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Twenty Thousand Leagues Under The Sea by Jules Vernes Bilingual Book French/English Page 12

Ce n’est pas une traduction mots a mots mais les livres dans les deux languages mis côte a côte. Vous pouvez le lire en Français, en anglais ou parallèlement.

This is not a word-by-word translation but the books in the two languages put side by side. You can read it in French, in English or both.

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Twenty Thousand Leagues Under The Sea by Jules Vernes

Twenty Thousand Leagues Under The Sea by Jules VernesVingt Mille Lieues
Sous Les Mers de Jules Vernes
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PART IIPART II
CHAPTER XIICHAPITRE XII
“A simple question to ask you, sir,” replied the Canadian. «Une simple question à vous poser, monsieur, me répondit le Canadien.
“Speak, Ned.”—Parlez, Ned.
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“How many men are there on board the Nautilus, do you think?”—Combien d’hommes croyez-vous qu’il y ait à bord du Nautilus?
“I cannot tell, my friend.”—Je ne saurais le dire, mon ami.
“I should say that its working does not require a large crew.”—Il me semble, reprit Ned Land, que sa manœuvre ne nécessite pas un nombreux équipage.
“Certainly, under existing conditions, ten men, at the most, ought to be enough.”—En effet, répondis-je, dans les conditions où il se trouve, une dizaine d’hommes au plus doivent suffire à le manœuvrer.
“Well, why should there be any more?”—Eh bien, dit le Canadien, pourquoi y en aurait-il davantage?
“Why?” I replied, looking fixedly at Ned Land, whose meaning was easy to guess. “Because,” I added, “if my surmises are correct, and if I have well understood the Captain’s existence, the Nautilus is not only a vessel: it is also a place of refuge for those who, like its commander, have broken every tie upon earth.”—Pourquoi?» répliquai-je.
Je regardai fixement Ned Land, dont les intentions étaient faciles à deviner.
«Parce que, dis-je, si j’en crois mes pressentiments, si j’ai bien compris l’existence du capitaine, le Nautilus n’est pas seulement un navire. Ce doit être un lieu de refuge pour ceux qui, comme son commandant, ont rompu toute relation avec la terre.
“Perhaps so,” said Conseil; “but, in any case, the Nautilus can only contain a certain number of men. Could not you, sir, estimate their maximum?”—Peut-être, dit Conseil, mais enfin le Nautilus ne peut contenir qu’un certain nombre d’hommes, et monsieur ne pourrait-il évaluer ce maximum?
“How, Conseil?”—Comment cela, Conseil?
“By calculation; given the size of the vessel, which you know, sir, and consequently the quantity of air it contains, knowing also how much each man expends at a breath, and comparing these results with the fact that the Nautilus is obliged to go to the surface every twenty-four hours.”—Par le calcul. Étant donnée la capacité du navire que monsieur connaît, et, par conséquent, la quantité d’air qu’il renferme; sachant d’autre part ce que chaque homme dépense dans l’acte de la respiration, et comparant ces résultats avec la nécessité où le Nautilus est de remonter toutes les vingt-quatre heures…»
Conseil had not finished the sentence before I saw what he was driving at.La phrase de Conseil n’en finissait pas, mais je vis bien où il voulait en venir.
“I understand,” said I; “but that calculation, though simple enough, can give but a very uncertain result.”«Je te comprends, dis-je; mais ce calcul-là, facile à établir d’ailleurs, ne peut donner qu’un chiffre très-incertain.
“Never mind,” said Ned Land urgently.—N’importe, reprit Ned Land, en insistant.
“Here it is, then,” said I. “In one hour each man consumes the oxygen contained in twenty gallons of air; and in twenty-four, that contained in 480 gallons. We must, therefore find how many times 480 gallons of air the Nautilus contains.”—Voici le calcul, répondis-je. Chaque homme dépense en une heure l’oxygène contenu dans cent litres d’air, soit en vingt-quatre heures l’oxygène contenu dans deux mille quatre cents litres. Il faut donc chercher combien de fois le Nautilus renferme deux mille quatre cent litres d’air.
“Just so,” said Conseil.—Précisément, dit Conseil.
