Ce n’est pas une traduction mots a mots mais les livres dans les deux languages mis côte a côte. Vous pouvez le lire en Français, en anglais ou parallèlement.
This is not a word-by-word translation but the books in the two languages put side by side. You can read it in French, in English or both.
Twenty Thousand Leagues Under The Sea by Jules Vernes
| Twenty Thousand Leagues Under The Sea by Jules Vernes | Vingt Mille Lieues Sous Les Mers de Jules Vernes |
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| PART II | PART II |
| CHAPTER VIII | CHAPITRE VIII |
| “Ah, sir! I have been looking for you. Do you know the history of Spain?” | je vous cherchais. Savez-vous votre histoire d’Espagne?» |
| Now, one might know the history of one’s own country by heart; but in the condition I was at the time, with troubled mind and head quite lost, I could not have said a word of it. | On saurait à fond l’histoire de son propre pays que, dans les conditions où je me trouvais, l’esprit troublé, la tête perdue, on ne pourrait en citer un mot. |
| “Well,” continued Captain Nemo, “you heard my question! Do you know the history of Spain?” | «Eh bien? reprit le capitaine Nemo, vous avez entendu ma question? Savez-vous l’histoire d’Espagne? |
| “Very slightly,” I answered. | —Très-mal, répondis-je. |
| “Well, here are learned men having to learn,” said the Captain. “Come, sit down, and I will tell you a curious episode in this history. Sir, listen well,” said he; “this history will interest you on one side, for it will answer a question which doubtless you have not been able to solve.” | —Voilà bien les savants, dit le capitaine, ils ne savent pas. Alors, asseyez-vous, ajouta-t-il, et je vais vous raconter un curieux épisode de cette histoire.» Le capitaine s’étendit sur un divan, et, machinalement, je pris place auprès de lui, dans la pénombre. «Monsieur le professeur, me dit-il, écoutez-moi bien. Cette histoire vous intéressera par un certain côté, car elle répondra à une question que sans doute vous n’avez pue résoudre. |
| “I listen, Captain,” said I, not knowing what my interlocutor was driving at, and asking myself if this incident was bearing on our projected flight. | —Je vous écoute, capitaine, dis-je, ne sachant où mon interlocuteur voulait en venir, et me demandant si cet incident se rapportait à nos projets de fuite. |
| “Sir, if you have no objection, we will go back to 1702. You cannot be ignorant that your king, Louis XIV, thinking that the gesture of a potentate was sufficient to bring the Pyrenees under his yoke, had imposed the Duke of Anjou, his grandson, on the Spaniards. This prince reigned more or less badly under the name of Philip V, and had a strong party against him abroad. Indeed, the preceding year, the royal houses of Holland, Austria, and England had concluded a treaty of alliance at the Hague, with the intention of plucking the crown of Spain from the head of Philip V, and placing it on that of an archduke to whom they prematurely gave the title of Charles III. | —Monsieur le professeur, reprit le capitaine Nemo, si vous le voulez bien, nous remonterons à 1702. Vous n’ignorez pas qu’à cette époque, votre roi Louis XIV, croyant qu’il suffisait d’un geste de potentat pour faire rentrer les Pyrénées sous terre, avait imposé le duc d’Anjou, son petit-fils, aux Espagnols. Ce prince, qui régna plus ou moins mal sous le nom de Philippe V, eut affaire, au dehors, à forte partie. «En effet, l’année précédente, les maisons royales de Hollande, d’Autriche et d’Angleterre, avaient conclu à la Haye un traité d’alliance, dans le but d’arracher la couronne d’Espagne à Philippe V, pour la placer sur la tête d’un archiduc, auquel elles donnèrent prématurément le nom de Charles III. |
| “Spain must resist this coalition; but she was almost entirely unprovided with either soldiers or sailors. However, money would not fail them, provided that their galleons, laden with gold and silver from America, once entered their ports. And about the end of 1702 they expected a rich convoy which France was escorting with a fleet of twenty-three vessels, commanded by Admiral Chateau-Renaud, for the ships of the coalition were already beating the Atlantic. This convoy was to go to Cadiz, but the Admiral, hearing that an English fleet was cruising in those waters, resolved to make for a French port. | «L’Espagne dut résister à cette coalition. Mais elle était à peu près dépourvue de soldats et de marins. Cependant, l’argent ne lui manquait pas, à la condition toutefois que ses galions, chargés de l’or et de l’argent de l’Amérique, entrassent dans ses ports. Or, vers la fin de 1702, elle attendait un riche convoi que la France faisait escorter par une flotte de vingt-trois vaisseaux commandés par l’amiral de Château-Renaud, car les marines coalisées couraient alors l’Atlantique. «Ce convoi devait se rendre à Cadix, mais l’amiral, ayant appris que la flotte anglaise croisait dans ces parages, résolut de rallier un port de France. |
| “The Spanish commanders of the convoy objected to this decision. They wanted to be taken to a Spanish port, and, if not to Cadiz, into Vigo Bay, situated on the northwest coast of Spain, and which was not blocked. | «Les commandants espagnols du convoi protestèrent contre cette décision. Ils voulurent être conduits dans un port espagnol, et, à défaut de Cadix, dans la baie de Vigo, située sur la côte nord-ouest de l’Espagne, et qui n’était pas bloquée. |
| “Admiral Chateau-Renaud had the rashness to obey this injunction, and the galleons entered Vigo Bay. | «L’amiral de Château-Renaud eut la faiblesse d’obéir à cette injonction, et les galions entrèrent dans la baie de Vigo. |
| “Unfortunately, it formed an open road which could not be defended in any way. They must therefore hasten to unload the galleons before the arrival of the combined fleet; and time would not have failed them had not a miserable question of rivalry suddenly arisen. | «Malheureusement cette baie forme une rade ouverte qui ne peut être aucunement défendue. Il fallait donc se hâter de décharger les galions avant l’arrivée des flottes coalisées, et le temps n’eût pas manqué à ce débarquement, si une misérable question de rivalité n’eût surgi tout à coup. |
| “You are following the chain of events?” asked Captain Nemo. | «Vous suivez bien l’enchaînement des faits? me demanda le capitaine Nemo. |
| “Perfectly,” said I, not knowing the end proposed by this historical lesson. | —Parfaitement, dis-je, ne sachant encore à quel propos m’était faite cette leçon d’histoire. |
| “I will continue. This is what passed. The merchants of Cadiz had a privilege by which they had the right of receiving all merchandise coming from the West Indies. Now, to disembark these ingots at the port of Vigo was depriving them of their rights. They complained at Madrid, and obtained the consent of the weak-minded Philip that the convoy, without discharging its cargo, should remain sequestered in the roads of Vigo until the enemy had disappeared. | —Je continue. Voici ce qui se passa. Les commerçants de Cadix avaient un privilége d’après lequel ils devaient recevoir toutes les marchandises qui venaient des Indes occidentales. Or, débarquer les lingots des galions au port de Vigo, c’était aller contre leur droit. Ils se plaignirent donc à Madrid, et ils obtinrent du faible Philippe V que le convoi, sans procéder à son déchargement, resterait en séquestre dans la rade de Vigo jusqu’au moment où les flottes ennemies se seraient éloignées. |
| “But whilst coming to this decision, on the 22nd of October, 1702, the English vessels arrived in Vigo Bay, when Admiral Chateau-Renaud, in spite of inferior forces, fought bravely. But, seeing that the treasure must fall into the enemy’s hands, he burnt and scuttled every galleon, which went to the bottom with their immense riches.” | «Or, pendant que l’on prenait cette décision, le 22 octobre 1702, les vaisseaux anglais arrivèrent dans la baie de Vigo. L’amiral de Château-Renaud, malgré ses forces inférieures, se battit courageusement. Mais quand il vit que les richesses du convoi allaient tomber entre les mains des ennemis, il incendia et saborda les galions qui s’engloutirent avec leurs immenses trésors.» |
| Captain Nemo stopped. I admit I could not see yet why this history should interest me. | Le capitaine Nemo s’était arrêté. Je l’avoue, je ne voyais pas encore en quoi cette histoire pouvait m’intéresser. |
| “Well?” I asked. | «Eh bien? lui demandai-je. |
| “Well, M. Aronnax,” replied Captain Nemo, “we are in that Vigo Bay; and it rests with yourself whether you will penetrate its mysteries.” | —Eh bien, monsieur Aronnax, me répondit le capitaine Nemo, nous sommes dans cette baie de Vigo, et il ne tient qu’à vous d’en pénétrer les mystères.» |
| The Captain rose, telling me to follow him. I had had time to recover. I obeyed. The saloon was dark, but through the transparent glass the waves were sparkling. I looked. | Le capitaine se leva et me pria de le suivre. J’avais eu le temps de me remettre. J’obéis. Le salon était obscur, mais à travers les vitres transparentes étincelaient les flots de la mer. Je regardai. |
| For half a mile around the Nautilus, the waters seemed bathed in electric light. The sandy bottom was clean and bright. Some of the ship’s crew in their diving-dresses were clearing away half-rotten barrels and empty cases from the midst of the blackened wrecks. From these cases and from these barrels escaped ingots of gold and silver, cascades of piastres and jewels. The sand was heaped up with them. Laden with their precious booty, the men returned to the Nautilus, disposed of their burden, and went back to this inexhaustible fishery of gold and silver. | Autour du Nautilus, dans un rayon d’un demi-mille, les eaux apparaissaient imprégnées de lumière électrique. Le fond sableux était net et clair. Des hommes de l’équipage, revêtus de scaphandres, s’occupaient à déblayer des tonneaux à demi pourris, des caisses éventrées, au milieu d’épaves encore noircies. De ces caisses, de ces barils, s’échappaient des lingots d’or et d’argent, des cascades de piastres et de bijoux. Le sable en était jonché. Puis, chargés de ce précieux butin, ces hommes revenaient au Nautilus, y déposaient leur fardeau et allaient reprendre cette inépuisable pêche d’argent et d’or. |
| I understood now. This was the scene of the battle of the 22nd of October, 1702. Here on this very spot the galleons laden for the Spanish Government had sunk. Here Captain Nemo came, according to his wants, to pack up those millions with which he burdened the Nautilus. It was for him and him alone America had given up her precious metals. He was heir direct, without anyone to share, in those treasures torn from the Incas and from the conquered of Ferdinand Cortez. | Je comprenais. C’était ici le théâtre de la bataille du 22 octobre 1702. Ici même avaient coulé les galions chargés pour le compte du gouvernement espagnol. Ici le capitaine Nemo venait encaisser, suivant ses besoins, les millions dont il lestait son Nautilus. C’était pour lui, pour lui seul que l’Amérique avait livré ses précieux métaux. Il était l’héritier direct et sans partage de ces trésors arrachés aux Incas et aux vaincus de Fernand Cortez! |
| “Did you know, sir,” he asked, smiling, “that the sea contained such riches?” | «Saviez-vous, monsieur le professeur, me demanda-t-il en souriant, que la mer contînt tant de richesse? |
| “I knew,” I answered, “that they value money held in suspension in these waters at two millions.” | —Je savais, répondis-je, que l’on évalue à deux millions de tonnes l’argent qui est tenu en suspension dans ses eaux. |
| “Doubtless; but to extract this money the expense would be greater than the profit. Here, on the contrary, I have but to pick up what man has lost—and not only in Vigo Bay, but in a thousand other ports where shipwrecks have happened, and which are marked on my submarine map. Can you understand now the source of the millions I am worth?” | —Sans doute, mais pour extraire cet argent, les dépenses l’emporteraient sur le profit. Ici, au contraire, je n’ai qu’à ramasser ce que les hommes ont perdu, et non-seulement dans cette baie de Vigo, mais encore sur mille théâtres de naufrages dont ma carte sous-marine a noté la place. Comprenez-vous maintenant que je sois riche à milliards? |
| “I understand, Captain. But allow me to tell you that in exploring Vigo Bay you have only been beforehand with a rival society.” | —Je le comprends, capitaine. Permettez-moi, pourtant, de vous dire qu’en exploitant précisément cette baie de Vigo, vous n’avez fait que devancer les travaux d’une société rivale. |
| “And which?” | —Et laquelle? |
| “A society which has received from the Spanish Government the privilege of seeking those buried galleons. The shareholders are led on by the allurement of an enormous bounty, for they value these rich shipwrecks at five hundred millions.” | —Une société qui a reçu du gouvernement espagnol le privilége de rechercher les galions engloutis. Les actionnaires sont alléchés par l’appât d’un énorme bénéfice, car on évalue à cinq cents millions la valeur de ces richesses naufragées. |
| “Five hundred millions they were,” answered Captain Nemo, “but they are so no longer.” | —Cinq cents millions! me répondit le capitaine Nemo. Ils y étaient, mais ils n’y sont plus. |
| “Just so,” said I; “and a warning to those shareholders would be an act of charity. But who knows if it would be well received? What gamblers usually regret above all is less the loss of their money than of their foolish hopes. After all, I pity them less than the thousands of unfortunates to whom so much riches well-distributed would have been profitable, whilst for them they will be for ever barren.” | —En effet, dis-je. Aussi un bon avis à ces actionnaires serait-il acte de charité. Qui sait pourtant s’il serait bien reçu. Ce que les joueurs regrettent par dessus tout, d’ordinaire, c’est moins la perte de leur argent que celle de leurs folles espérances. Je les plains moins après tout que ces milliers de malheureux auxquels tant de richesses bien réparties eussent pu profiter, tandis qu’elles seront à jamais stériles pour eux!» |
| I had no sooner expressed this regret than I felt that it must have wounded Captain Nemo. | Je n’avais pas plutôt exprimé ce regret que je sentis qu’il avait dû blesser le capitaine Nemo. |
| “Barren!” he exclaimed, with animation. “Do you think then, sir, that these riches are lost because I gather them? Is it for myself alone, according to your idea, that I take the trouble to collect these treasures? Who told you that I did not make a good use of it? Do you think I am ignorant that there are suffering beings and oppressed races on this earth, miserable creatures to console, victims to avenge? Do you not understand?” | «Stériles! répondit-il en s’animant. Croyez-vous donc, monsieur, que ces richesses soient perdues, alors que c’est moi qui les ramasse? Est-ce pour moi, selon vous, que je me donne la peine de recueillir ces trésors? Qui vous dit que je n’en fais pas un bon usage? Croyez-vous que j’ignore qu’il existe des êtres souffrants, des races opprimées sur cette terre, des misérables à soulager, des victimes à venger? Ne comprenez-vous pas?…» |
