaine Nemo se tourna vers moi:
“And you were saying, sir?” said he.«Et vous disiez, monsieur le professeur? me demanda-t-il.
“I was saying nothing, Captain.”—Je ne disais rien, capitaine.
“Then, sir, if you will allow me, I will wish you good night.”—Alors, monsieur, vous me permettrez de vous souhaiter le bon soir.»
Whereupon he turned and left the saloon.Et sur ce, le capitaine Nemo quitta le salon.
I returned to my room much troubled, as one may believe. I vainly tried to sleep—I sought the connecting link between the apparition of the diver and the chest filled with gold. Soon, I felt by certain movements of pitching and tossing that the Nautilus was leaving the depths and returning to the surface.Je rentrai dans ma chambre très-intrigué, on le conçoit. J’essayai vainement de dormir. Je cherchais une relation entre l’apparition de ce plongeur et ce coffre rempli d’or. Bientôt, je sentis à certains mouvements de roulis et de tangage, que le Nautilus quittant les couches inférieures revenait à la surface des eaux.
Then I heard steps upon the platform; and I knew they were unfastening the pinnace and launching it upon the waves. For one instant it struck the side of the Nautilus, then all noise ceased.Puis, j’entendis un bruit de pas sur la plate-forme. Je compris que l’on détachait le canot, qu’on le lançait à la mer. Il heurta un instant les flancs du Nautilus, et tout bruit cessa.
Two hours after, the same noise, the same going and coming was renewed; the boat was hoisted on board, replaced in its socket, and the Nautilus again plunged under the waves.Deux heures après, le même bruit, les mêmes allées et venues se reproduisaient. L’embarcation, hissée à bord, était rajustée dans son alvéole, et le Nautilus se replongeait sous les flots.
So these millions had been transported to their address. To what point of the continent? Who was Captain Nemo’s correspondent?Ainsi donc, ces millions avaient été transportés à leur adresse. Sur quel point du continent? Quel était le correspondant du capitaine Nemo?
The next day I related to Conseil and the Canadian the events of the night, which had excited my curiosity to the highest degree. My companions were not less surprised than myself.
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Le lendemain, je racontai à Conseil et au Canadien les événements de cette nuit, qui surexcitaient ma curiosité au plus haut point. Mes compagnons ne furent pas moins surpris que moi.
“But where does he take his millions to?” asked Ned Land.«Mais où prend-il ces millions?» demanda Ned Land.
To that there was no possible answer. I returned to the saloon after having breakfast and set to work. Till five o’clock in the evening I employed myself in arranging my notes. At that moment—(ought I to attribute it to some peculiar idiosyncrasy)—I felt so great a heat that I was obliged to take off my coat. It was strange, for we were under low latitudes; and even then the Nautilus, submerged as it was, ought to experience no change of temperature. I looked at the manometer; it showed a depth of sixty feet, to which atmospheric heat could never attain.A cela, pas de réponse possible. Je me rendis au salon après avoir déjeuné, et je me mis au travail. Jusqu’à cinq heures du soir, je rédigeai mes notes. En ce moment,—devais-je l’attribuer à une disposition personnelle,—je sentis une chaleur extrême, et je dus enlever mon vêtement de byssus. Effet incompréhensible, car nous n’étions pas sous de hautes latitudes, et d’ailleurs le Nautilus, immergé, ne devait éprouver aucune élévation de température. Je regardai le manomètre. Il marquait une profondeur de soixante pieds, à laquelle la chaleur atmosphérique n’aurait pu atteindre.
I continued my work, but the temperature rose to such a pitch as to be intolerable.Je continuai mon travail, mais la température s’éleva au point de devenir intolérable.
“Could there be fire on board?” I asked myself.«Est-ce que le feu serait à bord?» me demandai-je.
I was leaving the saloon, when Captain Nemo entered; he approached the thermometer, consulted it, and, turning to me, said:J’allais quitter le salon, quand le capitaine Nemo entra. Il s’approcha du thermomètre, le consulta, et se retournant vers moi:
“Forty-two degrees.”«Quarante-deux degrés, dit-il.
“I have noticed it, Captain,” I replied; “and if it gets much hotter we cannot bear it.”—Je m’en aperçois, capitaine, répondis-je, et pour peu que cette chaleur augmente, nous ne pourrons la supporter.
“Oh, sir, it will not get better if we do not wish it.”—Oh! monsieur le professeur, cette chaleur n’augmentera que si nous le voulons bien.
“You can reduce it as you please, then?”—Vous pouvez donc la modérer à votre gré?
“No; but I can go farther from the stove which produces it.”—Non, mais je puis m’éloigner du foyer qui la produit.
“It is outward, then!”—Elle est donc extérieure?
“Certainly; we are floating in a current of boiling water.”

—Sans doute. Nous flottons dans un courant d’eau bouillante.
“Is it possible!” I exclaimed.—Est-il possible? m’écriai-je.
“Look.”—Regardez.»
The panels opened, and I saw the sea entirely white all round. A sulphurous smoke was curling amid the waves, which boiled like water in a copper. I placed my hand on one of the panes of glass, but the heat was so great that I quickly took it off again.Les panneaux s’ouvrirent, et je vis la mer entièrement blanche autour du Nautilus. Une fumée de vapeurs sulfureuses se déroulait au milieu des flots qui bouillonnaient comme l’eau d’une chaudière. J’appuyai ma main sur une des vitres, mais la chaleur était telle que je dus la retirer.
“Where are we?” I asked.«Où sommes-nous? demandai-je.
“Near the Island of Santorin, sir,” replied the Captain. “I wished to give you a sight of the curious spectacle of a submarine eruption.”—Près de l’île Santorin, monsieur le professeur, me répondit le capitaine, et précisément dans ce canal qui sépare Néa-Kamenni de Paléa Kamenni. J’ai voulu vous donner le curieux spectacle d’une éruption sous-marine.
“I thought,” said I, “that the formation of these new islands was ended.”

—Je croyais, dis-je, que la formation de ces îles nouvelles était terminée.
“Nothing is ever ended in the volcanic parts of the sea,” replied Captain Nemo; “and the globe is always being worked by subterranean fires. Already, in the nineteenth year of our era, according to Cassiodorus and Pliny, a new island, Theia (the divine), appeared in the very place where these islets have recently been formed.—Rien n’est jamais terminé dans les parages volcaniques, répondit le capitaine Nemo, et le globe y est toujours travaillé par les feux souterrains. Déjà, en l’an dix-neuf de notre ère, suivant Cassiodore et Pline, une île nouvelle, Théia la divine, apparut à la place même où se sont récemment formés ces îlots.
 Then they sank under the waves, to rise again in the year 69, when they again subsided. Since that time to our days the Plutonian work has been suspended. But on the 3rd of February, 1866, a new island, which they named George Island, emerged from the midst of the sulphurous vapour near Nea Kamenni, and settled again the 6th of the same month. Puis, elle s’abîma sous les flots, pour se remontrer en l’an soixante-neuf et s’abîmer encore une fois. Depuis cette époque jusqu’à nos jours, le travail plutonien fut suspendu. Mais, le 3 février 1866, un nouvel îlot, qu’on nomma l’îlot de George, émergea au milieu des vapeurs sulfureuses, près de Néa-Kamenni, et s’y souda, le 6 du même mois.
Seven days after, the 13th of February, the Island of Aphroessa appeared, leaving between Nea Kamenni and itselfe a canal ten yards broad. I was in these seas when the phenomenon occurred, and I was able therefore to observe all the different phases. Sept jours après, le 13 février, l’îlot Aphroessa parut, laissant entre Néa-Kamenni et lui un canal de dix mètres. J’étais dans ces mers quand le phénomène se produisit, et j’ai pu en observer toutes les phases.