“Or,” I continued, “the size of the Nautilus being 1,500 tons; and one ton holding 200 gallons, it contains 300,000 gallons of air, which, divided by 480, gives a quotient of 625. Which means to say, strictly speaking, that the air contained in the Nautilus would suffice for 625 men for twenty-four hours.”—Or, repris-je, la capacité du Nautilus étant de quinze cents tonneaux, et celle du tonneau de mille litres, le Nautilus renferme quinze cent mille litres d’air, qui, divisés par deux mille quatre cents…»
Je calculai rapidement au crayon:
«… donnent au quotient six cent vingt-cinq. Ce qui revient à dire que l’air contenu dans le Nautilus pourrait rigoureusement suffire à six cent vingt-cinq hommes pendant vingt-quatre heures.
“Six hundred and twenty-five!” repeated Ned.—Six cent vingt-cinq! répéta Ned.
“But remember that all of us, passengers, sailors, and officers included, would not form a tenth part of that number.”

—Mais tenez pour certain, ajoutai-je, que, tant passagers que marins ou officiers, nous ne formons pas la dixième partie de ce chiffre.
“Still too many for three men,” murmured Conseil.—C’est encore trop pour trois hommes! murmura Conseil.
—Donc, mon pauvre Ned, je ne puis que vous conseiller la patience.
—Et même mieux que la patience, répondit Conseil, la résignation.»
Conseil avait employé le mot juste,
«Après tout, reprit-il, le capitaine Nemo ne peut pas aller toujours au sud! Il faudra bien qu’il s’arrête, ne fût-ce que devant la banquise, et qu’il revienne vers des mers plus civilisées! Alors, il sera temps de reprendre les projets de Ned Land.»
The Canadian shook his head, passed his hand across his forehead, and left the room without answering.Le Canadien secoua la tête, passa la main sur son front, ne répondit pas, et se retira.
“Will you allow me to make one observation, sir?” said Conseil. “Poor Ned is longing for everything that he can not have. His past life is always present to him; everything that we are forbidden he regrets. His head is full of old recollections. And we must understand him. What has he to do here? Nothing; he is not learned like you, sir; and has not the same taste for the beauties of the sea that we have. He would risk everything to be able to go once more into a tavern in his own country.”«Que monsieur me permette de lui faire une observation, me dit alors Conseil. Ce pauvre Ned pense à tout ce qu’il ne peut pas avoir. Tout lui revient de sa vie passée. Tout lui semble regrettable de ce qui nous est interdit. Ses anciens souvenirs l’oppressent et il a le cœur gros. Il faut le comprendre. Qu’est-ce qu’il a à faire ici? Rien. Il n’est pas un savant comme monsieur, et ne saurait prendre le même goût que nous aux choses admirables de la mer. Il risquerait tout pour pouvoir entrer dans une taverne de son pays!»
Certainly the monotony on board must seem intolerable to the Canadian, accustomed as he was to a life of liberty and activity. Events were rare which could rouse him to any show of spirit; but that day an event did happen which recalled the bright days of the harpooner. About eleven in the morning, being on the surface of the ocean, the Nautilus fell in with a troop of whales—an encounter which did not astonish me, knowing that these creatures, hunted to death, had taken refuge in high latitudes.Il est certain que la monotonie du bord devait paraître insupportable au Canadien, habitué à une vie libre et active. Les événements qui pouvaient le passionner étaient rares. Cependant, ce jour-là, un incident vint lui rappeler ses beaux jours de harponneur. Vers onze heures du matin, étant à la surface de l’Océan, le Nautilus tomba au milieu d’une troupe de baleines. Rencontre qui ne me surprit pas, car je savais que ces animaux, chassés à outrance, se sont réfugiés dans les bassins des hautes latitudes.
Le rôle joué par la baleine dans le monde marin, et son influence sur les découvertes géographiques, ont été considérables. C’est elle, qui, entraînant à sa suite, les Basques d’abord, puis les Asturiens, les Anglais et les Hollandais, les enhardit contre les dangers de l’Océan et les conduisit d’une extrémité de la terre à l’autre. Les baleines aiment à fréquenter les mers australes et boréales. D’anciennes légendes prétendent même que ces cétacés amenèrent les pêcheurs jusqu’à sept lieues seulement du pôle nord. Si le fait est faux, il sera vrai un jour, et c’est probablement ainsi, en chassant la baleine dans les légions arctiques ou antarctiques, que les hommes atteindront ce point inconnu du globe.