| Captain Nemo stopped at these last words, regretting perhaps that he had spoken so much. But I had guessed that, whatever the motive which had forced him to seek independence under the sea, it had left him still a man, that his heart still beat for the sufferings of humanity, and that his immense charity was for oppressed races as well as individuals. And I then understood for whom those millions were destined which were forwarded by Captain Nemo when the Nautilus was cruising in the waters of Crete. | Le capitaine Nemo s’arrêta sur ces dernières paroles, regrettant peut-être d’avoir trop parlé. Mais j’avais deviné. Quels que fussent les motifs quie l’avaient forcé à chercher l’indépendance sous les mers, avant tout il était resté un homme! Son cœur palpitait encore aux souffrances de l’humanité, et son immense charité s’adressait aux races asservies comme aux individus! Et je compris alors à qui étaient destinés ces millions expédiés par le capitaine Nemo, lorsque le Nautilus naviguait dans les eaux de la Crète insurgée! |
| CHAPTER IX A VANISHED CONTINENT | CHAPITRE IX UN CONTINENT DISPARU. |
| The next morning, the 19th of February, I saw the Canadian enter my room. I expected this visit. He looked very disappointed. | Le lendemain matin, 19 février, je vis entrer le Canadien dans ma chambre. J’attendais sa visite. Il avait l’air très-désappointé. |
| “Well, sir?” said he. | «Eh bien, monsieur? me dit-il. |
| “Well, Ned, fortune was against us yesterday.” | —Eh bien, Ned, le hasard s’est mis contre nous hier. |
| “Yes; that Captain must needs stop exactly at the hour we intended leaving his vessel.” | —Oui! il a fallu que ce damné capitaine s’arrêtât précisément à l’heure où nous allions fuir son bateau. |
| “Yes, Ned, he had business at his bankers.” | —Oui, Ned, il avait affaire chez son banquier. |
| “His bankers!” | —Son banquier! |
| “Or rather his banking-house; by that I mean the ocean, where his riches are safer than in the chests of the State.” | —Ou plutôt sa maison de banque. J’entends par là cet Océan où ses richesses sont plus en sûreté qu’elles ne le seraient dans les caisses d’un État.» |
| I then related to the Canadian the incidents of the preceding night, hoping to bring him back to the idea of not abandoning the Captain; but my recital had no other result than an energetically expressed regret from Ned that he had not been able to take a walk on the battlefield of Vigo on his own account. | Je racontai alors au Canadien les incidents de la veille, dans le secret espoir de le ramener à l’idée de ne point abandonner le capitaine; mais mon récit n’eut d’autre résultat que le regret énergiquement exprimé par Ned de n’avoir pu faire pour son compte une promenade sur le champ de bataille de Vigo. |
| “However,” said he, “all is not ended. It is only a blow of the harpoon lost. Another time we must succeed; and to-night, if necessary——” | «Enfin, dit-il, tout n’est pas fini! Ce n’est qu’un coup de harpon perdu! Une autre fois nous réussirons, et dès ce soir s’il le faut… |
| “In what direction is the Nautilus going?” I asked. | —Quelle est la direction du Nautilus? demandai-je. |
| “I do not know,” replied Ned. | —Je l’ignore, répondit Ned. |
| “Well, at noon we shall see the point.” | —Eh bien! à midi, nous verrons le point.» |
| The Canadian returned to Conseil. As soon as I was dressed, I went into the saloon. The compass was not reassuring. The course of the Nautilus was S.S.W. We were turning our backs on Europe. | Le Canadien retourna près de Conseil. Dès que je fus habillé, je passai dans le salon. Le compas n’était pas rassurant. La route du Nautilus était sud-sud-ouest. Nous tournions le dos à l’Europe. |
| I waited with some impatience till the ship’s place was pricked on the chart. At about half-past eleven the reservoirs were emptied, and our vessel rose to the surface of the ocean. I rushed towards the platform. Ned Land had preceded me. No more land in sight. Nothing but an immense sea. Some sails on the horizon, doubtless those going to San Roque in search of favourable winds for doubling the Cape of Good Hope. The weather was cloudy. A gale of wind was preparing. Ned raved, and tried to pierce the cloudy horizon. He still hoped that behind all that fog stretched the land he so longed for. | J’attendis avec une certaine impatience que le point fût reporté sur la carte. Vers onze heures et demie, les réservoirs se vidèrent, et notre appareil remonta à la surface de l’Océan. Je m’élançai vers la plate-forme. Ned Land m’y avait précédé. Plus de terres en vue. Rien que la mer immense. Quelques voiles à l’horizon, de celles sans doute qui vont chercher jusqu’au cap San-Roque les vents favorables pour doubler le cap de Bonne-Espérance. Le temps était couvert. Un coup de vent se préparait. Ned, rageant, essayait de percer l’horizon brumeux. Il espérait encore que, derrière tout ce brouillard, s’étendait cette terre si désirée. |
| At noon the sun showed itself for an instant. The second profited by this brightness to take its height. Then, the sea becoming more billowy, we descended, and the panel closed. | A midi, le soleil se montra un instant. Le second profita de cette éclaircie pour prendre sa hauteur. Puis, la mer devenant plus houleuse, nous redescendîmes, et le panneau fut refermé. |
| An hour after, upon consulting the chart, I saw the position of the Nautilus was marked at 16° 17′ long., and 33° 22′ lat., at 150 leagues from the nearest coast. There was no means of flight, and I leave you to imagine the rage of the Canadian when I informed him of our situation. | Une heure après, lorsque je consultai la carte, je vis que la position du Nautilus était indiquée par 16° 17′ de longitude et 33° 22′ de latitude, à cent cinquante lieues de la côte la plus rapprochée. Il n’y avait pas moyen de songer à fuir, et je laisse à penser quelles furent les colères du Canadien, quand je lui fis connaître notre situation. |
| For myself, I was not particularly sorry. I felt lightened of the load which had oppressed me, and was able to return with some degree of calmness to my accustomed work. | Pour mon compte, je ne me désolai pas outre-mesure. Je me sentis comme soulagé du poids qui m’oppressait, et je pus reprendre avec une sorte de calme relatif mes travaux habituels. |
| That night, about eleven o’clock, I received a most unexpected visit from Captain Nemo. He asked me very graciously if I felt fatigued from my watch of the preceding night. I answered in the negative. | Le soir, vers onze heures, je reçus la visite très-inattendue du capitaine Nemo. Il me demanda fort gracieusement si je me sentais fatigué d’avoir veillé la nuit précédente. Je répondis négativement. |
| “Then, M. Aronnax, I propose a curious excursion.” | «Alors, monsieur Aronnax, je vous proposerai une curieuse excursion. |
| “Propose, Captain?” | —Proposez, capitaine. |
| “You have hitherto only visited the submarine depths by daylight, under the brightness of the sun. Would it suit you to see them in the darkness of the night?” | —Vous n’avez encore visité les fonds sous-marins que le jour et sous la clarté du soleil. Vous conviendrait-il de les voir par une nuit obscure? |
| “Most willingly.” | —Très-volontiers. |
| “I warn you, the way will be tiring. We shall have far to walk, and must climb a mountain. The roads are not well kept.” | —Cette promenade sera fatigante, je vous en préviens. Il faudra marcher longtemps et gravir une montagne. Les chemins ne sont pas très bien entretenus. |
| “What you say, Captain, only heightens my curiosity; I am ready to follow you.” | —Ce que vous me dites là, capitaine, redouble ma curiosité. Je suis prêt à vous suivre. |
| “Come then, sir, we will put on our diving-dresses.” | —Venez donc, monsieur le professeur, nous allons revêtir nos scaphandres.» |
| Arrived at the robing-room, I saw that neither of my companions nor any of the ship’s crew were to follow us on this excursion. Captain Nemo had not even proposed my taking with me either Ned or Conseil. | Arrivé au vestiaire, je vis que ni mes compagnons ni aucun homme de l’équipage ne devait nous suivre pendant cette excursion. Le capitaine Nemo ne m’avait pas même proposé d’emmener Ned ou Conseil. |
| In a few moments we had put on our diving-dresses; they placed on our backs the reservoirs, abundantly filled with air, but no electric lamps were prepared. I called the Captain’s attention to the fact. | En quelques instants, nous eûmes revêtu nos appareils. On plaça sur notre dos les réservoirs abondamment chargés d’air, mais les lampes électriques n’étaient pas préparées. Je le fis observer au capitaine. |
| “They will be useless,” he replied. | «Elles nous seraient inutiles,» répondit-il. |
| I thought I had not heard aright, but I could not repeat my observation, for the Captain’s head had already disappeared in its metal case. I finished harnessing myself. I felt them put an iron-pointed stick into my hand, and some minutes later, after going through the usual form, we set foot on the bottom of the Atlantic at a depth of 150 fathoms. | Je crus avoir mal entendu, mais je ne pus réitérer mon observation, car la tête du capitaine avait déjà disparu dans son enveloppe métallique. J’achevai de me harnacher, je sentis qu’on me plaçait dans la main un bâton ferré, et quelques minutes plus tard, après la manœuvre habituelle, nous prenions pied sur le fond de l’Atlantique, à une profondeur de trois cents mètres. |
| Midnight was near. The waters were profoundly dark, but Captain Nemo pointed out in the distance a reddish spot, a sort of large light shining brilliantly about two miles from the Nautilus. What this fire might be, what could feed it, why and how it lit up the liquid mass, I could not say. In any case, it did light our way, vaguely, it is true, but I soon accustomed myself to the peculiar darkness, and I understood, under such circumstances, the uselessness of the Ruhmkorff apparatus. | Minuit approchait. Les eaux étaient profondément obscures, mais le capitaine Nemo me montra dans le lointain un point rougeâtre, une sorte de large lueur, qui brillait à deux milles environ du Nautilus. Ce qu’était ce feu, quelles matières l’alimentaient, pourquoi et comment il se revivifiait dans la masse liquide, je n’aurais pu le dire. En tout cas, il nous éclairait, vaguement il est vrai, mais je m’accoutumai bientôt à ces ténèbres particulières, et je compris, dans cette circonstance, l’inutilité des appareils Ruhmkorff. |
| Le capitaine Nemo et moi, nous marchions l’un près de l’autre, directement sur le feu signalé. Le sol plat montait insensiblement. Nous faisions de larges enjambées, nous aidant du bâton; mais notre marche était lente, en somme, car nos pieds s’enfonçaient souvent dans une sorte de vase pétrie avec des algues et semée de pierres plates. | |
| As we advanced, I heard a kind of pattering above my head. The noise redoubling, sometimes producing a continual shower, I soon understood the cause. It was rain falling violently, and crisping the surface of the waves. Instinctively the thought flashed across my mind that I should be wet through! By the water! in the midst of the water! I could not help laughing at the odd idea. But, indeed, in the thick diving-dress, the liquid element is no longer felt, and one only seems to be in an atmosphere somewhat denser than the terrestrial atmosphere. Nothing more. | Tout en avançant, j’entendais une sorte de grésillement au-dessus de ma tête. Ce bruit redoublait parfois et produisait comme un pétillement continu. J’en compris bientôt la cause. C’était la pluie qui tombait violemment en crépitant à la surface des flots. Instinctivement, la pensée me vint que j’allais être trempé! Par l’eau, au milieu de l’eau! Je ne pus m’empêcher de rire à cette idée baroque. Mais pour tout dire, sous l’épais habit du scaphandre, on ne sent plus le liquide élément, et l’on se croit au milieu d’une atmosphère un peu plus dense que l’atmosphère terrestre, voilà tout. |
| After half an hour’s walk the soil became stony. Medusae, microscopic crustacea, and pennatules lit it slightly with their phosphorescent gleam. I caught a glimpse of pieces of stone covered with millions of zoophytes and masses of sea weed. My feet often slipped upon this sticky carpet of sea weed, and without my iron-tipped stick I should have fallen more than once. In turning round, I could still see the whitish lantern of the Nautilus beginning to pale in the distance. | Après une demi-heure de marche, le sol devint rocailleux. Les méduses, les crustacés microscopiques, les pennatules l’éclairaient légèrement de lueurs phosphorescentes. J’entrevoyais des monceaux de pierres que couvraient quelques millions de zoophytes et des fouillis d’algues. Le pied me glissait souvent sur ces visqueux tapis de varech, et sans mon bâton ferré, je serais tombé plus d’une fois. En me retournant, je voyais toujours le fanal blanchâtre du Nautilus qui commençait à pâlir dans l’éloignement. |
| Ces amoncellements pierreux dont je viens de parler étaient disposés sur le fond océanique suivant une certaine régularité que je ne m’expliquais pas. J’apercevais de gigantesques sillons qui se perdaient dans l’obscurité lointaine et dont la longueur échappait à toute évaluation. D’autres particularités se présentaient aussi, que je ne savais admettre. Il me semblait que mes lourdes semelles de plomb écrasaient une litière d’ossements qui craquaient avec un bruit sec. Qu’était donc cette vaste plaine que je parcourais ainsi? J’aurais voulu interroger le capitaine, mais son langage par signes, qui lui permettait de causer avec ses compagnons, lorsqu’ils le suivaient dans ses excursions sous-marines, était encore incompréhensible pour moi. | |
| But the rosy light which guided us increased and lit up the horizon. The presence of this fire under water puzzled me in the highest degree. Was I going towards a natural phenomenon as yet unknown to the savants of the earth? Or even (for this thought crossed my brain) had the hand of man aught to do with this conflagration? | Cependant, la clarté rougeâtre qui nous guidait, s’accroissait et enflammait l’horizon. La présence de ce foyer sous les eaux m’intriguait au plus haut degré. Était-ce quelque effluence électrique qui se manifestait? Allais-je vers un phénomène naturel encore inconnu des savants de la terre? Où même,—car cette pensée traversa mon cerveau,—la main de l’homme intervenait-elle dans cet embrasement? |
| Had he fanned this flame? Was I to meet in these depths companions and friends of Captain Nemo whom he was going to visit, and who, like him, led this strange existence? Should I find down there a whole colony of exiles who, weary of the miseries of this earth, had sought and found independence in the deep ocean? | Soufflait-elle cet incendie? Devais-je rencontrer, sous ces couches profondes, des compagnons, des amis du capitaine Nemo, vivant comme lui de cette existence étrange, et auxquels il allait rendre visite? Trouverais-je là-bas toute une colonie d’exilés, qui, las des misères de la terre, avaient cherché et trouvé l’indépendance au plus profond de l’Océan? |
| All these foolish and unreasonable ideas pursued me. And in this condition of mind, over-excited by the succession of wonders continually passing before my eyes, I should not have been surprised to meet at the bottom of the sea one of those submarine towns of whiche Captain Nemo dreamed. | Toutes ces idées folles, inadmissibles, me poursuivaient, et dans cette disposition d’esprit, surexcité sans cesse par la série de merveilles qui passaient sous mes yeux, je n’aurais pas été surpris de rencontrer, au fond de cette mer, une de ces villes sous-marines que rêvait le capitaine Nemo! |