The Island of Aphroessa, of round form, measured 300 feet in diameter, and 30 feet in height. It was composed of black and vitreous lava, mixed with fragments of felspar. And lastly, on the 10th of March, a smaller island, called Reka, showed itself near Nea Kamenni, and since then these three have joined together, forming but one and the same island.”L’îlot Aphroessa, de forme arrondie, mesurait trois cents pieds de diamètre sur trente pieds de hauteur. Il se composait de laves noires et vitreuses, mêlées de fragments feldspathiques. Enfin, le 10 mars, un îlot plus petit, appelé Réka, se montra près de Néa-Kamenni, et depuis lors, ces trois îlots, soudés ensemble, ne forment plus qu’une seule et même île.
“And the canal in which we are at this moment?” I asked.—Et le canal où nous sommes en ce moment? demandai-je.
“Here it is,” replied Captain Nemo, showing me a map of the Archipelago. “You see, I have marked the new islands.”—Le voici, répondit le capitaine Nemo, en me montrant une carte de l’Archipel. Vous voyez que j’y ai porté les nouveaux îlots.
—Mais ce canal se comblera un jour?
—C’est probable, monsieur Aronnax, car, depuis 1866, huit petits îlots de lave ont surgi en face du port Saint-Nicolas de Paléa-Kamenni. Il est donc évident que Néa et Paléa se réuniront dans un temps rapproché. Si, au milieu du Pacifique, ce sont les infusoires qui forment les continents, ici, ce sont les phénomènes éruptifs. Voyez, monsieur, voyez le travail qui s’accomplit sous ces flots.»
I returned to the glass. The Nautilus was no longer moving, the heat was becoming unbearable. The sea, which till now had been white, was red, owing to the presence of salts of iron. In spite of the ship’s being hermetically sealed, an insupportable smell of sulphur filled the saloon, and the brilliancy of the electricity was entirely extinguished by bright scarlet flames. I was in a bath, I was choking, I was broiled.Je revins vers la vitre. Le Nautilus ne marchait plus. La chaleur devenait intolérable. De blanche qu’elle était, la mer se faisait rouge, coloration due à la présence d’un sel de fer. Malgré l’hermétique fermeture du salon, une odeur sulfureuse insupportable se dégageait, et j’apercevais des flammes écarlates dont la vivacité tuait l’éclat de l’électricité. J’étais en nage, j’étouffais, j’allais cuire. Oui, en vérité, je me sentais cuire!
“We can remain no longer in this boiling water,” said I to the Captain.«On ne peut rester plus longtemps dans cette eau bouillante, dis-je au capitaine.
“It would not be prudent,” replied the impassive Captain Nemo.—Non, ce ne serait pas prudent,» répondit l’impassible Nemo.
An order was given; the Nautilus tacked about and left the furnace it could not brave with impunity. A quarter of an hour after we were breathing fresh air on the surface. The thought then struck me that, if Ned Land had chosen this part of the sea for our flight, we should never have come alive out of this sea of fire.Un ordre fut donné. Le Nautilus vira de bord et s’éloigna de cette fournaise qu’il ne pouvait impunément braver. Un quart d’heure plus tard, nous respirions à la surface des flots. La pensée me vint alors que si Ned Land avait choisi ces parages pour effectuer notre fuite, nous ne serions pas sortis vivants de cette mer de feu.
The next day, the 16th of February, we left the basin which, between Rhodes and Alexandria, is reckoned about 1,500 fathoms in depth, and the Nautilus, passing some distance from Cerigo, quitted the Grecian Archipelago after having doubled Cape Matapan.Le lendemain, 16 février, nous quittions ce bassin qui, entre Rhodes et Alexandrie, compte des profondeurs de trois mille mètres, et le Nautilus, passant au large de Cerigo, abandonnait l’archipel grec, après avoir doublé le cap Matapan.
CHAPTER VII
THE MEDITERRANEAN IN FORTY-EIGHT HOURS
CHAPITRE VII
LA MÉDITERRANÉE EN QUARANTE-HUIT HEURES.
The Mediterranean, the blue sea par excellence, “the great sea” of the Hebrews, “the sea” of the Greeks, the “mare nostrum” of the Romans, bordered by orange-trees, aloes, cacti, and sea-pines; embalmed with the perfume of the myrtle, surrounded by rude mountains, saturated with pure and transparent air, but incessantly worked by underground fires; a perfect battlefield in which Neptune and Pluto still dispute the empire of the world!La Méditerranée, la mer bleue par excellence, «la grande mer» des Hébreux, la «mer» des Grecs, le «mare nostrum» des Romains, bordée d’orangers, d’aloës, de cactus, de pins maritimes, embaumée du parfum des myrtes, encadrée de rudes montagnes, saturée d’un air pur et transparent, mais incessamment travaillée par les feux de la terre, est un véritable champ de bataille où Neptune et Pluton se disputent encore l’empire du monde.
It is upon these banks, and on these waters, says Michelet, that man is renewed in one of the most powerful climates of the globe. But, beautiful as it was, I could only take a rapid glance at the basin whose superficial area is two million of square yards. Even Captain Nemo’s knowledge was lost to me, for this puzzling person did not appear once during our passage at full speed.C’est là, sur ses rivages et sur ses eaux, dit Michelet, que l’homme se retrempe dans l’un des plus puissants climats du globe. Mais si beau qu’il soit, je n’ai pu prendre qu’un aperçu rapide de ce bassin, dont la superficie couvre deux millions de kilomètres carrés. Les connaissances personnelles du capitaine Nemo me firent même défaut, car l’énigmatique personnage ne parut pas une seule fois pendant cette traversée à grande vitesse.
 I estimated the course which the Nautilus took under the waves of the sea at about six hundred leagues, and it was accomplished in forty-eight hours. Starting on the morning of the 16th of February from the shores of Greece, we had crossed the Straits of Gibraltar by sunrise on the 18th.J’estime à six cents lieues environ le chemin que le Nautilus parcourut sous les flots de cette mer, et ce voyage, il l’accomplit en deux fois vingt-quatre heures. Partis le matin du 16 février des parages de la Grèce, le 18, au soleil levant, nous avions franchi le détroit de Gibraltar.
It was plain to me that this Mediterranean, enclosed in the midst of those countries which he wished to avoid, was distasteful to Captain Nemo. Those waves and those breezes brought back too many remembrances, if not too many regrets. Here he had no longer that independence and that liberty of gait which he had when in the open seas, and his Nautilus felt itself cramped between the close shores of Africa and Europe.Il fut évident pour moi que cette Méditerranée, resserrée au milieu de ces terres qu’il voulait fuir, déplaisait au capitaine Nemo. Ses flots et ses brises lui rapportaient trop de souvenirs, sinon trop de regrets. Il n’avait plus ici cette liberté d’allures, cette indépendance de manœuvres que lui laissaient les océans, et son Nautilus se sentait à l’étroit entre ces rivages rapprochés de l’Afrique et de l’Europe.
Our speed was now twenty-five miles an hour. It may be well understood that Ned Land, to his great disgust, was obliged to renounce his intended flight. He could not launch the pinnace, going at the rate of twelve or thirteen yards every second. To quit the Nautilus under such conditions would be as bad as jumping from a train going at full speed—an imprudent thing, to say the least of it. Besides, our vessel only mounted to the surface of the waves at night to renew its stock of air; it was steered entirely by the compass and the log.Aussi, notre vitesse fut-elle de vingt-cinq milles à l’heure, soit douze lieues de quatre kilomètres. Il va sans dire que Ned Land, à son grand ennui, dut renoncer à ses projets de fuite. Il ne pouvait se servir du canot entraîné à raison de douze à treize mètres par seconde. Quitter le Nautilus dans ces conditions, c’eût été sauter d’un train marchant avec cette rapidité, manœuvre imprudente s’il en fut. D’ailleurs, notre appareil ne remontait que la nuit à la surface des flots, afin de renouveler sa provision d’air, et il se dirigeait seulement suivant les indications de la boussole et les relèvements du loch.