We were seated on the platform, with a quiet sea. The month of October in those latitudes gave us some lovely autumnal days. It was the Canadian—he could not be mistaken—who signalled a whale on the eastern horizon. Looking attentively, one might see its black back rise and fall with the waves five miles from the Nautilus.Nous étions assis sur la plate-forme par une mer tranquille. Mais le mois d’octobre de ces latitudes nous donnait de belles journées d’automne. Ce fut le Canadien,—il ne pouvait s’y tromper,—qui signala une baleine à l’horizon dans l’est. En regardant attentivement, on voyait son dos noirâtre s’élever et s’abaisser alternativement au-dessus des flots, à cinq milles du Nautilus.
“Ah!” exclaimed Ned Land, “if I was on board a whaler, now such a meeting would give me pleasure. It is one of large size. See with what strength its blow-holes throw up columns of air an steam! Confound it, why am I bound to these steel plates?”«Ah! s’écria Ned Land, si j’étais à bord d’un baleinier, voilà une rencontre qui me ferait plaisir! C’est un animal de grande taille! Voyez avec quelle puissance ses évents rejettent des colonnes d’air et de vapeur! Mille diables! pourquoi faut-il que je sois enchaîné sur ce morceau de tôle!
“What, Ned,” said I, “you have not forgotten your old ideas of fishing?”—Quoi! Ned, répondis-je, vous n’êtes pas encore revenu de vos vieilles idées de pêche?
“Can a whale-fisher ever forget his old trade, sir? Can he ever tire of the emotions caused by such a chase?”—Est-ce qu’un pêcheur de baleines, monsieur, peut oublier son ancien métier? Est-ce qu’on se lasse jamais des émotions d’une pareille chasse?
“You have never fished in these seas, Ned?”—Vous n’avez jamais pêché dans ces mers, Ned?
“Never, sir; in the northern only, and as much in Behring as in Davis Straits.”—Jamais, monsieur. Dans les mers boréales seulement, et autant dans le détroit de Bering que dans celui de Davis.
“Then the southern whale is stille unknown to you. It is the Greenland whale you have hunted up to this time, and that would not risk passing through the warm waters of the equator. Whales are localised, according to their kinds, in certain seas which they never leave. And if one of these creatures went from Behring to Davis Straits, it must be simply because there is a passage from one sea to the other, either on the American or the Asiatic side.”—Alors la baleine australe vous est encore inconnue. C’est la baleine franche que vous avez chassée jusqu’ici, et elle ne se hasarderait pas à passer les eaux chaudes de l’Équateur.
—Ah! monsieur le professeur, que me dites-vous là? répliqua le Canadien d’un ton passablement incrédule.
—Je dis ce qui est.
—Par exemple! Moi qui vous parle, en soixante-cinq, voilà deux ans et demi, j’ai amariné près du Groenland une baleine qui portait encore dans son flanc le harpon poinçonné d’un baleinier de Bering. Or, je vous demande, comment après avoir été frappé à l’ouest de l’Amérique, l’animal serait venu se faire tuer à l’est, s’il n’avait, après avoir doublé, soit le cap Horn, soit le cap de Bonne Espérance, franchi l’Équateur?

—Je pense comme l’ami Ned, dit Conseil, et j’attends ce que répondra monsieur.
—Monsieur vous répondra, mes amis, que les baleines sont localisées, suivant leurs espèces, dans certaines mers qu’elles ne quittent pas. Et si l’un de ces animaux est venu du détroit de Bering dans celui de Davis, c’est tout simplement parce qu’il existe un passage d’une mer à l’autre, soit sur les côtes de l’Amérique, soit sur celles de l’Asie.
—Faut-il vous croire? demanda le Canadien, en fermant un œil.
—Il faut croire monsieur, répondit Conseil.
“In that case, as I have never fished in these seas, I do not know the kind of whale frequenting them!”—Dès-lors, reprit le Canadien, puisque je n’ai jamais pêché dans ces parages, je ne connais point les baleines qui les fréquentent?
“I have told you, Ned.”—Je vous l’ai dit, Ned.
“A greater reason for making their acquaintance,” said Conseil.—Raison de plus pour faire leur connaissance, répliqua Conseil.
“Look! look!” exclaimed the Canadian, “they approach: they aggravate me; they know that I cannot get at them!”—Voyez! voyez! s’écria le Canadien, la voix émue. Elle s’approche! Elle vient sur nous! Elle me nargue! Elle sait que je ne peux rien contre elle!»
Ned stamped his feet. His hand trembled, as he grasped an imaginary harpoon.Ned frappait du pied. Sa main frémissait en brandissant un harpon imaginaire.
“Are these cetaceans as large as those of the northern seas?” asked he.«Ces cétacés, demanda-t-il, sont-ils aussi gros que ceux des mers boréales?