| Our road grew lighter and lighter. The white glimmer came in rays from the summit of a mountain about 800 feet high. But what I saw was simply a reflection, developed by the clearness of the waters. The source of this inexplicable light was a fire on the opposite side of the mountain. | Notre route s’éclairait de plus en plus. La lueur blanchissante rayonnait au sommet d’une montagne haute de huit cents pieds environ. Mais ce que j’apercevais n’était qu’une simple réverbération développée par le cristal des couches d’eau. Le foyer, source de cette inexplicable clarté, occupait le versant opposé de la montagne. |
| In the midst of this stony maze furrowing the bottom of the Atlantic, Captain Nemo advanced without hesitation. He knew this dreary road. Doubtless he had often travelled over it, and could not lose himself. I followed him with unshaken confidence. He seemed to me like a genie of the sea; and, as he walked before me, I could not help admiring his stature, which was outlined in black on the luminous horizon. | Au milieu des dédales pierreux qui sillonnaient le fond de l’Atlantique, le capitaine Nemo s’avançait sans hésitation. Il connaissait cette sombre route. Il l’avait souvent parcourue, sans doute, et ne pouvait s’y perdre. Je le suivais avec une confiance inébranlable. Il m’apparaissait comme un des génies de la mer, et quand il marchait devant moi, j’admirais sa haute stature qui se découpait en noir sur le fond lumineux de l’horizon. |
| It was one in the morning when we arrived at the first slopes of the mountain; but to gain access to them we must venture through the difficult paths of a vast copse. | Il était une heure du matin. Nous étions arrivés aux premières rampes de la montagne. Mais pour les aborder, il fallut s’aventurer par les sentiers difficiles d’un vaste taillis. |
| Yes; a copse of dead trees, without leaves, without sap, trees petrified by the action of the water and here and there overtopped by gigantic pines. It was like a coal-pit still standing, holding by the roots to the broken soil, and whose branches, like fine black paper cuttings, showed distinctly on the watery ceiling. | Oui! un taillis d’arbres morts, sans feuilles, sans séve, arbres minéralisés sous l’action des eaux, et que dominaient çà et là des pins gigantesques. C’était comme une houillère encore debout, tenant par ses racines au sol effondré, et dont la ramure, à la manière des fines découpures de papier noir, se dessinait nettement sur le plafond des eaux. |
| Picture to yourself a forest in the Hartz hanging on to the sides of the mountain, but a forest swallowed up. The paths were encumbered with seaweed and fucus, between which grovelled a whole world of crustacea. I went along, climbing the rocks, striding over extended trunks, breaking the sea bind-weed which hung from one tree to the other; and frightening the fishes, which flew from branch to branch. | Que l’on se figure une forêt du Hartz, accrochée aux flancs d’une montagne, mais une forêt engloutie. Les sentiers étaient encombrés d’algues et de fucus, entre lesquels grouillait un monde de crustacés. J’allais, gravissant les rocs, enjambant les troncs étendus, brisant les lianes de mer qui se balançaient d’un arbre à l’autre, effarouchant les poissons qui volaient de branche en branche. |
| Pressing onward, I felt no fatigue. I followed my guide, who was never tired. What a spectacle! How can I express it? how paint the aspect of those woods and rocks in this medium—their under parts dark and wild, the upper coloured with red tints, by that light which the reflecting powers of the waters doubled? | Entraîné, je ne sentais plus la fatigue. Je suivais mon guide qui ne se fatiguait pas. Quel spectacle! Comment le rendre? Comment peindre l’aspect de ces bois et de ses rochers dans ce milieu liquide, leurs dessous sombres et farouches, leurs dessus colorés de tons rouges sous cette clarté que doublait la puissance réverbérante des eaux? |
| We climbed rocks which fell directly after with gigantic bounds and the low growling of an avalanche. To right and left ran long, dark galleries, where sight was lost. Here opened vast glades which the hand of man seemed to have worked; and I sometimes asked myself if some inhabitant of these submarine regions would not suddenly appear to me. | Nous gravissions des rocs qui s’éboulaient ensuite par pans énormes avec un sourd grondement d’avalanche. A droite, à gauche, se creusaient de ténébreuses galeries où se perdait le regard. Ici s’ouvraient de vastes clairières, que la main de l’homme semblait avoir dégagées, et je me demandais parfois si quelque habitant de ces régions sous-marines n’allait pas tout à coup m’apparaître. |
| But Captain Nemo was still mounting. I could not stay behind. I followed boldly. My stick gave me good help. A false step would have been dangerous on the narrow passes sloping down to the sides of the gulfs; but I walked with firm step, without feeling any giddiness. | Mais le capitaine Nemo montait toujours. Je ne voulais pas rester en arrière. Je le suivais hardiment. Mon bâton me prêtait un utile secours. Un faux pas eût été dangereux sur ces étroites passes évidées aux flancs des gouffres; mais j’y marchais d’un pied ferme et sans ressentir l’ivresse du vertige. |
| Now I jumped a crevice, the depth of which would have made me hesitate had it been among the glaciers on the land; now I ventured on the unsteady trunk of a tree thrown across from one abyss to the other, without looking under my feet, having only eyes to admire the wild sites of this region. | Tantôt je sautais une crevasse dont la profondeur m’eût fait reculer au milieu des glaciers de la terre; tantôt je m’aventurais sur le tronc vacillant des arbres jetés d’un abîme à l’autre, sans regarder sous mes pieds, n’ayant des yeux que pour admirer les sites sauvages de cette région. |
| There, monumental rocks, leaning on their regularly-cut bases, seemed to defy all laws of equilibrium. From between their stony knees trees sprang, like a jet under heavy pressure, and upheld others which upheld them. Natural towers, large scarps, cut perpendicularly, like a “curtain,” inclined at an angle which the laws of gravitation could never have tolerated in terrestrial regions. | Là, des rocs monumentaux, penchant sur leurs bases irrégulièrement découpées, semblaient défier les lois de l’équilibre. Entre leurs genoux de pierre, des arbres poussaient comme un jet sous une pression formidable, et soutenaient ceux qui les soutenaient eux-mêmes. Puis, des tours naturelles, de larges pans taillés à pic comme des courtines, s’inclinaient sous un angle que les lois de la gravitation n’eussent pas autorisé à la surface des régions terrestres. |
| Et moi-même ne sentais-je pas cette différence due à la puissante densité de l’eau, quand, malgré mes lourds vêtements, ma tête de cuivre, mes semelles de métal, je m’élevais sur des pentes d’une impraticable raideur, les franchissant pour ainsi dire avec la légèreté d’un isard ou d’un chamois! Au récit que je fais de cette excursion sous les eaux, je sens bien que je ne pourrai être vraisemblable! Je suis l’historien des choses d’apparence impossibles qui sont pourtant réelles, incontestables. Je n’ai point rêvé. J’ai vu et senti! | |
| Two hours after quitting the Nautilus we had crossed the line of trees, and a hundred feet above our heads rose the top of the mountain, which cast a shadow on the brilliant irradiation of the opposite slope. Some petrified shrubs ran fantastically here and there. Fishes got up under our feet like birds in the long grass. | Deux heures après avoir quitté le Nautilus, nous avions franchi la ligne des arbres, et à cent pieds au-dessus de nos têtes se dressait le pic de la montagne dont la projection faisait ombre sur l’éclatante irradiation du versant opposé. Quelques arbrisseaux pétrifiés couraient çà et là en zigzags grimaçants. Les poissons se levaient en masse sous nos pas comme des oiseaux surpris dans les hautes herbes. |
| The massive rocks were rent with impenetrable fractures, deep grottos, and unfathomable holes, at the bottom of which formidable creatures might be heard moving. My blood curdled when I saw enormous antennae blocking my road, or some frightful claw closing with a noise in the shadow of some cavity. Millions of luminous spots shone brightly in the midst of the darkness. | La masse rocheuse était creusée d’impénétrables anfractuosités, de grottes profondes, d’insondables trous, au fond desquels j’entendais remuer des choses formidables. Le sang me refluait jusqu’au cœur, quand j’apercevais une antenne énorme qui me barrait la route, ou quelque pince effrayante se refermant avec bruit dans l’ombre des cavités! Des milliers de points lumineux brillaient au milieu des ténèbres. |
| They were the eyes of giant crustacea crouched in their holes; giant lobsters setting themselves up like halberdiers, and moving their claws with the clicking sound of pincers; titanic crabs, pointed like a gun on its carriage; and frightful-looking poulps, interweaving their tentacles like a living nest of serpents. | C’étaient les yeux de crustacés gigantesques, tapis dans leur tanière, des homards géants se redressant comme des hallebardiers et remuant leurs pattes avec un cliquetis de ferraille, des crabes titanesques, braqués comme des canons sur leurs affûts, et des poulpes effroyables entrelaçant leurs tentacules comme une broussaille vivante de serpents. Akirill.com |
| We had now arrived on the first platform, where other surprises awaited me. Before us lay some picturesque ruins, which betrayed the hand of man and not that of the Creator. There were vast heaps of stone, amongst which might be traced the vague and shadowy forms of castles and temples, clothed with a world of blossoming zoophytes, and over which, instead of ivy, sea-weed and fucus threw a thick vegetable mantle. But what was this portion of the globe which had been swallowed by cataclysms? Who had placed those rocks and stones like cromlechs of prehistoric times? Where was I? Whither had Captain Nemo’s fancy hurried me? | Quel était ce monde exorbitant que je ne connaissais pas encore? A quel ordre appartenaient ces articulés auxquels le roc formait comme une seconde carapace? Où la nature avait-elle trouvé le secret de leur existence végétative, et depuis combien de siècles vivaient-ils ainsi dans les dernières couches de l’Océan? Mais je ne pouvais m’arrêter. Le capitaine Nemo, familiarisé avec ces terribles animaux, n’y prenait plus garde. Nous étions arrivés à un premier plateau, où d’autres surprises m’attendaient encore. Là se dessinaient de pittoresques ruines, qui trahissaient la main de l’homme, et non plus celle du Créateur. C’étaient de vastes amoncellements de pierres où l’on distinguait de vagues formes de châteaux, de temples, revêtus d’un monde de zoophytes en fleurs, et auxquels, au lieu de lierre, les algues et les fucus faisaient un épais manteau végétal. Mais qu’était donc cette portion du globe engloutie par les cataclysmes? Qui avait disposé ces roches et ces pierres comme des dolmens des temps anté-historiques? Où étais-je, où m’avait entraîné la fantaisie du capitaine Nemo? |
| I would fain have asked him; not being able to, I stopped him—I seized his arm. But, shaking his head, and pointing to the highest point of the mountain, he seemed to say: | J’aurais voulu l’interroger. Ne le pouvant, je l’arrêtai. Je saisis son bras. Mais lui, secouant la tête, et me montrant le dernier sommet de la montagne, sembla me dire: |
| “Come, come along; come higher!” | «Viens! viens encore! viens toujours!» |
| I followed, and in a few minutes I had climbede to the top, which for a circle of ten yards commanded the whole mass of rock. | Je le suivis dans un dernier élan, et en quelques minutes, j’eus gravi le pic qui dominait d’une dizaine de mètres toute cette masse rocheuse. |
| I looked down the side we had just climbed. The mountain did not rise more than seven or eight hundred feet above the level of the plain; but on the opposite side it commanded from twice that height the depths of this part of the Atlantic. My eyes ranged far over a large space lit by a violent fulguration. In fact, the mountain was a volcano. | Je regardai ce côté que nous venions de franchir. La montagne ne s’élevait que de sept à huit cents pieds au-dessus de la plaine; mais de son versant opposé, elle dominait d’une hauteur double le fond en contre-bas de cette portion de l’Atlantique. Mes regards s’étendaient au loin et embrassaient un vaste espace éclairé par une fulguration violente. En effet, c’était un volcan que cette montagne. |
| At fifty feet above the peak, in the midst of a rain of stones and scoriae, a large crater was vomiting forth torrents of lava which fell in a cascade of fire into the bosom of the liquid mass. Thus situated, this volcano lit the lower plain like an immense torch, even to the extreme limits of the horizon. I said that the submarine crater threw up lava, but no flames. Flames require the oxygen of the air to feed upon and cannot be developed under water; but streams of lava, having in themselves the principles of their incandescence, can attain a white heat, fight vigorously against the liquid element, and turn it to vapour by contact. | A cinquante pieds au-dessous du pic, au milieu d’une pluie de pierres et de scories, un large cratère vomissait des torrents de lave, qui se dispersaient en cascade de feu au sein de la masse liquide. Ainsi posé, ce volcan, comme un immense flambeau, éclairait la plaine inférieure jusqu’aux dernières limites de l’horizon. J’ai dit que le cratère sous-marin rejetait des laves, mais non des flammes. Il faut aux flammes l’oxygène de l’air, et elles ne sauraient se développer sous les eaux; mais des coulées de lave, qui ont en elles le principe de leur incandescence, peuvent se porter au rouge blanc, lutter victorieusement contre l’élément liquide et se vaporiser à son contact. |
| Rapid currents bearing all these gases in diffusion and torrents of lava slid to the bottom of the mountain like an eruption of Vesuvius on another Terra del Greco. | De rapides courants entraînaient tous ces gaz en diffusion, et les torrents laviques glissaient jusqu’au bas de la montagne, comme les déjections du Vésuve sur un autre Torre del Greco. |
| There indeed under my eyes, ruined, destroyed, lay a town—its roofs open to the sky, its temples fallen, its arches dislocated, its columns lying on the ground, from which one would still recognise the massive character of Tuscan architecture. Further on, some remains of a gigantic aqueduct; here the high base of an Acropolis, with the floating outline of a Parthenon; there traces of a quay, as if an ancient port had formerly abutted on the borders of the ocean, and disappeared with its merchant vessels and its war-galleys. Farther on again, long lines of sunken walls and broad, deserted streets—a perfect Pompeii escaped beneath the waters. Such was the sight that Captain Nemo brought before my eyes! | En effet, là, sous mes yeux, ruinée, abîmée, jetée bas, apparaissait une ville détruite, ses toits effondrés, ses temples abattus, ses arcs disloqués, ses colonnes gisant à terre, où l’on sentait encore les solides proportions d’une sorte d’architecture toscane; plus loin, quelques restes d’un gigantesque aqueduc; ici l’exhaussement empâté d’une acropole, avec les formes flottantes d’un Parthénon; là, des vestiges de quai, comme si quelque antique port eût abrité jadis sur les bords d’un océan disparu les vaisseaux marchands et les trirèmes de guerre; plus loin encore, de longues lignes de murailles écroulées, de larges rues désertes, toute une Pompéi enfouie sous les eaux, que le capitaine Nemo ressuscitait à mes regards! |