I saw no more of the interior of this Mediterranean than a traveller by express train perceives of the landscape which flies before his eyes; that is to say, the distant horizon, and not the nearer objects which pass like a flash of lightning.Je ne vis donc de l’intérieur de cette Méditerranée que ce que le voyageur d’un express aperçoit du paysage qui fuit devant ses yeux, c’est-à-dire les horizons lointains, et non les premiers plans qui passent comme un éclair.
Cependant, Conseil et moi, nous pûmes observer quelques-uns de ces poissons méditerranéens, que la puissance de leurs nageoires maintenait quelques instants dans les eaux du Nautilus. Nous restions à l’affût devant les vitres du salon, et nos notes me permettent de refaire en quelques mots l’ichtyologie de cette mer.
Des divers poissons qui l’habitent, j’ai vu les uns, entrevu les autres, sans parler de ceux que la vitesse du Nautilus déroba à mes yeux. Qu’il me soit donc permis de les classer d’après cette classification fantaisiste. Elle rendra mieux mes rapides observations.
Au milieu de la masse des eaux vivement éclairées par les nappes électriques, serpentaient quelques-unes de ces lamproies longues d’un mètre, qui sont communes à presque tous les climats. Des oxyrhinques, sortes de raies, larges de cinq pieds, au ventre blanc, au dos gris cendré et tacheté, se développaient comme de vastes châles emportés par les courants. D’autres raies passaient si vite que je ne pouvais reconnaître si elles méritaient ce nom d’aigles qui leur fut donné par les Grecs, ou ces qualifications de rat, de crapaud et de chauve-souris, dont les pêcheurs modernes les ont affublées. Des squales-milandres, longs de douze pieds et particulièrement redoutés des plongeurs, luttaient de rapidité entre eux. Des renards marins, longs de huit pieds et doués d’une extrême finesse d’odorat, apparaissaient comme de grandes ombres bleuâtres. Des dorades, du genre spare, dont quelques-unes mesuraient jusqu’à treize décimètres, se montraient dans leur vêtement d’argent et d’azur entouré de bandelettes, qui tranchait sur le ton sombre de leurs nageoires; poissons consacrés à Vénus, et dont l’œil est enchâssé dans un sourcil d’or; espèce précieuse, amie de toutes les eaux, douces ou salées, habitant les fleuves, les lacs et les océans, vivant sous tous les climats, supportant toutes les températures, et dont la race, qui remonte aux époques géologiques de la terre, a conservé toute sa beauté des premiers jours. Des esturgeons magnifiques, longs de neuf à dix mètres, animaux de grande marche, heurtaient d’une queue puissante la vitre des panneaux, montrant leur dos bleuâtre à petites taches brunes; ils ressemblent aux squales dont ils n’égalent pas la force, et se rencontrent dans toutes les mers; au printemps, ils aiment à remonter les grands fleuves, à lutter contre les courants du Volga, du Danube, du Pô, du Rhin, de la Loire, de l’Oder, et se nourrissent de harengs, de maquereaux, de saumons et de gades; bien qu’ils appartiennent à la classe des cartilagineux, ils sont délicats; on les mange frais, séchés, marinés ou salés, et, autrefois, on les portait triomphalement sur la table des Lucullus. Mais de ces divers habitants de la Méditerranée, ceux que je pus observer le plus utilement, lorsque le Nautilus se rapprochait de la surface, appartenaient au soixante-troisième genre des poissons osseux. C’étaient des scombres-thons, au dos bleu-noir, au ventre cuirassé d’argent, et dont les rayons dorsaux jettent des lueurs d’or. Ils ont la réputation de suivre la marche des navires dont ils recherchent l’ombre fraîche sous les feux du ciel tropical, et ils ne la démentirent pas en accompagnant le Nautilus comme ils accompagnèrent autrefois les vaisseaux de Lapérouse. Pendante de longues heures, ils luttèrent de vitesse avec notre appareil. Je ne pouvais me lasser d’admirer ces animaux véritablement taillés pour la course, leur tête petite, leur corps lisse et fusiforme qui chez quelques-uns dépassait trois mètres, leurs pectorales douées d’une remarquable vigueur et leurs caudales fourchues. Ils nageaient en triangle, comme certaines troupes d’oiseaux dont ils égalaient la rapidité, ce qui faisait dire aux anciens que la géométrie et la stratégie leur étaient familières. Et cependant ils n’échappent point aux poursuites des Provençaux, qui les estiment comme les estimaient les habitants de la Propontide et de l’Italie, et c’est en aveugles, en étourdis, que ces précieux animaux vont se jeter et périr par milliers dans les madragues marseillaises.
Je citerai, pour mémoire seulement, ceux des poissons méditerranéens que Conseil ou moi nous ne fîmes qu’entrevoir. C’étaient des gymnotes-fierasfers blanchâtres qui passaient comme d’insaisissables vapeurs, des murènes-congres, serpents de trois à quatre mètres enjolivés de vert, de bleu et de jaune, des gades-merlus, longs de trois pieds, dont le foie formait un morceau délicat, des cœpoles-ténias qui flottaient comme de fines algues, des trygles que les poëtes appellent poissons-lyres et les marins poissons-siffleurs, et dont le museau est orné de deux lames triangulaires et dentelées qui figurent l’instrument du vieil Homère, des trygles-hirondelles, nageant avec la rapidité de l’oiseau dont ils ont pris le nom, des holocentres-mérons, à tête rouge, dont la nageoire dorsale est garnie de filaments, des aloses agrémentées de taches noires, grises, brunes, bleues, jaunes, vertes, qui sont sensibles à la voix argentine des clochettes, et de splendides turbots, ces faisans de la mer, sortes de losanges à nageoires jaunâtres, pointillés de brun, et dont le côté supérieur, le côté gauche, est généralement marbré de brun et de jaune, enfin des troupes d’admirables mulles-rougets, véritables paradisiers de l’Océan, que les Romains payaient jusqu’à dix mille sesterces la pièce, et qu’ils faisaient mourir sur leur table, pour suivre d’un œil cruel leurs changements de couleurs depuis le rouge cinabre de la vie jusqu’au blanc pâle de la mort.
Et si je ne pus observer ni miralets, ni balistes, ni tétrodons, ni hippocampes, ni jouans, ni centrisques, ni blennies, ni surmulets, ni labres, ni éperlans, ni exocets, ni anchois, ni pagels, ni bogues, ni orphes, ni tous ces principaux représentants de l’ordre des pleuronectes, les limandes, les flez, les plies, les soles, les carrelets, communs à l’Atlantique et à la Méditerranée, il faut en accuser la vertigineuse vitesse qui emportait le Nautilus à travers ces eaux opulentes.
Quant aux mammifères marins, je crois avoir reconnu en passant à l’ouvert de l’Adriatique, deux ou trois cachalots, munis d’une nageoire dorsale du genre des physétères, quelques dauphins du genre des globicéphales, spéciaux à la Méditerranée et dont la partie antérieure de la tête est zébrée de petites lignes claires, et aussi une douzaine de phoques au ventre blanc, au pelage noir, connus sous le nom de moines et qui ont absolument l’air de Dominicains longs de trois mètres.
Pour sa part, Conseil croit avoir aperçu une tortue large de six pieds, ornée de trois arêtes saillantes dirigées longitudinalement. Je regrettai de ne pas avoir vu ce reptile, car, à la description que m’en fit Conseil, je crus reconnaître le luth qui forme une espèce assez rare. Je ne remarquai, pour mon compte, que quelques cacouannes à carapace allongée.