“Very nearly, Ned.”—A peu près, Ned.
“Because I have seen large whales, sir, whales measuring a hundred feet. I have even been told that those of Hullamoch and Umgallick, of the Aleutian Islands, are sometimes a hundred and fifty feet long.”—C’est que j’ai vu de grosses baleines, monsieur, des baleines qui mesuraient jusqu’à cent pieds de longueur! Je me suis même laissé dire que le Hullamock et l’Umgallick des îles Aléoutiennes dépassaient quelquefois cent cinquante pieds.
“That seems to me exaggeration. These creatures are only balaeaopterons, provided with dorsal fins; and, like the cachalots, are generally much smaller than the Greenland whale.”—Ceci me paraît exagéré, répondis-je. Ces animaux ne sont que des baleinoptères, pourvus de nageoires dorsales, et de même que les cachalots, ils sont généralement plus petits que la baleine franche.
“Ah!” exclaimed the Canadian, whose eyes had never left the ocean, “they are coming nearer; they are in the same water as the Nautilus.”—Ah! s’écria le Canadien, dont les regards ne quittaient pas l’Océan, elle se rapproche, elle vient dans les eaux du Nautilus!»
Then, returning to the conversation, he said:Puis, reprenant sa conversation:
“You spoke of the cachalot as a small creature. I have heard of gigantic ones. They are intelligent cetacea. It is said of some that they cover themselves with seaweed and fucus, and then are taken for islands. People encamp upon them, and settle there; lights a fire——”«Vous parlez, dit-il, du cachalot comme d’une petite bête! On cite cependant des cachalots gigantesques. Ce sont des cétacés intelligents. Quelques-uns, dit-on, se couvrent d’algues et de fucus. On les prend pour des îlots. On campe dessus, on s’y installe, on fait du feu…
“And build houses,” said Conseil.

—On y bâtit des maisons, dit Conseil.
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“Yes, joker,” said Ned Land. “And one fine day the creature plunges, carrying with it all the inhabitants to the bottom of the sea.”—Oui, farceur, répondit Ned Land. Puis, un beau jour l’animal plonge et entraîne tous ses habitants au fond de l’abîme.
“Something like the travels of Sinbad the Sailor,” I replied, laughing.—Comme dans les voyages de Simbad le marin, répliquai-je en riant.
“Ah!” suddenly exclaimed Ned Land, “it is not one whale; there are ten—there are twenty—it is a whole troop! And I not able to do anything! hands and feet tied!”—Ah! maître Land, il paraît que vous aimez les histoires extraordinaires! Quels cachalots que les vôtres! J’espère que vous n’y croyez pas!
—Monsieur le naturaliste, répondit sérieusement le Canadien, il faut tout croire de la part des baleines!—Comme elle marche, celle-ci! Comme elle se dérobe!—On prétend que ces animaux-là peuvent faire le tour du monde en quinze jours.
—Je ne dis pas non.
—Mais, ce que vous ne savez sans doute pas, monsieur Aronnax, c’est que, au commencement du monde, les baleines filaient plus rapidement encore.
—Ah! vraiment, Ned! Et pourquoi cela?
—Parce qu’alors, elles avaient la queue en travers, comme les poissons, c’est-à-dire que cette queue, comprimée verticalement, frappait l’eau de gauche à droite et de droite à gauche. Mais le Créateur, s’apercevant qu’elles marchaient trop vite, leur tordit la queue, et depuis ce temps-là, elles battent les flots de haut en bas au détriment de leur rapidité.
—Bon, Ned, dis-je, en reprenant une expression du Canadien, faut-il vous croire?
—Pas trop, répondit Ned Land, et pas plus que si je vous disais qu’il existe des baleines longues de trois cents pieds et pesant cent mille livres.
—C’est beaucoup, en effet, dis-je. Cependant, il faut avouer que certains cétacés acquièrent un développement considérable, puisque, dit-on, ils fournissent jusqu’à cent vingt tonnes d’huile.
—Pour ça, je l’ai vu, dit le Canadien.
—Je le crois volontiers, Ned, comme je crois que certaines baleines égalent en grosseur cent éléphants. Jugez des effets produits par une telle masse lancée à toute vitesse!
—Est-il vrai, demanda Conseil, qu’elles peuvent couler des navires?
—Des navires, je ne le crois pas, répondis-je. On raconte, cependant, qu’en 1820, précisément dans ces mers du sud, une baleine se précipita sur l’Essex et le fit reculer avec une vitesse de quatre mètres par seconde. Des lames pénétrèrent par l’arrière, et l’Essex sombra presque aussitôt.»