| Where was I? Where was I? I must know at any cost. I tried to speak, but Captain Nemo stopped me by a gesture, and, picking up a piece of chalk-stone, advanced to a rock of black basalt, and traced the one word: | Où étais-je? Où étais-je? Je voulais le savoir à tout prix, je voulais parler, je voulais arracher la sphère de cuivre qui emprisonnait ma tête. Mais le capitaine Nemo vint à moi et m’arrêta d’un geste. Puis, ramassant un morceau de pierre crayeuse, il s’avança vers un roc de basalte noire et traça ce seul mot: |
| ATLANTIS | ATLANTIDE. |
| What a light shot through my mind! Atlantis! the Atlantis of Plato, that continent denied by Origen and Humbolt, who placed its disappearance amongst the legendary tales. I had it there now before my eyes, bearing upon it the unexceptionable testimony of its catastrophe. The region thus engulfed was beyond Europe, Asia, and Lybia, beyond the columns of Hercules, where those powerful people, the Atlantides, lived, against whom the first wars of ancient Greeks were waged. | Quel éclair traversa mon esprit! L’Atlantide, l’ancienne Méropide de Théopompe, l’Atlantide de Platon, ce continent nié par Origène, Porphyre, Jamblique, D’Anville, Malte-Brun, Humboldt, qui mettaient sa disparition au compte des récits légendaires, admis par Possidonius, Pline, Ammien-Marcellin, Tertullien, Engel, Sherer, Tournefort, Buffon, d’Avezac, je l’avais là sous les yeux, portant encore les irrécusables témoignages de sa catastrophe! C’était donc cette région engloutie qui existait en dehors de l’Europe, de l’Asie, de la Libye, au-delà des colonnes d’Hercule, où vivait ce peuple puissant des Atlantes, contre lequel se firent les premières guerres de l’ancienne Grèce! |
| L’historien qui a consigné dans ses écrits les hauts faits de ces temps héroïques, c’est Platon lui-même. Son dialogue de Timée et de Critias a été, pour ainsi dire, tracé sous l’inspiration de Solon, poëte et législateur. Un jour, Solon s’entretenait avec quelques sages vieillards de Saïs, ville déjà vieille de huit cents ans, ainsi que le témoignaient ses annales gravées sur le mur sacré de ses temples. L’un de ces vieillards raconta l’histoire d’une autre ville plus ancienne de mille ans. Cette première cité athénienne, âgée de neuf cents siècles, avait été envahie et en partie détruite par les Atlantes. Ces Atlantes, disait-il, occupaient un continent immense plus grand que l’Afrique et l’Asie réunies, qui couvrait une surface comprise du douzième degré de latitude au quarantième degré nord. Leur domination s’étendait même à l’Égypte. Ils voulurent l’imposer jusqu’en Grèce, mais ils durent se retirer devant l’indomptable résistance des Hellènes. Des siècles s’écoulèrent. Un cataclysme se produisit, inondations, tremblements de terre. Une nuit et un jour suffirent à l’anéantissement de cette Atlantide, dont les plus hauts sommets, Madère, les Açores, les Canaries, les îles du cap Vert, émergent encore. Tels étaient ces souvenirs historiques que l’inscription du capitaine Nemo faisait palpiter dans mon esprit. | |
| Thus, led by the strangest destiny, I was treading under foot the mountains of this continent, touching with my hand those ruins a thousand generations old and contemporary with the geological epochs. I was walking on the very spot where the contemporaries of the first man had walked. | Ainsi donc, conduit par la plus étrange destinée, je foulais du pied l’une des montagnes de ce continent! Je touchais de la main ces ruines mille fois séculaires et contemporaines des époques géologiques! Je marchais là même où avaient marché les contemporains du premier homme! J’écrasais sous mes lourdes semelles ces squelettes d’animaux des temps fabuleux, que ces arbres, maintenant minéralisés, couvraient autrefois de leur ombre! |
| Ah! pourquoi le temps me manquait-il! J’aurais voulu descendre les pentes abruptes de cette montagne, parcourir en entier ce continent immense qui sans doute reliait l’Afrique à l’Amérique, et visiter ces grandes cités antédiluviennes. Là, peut-être, sous mes regards, s’étendaient Makhimos, la guerrière, Eusebès, la pieuse, dont les gigantesques habitants vivaient des siècles entiers, et auxquels la force ne manquait pas pour entasser ces blocs qui résistaient encore à l’action des eaux. Un jour peut-être, quelque phénomène éruptif les ramènera à la surface des flots, ces ruines englouties! On a signalé de nombreux volcans sous-marins dans cette portion de l’Océan, et bien des navires ont senti des secousses extraordinaires en passant sur ces fonds tourmentés. Les uns ont entendu des bruits sourds qui annonçaient la lutte profonde des éléments; les autres ont recueilli des cendres volcaniques projetées hors de la mer. Tout ce sol jusqu’à l’Équateur est encore travaillé par les forces plutoniennes. Et qui sait si, dans une époque éloignée, accrus par les déjections volcaniques et par les couches successives de laves, des sommets de montagnes ignivomes n’apparaîtront pas à la surface de l’Atlantique! Akirill.com | |
| Whilst I was trying to fix in my mind every detail of this grand landscape, Captain Nemo remained motionless, as if petrified in mute ecstasy, leaning on a mossy stone. Was he dreaming of those generations long since disappeared? Was he asking them the secret of human destiny? Was it here this strange man came to steep himself in historical recollections, and live again this ancient life—he who wanted no modern one? | Pendant que je rêvais ainsi, tandis que je cherchais à fixer dans mon souvenir tous les détails de ce paysage grandiose, le capitaine Nemo, accoudé sur une stèle moussue, demeurait immobile et comme pétrifié dans une muette extase. Songeait-il à ces générations disparues et leur demandait-il le secret de la destinée humaine? Était-ce à cette place que cet homme étrange venait se retremper dans les souvenirs de l’histoire, et revivre de cette vie antique, lui qui ne voulait pas de la vie moderne? |
| What would I not have given to know his thoughts, to share them, to understand them! We remained for an hour at this place, contemplating the vast plains under the brightness of the lava, which was some times wonderfully intense. Rapid tremblings ran along the mountain caused by internal bubblings, deep noise, distinctly transmitted through the liquid medium were echoed with majestic grandeur. | Que n’aurais-je donné pour connaître ses pensées, pour les partager, pour les comprendre! Nous restâmes à cette place pendant une heure entière, contemplant la vaste plaine sous l’éclat des laves qui prenaient parfois une intensité surprenante. Les bouillonnements intérieurs faisaient courir de rapides frissonnements sur l’écorce de la montagne. Des bruits profonds, nettement transmis par ce milieu liquide, se répercutaient avec une majestueuse ampleur. |
| At this moment the moon appeared through the mass of waters and threw her pale rays on the buried continent. It was but a gleam, but what an indescribable effect! The Captain rose, cast one last look on the immense plain, and then bade me follow him. | En ce moment, la lune apparut un instant à travers la masse des eaux et jeta quelques pâles rayons sur le continent englouti. Ce ne fut qu’une lueur, mais d’un indescriptible effet. Le capitaine se leva, jeta un dernier regard à cette immense plaine; puis de la main il me fit signe de le suivre. |
| We descended the mountain rapidly, and, the mineral forest once passed, I saw the lantern of the Nautilus shining like a star. The Captain walked straight to it, and we got on board as the first rays of light whitened the surface of the ocean. | Nous descendîmes rapidement la montagne. La forêt minérale une fois dépassée, j’aperçus le fanal du Nautilus qui brillait comme une étoile. Le capitaine marcha droit à lui, et nous étions rentrés à bord au moment où les premières teintes de l’aube blanchissaient la surface de l’Océan. |
| CHAPTER X THE SUBMARINE COAL-MINES | CHAPITRE X LES HOUILLÈRES SOUS-MARINES. |
| The next day, the 20th of February, I awoke very late: the fatigues of the previous night had prolonged my sleep until eleven o’clock. I dressed quickly, and hastened to find the course the Nautilus was taking. The instruments showed it to be still toward the south, with a speed of twenty miles an hour and a depth of fifty fathoms. | Le lendemain, 20 février, je me réveillais fort tard. Les fatigues de la nuit avaient prolongé mon sommeil jusqu’à onze heures. Je m’habillai promptement. J’avais hâte de connaître la direction du Nautilus. Les instruments m’indiquèrent qu’il courait toujours vers le sud avec une vitesse de vingt milles à l’heure par une profondeur de cent mètres. |
| Conseil entra. Je lui racontai notre excursion nocturne, et, les panneaux étant ouverts, il put encore entrevoir une partie de ce continent submergé. En effet, le Nautilus rasait à dix mètres du sol seulement la plaine de l’Atlantide. Il filait comme un ballon emporté par le vent au-dessus des prairies terrestres; mais il serait plus vrai de dire que nous étions dans ce salon comme dans le wagon d’un train express. Les premiers plans qui passaient devant nos yeux, c’étaient des rocs découpés fantastiquement, des forêts d’arbres passés du règne végétal au règne animal, et dont l’immobile silhouette grimaçait sous les flots. C’étaient aussi des masses pierreuses enfouies sous des tapis d’axidies et d’anémones, hérissées de longues hydrophytes verticales, puis des blocs de laves étrangement contournés qui attestaient toute la fureur des expansions plutoniennes. Tandis que ces sites bizarres resplendissaient sous nos feux électriques, je racontais à Conseil l’histoire de ces Atlantes, qui, au point de vue purement imaginaire, inspirèrent à Bailly tante de pages charmantes. Je lui disais les guerres de ces peuples héroïques. Je discutais la question de l’Atlantide en homme qui ne peut plus douter. Mais Conseil, distrait, m’écoutait peu, et son indifférence à traiter ce point historique me fut bientôt expliquée. En effet, de nombreux poissons attiraient ses regards, et quand passaient des poissons, Conseil, emporté dans les abîmes de la classification, sortait du monde réel. Dans ce cas, je n’avais plus qu’à le suivre et à reprendre avec lui nos études ichthyologiques. | |
| The species of fishes here did not differ much from those already noticed. There were rays of giant size, five yards long, and endowed with great muscular strength, which enabled them to shoot above the waves; sharks of many kinds; amongst others, one fifteen feet long, with triangular sharp teeth, and whose transparency rendered it almost invisible in the water. | Du reste, ces poissons de l’Atlantique ne différaient pas sensiblement de ceux que nous avions observés jusqu’ici. C’étaient des raies d’une taille gigantesque, longues de cinq mètres et douées d’une grande force musculaire qui leur permet de s’élancer au-dessus des flots, des squales d’espèces diverses, entre autres, un glauque de quinze pieds, à dents triangulaires et aiguës, que sa transparence rendait presque invisible au milieu des eaux, des sagres bruns, des humantins en forme de prismes et cuirassés d’une peau tuberculeuse, des esturgeons semblables à leurs congénères de la Méditerranée, des syngnathes-trompettes, longs d’un pied et demi, jaune-brun, pourvus de petites nageoires grises, sans dents ni langue, et qui défilaient comme de fins et souples serpents. |
| Amongst bony fish Conseil noticed some about three yards long, armed at the upper jaw with a piercing sword; other bright-coloured creatures, known in the time of Aristotle by the name of the sea-dragon, which are dangerous to capture on account of the spikes on their back. | Parmi les poissons osseux, Conseil nota des makaïras noirâtres, longs de trois mètres et armés à leur mâchoire supérieure d’une épée perçante, des vives, aux couleurs animées, connues du temps d’Aristote sous le nom de dragons marins et que les aiguillons de leur dorsale rendent très-dangereux à saisir, puis, des coryphèmes, au dos brun rayé de petites raies bleues et encadré dans une bordure d’or, de belles dorades, des chrysostomes-lune, sortes de disques à reflets d’azur, qui, éclairés en-dessus par les rayons solaires, formaient comme des taches d’argent, enfin des xyphias-espadons, longs de huit mètres, marchant par troupes, portant des nageoires jaunâtres taillées en faux et de longs glaives de six pieds, intrépides animaux, plutôt herbivores que piscivores, qui obéissaient au moindre signe de leurs femelles comme des maris bien stylés. |
| Mais tout en observant ces divers échantillons de la faune marine, je ne laissais pas d’examiner les longues plaines de l’Atlantide. Parfois, de capricieux accidents du sol obligeaient le Nautilus à ralentir sa vitesse, et il se glissait alors avec l’adresse d’un cétacé dans d’étroits étranglements de collines. Si ce labyrinthe devenait inextricable, l’appareil s’élevait alors comme un aérostat, et l’obstacle franchi, il reprenait sa course rapide à quelques mètres au-dessus du fond. Admirable et charmante navigation, qui rappelait les manœuvres d’une promenade aérostatique, avec cette différence toutefois que le Nautilus obéissait passivement à la main de son timonier. | |
| About four o’clock, the soil, generally composed of a thick mud mixed with petrified wood, changed by degrees, and it became more stony, and seemed strewn with conglomerate and pieces of basalt, with a sprinkling of lava. I thought that a mountainous region was succeeding the long plains; and accordingly, after a few evolutions of the Nautilus, I saw the southerly horizon blocked by a high wall which seemed to close all exit. Its summit evidently passed the level of the ocean. It must be a continent, or at least an island—one of the Canaries, or of the Cape Verde Islands. The bearings not being yet taken, perhaps designedly, I was ignorant of our exact position. In any case, such a wall seemed to me to mark the limits of that Atlantis, of which we had in reality passed over only the smallest part. | Vers quatre heures du soir, le terrain, généralement composé d’une vase épaisse et entremêlée de branches minéralisées, se modifia peu à peu; il devint plus rocailleux et parut semé de conglomérats, de tufs basaltiques, avec quelque semis de laves et d’obsidiennes sulfureuses. Je pensai que la région des montagnes allait bientôt succéder aux longues plaines, et, en effet, dans certaines évolutions du Nautilus, j’aperçus l’horizon méridional barré par une haute muraille qui semblait fermer toute issue. Son sommet dépassait évidemment le niveau de l’Océan. Ce devait être un continent, ou tout au moins une île, soit une des Canaries, soit une des îles du cap Vert. Le point n’ayant pas été fait,—à dessein peut-être,—j’ignorais notre position. En tout cas, une telle muraille me parut marquer la fin de cette Atlantide, dont nous n’avions parcouru, en somme, qu’une minime portion. |
| La nuit n’interrompit pas mes observations. J’étais resté seul. Conseil avait regagné sa cabine. Le Nautilus, ralentissant son allure, voltigeait au-dessus des masses confuses du sol, tantôt les effleurant comme s’il eût voulu s’y poser, tantôt remontant capricieusement à la surface des flots. J’entrevoyais alors quelques vives constellations à travers le cristal des eaux, et précisément cinq ou six de ces étoiles zodiacales qui traînent à la queue d’Orion. | |