Quant aux zoophytes, je pus admirer, pendant quelques instants, une admirable galéolaire orangée qui s’accrocha à la vitre du panneau de bâbord; c’était un long filament tenu, s’arborisant en branches infinies et terminée par la plus fine dentelle qu’eussent jamais filée les rivales d’Arachné. Je ne pus, malheureusement, pêcher cet admirable échantillon, et aucun autre zoophyte méditerranéen ne se fût sans doute offert à mes regards, si le Nautilus, dans la soirée du 16, n’eût singulièrement ralenti sa vitesse. Voici dans quelles circonstances.
We were then passing between Sicily and the coast of Tunis. In the narrow space between Cape Bon and the Straits of Messina the bottom of the sea rose almost suddenly. There was a perfect bank, on which there was not more than nine fathoms of water, whilst on either side the depth was ninety fathoms.Nous passions alors entre la Sicile et la côte de Tunis. Dans cet espace resserré entre le cap Bon et le détroit de Messine, le fond de la mer remonte presque subitement. Là s’est formée une véritable crête sur laquelle il ne reste que dix-sept mètres d’eau, tandis que de chaque côté la profondeur est de cent soixante-dix mètres.
The Nautilus had to manoeuvre very carefully so as not to strike against this submarine barrier.Le Nautilus dut donc manœuvrer prudemment à fin de ne pas se heurter contre cette barrière sous-marine.
I showed Conseil, on the map of the Mediterranean, the spot occupied by this reef.Je montrai à Conseil, sur la carte de la Méditerranée, l’emplacement qu’occupait ce long récif.
“But if you please, sir,” observed Conseil, “it is like a real isthmus joining Europe to Africa.”«Mais, n’en déplaise à monsieur, fit observer Conseil, c’est comme un isthme véritable qui réunit l’Europe à l’Afrique.
“Yes, my boy, it forms a perfect bar to the Straits of Lybia, and the soundings of Smith have proved that in former times the continents between Cape Boco and Cape Furina were joined.”—Oui, mon garçon, répondis-je, il barre en entier le détroit de Lybie, et les sondages de Smith ont prouvé que les continents étaient autrefois réunis entre le cap Boco et le cap Furina.
“I can well believe it,” said Conseil.—Je le crois volontiers, dit Conseil.
“I will add,” I continued, “that a similar barrier exists between Gibraltar and Ceuta, which in geological times formed the entire Mediterranean.”
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—J’ajouterai, repris-je, qu’une barrière semblable existe entre Gibraltar et Ceuta, qui, aux temps géologiques, fermait complétement la Méditerranée.
“What if some volcanic burst should one day raise these two barriers above the waves?”—Eh! fit Conseil, si quelque poussée volcanique relevait un jour ces deux barrières au-dessus des flots!
“It is not probable, Conseil.”—Ce n’est guère probable, Conseil.
“Well, but allow me to finish, please, sir; if this phenomenon should take place, it will be troublesome for M. Lesseps, who has taken so much pains to pierce the isthmus.”—Enfin, que monsieur me permette d’achever, si ce phénomène se produisait, ce serait fâcheux pour monsieur de Lesseps, qui se donne tant de mal pour percer son isthme!
“I agree with you; but I repeat, Conseil, this phenomenon will never happen. The violence of subterranean force is ever diminishing. Volcanoes, so plentiful in the first days of the world, are being extinguished by degrees; the internal heat is weakened, the temperature of the lower strata of the globe is lowered by a perceptible quantity every century to the detriment of our globe, for its heat is its life.”—J’en conviens, mais, je te le répète, Conseil, ce phénomène ne se produira pas. La violence des forces souterraines va toujours diminuant. Les volcans, si nombreux aux premiers jours du monde, s’éteignent peu à peu; la chaleur interne s’affaiblit, la température des couches inférieures du globe baisse d’une quantité appréciable par siècle, et au détriment de notre globe, car cette chaleur, c’est sa vie.
“But the sun?”—Cependant, le soleil…
“The sun is not sufficient, Conseil. Can it give heat to a dead body?”—Le soleil est insuffisant, Conseil. Peut-il rendre la chaleur à un cadavre?
“Not that I know of.”—Non, que je sache.
“Well, my friend, this earth will one day be that cold corpse; it will become uninhabitable and uninhabited like the moon, which has long since lost all its vital heat.”—Eh bien, mon ami, la terre sera un jour ce cadavre refroidi. Elle deviendra inhabitable et sera inhabitée comme la lune, qui depuis longtemps a perdu sa chaleur vitale.
“In how many centuries?”—Dans combien de siècles? demanda Conseil.
“In some hundreds of thousands of years, my boy.”—Dans quelques centaines de mille ans, mon garçon.
“Then,” said Conseil, “we shall have time to finish our journey—that is, if Ned Land does not interfere with it.”—Alors, répondit Conseil, nous avons le temps d’achever notre voyage, si toutefois Ned Land ne s’en mêle pas!»
And Conseil, reassured, returned to the study of the bank, which the Nautilus was skirting at a moderate speed.Et Conseil, rassuré, se remit à étudier le haut fond que le Nautilus rasait de près avec une vitesse modérée.
Là, sous un sol rocheux et volcanique, s’épanouissait toute une flore vivante, des éponges, des holoturies, des cydippes hyalines ornées de cyrrhes rougeâtres et qui émettaient une légère phosphorescence, des beroës, vulgairement connus sous le nom de concombres de mer et baignés dans les miroitements d’un spectre solaire, des comatules ambulantes, larges d’un mètre, et dont la pourpre rougissait les eaux, des euryales arborescentes de la plus grande beauté, des pavonacées à longues tiges, un grand nombre d’oursins comestibles d’espèces variées, et des actinies vertes au tronc grisâtre, au disque brun, qui se perdaient dans leur chevelure olivâtre de tentacules.
Conseil s’était occupé plus particulièrement d’observer les mollusques et les articulés, et bien que la nomenclature en soit un peu aride, je ne veux pas faire tort à ce brave garçon en omettant ses observations personnelles.
Dans l’embranchement des mollusques, il cite de nombreux pétoncles pectiniformes, des spondyles pieds-d’âne qui s’entassaient les uns sur les autres, des donaces triangulaires, des hyalles tridentées, à nageoires jaunes et à coquilles transparentes, des pleurobranches orangés, des œufs pointillés ou semés de points verdâtres, des aplysies connues aussi sous le nom de lièvres de mer, des dolabelles, des acères charnus, des ombrelles spéciales à la Méditerranée, des oreilles de mer dont la coquille produit une nacre très-recherchée, des pétoncles flammulés, des anomies que les Languedociens, dit-on, préfèrent aux huîtres, des clovis si chers aux Marseillais, des praïres doubles, blanches et grasses, quelques-uns de ces clams qui abondent sur les côtes de l’Amérique du Nord et dont il se fait un débit si considérable à New-York, des peignes operculaires de couleurs variées, des lithodonces enfoncées dans leurs trous et dont je goûtais fort le goût poivré, des vénéricardes sillonnées dont la coquille à sommet bombé présentait des côtes saillantes, des cynthies hérissées de tubercules écarlates, des carniaires à pointe recourbée et semblables à de légères gondoles, des féroles couronnées, des atlantes à coquilles spiraliformes, des thétys grises, tachetées de blanc et recouvertes de leur mantille frangée, des éolides semblables à de petites limaces, des cavolines rampant sur le dos, des auricules et entre autres l’auricule myosotis, à coquille ovale, des scalaires fauves, des littorines, des janthures, des cinéraires, des pétricoles, des lamellaires, des cabochons, des pandores, etc.
Quant aux articulés, Conseil les a, sur ses notes, très-justement divisés en six classes, dont trois appartiennent au monde marin. Ce sont les classes des crustacés, des cirrhopodes et des annélides.