Ned me regarda d’un air narquois.
«Pour mon compte, dit-il, j’ai reçu un coup de queue de baleine,—dans mon canot, cela va sans dire. Mes compagnons et moi, nous avons été lancés à une hauteur de six mètres. Mais auprès de la baleine de monsieur le professeur, la mienne n’était qu’un baleineau.
—Est-ce que ces animaux-là vivent longtemps? demanda Conseil.
—Mille ans, répondit le Canadien sans hésiter.
—Et comment le savez-vous, Ned?
—Parce qu’on le dit.
—Et pourquoi le dit-on?
—Parce qu’on le sait.
—Non, Ned, on ne le sait pas, mais on le suppose, et voici le raisonnement sur lequel on s’appuie. Il y a quatre cents ans, lorsque les pêcheurs chassèrent pour la première fois les baleines, ces animaux avaient une taille supérieure à celle qu’ils acquièrent aujourd’hui. On suppose donc, assez logiquement, que l’infériorité des baleines actuelles vient de ce qu’elles n’ont pas eu le temps d’atteindre leur complet développement. C’est ce qui a fait dire à Buffon que ces cétacés pouvaient et devaient même vivre mille ans. Vous entendez?»
Ned Land n’entendait pas. Il n’écoutait plus. La baleine s’approchait toujours. Il la dévorait des yeux.
«Ah! s’écria-t-il, ce n’est plus une baleine, c’est dix, c’est vingt, c’est un troupeau tout entier! Et ne pouvoir rien faire! Être là pieds et poings liés!
“But, friend Ned,” said Conseil, “why do you not ask Captain Nemo’s permission to chase them?”—Mais, ami Ned, dit Conseil, pourquoi ne pas demander au capitaine Nemo la permission de chasser?…»
Conseil had not finished his sentence when Ned Land had lowered himself through the panel to seek the Captain. A few minutes afterwards the two appeared together on the platform.Conseil n’avait pas achevé sa phrase, que Ned Land s’était affalé par le panneau et courait à la recherche du capitaine. Quelques instants après, tous deux reparaissaient sur la plate-forme.
Captain Nemo watched the troop of cetacea playing on the waters about a mile from the Nautilus.Le capitaine Nemo observa le troupeau de cétacés qui se jouait sur les eaux à un mille du Nautilus.
“They are southern whales,” said he; “there goes the fortune of a whole fleet of whalers.”«Ce sont des baleines australes, dit-il. Il y a là la fortune d’une flotte de baleiniers.
“Well, sir,” asked the Canadian, “can I not chase them, if only to remind me of my old trade of harpooner?”—Eh! bien, monsieur, demanda le Canadien, ne pourrais-je leur donner la chasse, ne fût-ce que pour ne pas oublier mon ancien métier de harponneur?
“And to what purpose?” replied Captain Nemo; “only to destroy! We have nothing to do with the whale-oil on board.”—A quoi bon, répondit le capitaine Nemo, chasser uniquement pour détruire! Nous n’avons que faire d’huile de baleine à bord.
“But, sir,” continued the Canadian, “in the Red Sea you allowed us to follow the dugong.”—Cependant, monsieur, reprit le Canadien, dans la mer Rouge, vous nous avez autorisés à poursuivre un dugong!
“Then it was to procure fresh meat for my crew. Here it would be killing for killing’s sake. I know that is a privilege reserved for man, but I do not approve of such murderous pastime. In destroying the southern whale (like the Greenland whale, an inoffensive creature), your traders do a culpable action, Master Land. They have already depopulated the whole of Baffin’s Bay, and are annihilating a class of useful animals. Leave the unfortunate cetacea alone. They have plenty of natural enemies—cachalots, swordfish, and sawfish—without you troubling them.”—Il s’agissait alors de procurer de la viande fraîche à mon équipage. Ici, ce serait tuer pour tuer. Je sais bien que c’est un privilége réservé à l’homme, mais je n’admets pas ces passe-temps meurtriers. En détruisant la baleine australe comme la baleine franche, êtres inoffensifs et bons, vos pareils, maître Land, commettent une action blâmable. C’est ainsi qu’ils ont déjà dépeuplé toute la baie de Baffin, et qu’ils anéantiront une classe d’animaux utiles. Laissez donc tranquilles ces malheureux cétacés. Ils ont bien assez de leurs ennemis naturels, les cachalots, les espadons et les scies, sans que vous vous en mêliez.»