| Much longer should I have remained at the window admiring the beauties of sea and sky, but the panels closed. At this moment the Nautilus arrived at the side of this high, perpendicular wall. What it would do, I could not guess. I returned to my room; it no longer moved. I laid myself down with the full intention of waking after a few hours’ sleep; but it was eight o’clock the next day when I entered the saloon. I looked at the manometer. It told me that the Nautilus was floating on the surface of the ocean. Besides, I heard steps on the platform. I went to the panel. It was open; but, instead of broad daylight, as I expected, I was surrounded by profound darkness. Where were we? Was I mistaken? Was it still night? No; not a star was shining and night has not that utter darkness. | Longtemps encore, je serais resté à ma vitre, admirant les beautés de la mer et du ciel, quand les panneaux se refermèrent. A ce moment, le Nautilus était arrivé à l’aplomb de la haute muraille. Comment manœuvrerait-il, je ne pouvais le deviner. Je regagnai ma chambre. Le Nautilus ne bougeait plus. Je m’endormis avec la ferme intention de me réveiller après quelques heures de sommeil. Mais, le lendemain, il était huit heures lorsque je revins au salon. Je regardai le manomètre. Il m’apprit que le Nautilus flottait à la surface de l’Océan. J’entendais, d’ailleurs, un bruit de pas sur la plate-forme. Cependant aucun roulis ne trahissait l’ondulation des lames supérieures. Je montai jusqu’au panneau. Il était ouvert. Mais, au lieu du grand jour que j’attendais, je me vis environné d’une obscurité profonde. Où étions-nous? M’étais-je trompé? Faisait-il encore nuit? Non! Pas une étoile ne brillait, et la nuit n’a pas de ces ténèbres absolues. |
| I knew not what to think, when a voice near me said: | Je ne savais que penser, quand une voix me dit: |
| “Is that you, Professor?” | «C’est vous, monsieur le professeur? |
| “Ah! Captain,” I answered, “where are we?” | —Ah! capitaine Nemo, répondis-je, où sommes-nous? |
| “Underground, sir.” | —Sous terre, monsieur le professeur. |
| “Underground!” I exclaimed. “And the Nautilus floating still?” | —Sous terre! m’écriai-je! Et le Nautilus flotte encore? |
| “It always floats.” | —Il flotte toujours. |
| “But I do not understand.” | —Mais, je ne comprends pas? |
| “Wait a few minutes, our lantern will be lit, and, if you like light places, you will be satisfied.” | —Attendez quelques instants. Notre fanal va s’allumer, et, si vous aimez les situations claires, vous serez satisfait.» |
| I stood on the platform and waited. The darkness was so complete that I could not even see Captain Nemo; but, looking to the zenith, exactly above my head, I seemed to catch an undecided gleam, a kind of twilight filling a circular hole. At this instant the lantern was lit, and its vividness dispelled the faint light. I closed my dazzled eyes for an instant, and then looked again. | Je mis le pied sur la plate-forme et j’attendis. L’obscurité était si complète que je n’apercevais même pas le capitaine Nemo. Cependant, en regardant au zénith, exactement au-dessus de ma tête, je crus saisir une lueur indécise, une sorte de demi-jour qui emplissait un trou circulaire. En ce moment, le fanal s’alluma soudain, et son vif éclat fit évanouir cette vague lumière. |
| The Nautilus was stationary, floating near a mountain which formed a sort of quay. The lake, then, supporting it was a lake imprisoned by a circle of walls, measuring two miles in diameter and six in circumference. Its level (the manometer showed) could only be the same as the outside level, for there must necessarily be a communication between the lake and the sea. | Je regardai, après avoir un instant fermé mes yeux éblouis par le jet électrique. Le Nautilus était stationnaire. Il flottait auprès d’une berge disposée comme un quai. Cette mer qui le supportait en ce moment, c’était un lac emprisonné dans un cirque de murailles qui mesurait deux milles de diamètre, soit six milles de tour. Son niveau,—le manomètre l’indiquait,—ne pouvait être que le niveau extérieur, car une communication existait nécessairement entre ce lac et la mer. |
| The high partitions, leaning forward on their base, grew into a vaulted roof bearing the shape of an immense funnel turned upside down, the height being about five or six hundred yards. At the summit was a circular orifice, by which I had caught the slight gleam of light, evidently daylight. | Les hautes parois, inclinées sur leur base, s’arrondissaient en voûte et figuraient un immense entonnoir retourné, dont la hauteur comptait cinq ou six cents mètres. Au sommet s’ouvrait un orifice circulaire par lequel j’avais surpris cette légère clarté, évidemment due au rayonnement diurne. |
| Avant d’examiner plus attentivement les dispositions intérieures de cette énorme caverne, avant de me demander si c’était là l’ouvrage de la nature ou de l’homme, j’allai vers le capitaine Nemo. | |
| “Where are we?” I asked. | «Où sommes-nous? dis-je. |
| “In the very heart of an extinct volcano, the interior of which has been invaded by the sea, after some great convulsion of the earth. Whilst you were sleeping, Professor, the Nautilus penetrated to this lagoon by a natural canal, which opens about ten yards beneath the surface of the ocean. This is its harbour of refuge, a sure, commodious, and mysterious one, sheltered from all gales. Show me, if you can, on the coasts of any of your continents or islands, a road which can give such perfect refuge from all storms.” | —Au centre même d’un volcan éteint, me répondit le capitaine, un volcan dont la mer a envahi l’intérieur à la suite de quelque convulsion du sol. Pendant que vous dormiez, monsieur le professeur, le Nautilus a pénétré dans ce lagon par un canal naturel ouvert à dix mètres au-dessous de la surface de l’Océan. C’est ici son port d’attache, un port sûr, commode, mystérieux, abrité de tous les rhumbs du vent! Trouvez-moi sur les côtes de vos continents ou de vos îles une rade qui vaille ce refuge assuré contre la fureur des ouragans. |
| “Certainly,” I replied, “you are in safety here, Captain Nemo. Who could reach you in the heart of a volcano? But did I not see an opening at its summit?” Akirill.com | —En effet, répondis-je, ici vous êtes en sûreté, capitaine Nemo. Qui pourrait vous atteindre au centre d’un volcan? Mais, à son sommet, n’ai-je pas aperçu une ouverture? |
| “Yes; its crater, formerly filled with lava, vapour, and flames, and which now gives entrance to the life-giving air we breathe.” | —Oui, son cratère, un cratère empli jadis de laves, de vapeurs et de flammes, et qui maintenant donne passage à cet air vivifiant que nous respirons. |
| “But what is this volcanic mountain?” | —Mais quelle est donc cette montagne volcanique? demandai-je. |
| “It belongs to one of the numerous islands with which this sea is strewn—to vessels a simple sandbank—to us an immense cavern. Chance led me to discover it, and chance served me well.” | —Elle appartient à un des nombreux îlots dont cette mer est semée. Simple écueil pour les navires, pour nous caverne immense. Le hasard me l’a fait découvrir, et, en cela, le hasard m’a bien servi. |
| “But of what use is this refuge, Captain? The Nautilus wants no port.” | —Mais ne pourrait-on descendre par cet orifice qui forme le cratère du volcan? |
| “No, sir; but it wants electricity to make it move, and the wherewithal to make the electricity—sodium to feed the elements, coal from which to get the sodium, and a coal-mine to supply the coal. And exactly on this spot the sea covers entire forests embedded during the geological periods, now mineralised and transformed into coal; for me they are an inexhaustible mine.” | —Pas plus que je ne saurais y monter. Jusqu’à une centaine de pieds, la base intérieure de cette montagne est praticable, mais au-dessus, les parois surplombent, et leurs rampes ne pourraient être franchies. —Je vois, capitaine, que la nature vous sert partout et toujours. Vous êtes en sûreté sur ce lac, et nul que vous n’en peut visiter les eaux. Mais, à quoi bon ce refuge? Le Nautilus n’a pas besoin de port. —Non, monsieur le professeur, mais il a besoin d’électricité pour se mouvoir, d’éléments pour produire son électricité, de sodium pour alimenter ses éléments, de charbon pour faire son sodium, et de houillères pour extraire son charbon. Or, précisément ici, la mer recouvre des forêts entières qui furent enlisées dans les temps géologiques; minéralisées maintenant et transformées en houille, elles sont pour moi une mine inépuisable. |
| “Your men follow the trade of miners here, then, Captain?” | —Vos hommes, capitaine, font donc ici le métier de mineurs? |
| “Exactly so. These mines extend under the waves like the mines of Newcastle. Here, in their diving-dresses, pick axe and shovel in hand, my men extract the coal, which I do not even ask from the mines of the earth. When I burn this combustible for the manufacture of sodium, the smoke, escaping from the crater of the mountain, gives it the appearance of a still-active volcano.” | —Précisément. Ces mines s’étendent sous les flots comme les houillères de Newcastle. C’est ici que, revêtus du scaphandre, le pic et la pioche à la main, mes hommes vont extraire cette houille, que je n’ai pas même demandée aux mines de la terre. Lorsque je brûle ce combustible pour la fabrication du sodium, la fumée qui s’échappe par le cratère de cette montagne lui donne encore l’apparence d’un volcan en activité. |
| “And we shall see your companions at work?” | —Et nous les verrons à l’œuvre, vos compagnons? |
| “No; not this time at least; fore I am in a hurry to continue our submarine tour of the earth. So I shall content myself with drawing from the reserve of sodium I already possess. The time for loading is one day only, and we continue our voyage. So, if you wish to go over the cavern and make the round of the lagoon, you must take advantage of to-day, M. Aronnax.” | —Non, pas cette fois, du moins, car je suis pressé de continuer notre tour du monde sous-marin. Aussi, me contenterai-je de puiser aux réserves de sodium que je possède. Le temps de les embarquer, c’est-à-dire un jour seulement, et nous reprendrons notre voyage. Si donc vous voulez parcourir cette caverne et faire le tour du lagon, profitez de cette journée, monsieur Aronnax.» |
| I thanked the Captain and went to look for my companions, who had not yet left their cabin. I invited them to follow me without saying where we were. They mounted the platform. Conseil, who was astonished at nothing, seemed to look upon it as quite natural that he should wake under a mountain, after having fallen asleep under the waves. But Ned Land thought of nothing but finding whether the cavern had any exit. After breakfast, about ten o’clock, we went down on to the mountain. | Je remerciai le capitaine, et j’allai chercher mes deux compagnons qui n’avaient pas encore quitté leur cabine. Je les invitai à me suivre sans leur dire où ils se trouvaient. Ils montèrent sur la plate-forme. Conseil, qui ne s’étonnait de rien, regarda comme une chose très-naturelle de se réveiller sous une montagne après s’être endormi sous les flots. Mais Ned Land n’eut d’autre idée que de chercher si la caverne présentait quelque issue. Après déjeuner, vers dix heures, nous descendions sur la berge. |
| “Here we are, once more on land,” said Conseil. | «Nous voici donc encore une fois à terre, dit Conseil. |
| “I do not call this land,” said the Canadian. “And besides, we are not on it, but beneath it.” | —Je n’appelle pas cela «la terre,» répondit le Canadien. Et d’ailleurs, nous ne sommes pas dessus, mais dessous.» |
| Between the walls of the mountains and the waters of the lake lay a sandy shore which, at its greatest breadth, measured five hundred feet. On this soil one might easily make the tour of the lake. But the base of the high partitions was stony ground, with volcanic locks and enormous pumice-stones lying in picturesque heaps. All these detached masses, covered with enamel, polished by the action of the subterraneous fires, shone resplendent by the light of our electric lantern. | Entre le pied des parois de la montagne et les eaux du lac se développait un rivage sablonneux qui, dans sa plus grande largeur, mesurait cinq cents pieds. Sur cette grève, on pouvait faire aisément le tour du lac. Mais la base des hautes parois formait un sol tourmenté, sur lequel gisaient, dans un pittoresque entassement, des blocs volcaniques et d’énormes pierres ponces. Toutes ces masses désagrégées, recouvertes d’un émail poli sous l’action des feux souterrains, resplendissaient au contact des jets électriques du fanal. |
| The mica dust from the shore, rising under our feet, flew like a cloud of sparks. The bottom now rose sensibly, and we soon arrived at long circuitous slopes, or inclined planes, which took us higher by degrees; but we were obliged to walk carefully among these conglomerates, bound by no cement, the feet slipping on the glassy crystal, felspar, and quartz. | La poussière micacée du rivage, que soulevaient nos pas, s’envolait comme une nuée d’étincelles. Le sol s’élevait sensiblement en s’éloignant du relais des flots, et nous fûmes bientôt arrivés à des rampes longues et sinueuses, véritables raidillons qui permettaient de s’élever peu à peu, mais il fallait marcher prudemment au milieu de ces conglomérats, qu’aucun ciment ne reliait entre eux, et le pied glissait sur ces trachytes vitreux, faits de cristaux de feldspath et de quartz. |
| The volcanic nature of this enormous excavation was confirmed on all sides, and I pointed it out to my companions. | La nature volcanique de cette énorme excavation s’affirmait de toutes parts. Je le fis observer à mes compagnons. |
| “Picture to yourselves,” said I, “what this crater must have been when filled with boiling lava, and when the level of the incandescent liquid rose to the orifice of the mountain, as though melted on the top of a hot plate.” | —«Vous figurez-vous, leur demandai-je, ce que devait être cet entonnoir, lorsqu’il s’emplissait de laves bouillonnantes, et que le niveau de ce liquide incandescent s’élevait jusqu’à l’orifice de la montagne, comme la fonte sur les parois d’un fourneau? |
| “I can picture it perfectly,” said Conseil. “But, sir, will you tell me why the Great Architect has suspended operations, and how it is that the furnace is replaced by the quiet waters of the lake?” | —Je me le figure parfaitement, répondit Conseil. Mais monsieur me dira-t-il pourquoi le grand fondeur a suspendu son opération, et comment il se fait que la fournaise est remplacée par les eaux tranquilles d’un lac? |
| “Most probably, Conseil, because some convulsion beneath the ocean produced that very opening which has served as a passage for the Nautilus. Then the waters of the Atlantic rushed into the interior of the mountain. There must have been a terrible struggle between the two elements, a struggle which ended in the victory of Neptune. But many ages have run out since then, and the submerged volcano is now a peaceable grotto.” | —Très-probablement, Conseil, parce que quelque convulsion a produit au-dessous de la surface de l’Océan cette ouverture qui a servi de passage au Nautilus. Alors les eaux de l’Atlantique se sont précipitées à l’intérieur de la montagne. Il y a eu lutte terrible entre les deux éléments, lutte qui s’est terminée à l’avantage de Neptune. Mais bien des siècles se sont écoulés depuis lors, et le volcan submergé s’est changé en grotte paisible. |