Les crustacés se subdivisent en neuf ordres, et le premier de ces ordres comprend les décapodes, c’est-à-dire les animaux dont la tête et le thorax sont le plus généralement soudés entre eux, dont l’appareil buccal est composé de plusieurs paires de membres, et qui possèdent quatre, cinq ou six paires de pattes thoraciques ou ambulatoires. Conseil avait suivi la méthode de notre maître Milne Edwards, qui fait trois sections des décapodes: les brachyoures, les macroures et les anomoures. Ces noms sont légèrement barbares, mais ils sont justes et précis. Parmi les macroures, Conseil cite des amathies dont le front est armé de deux grandes pointes divergentes, l’inachus scorpion, qui,—je ne sais pourquoi,—symbolisait la sagesse chez les Grecs, des lambres-masséna, des lambres-spinimanes, probablement égarés sur ce haut-fond, car d’ordinaire ils vivent à de grandes profondeurs, des xhantes, des pilumnes, des rhomboïdes, des calappiens granuleux,—très-faciles à digérer, fait observer Conseil,—des corystes édentés, des ébalies, des cymopolies, des dorripes laineuses, etc. Parmi les macroures, subdivisése en cinq familles, les cuirassés, les fouisseurs, les astaciens, les salicoques et les ochyzopodes, il cite des langoustes communes, dont la chair est si estimée chez les femelles, des scyllares-ours ou cigales de mer, des gébies riveraines, et toutes sortes d’espèces comestibles, mais il ne dit rien de la subdivision des astaciens qui comprend les homards, car les langoustes sont les seuls homards de la Méditerranée. Enfin, parmi les anomoures, il vit des drocines communes, abritées derrière cette coquille abandonnée dont elles s’emparent, des homoles à front épineux, des bernard-l’hermite, des porcellanes, etc.
Là s’arrêtait le travail de Conseil. Le temps lui avait manqué pour compléter la classe des crustacés par l’examen des stomapodes, des amphipodes, des homopodes, des isopodes, des trilobites, des branchiapodes, des ostracodes et des entomostracées. Et pour terminer l’étude des articulés marins, il aurait dû citer la classe des cyrrhopodes qui renferme les cyclopes, les argules, et la classe des annélides qu’il n’eût pas manqué de diviser en tubicoles et en dorsibranches. Mais le Nautilus, ayant dépassé le haut fond du détroit de Libye, reprit dans les eaux plus profondes sa vitesse accoutumée. Dès lors plus de mollusques, plus d’articulés, plus de zoophytes. A peine quelques gros poissons qui passaient comme des ombres.
During the night of the 16th and 17th February we had entered the second Mediterranean basin, the greatest depth of which was 1,450 fathoms. The Nautilus, by the action of its crew, slid down the inclined planes and buried itself in the lowest depths of the sea.Pendant la nuit du 16 au 17 février, nous étions entrés dans ce second bassin méditerranéen, dont les plus grandes profondeurs se trouvent par trois mille mètres. Le Nautilus, sous l’impulsion de son hélice, glissant sur ses plans inclinés, s’enfonça jusqu’aux dernières couches de la mer.
Là, à défaut des merveilles naturelles, la masse des eaux offrit à mes regards bien des scènes émouvantes et terribles. En effet, nous traversions alors toute cette partie de la Méditerranée si féconde en sinistres. De la côte algérienne aux rivages de la Provence, que de navires ont fait naufrage, que de bâtiments ont disparu! La Méditerranée n’est qu’un lac, comparée aux vastes plaines liquides du Pacifique, mais c’est un lac capricieux, aux flots changeants, aujourd’hui propice et caressant pour la frêle tartane qui semble flotter entre le double outre-mer des eaux et du ciel, demain, rageur, tourmenté, démonté par les vents, brisant les plus forts navires de ses lames courtes qui les frappent à coups précipités.
Ainsi, dans cette promenade rapide à travers les couches profondes, que d’épaves j’aperçus gisant sur le sol, les unes déjà empâtées par les coraux, les autres revêtues seulement d’une couche de rouille, des ancres, des canons, des boulets, des garnitures de fer, des branches d’hélice, des morceaux de machines, des cylindres brisés, des chaudières défoncées, puis des coques flottant entre deux eaux, celles-ci droites, celles-là renversées.
De ces navires naufragés, les uns avaient péri par collision, les autres pour avoir heurté quelque écueil de granit. J’en vis qui avaient coulé à pic, la mâture droite, le gréement raidi par l’eau. Ils avaient l’air d’être à l’ancre dans une immense rade foraine et d’attendre le moment du départ. Lorsque le Nautilus passait entre eux et les enveloppait de ses nappes électriques, il semblait que ces navires allaient le saluer de leur pavillon et lui envoyer leur numéro d’ordre! Mais non, rien que le silence et la mort sur ce champ des catastrophes!
J’observai que les fonds méditerranéens étaient plus encombrés de ces sinistres épaves à mesure que le Nautilus se rapprochait du détroit de Gibraltar. Les côtes d’Afrique et d’Europe se resserrent alors, et dans cet étroit espace, les rencontres sont fréquentes. Je vis là de nombreuses carènes de fer, des ruines fantastiques de steamers, les uns couchés, les autres debout, semblables à des animaux formidables. Un de ces bateaux aux flancs ouverts, sa cheminée courbée, ses roues dont il ne restait plus que la monture, son gouvernail séparé de l’étambot et retenu encore par une chaîne de fer, son tableau d’arrière rongé par les sels marins, se présentait sous un aspect terrible! Combien d’existences brisées dans son naufrage! Combien de victimes entraînées sous les flots! Quelque matelot du bord avait-il survécu pour raconter ce terrible désastre, ou les flots gardaient-ils encore le secret de ce sinistre? Je ne sais pourquoi, il me vint à la pensée que ce bateau enfoui sous la mer pouvait être l’Atlas, disparu corps et biens depuis une vingtaine d’années, et dont on n’a jamais entendu parler! Ah! quelle sinistre histoire serait à faire que celle de ces fonds méditerranéens, de ce vaste ossuaire, où tant de richesses se sont perdues, où tant de victimes ont trouvé la mort!
On the 18th of February, about three o’clock in the morning, we were at the entrance of the Straits of Gibraltar. There once existed two currents: an upper one, long since recognised, which conveys the waters of the ocean into the basin of the Mediterranean; and a lower counter-current, which reasoning has now shown to exist. Cependant, le Nautilus, indifférent et rapide, courait à toute hélice au milieu de ces ruines. Le 18 février, vers trois heures du matin, il se présentait à l’entrée du détroit de Gibraltar.
Là existent deux courants: un courant supérieur, depuis longtemps reconnu, qui amène les eaux de l’Océan dans le bassin de la Méditerranée; puis un contre-courant inférieur, dont le raisonnement a démontré aujourd’hui l’existence.
 Indeed, the volume of water in the Mediterranean, incessantly added to by the waves of the Atlantic and by rivers falling into it, would each year raise the level of this sea, for its evaporation is not sufficient to restore the equilibrium. As it is not so, we must necessarily admit the existence of an under-current, which empties into the basin of the Atlantic through the Straits of Gibraltar the surplus waters of the Mediterranean. En effet, la somme des eaux de la Méditerranée, incessamment accrue par les flots de l’Atlantique et par les fleuves qui s’y jettent, devrait élever chaque année le niveau de cette mer, car son évaporation est insuffisante pour rétablir l’équilibre. Or, il n’en est pas ainsi, et on a dû naturellement admettre l’existence d’un courant inférieur qui par le détroit de Gibraltar verse dans le bassin de l’Atlantique le trop plein de la Méditerranée.