Je laisse à imaginer la figure que faisait le Canadien pendant ce cours de morale. Donner de semblables raisons à un chasseur, c’était perdre ses paroles. Ned Land regardait le capitaine Nemo et ne comprenait évidemment pas ce qu’il voulait lui dire.
The Captain was right. The barbarous and inconsiderate greed of these fishermen will one day cause the disappearance of the last whale in the ocean. Ned Land whistled “Yankee-doodle” between his teeth, thrust his hands into his pockets, and turned his back upon us. But Captain Nemo watched the troop of cetacea, and, addressing me, said:Cependant, le capitaine avait raison. L’acharnement barbare et inconsidéré des pêcheurs fera disparaître un jour la dernière baleine de l’Océan.
Ned Land siffla entre les dents son Yankee doodle, fourra ses mains dans ses poches et nous tourna le dos.
Cependant le capitaine Nemo observait le troupeau de cétacés, et s’adressant à moi:
“I was right in saying that whales had natural enemies enough, without counting man. These will have plenty to do before long. Do you see, M. Aronnax, about eight miles to leeward, those blackish moving points?”«J’avais raison de prétendre, que sans compter l’homme, les baleines ont assez d’autres ennemis naturels. Celles-ci vont avoir affaire à forte partie avant peu. Apercevez-vous, monsieur Aronnax, à huit milles sous le vent ces points noirâtres qui sont en mouvement?
“Yes, Captain,” I replied.—Oui, capitaine, répondis-je.
“Those are cachalots—terrible animals, which I have met in troops of two or three hundred. As to those, they are cruel, mischievous creatures; they would be right in exterminating them.”—Ce sont des cachalots, animaux terribles que j’ai quelquefois rencontrés par troupes de deux ou trois cents! Quant à ceux-là, bêtes cruelles et malfaisantes, on a raison de les exterminer.»
The Canadian turned quickly at the last words.Le Canadien se retourna vivement à ces derniers mots.
“Well, Captain,” said he, “it is still time, in the interest of the whales.”«Eh bien, capitaine, dis-je, il est temps encore, dans l’intérêt même des baleines…
“It is useless to expose one’s self, Professor. The Nautilus will disperse them. It is armed with a steel spur as good as Master Land’s harpoon, I imagine.”—Inutile de s’exposer, monsieur le professeur. Le Nautilus suffira à disperser ces cachalots. Il est armé d’un éperon d’acier qui vaut bien le harpon de maître Land, j’imagine.»
The Canadian did not put himself out enough to shrug his shoulders. Attack cetacea with blows of a spur! Who had ever heard of such a thing?Le Canadien ne se gêna pas pour hausser les épaules. Attaquer des cétacés à coups d’éperon! qui avait jamais entendu parler de cela?
“Wait, M. Aronnax,” said Captain Nemo. “We will show you something you have never yet seen. We have no pity for these ferocious creatures. They are nothing but mouth and teeth.”«Attendez, monsieur Aronnax, dit le capitaine Nemo. Nous vous montrerons une chasse que vous ne connaissez pas encore. Pas de pitié pour ces féroces cétacés. Ils ne sont que bouche et dents!»
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Mouth and teeth! No one could better describe the macrocephalous cachalot, which is sometimes more than seventy-five feet long. Its enormous head occupies one-third of its entire body. Better armed than the whale, whose upper jaw is furnished only with whalebone, it is supplied with twenty-five large tusks, about eight inches long, cylindrical and conical at the top, each weighing two pounds.Bouche et dents! On ne pouvait mieux peindre le cachalot macrocéphale, dont la taille dépasse quelquefois vingt-cinq mètres. La tête énorme de ce cétacé occupe environ le tiers de son corps. Mieux armé que la baleine, dont la mâchoire supérieure est seulement garnie de fanons, il est muni de vingt-cinq grosses dents, hautes de vingt centimètres, cylindriques et coniques à leur sommet, et qui pèsent deux livres chacune.
 It is in the upper part of this enormous head, in great cavities divided by cartilages, that is to be found from six to eight hundred pounds of that precious oil called spermaceti. The cachalot is a disagreeable creature, more tadpole than fish, according to Fredol’s description. It is badly formed, the whole of its left side being (if we may say it), a “failure,” and being only able to see with its right eye. But the formidable troop was nearing us. C’est à la partie supérieure de cette énorme tête et dans de grandes cavités séparées par des cartilages, que se trouvent trois à quatre cents kilogrammes de cette huilee précieuse, dite «blanc de baleine». Le cachalot est un animal disgracieux, plutôt têtard que poisson, suivant la remarque de Frédol. Il est mal construit, étant pour ainsi dire «manqué» dans toute la partie gauche de sa charpente, et n’y voyant guère que de l’œil droit.