| “Very well,” replied Ned Land; “I accept the explanation, sir; but, in our own interests, I regret that the opening of which you speak was not made above the level of the sea.” | —Très-bien, répliqua Ned Land. J’accepte l’explication, mais je regrette, dans notre intérêt, que cette ouverture dont parle monsieur le professeur ne soit pas produite au-dessus du niveau de la mer. |
| “But, friend Ned,” said Conseil, “if the passage had not been under the sea, the Nautilus could not have gone through it.” | —Mais, ami Ned, répliqua Conseil, si ce passage n’eût pas été sous-marin, le Nautilus n’aurait pu y pénétrer! |
| —Et j’ajouterai, maître Land, que les eaux ne se seraient pas précipitées sous la montagne et que le volcan serait resté volcan. Donc vos regrets sont superflus.» | |
| We continued ascending. The steps became more and more perpendicular and narrow. Deep excavations, which we were obliged to cross, cut them here and there; sloping masses had to be turned. We slid upon our knees and crawled along. But Conseil’s dexterity and the Canadian’s strength surmounted all obstacles. | Notre ascension continua. Les rampes se faisaient de plus en plus raides et étroites. De profondes excavations les coupaient parfois, qu’il fallait franchir. Des masses surplombantes voulaient être tournées. On se glissait sur les genoux, on rampait sur le ventre. Mais, l’adresse de Conseil et la force du Canadien aidant, tous les obstacles furent surmontés. |
| At a height of about 31 feet the nature of the ground changed without becoming more practicable. To the conglomerate and trachyte succeeded black basalt, the first dispread in layers full of bubbles, the latter forming regular prisms, placed like a colonnade supporting the spring of the immense vault, an admirable specimen of natural architecture. Between the blocks of basalt wound long streams of lava, long since grown cold, encrusted with bituminous rays; and in some places there were spread large carpets of sulphur. | A une hauteur de trente mètres environ, la nature du terrain se modifia, sans qu’il devînt plus praticable. Aux conglomérats et aux trachytes succédèrent de noirs basaltes; ceux-ci étendus par nappes toutes grumelées de soufflures; ceux-là formant des prismes réguliers, disposés comme une colonnade qui supportait les retombées de cette voûte immense, admirable spécimen de l’architecture naturelle. Puis, entre ces basaltes serpentaient de longues coulées de laves refroidies, incrustées de raies bitumineuses, et, par places, s’étendaient de larges tapis de soufre. |
| A more powerful light shone through the upper crater, shedding a vague glimmer over these volcanic depressions for ever buried in the bosom of this extinguished mountain. But our upward march was soon stopped at a height of about two hundred and fifty feet by impassable obstacles. There was a complete vaulted arch overhanging us, and our ascent was changed to a circular walk. At the last change vegetable life began to struggle with the mineral. Some shrubs, and even some trees, grew from the fractures of the walls. | Un jour plus puissant, entrant par le cratère supérieur, inondait d’une vague clarté toutes ces déjections volcaniques, à jamais ensevelies au sein de la montagne éteinte. Cependant, notre marche ascensionnelle fut bientôt arrêtée, à une hauteur de deux cent cinquante pieds environ, par d’infranchissables obstacles. La voussure intérieure revenait en surplomb, et la montée dut se changer en promenade circulaire. A ce dernier plan, le règne végétal commençait à lutter avec le règne minéral. Quelques arbustes et même certains arbres sortaient des anfractuosités de la paroi. |
| I recognised some euphorbias, with the caustic sugar coming from them; heliotropes, quite incapable of justifying their name, sadly drooped their clusters of flowers, both their colour and perfume half gone. Here and there some chrysanthemums grew timidly at the foot of an aloe with long, sickly-looking leaves. But between the streams of lava, I saw some little violets still slightly perfumed, and I admit that I smelt them with delight. Perfume is the soul of the flower, and sea-flowers have no soul. Akirill.com | Je reconnus des euphorbes qui laissaient couler leur suc caustique. Des héliotropes, très-inhabiles à justifier leur nom, puisque les rayons solaires n’arrivaient jamais jusqu’à eux, penchaient tristement leurs grappes de fleurs aux couleurs et aux parfums à demi-passés. Ça et là, quelques chrysanthèmes poussaient timidement au pied d’aloès à longues feuilles tristes et maladifs. Mais, entre les coulées de laves, j’aperçus de petites violettes, encore parfumées d’une légère odeur, et j’avoue que je les respirai avec délices. Le parfum, c’est l’âme de la fleur, et les fleurs de la mer, ces splendides hydrophytes, n’ont pas d’âme! |
| We had arrived at the foot of some sturdy dragon-trees, which had pushed aside the rocks with their strong roots, when Ned Land exclaimed: | Nous étions arrivés au pied d’un bouquet de dragonniers robustes, qui écartaient les roches sous l’effort de leurs musculeuses racines, quand Ned Land s’écria: |
| “Ah! sir, a hive! a hive!” | «Ah! monsieur, une ruche! |
| “A hive!” I replied, with a gesture of incredulity. | —Une ruche! répliquai-je, en faisant un geste de parfaite incrédulité. |
| “Yes, a hive,” repeated the Canadian, “and bees humming round it.” | —Oui! une ruche, répéta le Canadien, et des abeilles qui bourdonnent autour.» |
| I approached, and was bound to believe my own eyes. There at a hole bored in one of the dragon-trees were some thousands of these ingenious insects, so common in all the Canaries, and whose produce is so much esteemed. Naturally enough, the Canadian wished to gather the honey, and I could not well oppose his wish. A quantity of dry leaves, mixed with sulphur, he lit with a spark from his flint, and he began to smoke out the bees. The humming ceased by degrees, and the hive eventually yielded several pounds of the sweetest honey, with which Ned Land filled his haversack. | Je m’approchai et je dus me rendre à l’évidence. Il y avait là, à l’orifice d’un trou creusé dans le tronc d’un dragonnier, quelques milliers de ces ingénieux insectes, si communs dans toutes les Canaries, et dont les produits y sont particulièrement estimés. Tout naturellement, le Canadien voulut faire sa provision de miel, et j’aurais eu mauvaise grâce à m’y opposer. Une certaine quantité de feuilles sèches mélangées de soufre s’allumèrent sous l’étincelle de son briquet, et il commença à enfumer les abeilles. Les bourdonnements cessèrent peu à peu, et la ruche éventrée livra plusieurs livres d’un miel parfumé. Ned Land en remplit son havre-sac. |
| “When I have mixed this honey with the paste of the bread-fruit,” said he, “I shall be able to offer you a succulent cake.” | —«Quand j’aurai mélangé ce miel avec la pâte de l’artocarpus, nous dit-il, je serai en mesure de vous offrir un gâteau succulent. |
| [Transcriber’s Note: ‘bread-fruit’ has been substituted for ‘artocarpus’ in this ed.] | |
| “‘Pon my word,” said Conseil, “it will be gingerbread.” | —Parbleu! fit Conseil, ce sera du pain d’épice. |
| “Never mind the gingerbread,” said I; “let us continue our interesting walk.” | —Va pour le pain d’épice, dis-je, mais reprenons cette intéressante promenade.» |
| At every turn of the path we were following, the lake appeared in all its length and breadth. The lantern lit up the whole of its peaceable surface, which knew neither ripple nor wave. The Nautilus remained perfectly immovable. On the platform, and on the mountain, the ship’s crew were working like black shadows clearly carved against the luminous atmosphere. | A certains détours du sentier que nous suivions alors, le lac apparaissait dans toute son étendue. Le fanal éclairait en entier sa surface paisible qui ne connaissait ni les rides ni les ondulations. Le Nautilus gardait une immobilité parfaite. Sur sa plate-forme et sur la berge s’agitaient les hommes de son équipage, ombres noires nettement découpées au milieu de cette lumineuse atmosphère. |
| We were now going round the highest crest of the first layers of rock which upheld the roof. I then saw that bees were not the only representatives of the animal kingdom in the interior of this volcano. Birds of prey hovered here and there in the shadows, or fled from their nests on the top of the rocks. | En ce moment, nous contournions la crête la plus élevée de ces premiers plans de roches qui soutenaient la voûte. Je vis alors que les abeilles n’étaient pas les seuls représentants du règne animal à l’intérieur de ce volcan. Des oiseaux de proie planaient et tournoyaient çà et là dans l’ombre, ou s’enfuyaient de leurs nids perchés sur des pointes de roc. |
| There were sparrow hawks, with white breasts, and kestrels, and down the slopes scampered, with their long legs, several fine fat bustards. I leave anyone to imagine the covetousness of the Canadian at the sight of this savoury game, and whether he did not regret having no gun. But he did his best to replace the lead by stones, and, after several fruitless attempts, he succeeded in wounding a magnificent bird. To say that he risked his life twenty times before reaching it is but the truth; but he managed so well that the creature joined the honey-cakes in his bag. | C’étaient des éperviers au ventre blanc, et des crécelles criardes. Sur les pentes détalaient aussi, de toute la rapidité de leurs échasses, de belles et grasses outardes. Je laisse à penser si la convoitise due Canadien fut allumée à la vue de ce gibier savoureux, et s’il regretta de ne pas avoir un fusil entre ses mains. Il essaya de remplacer le plomb par les pierres, et après plusieurs essais infructueux, il parvint à blesser une de ces magnifiques outardes. Dire qu’il risqua vingt fois sa vie pour s’en emparer, ce n’est que vérité pure, mais il fit si bien que l’animal alla rejoindre dans son sac les gâteaux de miel. |
| We were now obliged to descend toward the shore, the crest becoming impracticable. Above us the crater seemed to gape like the mouth of a well. From this place the sky could be clearly seen, and clouds, dissipated by the west wind, leaving behind them, even on the summit of the mountain, their misty remnants—certain proof that they were only moderately high, for the volcano did not rise more than eight hundred feet above the level of the ocean. | Nous dûmes alors redescendre vers le rivage, car la crête devenait impraticable. Au-dessus de nous, le cratère béant apparaissait comme une large ouverture de puits. De cette place, le ciel se laissait distinguer assez nettement, et je voyais courir des nuages échevelés par le vent d’ouest, qui laissaient traîner jusqu’au sommet de la montagne leurs brumeux haillons. Preuve certaine que ces nuages se tenaient à une hauteur médiocre, car le volcan ne s’élevait pas à plus de huit cents pieds au-dessus du niveau de l’Océan. |
| Half an hour after the Canadian’s last exploit we had regained the inner shore. Here the flora was represented by large carpets of marine crystal, a little umbelliferous plant very good to pickle, which also bears the name of pierce-stone and sea-fennel. Conseil gathered some bundles of it. | Une demi-heure après le dernier exploit du Canadien, nous avions regagné le rivage intérieur. Ici, la flore était représentée par de larges tapis de cette criste-marine, petite plante ombellifère très-bonne à confire, qui porte aussi les noms de perce-pierre, de passe-pierre et de fenouil-marin. Conseil en récolta quelques bottes. |
| As to the fauna, it might be counted by thousands of crustacea of all sorts, lobsters, crabs, spider-crabs, chameleon shrimps, and a large number of shells, rockfish, and limpets. | Quant à la faune, elle comptait par milliers des crustacés de toutes sortes, des homards, des crabes-tourteaux, des palémons, des mysis, des faucheurs, des galatées et un nombre prodigieux de coquillages, porcelaines, rochers et patelles. Akirill.com |
| En cet endroit s’ouvrait une magnifique grotte. Mes compagnons et moi nous prîmes plaisir à nous étendre sur son sable fin. Le feu avait poli ses parois émaillées et étincelantes, toutes saupoudrées de la poussière du mica. Ned Land en tâtait les murailles et cherchait à sonder leur épaisseur. Je ne pus m’empêcher de sourire. La conversation se mit alors sur ses éternels projets d’évasion, et je crus pouvoir, sans trop m’avancer, lui donner cette espérance: c’est que le capitaine Nemo n’était descendu au sud que pour renouveler sa provision de sodium. J’espérais donc que, maintenant, il rallierait les côtes de l’Europe et de l’Amérique; ce qui permettrait au Canadien de reprendre avec plus de succès sa tentative avortée. Nous étions étendus depuis une heure dans cette grotte charmante. La conversation, animée au début, languissait alors. Une certaine somnolence s’emparait de nous. Comme je ne voyais aucune raison de résister au sommeil, je me laissai aller à un assoupissement profond. Je rêvais,—on ne choisit pas ses rêves,—je rêvais que mon existence se réduisait à la vie végétative d’un simple mollusque. Il me semblait que cette grotte formait la double valve de ma coquille… Tout d’un coup, je fus réveillé par la voix de Conseil. «Alerte! Alerte! criait ce digne garçon. —Qu’y a-t-il? demandai-je, me soulevant à demi. —L’eau nous gagne!» Je me redressai. La mer se précipitait comme un torrent dans notre retraite, et, décidément, puisque nous n’étions pas des mollusques, il fallait se sauver. En quelques instants, nous fûmes en sûreté sur le sommet de la grotte même. «Que se passe-t-il donc? demanda Conseil. Quelque nouveau phénomène? —Eh non! mes amis, répondis-je, c’est la marée, ce n’est que la marée qui a failli nous surprendre comme le héros de Walter Scott! L’Océan se gonfle au dehors, et par une loi toute naturelle d’équilibre, le niveau du lac monte également. Nous en sommes quittes pour un demi-bain. Allons nous changer au Nautilus.» | |
| Three-quarters of an hour later we had finished our circuitous walk and were on board. | Trois quarts d’heure plus tard, nous avions achevé notre promenade circulaire et nous rentrions à bord. |
| The crew had just finished loading the sodium, and the Nautilus could have left that instant. But Captain Nemo gave no order. Did he wish to wait until night, and leave the submarine passage secretly? Perhaps so. Whatever it might be, the next day, the Nautilus, having left its port, steered clear of all land at a few yards beneath the waves of the Atlantic. | Les hommes de l’équipage achevaient en ce moment d’embarquer les provisions de sodium, et le Nautilus aurait pu partir à l’instant. Cependant, le capitaine Nemo ne donna aucun ordre. Voulait-il attendre la nuit et sortir secrètement par son passage sous-marin? Peut-être. Quoi qu’il en soit, le lendemain, le Nautilus, ayant quitté son port d’attache, naviguait au large de toute terre, et à quelques mètres au-dessous des flots de l’Atlantique. |
| CHAPTER XI THE SARGASSO SEA | CHAPITRE XI LA MER DE SARGASSES. |
| La direction du Nautilus ne s’était pas modifiée. Tout espoir de revenir vers les mers européennes devait donc être momentanément rejeté. Le capitaine Nemo maintenait le cap vers le sud. Où nous entraînait-il? Je n’osais l’imaginer. | |