A fact indeed; and it was this counter-current by which the Nautilus profited. It advanced rapidly by the narrow pass. For one instant I caught a glimpse of the beautiful ruins of the temple of Hercules, buried in the ground, according to Pliny, and with the low island which supports it; and a few minutes later we were floating on the Atlantic.Fait exact, en effet. C’est de ce contre-courant que profita le Nautilus. Il s’avança rapidement par l’étroite passe. Un instant je pus entrevoir les admirables ruines du temple d’Hercule enfoui, au dire de Pline et d’Avienus, avec l’île basse qui le supportait, et quelques minutes plus tard nous flottions sur les flots de l’Atlantique.
CHAPTER VIII
VIGO BAY
CHAPITRE VIII
LA BAIE DE VIGO.
The Atlantic! a vast sheet of water whose superficial area covers twenty-five millions of square miles, the length of which is nine thousand miles, with a mean breadth of two thousand seven hundred—an ocean whose parallel winding shores embrace an immense circumference, watered by the largest rivers of the world, the St. Lawrence, the Mississippi, the Amazon, the Plata, the Orinoco, the Niger, the Senegal, the Elbe, the Loire, and the Rhine, which carry water from the most civilised, as well as from the most savage, countries! Magnificent field of water, incessantly ploughed by vessels of every nation, sheltered by the flags of every nation, and which terminates in those two terrible points so dreaded by mariners, Cape Horn and the Cape of Tempests.L’Atlantique! vaste étendue d’eau dont la superficie couvre vingt-cinq millions de milles carrés, longue de neuf mille milles sur une largeur moyenne de deux mille sept cents. Importante mer presque ignorée des anciens, sauf peut-être des Carthaginois, ces Hollandais de l’antiquité, qui dans leurs pérégrinations commerciales suivaient les côtes ouest de l’Europe et de l’Afrique! Océan dont les rivages aux sinuosités parallèles embrassent un périmètre immense, arrosé par les plus grands fleuves du monde, le Saint-Laurent, le Mississipi, l’Amazone, la Plata, l’Orénoque, le Niger, le Sénégal, l’Elbe, la Loire, le Rhin, qui lui apportent les eaux des pays les plus civilisés et des contrées les plus sauvages! Magnifique plaine, incessamment sillonnée par les navires de toutes les nations, abritée sous tous les pavillons du monde, et que terminent ces deux pointes terribles, redoutées des navigateurs, le cap Horn et le cap des Tempêtes!
The Nautilus was piercing the water with its sharp spur, after having accomplished nearly ten thousand leagues in three months and a half, a distance greater than the great circle of the earth. Where were we going now, and what was reserved for the future? The Nautilus, leaving the Straits of Gibraltar, had gone far out. It returned to the surface of the waves, and our daily walks on the platform were restorede to us.Le Nautilus en brisait les eaux sous le tranchant de son éperon, après avoir accompli près de dix mille lieues en trois mois et demi, parcours supérieur à l’un des grands cercles de la terre. Où allions-nous maintenant, et que nous réservait l’avenir?

Le Nautilus, sorti du détroit de Gibraltar, avait pris le large. Il revint à la surface des flots, et nos promenades quotidiennes sur la plate-forme nous furent ainsi rendues.
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I mounted at once, accompanied by Ned Land and Conseil. At a distance of about twelve miles, Cape St. Vincent was dimly to be seen, forming the south-western point of the Spanish peninsula. A strong southerly gale was blowing. The sea was swollen and billowy; it made the Nautilus rock violently. It was almost impossible to keep one’s foot on the platform, which the heavy rolls of the sea beat over every instant. So we descended after inhaling some mouthfuls of fresh air.J’y montai aussitôt accompagné de Ned Land et de Conseil. A une distance de douze milles apparaissait vaguement le cap Saint-Vincent qui forme la pointe sud-ouest de la péninsule hispanique. Il ventait un assez fort coup de vent du sud. La mer était grosse, houleuse. Elle imprimait de violentes secousses de roulis au Nautilus. Il était presque impossible de se maintenir sur la plate-forme que d’énormes paquets de mer battaient à chaque instant. Nous redescendîmes donc après avoir humé quelques bouffées d’air.
I returned to my room, Conseil to his cabin; but the Canadian, with a preoccupied air, followed me. Our rapid passage across the Mediterranean had not allowed him to put his project into execution, and he could not help showing his disappointment. When the door of my room was shut, he sat down and looked at me silently.Je regagnai ma chambre. Conseil revint à sa cabine; mais le Canadien, l’air assez préoccupé, me suivit. Notre rapide passage à travers la Méditerranée ne lui avait pas permis de mettre ses projets à exécution, et il dissimulait peu son désappointement. Lorsque la porte de ma chambre fut fermée, il s’assit et me regarda silencieusement.
“Friend Ned,” said I, “I understand you; but you cannot reproach yourself. To have attempted to leave the Nautilus under the circumstances would have been folly.”«Ami Ned, lui dis-je, je vous comprends, mais vous n’avez rien à vous reprocher. Dans les conditions où naviguait le Nautilus, songer à le quitter eût été de la folie!»
Ned Land did not answer; his compressed lips and frowning brow showed with him the violent possession this fixed idea had taken of his mind.Ned Land ne répondit rien. Ses lèvres serrées, ses sourcils froncés, indiquaient chez lui la violente obsession d’une idée fixe.
“Let us see,” I continued; “we need not despair yet. We are going up the coast of Portugal again; France and England are not far off, where we can easily find refuge. Now if the Nautilus, on leaving the Straits of Gibraltar, had gone to the south, if it had carried us towards regions where there were no continents, I should share your uneasiness. But we know now that Captain Nemo does not fly from civilised seas, and in some days I think you can act with security.”«Voyons, repris-je, rien n’est désespéré encore. Nous remontons la côte du Portugal. Non loin sont la France, l’Angleterre, où nous trouverions facilement un refuge. Ah! si le Nautilus, sorti du détroit de Gibraltar, avait mis le cap au sud, s’il nous eût entraînés vers ces régions où les continents manquent, je partagerais vos inquiétudes. Mais, nous le savons maintenant, le capitaine Nemo ne fuit pas les mers civilisées, et dans quelques jours, je crois que vous pourrez agir avec quelque sécurité.»
Ned Land still looked at me fixedly; at length his fixed lips parted, and he said, “It is for to-night.”Ned Land me regarda plus fixement encore, et desserrant enfin les lèvres:
«C’est pour ce soir,» dit-il.
I drew myself up suddenly. I was, I admit, little prepared for this communication. I wanted to answer the Canadian, but words would not come.Je me redressai subitement. J’étais, je l’avoue, peu préparé à cette communication. J’aurais voulu répondre au Canadien, mais les mots ne me vinrent pas.
“We agreed to wait for an opportunity,” continued Ned Land, “and the opportunity has arrived. This night we shall be but a few miles from the Spanish coast. It is cloudy. The wind blows freely. I have your word, M. Aronnax, and I rely upon you.”«Nous étions convenus d’attendre une circonstance, reprit Ned Land. La circonstance, je la tiens. Ce soir, nous ne serons qu’à quelques milles de la côte espagnole. La nuit est sombre. Le vent souffle du large. J’ai votre parole, monsieur Aronnax, et je compte sur vous.»
As I was silent, the Canadian approached me.Comme je me taisais toujours, le Canadien se leva, et se rapprochant de moi:
“To-night, at nine o’clock,” said he. “I have warned Conseil. At that moment Captain Nemo will be shut up in his room, probably in bed. Neither the engineers nor the ship’s crew can see us. Conseil and I will gain the central staircase, and you, M. Aronnax, will remain in the library, two steps from us, waiting my signal. The oars, the mast, and the sail are in the canoe. I have even succeeded in getting some provisions. I have procured an English wrench, to unfasten the bolts which attach it to the shell of the Nautilus. So all is ready, till to-night.”