Cependant, le monstrueux troupeau s’approchait toujours.
 They had seen the whales and were preparing to attack them. One could judge beforehand that the cachalots would be victorious, not only because they were better built for attack than their inoffensive adversaries, but also because they could remain longer under water without coming to the surface. There was only just time to go to the help of the whales. Il avait aperçu les baleines et se préparait à les attaquer. On pouvait préjuger, d’avance, la victoire des cachalots, non seulement parce qu’ils sont mieux bâtis pour l’attaque que leurs inoffensifs adversaires, mais aussi parce qu’ils peuvent rester plus longtemps sous les flots, sans venir respirer à leur surface. Il n’était que temps d’aller au secours des baleines.
 The Nautilus went under water. Conseil, Ned Land, and I took our places before the window in the saloon, and Captain Nemo joined the pilot in his cage to work his apparatus as an engine of destruction. Soon I felt the beatings of the screw quicken, and our speed increased. The battle between the cachalots and the whales had already begun when the Nautilus arrived.Le Nautilus se mit entre deux eaux. Conseil, Ned et moi, nous prîmes place devant les vitres du salon. Le capitaine Nemo se rendit près du timonier pour manœuvrer son appareil comme un engin de destruction. Bientôt, je sentis les battements de l’hélice se précipiter et notre vitesse s’accroître.
Le combat était déjà commencé entre les cachalots et les baleines, lorsque le Nautilus arriva.
 They did not at first show any fear at the sight of this new monster joining in the conflict. But they soon had to guard against its blows. What a battle! The Nautilus was nothing but a formidable harpoon, brandished by the hand of its Captain. It hurled itself against the fleshy mass, passing through from one part to the other, leaving behind it two quivering halves of the animal. Il manœuvra de manière à couper la troupe des macrocéphales. Ceux-ci, tout d’abord, se montrèrent peu émus à la vue du nouveau monstre qui se mêlait à la bataille. Mais bientôt ils durent se garer de ses coups.
Quelle lutte! Ned Land lui-même, bientôt enthousiasmé, finit par battre des mains. Le Nautilus n’était plus qu’un harpon formidable, brandi par la main de son capitaine. Il se lançait contre ces masses charnues et les traversait de part en part, laissant après son passage deux grouillantes moitiés d’animal.
It could not feel the formidable blows from their tails upon its sides, nor the shock which it produced itself, much more. One cachalot killed, it ran at the next, tacked on the spot that it might not miss its prey, going forwards and backwards, answering to its helm, plunging when the cetacean dived into the deep waters, coming up with it when it returned to the surface, striking it front or sideways, cutting or tearing in all directions and at any pace, piercing it with its terrible spur. What carnage! Les formidables coups de queue qui frappaient ses flancs, il ne les sentait pas. Les chocs qu’il produisait, pas davantage. Un cachalot exterminé, il courait à un autre, virait sur place pour ne pas manquer sa proie, allant de l’avant, de l’arrière, docile à son gouvernail, plongeant quand le cétacé s’enfonçait dans les couches profondes, remontant avec lui lorsqu’il revenait à la surface, le frappant de plein ou d’écharpe, le coupant ou le déchirant, et dans toutes les directions et sous toutes les allures, le perçant de son terrible éperon.
Quel carnage!
What a noise on the surface of the waves! What sharp hissing, and what snorting peculiar to these enraged animals! In the midst of these waters, generally so peaceful, their tails made perfect billows. For one hour this wholesale massacre continued, from which the cachalots could not escape. Several times ten or twelve united tried to crush the Nautilus by their weight. Quel bruit à la surface des flots! Quels sifflements aigus et quels ronflements particuliers à ces animaux épouvantés! Au milieu de ces couches ordinairement si paisibles, leur queue créait de véritables houles.
Pendant une heure se prolongea cet homérique massacre, auquel les macrocéphales ne pouvaient se soustraire. Plusieurs fois, dix ou douze réunis essayèrent d’écraser le Nautilus sous leur masse.