| That day the Nautilus crossed a singular part of the Atlantic Ocean. No one can be ignorant of the existence of a current of warm water known by the name of the Gulf Stream. After leaving the Gulf of Florida, we went in the direction of Spitzbergen. But before entering the Gulf of Mexico, about 45° of N. lat., this current divides into two arms, the principal one going towards the coast of Ireland and Norway, whilst the second bends to the south about the height of the Azores; then, touching the African shore, and describing a lengthened oval, returns to the Antilles. | Ce jour-là, le Nautilus traversa une singulière portion de l’Océan atlantique. Personne n’ignore l’existence de ce grand courant d’eau chaude, connu sous le nom de Gulf Stream. Après être sorti des canaux de Floride il se dirige vers le Spitzberg. Mais avant de pénétrer dans le golfe du Mexique, vers le quarante-quatrième degré de latitude nord, ce courant se divise en deux bras; le principal se porte vers les côtes d’Irlande et de Norwége, tandis que le second fléchit vers le sud à la hauteur des Açores; puis frappant les rivages africains et décrivant un ovale allongé, il revient vers les Antilles. |
| This second arm—it is rather a collar than an arm—surrounds with its circles of warm water that portion of the cold, quiet, immovable ocean called the Sargasso Sea, a perfect lake in the open Atlantic: it takes no less than three years for the great current to pass round it. Such was the region the Nautilus was now visiting, a perfect meadow, a close carpet of seaweed, fucus, and tropical berries, so thick and so compact that the stem of a vessel could hardly tear its way through it. | Or, ce second bras,—c’est plutôt un collier qu’un bras,—entoure de ses anneaux d’eau chaude cette portion de l’Océan froide, tranquille, immobile, que l’on appelle la mer de Sargasses. Véritable lac en plein Atlantique, les eaux du grand courant ne mettent pas moins de trois ans à en faire le tour. La mer de Sargasses, à proprement parler, couvre toute la partie immergée de l’Atlantide. Certains auteurs ont même admis que ces nombreuses herbes dont elle est semée sont arrachées aux prairies de cet ancien continent. Il est plus probable, cependant, que ces herbages, algues et fucus, enlevés au rivages de l’Europe et de l’Amérique, sont entraînés jusqu’à cette zone par le Gulf Stream. Ce fut là une des raisons qui amenèrent Colomb à supposer l’existence d’un nouveau monde. Lorsque les navires de ce hardi chercheur arrivèrent à la mer de Sargasses, ils naviguèrent non sans peine au milieu de ces herbes qui arrêtaient leur marche au grand effroi des équipages, et ils perdirent trois longues semaines à les traverser. |
| Telle était cette région que le Nautilus visitait en ce moment, une prairie véritable, un tapis serré d’algues, de fucus natans, de raisins du tropique, si épais, si compact, que l’étrave d’un bâtiment ne l’eût pas déchiré sans peine. | |
| And Captain Nemo, not wishing to entangle his screw in this herbaceous mass, kept some yards beneath the surface of the waves. The name Sargasso comes from the Spanish word “sargazzo” which signifies kelp. This kelp, or berry-plant, is the principal formation of this immense bank. And this is the reason why these plants unite in the peaceful basin of the Atlantic. | Aussi, le capitaine Nemo, ne voulant pas engager son hélice dans cette masse herbeuse, se tint-il à quelques mètres de profondeur au-dessous de la surface des flots. Ce nom de Sargasses vient du mot espagnol «sargazzo» qui signifie varech. Ce varech, le varech-nageur ou porte-baie, forme principalement ce banc immense. Et voici pourquoi, suivant le savant Maury, l’auteur de la Géographie physique du globe, ces hydrophytes se réunissent dans ce paisible bassin de l’Atlantique: |
| The only explanation which can be given, he says, seems to me to result from the experience known to all the world. Place in a vase some fragments of cork or other floating body, and give to the water in the vase a circular movement, the scattered fragments will unite in a group in the centre of the liquid surface, that is to say, in the part least agitated. In the phenomenon we are considering, the Atlantic is the vase, the Gulf Stream the circular current, and the Sargasso Sea the central point at which the floating bodies unite. | «L’explication qu’on en peut donner, dit-il, me semble résulter d’une expérience connue de tout le monde. Si l’on place dans un vase des fragments de bouchons ou de corps flottants quelconques, et que l’on imprime à l’eau de ce vase un mouvement circulaire, on verra les fragments éparpillés se réunir en groupe au centre de la surface liquide, c’est-à-dire au point le moins agité. Dans le phénomène qui nous occupe, le vase, c’est l’Atlantique, le Gulf Stream, c’est le courant circulaire, et la mer de Sargasses, le point central où viennent se réunir les corps flottants.» |
| I share Maury’s opinion, and I was able to study the phenomenon in the very midst, where vessels rarely penetrate. Above us floated products of all kinds, heaped up among these brownish plants; trunks of trees torn from the Andes or the Rocky Mountains, and floated by the Amazon or the Mississippi; numerous wrecks, remains of keels, or ships’ bottoms, side-planks stove in, and so weighted with shells and barnacles that they could not again rise to the surface. | Je partage l’opinion de Maury, et j’ai pu étudier le phénomène dans ce milieu spécial où les navires pénètrent rarement. Au-dessus de nous flottaient des corps de toute provenance, entassés au milieu de ces herbes brunâtres, des troncs d’arbres arrachés aux Andes ou aux Montagnes-Rocheuses et flottés par l’Amazone ou le Mississipi, de nombreuses épaves, des restes de quilles ou de carènes, des bordages défoncés et tellement alourdis par les coquilles et les anatifes qu’ils ne pouvaient remonter à la surface de l’Océan. |
| And time will one day justify Maury’s other opinion, that these substances thus accumulated for ages will become petrified by the action of the water and will then form inexhaustible coal-mines—a precious reserve prepared by far-seeing Nature for the moment when men shall have exhausted the mines of continents. | Et le temps justifiera un jour cette autre opinion de Maury, que ces matières, ainsi accumulées pendant des siècles, se minéraliseront sous l’action des eaux et formeront alors d’inépuisables houillères. Réserve précieuse que prépare la prévoyante nature pour ce moment où les hommes auront épuisé les mines des continents. |
| In the midst of this inextricable mass of plants and sea weed, I noticed some charming pink halcyons and actiniae, with their long tentacles trailing after them, and medusae, green, red, and blue. | Au milieu de cet inextricable tissu d’herbes et de fucus, je remarquai de charmants alcyons stellés aux couleurs roses, des actinies qui laissaient traîner leur longue chevelure de tentacules, des méduses vertes, rouges, bleues, et particulièrement ces grandes rhizostomes de Cuvier, dont l’ombrelle bleuâtre est bordée d’un feston violet. |
| All the day of the 22nd of February we passed in the Sargasso Sea, where such fish as are partial to marine plants find abundant nourishment. The next, the ocean had returned to its accustomed aspect. From this time for nineteen days, from the 23rd of February to the 12th of March, the Nautilus kept in the middle of the Atlantic, carrying us at a constant speed of a hundred leagues in twenty-four hours. | Toute cette journée du 22 février se passa dans la mer de Sargasses, où les poissons, amateurs de plantes marines et de crustacés, trouvent une abondante nourriture. Le lendemain, l’Océan avait repris son aspect accoutumé. Depuis ce moment, pendant dix-neuf jours, du 23 février au 12 mars, le Nautilus, tenant le milieu de l’Atlantique, nous emporta avec une vitesse constante de cent lieues par vingt-quatre heures. |
| Captain Nemo evidently intended accomplishing his submarine programme, and I imagined that he intended, after doubling Cape Horn, to return to the Australian seas of the Pacific. Ned Land had cause for fear. In these large seas, void of islands, we could not attempt to leave the boat. Nor had we any means of opposing Captain Nemo’s will. | Le capitaine Nemo voulait évidemment accomplir son programme sous-marin, et je ne doutais pas qu’il ne songeât, après avoir doublé le cap Horn, à revenir vers les mers australes du Pacifique. Ned Land avait donc eu raison de craindre. Dans ces larges mers, privées d’îles, il ne fallait plus tenter de quitter le bord. Nul moyen non plus de s’opposer aux volontés du capitaine Nemo. |
| Our only course was to submit; but what we could neither gain by force nor cunning, I liked to think might be obtained by persuasion. This voyage ended, would he not consent to restore our liberty, under an oath never to reveal his existence?—an oath of honour which we should have religiously kept. But we must consider that delicate question with the Captain. But was I free to claim this liberty? | Le seul parti était de se soumettre; mais ce qu’on ne devait plus attendre de la force ou de la ruse, j’aimais à penser qu’on pourrait l’obtenir par la persuasion. Ce voyage terminé, le capitaine Nemo ne consentirait-il pas à nous rendre la liberté sous serment de ne jamais révéler son existence? Serment d’honneur que nous aurions tenu. Mais il fallait traiter cette délicate question avec le capitaine. Or, serais-je bien venu à réclamer cette liberté? |
| Had he not himself said from the beginning, in the firmest manner, that the secret of his life exacted from him our lasting imprisonment on board the Nautilus? And would not my four months’ silence appear to him a tacit acceptance of our situation? And would not a return to the subject result in raising suspicions which might be hurtful to our projects, if at some future time a favourable opportunity offered to return to them? | Lui-même n’avait-il pas déclaré, dès le début et d’une façon formelle, que le secret de sa vie exigeait notre emprisonnement perpétuel à bord du Nautilus? Mon silence, depuis quatre mois, ne devait-il pas lui paraître une acceptation tacite de cette situation? Revenir sur ce sujet n’aurait-il pas pour résultat de donner des soupçons qui pourraient nuire à nos projets, si quelque circonstance favorable se présentait plus tard de les reprendre? |
| Toutes ces raisons, je les pesais, je les retournais dans mon esprit, je les soumettais à Conseil qui n’était pas moins embarrassé que moi. En somme, bien que je ne fusse pas facile à décourager, je comprenais que les chances de jamais revoir mes semblables diminuaient de jour en jour, surtout en ce moment où le capitaine Nemo courait en téméraire vers le sud de l’Atlantique! | |
| During the nineteen days mentioned above, no incident of any kind happened to signalise our voyage. I saw little of the Captain; he was at work. In the library I often found his books left open, especially those on natural history. My work on submarine depths, conned over by him, was covered with marginal notes, often contradicting my theories and systems; but the Captain contented himself with thus purging my work; it was very rare for him to discuss it with me. | Pendant les dix-neuf jours que j’ai mentionnés plus haut, aucun incident particulier ne signala notre voyage. Je vis peu le capitaine. Il travaillait. Dans la bibliothèque je trouvais souvent des livres qu’il laissait entr’ouverts, et surtout des livres d’histoire naturelle. Mon ouvrage sur les fonds sous-marins, feuilleté par lui, était couvert de notes en marge, qui contredisaient parfois mes théories et mes systèmes. Mais le capitaine se contentait d’épurer ainsi mon travail, et il était rare qu’il discutât avec moi. |
| Sometimes I heard the melancholy tones of his organ; but only at night, in the midst of the deepest obscurity, when the Nautilus slept upon the deserted ocean. During this part of our voyage we sailed whole days on the surface of the waves. The sea seemed abandoned. | Quelquefois, j’entendais résonner les sons mélancoliques de son orgue, dont il jouait avec beaucoup d’expression, mais la nuit seulement, au milieu de la plus secrète obscurité, lorsque le Nautilus s’endormait dans les déserts de l’Océan. Pendant cette partie du voyage, nous naviguâmes des journées entières à la surface des flots. La mer était comme abandonnée. |
| A few sailing-vessels, on the road to India, were making for the Cape of Good Hope. One day we were followed by the boats of a whaler, who, no doubt, took us for some enormous whale of great price; but Captain Nemo did not wish the worthy fellows to lose their time and trouble, so ended the chase by plunging under the water. | A peine quelques navires à voiles, en charge pour les Indes, se dirigeant vers le cap de Bonne-Espérance. Un jour nous fûmes poursuivis par les embarcations d’un baleinier qui nous prenait sans doute pour quelque énorme baleine d’un haut prix. Mais le capitaine Nemo ne voulut pas faire perdre à ces braves gens leur temps et leurs peines, et il termina la chasse en plongeant sous les eaux. |
| Cet incident avait paru vivement intéresser Ned Land. Je ne crois pas me tromper en disant que le Canadien avait dû regretter que notre cétacé de tôle ne pût être frappé à mort par le harpon de ces pêcheurs. Les poissons observés par Conseil et par moi, pendant cette période, différaient peu de ceux que nous avions déjà étudiés sous d’autres latitudes. Les principaux furent quelques échantillons de ce terrible genre de cartilagineux, divisé en trois sous-genres qui ne comptent pas moins de trente-deux espèces: des squales-galonnés, longs de cinqe mètres, à tête déprimée et plus large que le corps, à nageoire caudale arrondie, et dont le dos porte sept grandes bandes noires parallèles et longitudinales; puis des squales-perlons, gris-cendrés, percés de sept ouvertures branchiales et pourvus d’une seule nageoire dorsale placée à peu près vers le milieu du corps. Passaient aussi de grands chiens de mer, poissons voraces s’il en fut. On a le droit de ne point croire aux récits des pêcheurs, mais voici ce qu’ils racontent. On a trouvé dans le corps de l’un de ces animaux une tête de buffle et un veau tout entier; dans un autre, deux thons et un matelot en uniforme; dans un autre, un soldat avec son sabre; dans un autre enfin, un cheval avec son cavalier. Tout ceci, à vrai dire, n’est pas article de foi. Toujours est-il qu’aucun de ces animaux ne se laissa prendre aux filets du Nautilus, et que je ne pus vérifier leur voracité. Des troupes élégantes et folâtres de dauphins nous accompagnèrent pendant des jours entiers. Ils allaient par bandes de cinq ou six, chassant en meute comme les loups dans les campagnes; d’ailleurs, non moins voraces que les chiens de mer, si j’en crois un professeur de Copenhague, qui retira de l’estomac d’un dauphin treize marsouins et quinze phoques. C’était, il est vrai, un épaulard, appartenant à la plus grande espèce connue, et dont la longueur dépasse quelquefois vingt-quatre pieds. Cette famille des delphiniens compte dix genres, et ceux que j’aperçus tenaient du genre des delphinorinques, remarquables par un museau excessivement étroit et quatre fois long comme le crâne. Leur corps, mesurant trois mètres, noir en dessus, était en dessous d’un blanc rosé semé de petites taches très-rares. Je citerai aussi, dans ces mers, de curieux échantillons de ces poissons de l’ordre des acanthoptérigiens et de la famille des sciénoïdes. Quelques auteurs,—plus poëtes que naturalistes,—prétendent que ces poissons chantent mélodieusement, et que leurs voix réunies forment un concert qu’un chœur de voix humaines ne saurait égaler. Je ne dis pas non, mais ces sirènes ne nous donnèrent aucune sérénade à notre passage, et je le regrette. Pour terminer enfin, Conseil classa une grande quantité de poissons volants. Rien n’était plus curieux que de voir les dauphins leur donner la chasse avec une précision merveilleuse. Quelle que fût la portée de son vol, quelque trajectoire qu’il décrivît, même au-dessus du Nautilus, l’infortuné poisson trouvait toujours la bouche du dauphin ouverte pour le recevoir. C’étaient ou des pirapèdes, ou des trigles-milans, à bouche lumineuse, qui, pendant la nuit, après avoir tracé des raies de feu dans l’atmosphère, plongeaient dans les eaux sombres comme autant d’étoiles filantes. | |