«Ce soir, à neuf heures, dit-il. J’ai prévenu Conseil. A ce moment-là, le capitaine Nemo sera enfermé dans sa chambre et probablement couché. Ni les mécaniciens, ni les hommes de l’équipage ne peuvent nous voir. Conseil et moi, nous gagnerons l’escalier central. Vous, monsieur Aronnax, vous resterez dans la bibliothèque à deux pas de nous, attendant mon signal. Les avirons, le mât et la voile sont dans le canot. Je suis même parvenu à y porter quelques provisions. Je me suis procuré une clef anglaise pour dévisser les écrous qui attachent le canot à la coque du Nautilus. Ainsi tout est prêt. A ce soir.
“The sea is bad.”—La mer est mauvaise, dis-je.
“That I allow,” replied the Canadian; “but we must risk that. Liberty is worth paying for; besides, the boat is strong, and a few miles with a fair wind to carry us is no great thing. Who knows but by to-morrow we may be a hundred leagues away? Let circumstances only favour us, and by ten or eleven o’clock we shall have landed on some spot of terra firma, alive or dead. But adieu now till to-night.”—J’en conviens, répond le Canadien, mais il faut risquer cela. La liberté vaut qu’on la paye. D’ailleurs, l’embarcation est solide, et quelques milles avec un vent qui porte ne sont pas une affaire. Qui sait si demain nous ne serons pas à cent lieues au large? Que les circonstances nous favorisent, et, entre dix et onze heures, nous serons débarqués sur quelque point de la terre ferme ou morts. Donc, à la grâce de Dieu et à ce soir!»
With these words the Canadian withdrew, leaving me almost dumb. I had imagined that, the chance gone, I should have time to reflect and discuss the matter. My obstinate companion had given me no time; and, after all, what could I have said to him? Ned Land was perfectly right. There was almost the opportunity to profit by. Could I retract my word, and take upon myself the responsibility of compromising the future of my companions? To-morrow Captain Nemo might take us far from all land.Sur ce mot, le Canadien se retira, me laissant presque abasourdi. J’avais imaginé que, le cas échéant, j’aurais eu le temps de réfléchir, de discuter. Mon opiniâtre compagnon ne me le permettait pas. Que lui aurais-je dit, après tout? Ned Land avait cent fois raison. C’était presque une circonstance, il en profitait. Pouvais-je revenir sur ma parole et assumer cette responsabilité de compromettre dans un intérêt tout personnel l’avenir de mes compagnons? Demain, le capitaine Nemo ne pouvait-il pas nous entraîner au large de toutes terres?
At that moment a rather loud hissing noise told me that the reservoirs were filling, and that the Nautilus was sinking under the waves of the Atlantic.En ce moment, un sifflement assez fort m’apprit que les réservoirs se remplissaient, et le Nautilus s’enfonça sous les flots de l’Atlantique.
A sad day I passed, between the desire of regaining my liberty of action and of abandoning the wonderful Nautilus, and leaving my submarine studies incomplete.Je demeurai dans ma chambre. Je voulais éviter le capitaine pour cacher à ses yeux l’émotion qui me dominait. Triste journée que je passai ainsi, entre le désir de rentrer en possession de mon libre arbitre et le regret d’abandonner ce merveilleux Nautilus, laissant inachevées mes études sous-marines!
What dreadful hours I passed thus! Sometimes seeing myself and companions safely landed, sometimes wishing, in spite of my reason, that some unforeseen circumstance, would prevent the realisation of Ned Land’s project.Quitter ainsi cet océan, «mon Atlantique,» comme je me plaisais à le nommer, sans en avoir observé les dernières couches, sans lui avoir dérobé ces secrets que m’avaient révélés les mers des Indes et du Pacifique! Mon roman me tombait des mains dès le premier volume, mon rêve s’interrompait au plus beau moment! Quelles heures mauvaises s’écoulèrent ainsi, tantôt me voyant en sûreté, à terre, avec mes compagnons, tantôt souhaitant, en dépit de ma raison, que quelque circonstance imprévue empêchât la réalisation des projets de Ned Land.
Twice I went to the saloon. I wished to consult the compass. I wished to see if the direction the Nautilus was taking was bringing us nearer or taking us farther from the coast. But no; the Nautilus kept in Portuguese waters.Deux fois je vins au salon. Je voulais consulter le compas. Je voulais voir si la direction du Nautilus nous rapprochait, en effet, ou nous éloignait de la côte. Mais non. Le Nautilus se tenait toujours dans les eaux portugaises. Il pointait au nord en prolongeant les rivages de l’Océan.
I must therefore take my part and prepare for flight. My luggage was not heavy; my notes, nothing more.Il fallait donc en prendre son parti et se préparer à fuir. Mon bagage n’était pas lourd. Mes notes, rien de plus.
As to Captain Nemo, I asked myself what he would think of our escape; what trouble, what wrong it might cause him and what he might do in case of its discovery or failure. Certainly I had no cause to complain of him; on the contrary, never was hospitality freer than his. In leaving him I could not be taxed with ingratitude. No oath bound us to him. It was on the strength of circumstances he relied, and not upon our word, to fix us for ever.Quant au capitaine Nemo, je me demandai ce qu’il penserait de notre évasion, quelles inquiétudes, quels torts peut-être elle lui causerait, et ce qu’il ferait dans le double cas où elle serait ou révélée ou manquée! Sans doute je n’avais pas à me plaindre de lui, au contraire. Jamais hospitalité ne fut plus franche que la sienne. En le quittant, je ne pouvais être taxé d’ingratitude. Aucun serment ne nous liait à lui. C’était sur la force des choses seule qu’il comptait et non sur notre parole pour nous fixer à jamais auprès de lui.
Mais cette prétention hautement avouée de nous retenir éternellement prisonniers à son bord justifiait toutes nos tentatives.
I had not seen the Captain since our visit to the Island of Santorin. Would chance bring me to his presence before our departure? I wished it, and I feared it at the same time. I listened if I could hear him walking the room contiguous to mine. No sound reached my ear. I felt an unbearable uneasiness. This day of waiting seemed eternal. Hours struck too slowly to keep pace with my impatience.Je n’avais pas revu le capitaine depuis notre visite à l’île de Santorin. Le hasard devait-il me mettre en sa présence avant notre départ? Je le désirais et je le craignais tout à la fois. J’écoutai si je ne l’entendrais pas marcher dans sa chambre contiguë à la mienne. Aucun bruit ne parvint à mon oreille. Cette chambre devait être déserte.
Alors j’en vins à me demander si cet étrange personnage était à bord. Depuis cette nuit pendant laquelle le canot avait quitté le Nautilus pour un service mystérieux, mes idées s’étaient, en ce qui le concerne, légèrement modifiées. Je pensais, bien qu’il eût pu dire, que le capitaine Nemo devait avoir conservé avec la terre quelques relations d’une certaine espèce. Ne quittait-il jamais le Nautilus? Des semaines entières s’étaient souvent écoulées sans que je l’eusse rencontré. Que faisait-il pendant ce temps, et alors que je le croyais en proie à des accès de misanthropie, n’accomplissait-il pas au loin quelque acte secret dont la nature m’échappait jusqu’ici?
Toutes ces idées et mille autres m’assaillirent à la fois. Le champ des conjectures ne peut être qu’infini dans l’étrange situation où nous sommes. J’éprouvais un malaise insupportable. Cette journée d’attente me semblait éternelle. Les heures sonnaient trop lentement au gré de mon impatience.
My dinner was served in my room as usual. I ate but little; I was too preoccupied. I left the table at seven o’clock. A hundred and twenty minutes (I counted them) still separated me from the moment in which I was to join Ned Land. My agitation redoubled. My pulse beat violently. I could not remain quiet. I went and came, hoping to calm my troubled spirit by constant movement. The idea of failure in our bold enterprise was the least painful of my anxieties; but the thought of seeing our project discovered before leaving the Nautilus, of being brought before Captain Nemo, irritated, or (what was worse) saddened, at my desertion, made my heart beat.Mon dîner me fut comme toujours servi dans ma chambre. Je mangeai mal, étant trop préoccupé. Je quittai la table à sept heures. Cent vingt minutes,—je les comptais,—me séparaient encore du moment où je devais rejoindre Ned Land. Mon agitation redoublait. Mon pouls battait avec violence. Je ne pouvais rester immobile. J’allais et venais, espérant calmer par le mouvement le trouble de mon esprit. L’idée de succomber dans notre téméraire entreprise était le moins pénible de mes soucis; mais à la pensée de voir notre projet découvert avant d’avoir quitté le Nautilus, à la pensée d’être ramené devant le capitaine Nemo irrité, ou, ce qui eût été pis, contristé de mon abandon, mon cœur palpitait.
I wanted to see the saloon for the last time. I descended the stairs and arrived in the museum, where I had passed so many useful and agreeable hours. I looked at all its riches, all its treasures, like a man on the eve of an eternal exile, who was leaving never to return.Je voulus revoir le salon une dernière fois. Je pris par les coursives, et j’arrivai dans ce musée où j’avais passé tant d’heures agréables et utiles. Je regardai toutes ces richesses, tous ces trésors, comme un homme à la veille d’un éternel exil et qui part pour ne plus revenir.
These wonders of Nature, these masterpieces of art, amongst which for so many days my life had been concentrated, I was going to abandon them for ever! I should like to have taken a last look through the windows of the saloon into the waters of the Atlantic: but the panels were hermetically closed, and a cloak of steel separated me from that ocean which I had not yet explored.Ces merveilles de la nature, ces chefs-d’œuvre de l’art, entre lesquels depuis tant de jours se concentrait ma vie, j’allais les abandonner pour jamais. J’aurais voulu plonger mes regards par la vitre du salon à travers les eaux de l’Atlantique; mais les panneaux étaient hermétiquement fermés et un manteau de tôle me séparait de cet Océan que je ne connaissais pas encore.
In passing through the saloon, I came near the door let into the angle which opened into the Captain’s room. To my great surprise, this door was ajar. I drew back involuntarily. If Captain Nemo should be in his room, he could see me. But, hearing no sound, I drew nearer. The room was deserted. I pushed open the door and took some steps forward. Still the same monklike severity of aspect.En parcourant ainsi le salon, j’arrivai près de la porte, ménagée dans le pan coupé, qui s’ouvrait sur la chambre du capitaine. A mon grand étonnement, cette porte était entre-bâillée. Je reculai involontairement. Si le capitaine Nemo était dans sa chambre, il pouvait me voir. Cependant, n’entendant aucun bruit, je m’approchai. La chambre était déserte. Je poussai la porte. Je fis quelques pas à l’intérieur. Toujours le même aspect sévère, cénobitique.
Suddenly the clock struck eight. The first beat of the hammer on the bell awoke me from my dreams. I trembled as if an invisible eye had plunged into my most secret thoughts, and I hurried from the room.En cet instant, quelques eaux-fortes suspendues à la paroi et que je n’avais pas remarquées pendant ma première visite, frappèrent mes regards. C’étaient des portraits, des portraits de ces grands hommes historiques dont l’existence n’a été qu’un perpétuel dévouement à une grande idée humaine, Kosciusko, le héros tombé au cri de Finis Poloniæ, Botzaris, le Léonidas de la Grèce moderne, O’Connell, le défenseur de l’Irlande, Washington, le fondateur de l’Union américaine, Manin, le patriote italien, Lincoln, tombé sous la balle d’un esclavagiste, et enfin, ce martyr de l’affranchissement de la race noire, John Brown, suspendu à son gibet, tel que l’a si terriblement dessiné le crayon de Victor Hugo.
Quel lien existait-il entre ces âmes héroïques et l’âme du capitaine Nemo? Pouvais-je enfin, de cette réunion de portraits, dégager le mystère de son existence? Était-il le champion des peuples opprimés, le libérateur des races esclaves? Avait-il figuré dans les dernières commotions politiques ou sociales de ce siècle? Avait-il été l’un des héros de la terrible guerre américaine, guerre lamentable et à jamais glorieuse?…
Tout à coup l’horloge sonna huit heures. Le battement du premier coup de marteau sur le timbre m’arracha à mes rêves. Je tressaillis comme si un œil invisible eût pu plonger au plus secret de mes pensées, et je me précipitai hors de la chambre.
There my eye fell upon the compass. Our course was still north. The log indicated moderate speed, the manometer a depth of about sixty feet.Là, mes regards s’arrêtèrent sur la boussole. Notre direction était toujours au nord. Le loch indiquait une vitesse modérée, le manomètre, une profondeur de soixante pieds environ. Les circonstances favorisaient donc les projet du Canadien.
I returned to my room, clothed myself warmly—sea boots, an otterskin cap, a great coat of byssus, lined with sealskin; I was ready, I was waiting. The vibration of the screw alone broke the deep silence which reigned on board. I listened attentively. Would no loud voice suddenly inform me that Ned Land had been surprised in his projected flight. A mortal dread hung over me, and I vainly tried to regain my accustomed coolness.Je regagnai ma chambre. Je me vêtis chaudement, bottes de mer, bonnet de loutre, casaque de byssus doublée de peau de phoque. J’étais prêt. J’attendis. Les frémissements de l’hélice troublaient seuls le silence profond qui régnait à bord. J’écoutais, je tendais l’oreille. Quelque éclat de voix ne m’apprendrait-il pas, tout à coup, que Ned Land venait d’être surpris dans ses projets d’évasion? Une inquiétude mortelle m’envahit. J’essayai vainement de reprendre mon sang-froid.
At a few minutes to nine, I put my ear to the Captain’s door. No noise. I left my room and returned to the saloon, which was half in obscurity, but deserted.A neuf heures moins quelques minutes, je collai mon oreille près de la porte du capitaine. Nul bruit. Je quittai ma chambre, et je revins au salon qui était plongé dans une demi-obscurité, mais désert.
I opened the door communicating with the library. The same insufficient light, the same solitude. I placed myself near the door leading to the central staircase, and there waited for Ned Land’s signal.J’ouvris la porte communiquant avec la bibliothèque. Même clarté insuffisante, même solitude. J’allai me poster près de la porte qui donnait sur la cage de l’escalier central. J’attendis le signal de Ned Land.
At that moment the trembling of the screw sensibly diminished, then it stopped entirely. The silence was now only disturbed by the beatings of my own heart. Suddenly a slight shock was felt; and I knew that the Nautilus had stopped at the bottom of the ocean. My uneasiness increased. The Canadian’s signal did not come. I felt inclined to join Ned Land and beg of him to put off his attempt. I felt that we were not sailing under our usual conditions.En ce moment, les frémissements de l’hélice diminuèrent sensiblement; puis ils cessèrent tout à fait. Pourquoi ce changement dans les allures du Nautilus? Cette halte favorisait-elle ou gênait-elle les desseins de Ned Land, je n’aurais pu le dire. Le silence n’était plus troublé que par les battements de mon cœur.
Soudain, un léger choc se fit sentir. Je compris que le Nautilus venait de s’arrêter sur le fond de l’océan. Mon inquiétude redoubla. Le signal du Canadien ne m’arrivait pas. J’avais envie de rejoindre Ned Land pour l’engager à remettre sa tentative. Je sentais que notre navigation ne se faisait plus dans les conditions ordinaires…
At this moment the door of the large saloon opened, and Captain Nemo appeared. He saw me, and without further preamble began in an amiable tone of voice: En ce moment, la porte du grand salon s’ouvrit, et le capitaine Nemo parut. Il m’aperçut, et, sans autre préambule:
«Ah! Monsieur le professeur, dit-il d’un ton aimable,
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Vingt Mille Lieues
Sous Les Mers de Jules Vernes

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