| Our navigation continued until the 13th of March; that day the Nautilus was employed in taking soundings, which greatly interested me. We had then made about 13,000 leagues since our departure from the high seas of the Pacific. The bearings gave us 45° 37′ S. lat., and 37° 53′ W. long. | Jusqu’au 13 mars, notre navigation se continua dans ces conditions. Ce jour-là, le Nautilus fut employé à des expériences de sondages qui m’intéressèrent vivement. Nous avions fait alors près de treize mille lieues depuis notre départ dans les hautes mers du Pacifique. Le point nous mettait par 43° 37′ de latitude sud et 37° 53′ de longitude ouest. |
| It was the same water in which Captain Denham of the Herald sounded 7,000 fathoms without finding the bottom. There, too, Lieutenant Parker, of the American frigate Congress, could not touch the bottom with 15,140 fathoms. | C’étaient ces mêmes parages où le capitaine Denham de l’Hérald fila quatorze mille mètres de sonde sans trouver de fond. Là aussi, le lieutenant Parcker de la frégate américaine Congress n’avait pu atteindre le sol sous-marin par quinze mille cent quarante mètres. Le capitaine Nemo résolut d’envoyer son Nautilus à la plus extrême profondeur à fin de contrôler ces différents sondages. Je me préparai à noter tous les résultats de l’expérience. Akirill.com |
| Les panneaux du salon furent ouverts, et les manœuvres commencèrent pour atteindre ces couches si prodigieusement reculées. On pense bien qu’il ne fut pas question de plonger en remplissant les réservoirs. Peut-être n’eussent-ils pu accroître suffisamment la pesanteur spécifique du Nautilus. D’ailleurs, pour remonter, il aurait fallu chasser cette surcharge d’eau, et les pompes n’auraient pas été assez puissantes pour vaincre la pression extérieure. | |
| Captain Nemo intended seeking the bottom of the ocean by a diagonal sufficiently lengthened by means of lateral planes placed at an angle of 45° with the water-line of the Nautilus. | Le capitaine Nemo résolut d’aller chercher le fond océanique par une diagonale suffisamment allongée, au moyen de ses plans latéraux qui furent placés sous un angle de quarante cinq degrés avec les lignes d’eau du Nautilus. |
| Then the screw set to work at its maximum speed, its four blades beating the waves with in describable force. | Puis, l’hélice fut portée à son maximum de vitesse, et sa quadruple branche battit les flots avec une indescriptible violence. |
| Under this powerful pressure, the hull of the Nautilus quivered like a sonorous chord and sank regularly under the water. | Sous cette poussée puissante, la coque du Nautilus frémit comme une corde sonore et s’enfonça régulièrement sous les eaux. |
| Le capitaine et moi, postés dans le salon, nous suivions l’aiguille du manomètre qui déviait rapidement. Bientôt fut dépassée cette zone habitable où résident la plupart des poissons. Si quelques-uns de ces animaux ne peuvent vivre qu’à la surface des mers ou des fleuves, d’autres, moins nombreux, se tiennent à des profondeurs assez grandes. Parmi ces derniers, j’observais l’hexanche, espèce de chien de mer muni de six fentes respiratoires, le télescope aux yeux énormes, le malarmat-cuirassé, aux thoracines grises, aux pectorales noires, que protégeait son plastron de plaques osseuses d’un rouge pâle, puis enfin le grenadier, qui, vivant par douze cents mètres de profondeur, supportait alors une pression de cent vingt atmosphères. Je demandai au capitaine Nemo s’il avait observé des poissons à des profondeurs plus considérables. «Des poissons? me répondit-il, rarement. Mais dans l’état actuel de la science, que présume-t-on, que sait-on? —Le voici, capitaine. On sait que en allant vers les basses couches de l’Océan, la vie végétale disparaît plus vite que la vie animale. On sait que, là où se rencontrent encore des êtres animés, ne végète plus une seule hydrophyte. On sait que les pèlerines, les huîtres vivent par deux mille mètres d’eau, et que Mac Clintock, le héros des mers polaires, a retiré une étoile vivante d’une profondeur de deux mille cinq cent mètres. On sait que l’équipage du Bull-Dog, de la Marine Royale, a pêché une astérie par deux mille six cent vingt brasses, soit plus d’une lieue de profondeur. Mais, capitaine Nemo, peut-être me direz vous qu’on ne sait rien? —Non, monsieur le professeur, répondit le capitaine, je n’aurai pas cette impolitesse. Toutefois, je vous demanderai comment vous expliquez que des êtres puissent vivre à de telles profondeurs? —Je l’explique par deux raisons, répondis-je. D’abord, parce que les courants verticaux, déterminés par les différences de salure et de densité des eaux, produisent un mouvement qui suffit à entretenir la vie rudimentaire des encrines et des astéries. —Juste, fit le capitaine. —Ensuite, parce que, si l’oxygène est la base de la vie, on sait que la quantité d’oxygène dissous dans l’eau de mer augmente avec la profondeur au lieu de diminuer, et que la pression des couches basses contribue à l’y comprimer. —Ah! on sait cela? répondit le capitaine Nemo, d’un ton légèrement surpris. Eh bien, monsieur le professeur, on a raison de le savoir, car c’est la vérité. J’ajouterai, en effet, que la vessie natatoire des poissons renferme plus d’azote que d’oxygène, quand ces animaux sont pêchés à la surface des eaux, et plus d’oxygène que d’azote, au contraire, quand ils sont tirés des grandes profondeurs. Ce qui donne raison à votre système. Mais continuons nos observations.» Mes regards se reportèrent sur le manomètre. L’instrument indiquait une profondeur de six mille mètres. Notre immersion durait depuis une heure. Le Nautilus, glissant sur ses plans inclinés, s’enfonçait toujours. Les eaux désertes étaient admirablement transparentes et d’une diaphanité que rien ne saurait poindre. Une heure plus tard, nous étions par treize mille mètres,—trois lieues et quart environ,—et le fond de l’Océan ne se laissait pas pressentir. | |
| At 7,000 fathoms I saw some blackish tops rising from the midst of the waters; but these summits might belong to high mountains like the Himalayas or Mont Blanc, even higher; and the depth of the abyss remained incalculable. The Nautilus descended still lower, in spite of the great pressure. I felt the steel plates tremble at the fastenings of the bolts; its bars bent, its partitions groaned; the windows of the saloon seemed to curve under the pressure of the waters. | Cependant, par quatorze mille mètres, j’aperçus des pics noirâtres qui surgissaient au milieu des eaux. Mais ces sommets pouvaient appartenir à des montagnes hautes comme l’Hymalaya ou le Mont-Blanc, plus hautes même, et la profondeur de ces abîmes demeurait inévaluable.Le Nautilus descendit plus bas encore, malgré les puissantes pressions qu’il subissait. Je sentais ses tôles trembler sous la jointure de leurs boulons; ses barreaux s’arquaient; ses cloisons gémissaient; les vitres du salon semblaient se gondoler sous la pression des eaux. |
| And this firm structure would doubtless have yielded, if, as its Captain had said, it had not been capable of resistance like a solid block. We had attained a depth of 16,000 yards (four leagues), and the sides of the Nautilus then bore a pressure of 1,600 atmospheres, that is to say, 3,200 lb. to each square two-fifths of an inch of its surface. | Et ce solide appareil eût cédé sans doute, si, ainsi que l’avait dit son capitaine, il n’eût été capable de résister comme un bloc plein. En rasant les pentes de ces roches perdues sous les eaux, j’apercevais encore quelques coquilles, des serpula, des spinorbis vivantes, et certains échantillons d’astéries. Mais bientôt ces derniers représentants de la vie animale disparurent, et, au-dessous de trois lieues, le Nautilus dépassa les limites de l’existence sous-marine, comme fait le ballon qui s’élève dans les airs au-dessus des zones respirables. Nous avions atteint une profondeur de seize mille mètres,—quatre lieues,—et les flancs du Nautilus supportaient alors une pression de seize cents atmosphères, c’est-à-dire seize cents kilogrammes par chaque centimètre carré de sa surface! |
| “What a situation to be in!” I exclaimed. “To overrun these deep regions where man has never trod! Look, Captain, look at these magnificent rocks, these uninhabited grottoes, these lowest receptacles of the globe, where life is no longer possible! What unknown sights are here! Why should we be unable to preserve a remembrance of them?” | «Quelle situation, m’écriai-je! Parcourir dans ces régions profondes où l’homme n’est jamais parvenu! Voyez, capitaine, voyez ces rocs magnifiques, ces grottes inhabitées, ces derniers réceptacles du globe, où la vie n’est plus possible! Quels sites inconnus et pourquoi faut-il que nous soyons réduits à n’en conserver que le souvenir? |
| “Would you like to carry away more than the remembrance?” said Captain Nemo. | —Vous plairait-il, me demanda le capitaine Nemo, d’en rapporter mieux que le souvenir? |
| “What do you mean by those words?” | —Que voulez-vous dire par ces paroles? |
| “I mean to say that nothing is easier than to make a photographic view of this submarine region.” | —Je veux dire que rien n’est plus facile que de prendre une vue photographique de cette région sous-marine!» |
| I had not time to express my surprise at this new proposition, when, at Captain Nemo’s call, an objective was brought into the saloon. Through the widely-opened panel, the liquid mass was bright with electricity, which was distributed with such uniformity that not a shadow, not a gradation, was to be seen in our manufactured light. The Nautilus remained motionless, the force of its screw subdued by the inclination of its planes: the instrument was propped on the bottom of the oceanic site, and in a few seconds we had obtained a perfect negative. | Je n’avais pas eu le temps d’exprimer la surprise que me causait cette nouvelle proposition, que sur un appel du capitaine Nemo, un objectif était apporté dans le salon. Par les panneaux largement ouverts, le milieu liquide éclairé électriquement, se distribuait avec une clarté parfaite. Nulle ombre, nulle dégradation de notre lumière factice. Le soleil n’eût pas été plus favorable à une opération de cette nature. Le Nautilus, sous la poussée de son hélice, maîtrisée par l’inclinaison de ses plans, demeurait immobile. L’instrument fut braqué sur ces sites du fond océanique, et en quelques secondes, nous avions obtenu un négatif d’une extrême pureté. |
| C’est l’épreuve positive que j’en donne ici. On y voit ces roches primordiales qui n’ont jamais connu la lumière des cieux, ces granits inférieurs qui forment la puissante assise du globe, ces grottes profondes évidées dans la masse pierreuse, ces profils d’une incomparable netteté et dont le trait terminal se détache en noir, comme s’il était dû au pinceau de certains artistes flamands. Puis, au-delà, un horizon de montagnes, une admirable ligne ondulée qui compose les arrières-plans du paysage. Je ne puis décrire cet ensemble de roches lisses, noires, polies, sans une mousse, sans une tache, aux formes étrangement découpées et solidement établies sur ce tapis de sable qui étincelait sous les jets de la lumière électrique. | |
| But, the operation being over, Captain Nemo said, “Let us go up; we must not abuse our position, nor expose the Nautilus too long to such great pressure.” | Cependant, le capitaine Nemo, après avoir terminé son opération, m’avait dit: «Remontons monsieur le professeur. Il ne faut pas abuser de cette situation ni exposer trop longtemps le Nautilus à de pareilles pressions. |
| “Go up again!” I exclaimed. | —Remontons! répondis-je. |
| “Hold well on.” | —Tenez-vous bien.» |
| I had not time to understand why the Captain cautioned me thus, when I was thrown forward on to the carpet. At a signal from the Captain, its screw was shipped, and its blades raised vertically; the Nautilus shot into the air like a balloon, rising with stunning rapidity, and cutting the mass of waters with a sonorous agitation. Nothing was visible; and in four minutes it had shot through the four leagues which separated it from the ocean, and, after emerging like a flying-fish, fell, making the waves rebound to an enormous height. | Je n’avais pas encore eu le temps de comprendre pourquoi le capitaine me faisait cette recommandation, quand je fus précipité sur le tapis. Son hélice embrayée sur un signal du capitaine, ses plans dressés verticalement, le Nautilus, emporté comme un ballon dans les airs, s’enlevait avec une rapidité foudroyante. Il coupait la masse des eaux avec un frémissement sonore. Aucun détail n’était visible. En quatre minutes, il avait franchi les quatre lieues qui le séparaient de la surface de l’Océan, et, après avoir émergé comme un poisson volant, il retombait en faisant jaillir les flots à une prodigieuse hauteur. |
| CHAPTER XII CACHALOTS AND WHALES | CHAPITRE XII CACHALOTS ET BALEINES. |
| During the nights of the 13th and 14th of March, the Nautilus returned to its southerly course. I fancied that, when on a level with Cape Horn, he would turn the helm westward, in order to beat the Pacific seas, and so complete the tour of the world. He did nothing of the kind, but continued on his way to the southern regions. Where was he going to? To the pole? It was madness! | Pendant la nuit du 13 au 14 mars, le Nautilus reprit sa direction vers le sud. Je pensais qu’à la hauteur du cap Horn, il mettrait le cap à l’ouest afin de rallier les mers du Pacifique et d’achever son tour du monde. Il n’en fit rien et continua de remonter vers les régions australes. Où voulait-il donc aller? Au pôle? C’était insensé. |
| I began to think that the Captain’s temerity justified Ned Land’s fears. For some time past the Canadian had not spoken to me of his projects of flight; he was less communicative, almost silent. I could see that this lengthened imprisonment was weighing upon him, and I felt that rage was burning within him. When he met the Captain, his eyes lit up with suppressed anger; and I feared that his natural violence would lead him into some extreme. That day, the 14th of March, Conseil and he came to me in my room. I inquired the cause of their visit. | Je commençai à croire que les témérités du capitaine justifiaient suffisamment les appréhensions de Ned Land. Le Canadien, depuis quelque temps, ne me parlait plus de ses projets de fuite. Il était devenu moins communicatif, presque silencieux. Je voyais combien cet emprisonnement prolongé lui pesait. Je sentais ce qui s’amassait de colère en lui. Lorsqu’il rencontrait le capitaine, ses yeux s’allumaient d’un feu sombre, et je craignais toujours que sa violence naturelle ne le portât à quelque extrémité. Ce jour-là, 14 mars, Conseil et lui vinrent me trouver dans ma chambre. Je leur demandai la raison de leur visite. |
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Vingt Mille Lieues
Sous Les Mers de Jules Vernes
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