From the window we could see their enormous mouths, studded with tusks, and their formidable eyes. Ned Land could not contain himself; he threatened and swore at them. We could feel them clinging to our vessel like dogs worrying a wild boar in a copse. But the Nautilus, working its screw, carried them here and there, or to the upper levels of the ocean, without caring for their enormous weight, nor the powerful strain on the vessel. On voyait, à la vitre, leur gueule énorme pavée de dents, leur œil formidable. Ned Land, qui ne se possédait plus, les menaçait et les injuriait. On sentait qu’ils se cramponnaient à notre appareil, comme des chiens qui coiffent un ragot sous les taillis. Mais le Nautilus, forçant son hélice, les emportait, les entraînait, ou les ramenait vers le niveau supérieur des eaux, sans se soucier ni de leur poids énorme, ni de leurs puissantes étreintes.
At length the mass of cachalots broke up, the waves became quiet, and I felt that we were rising to the surface. The panel opened, and we hurried on to the platform. The sea was covered with mutilated bodies. A formidable explosion could not have divided and torn this fleshy mass with more violence. We were floating amid gigantic bodies, bluish on the back and white underneath, covered with enormous protuberances. Enfin la masse des cachalots s’éclaircit. Les flots redevinrent tranquilles. Je sentis que nous remontions à la surface de l’Océan. Le panneau fut ouvert, et nous nous précipitâmes sur la plate-forme.
La mer était couverte de cadavres mutilés. Une explosion formidable n’eût pas divisé, déchiré, déchiqueté avec plus de violence ces masses charnues. Nous flottions au milieu de corps gigantesques, bleuâtres sur le dos, blanchâtres sous le ventre, et tout bossues d’énormes protubérances.
Some terrified cachalots were flying towards the horizon. The waves were dyed red for several miles, and the Nautilus floated in a sea of blood: Captain Nemo joined us.Quelques cachalots épouvantés fuyaient à l’horizon. Les flots étaient teints en rouge sur un espace de plusieurs milles, et le Nautilus flottait au milieu d’une mer de sang.
Le capitaine Nemo nous rejoignit.
“Well, Master Land?” said he.«Eh bien, maître Land? dit-il.
“Well, sir,” replied the Canadian, whose enthusiasm had somewhat calmed; “it is a terrible spectacle, certainly. But I am not a butcher. I am a hunter, and I call this a butchery.”—Eh bien, monsieur, répondit le Canadien, chez lequel l’enthousiasme s’était calmé, c’est un spectacle terrible, en effet. Mais je ne suis pas un boucher, je suis un chasseur, et ceci n’est qu’une boucherie.
“It is a massacre of mischievous creatures,” replied the Captain; “and the Nautilus is not a butcher’s knife.”—C’est un massacre d’animaux malfaisants, répondit le capitaine, et le Nautilus n’est pas un couteau de boucher.
“I like my harpoon better,” said the Canadian.—J’aime mieux mon harpon, répliqua le Canadien.
“Every one to his own,” answered the Captain, looking fixedly at Ned Land.—Chacun son arme,» répondit le capitaine, en regardant fixement Ned Land.
I feared he would commit some act of violence, which would end in sad consequences. But his anger was turned by the sight of a whale which the Nautilus had just come up with. The creature had not quite escaped from the cachalot’s teeth. I recognised the southern whale by its flat head, which is entirely black. Anatomically, it is distinguished from the white whale and the North Cape whale by the seven cervical vertebrae, and it has two more ribs than its congeners. Je craignais que celui-ci ne se laissât emporter à quelque violence qui aurait eu des conséquences déplorables. Mais sa colère fut détournée par la vue d’une baleine que le Nautilus accostait en ce moment.
L’animal n’avait pu échapper à la dent des cachalots. Je reconnus la baleine australe, à tête déprimée, qui est entièrement noire. Anatomiquement, elle se distingue de la baleine blanche et du Nord-Caper par la soudure des sept vertèbres cervicales, et elle compte deux côtes de plus que ses congénères.
The unfortunate cetacean was lying on its side, riddled with holes from the bites, and quite dead. From its mutilated fin still hung a young whale which it could not save from the massacre. Its open mouth let the water flow in and out, murmuring like the waves breaking on the shore. Captain Nemo steered close to the corpse of the creature. Two of his men mounted its side, and I saw, not without surprise, that they were drawing from its breasts all the milk which they contained, that is to say, about two or three tons.Le malheureux cétacé, couché sur le flanc, le ventre troué de morsures, était mort. Au bout de sa nageoire mutilée pendait encore un petit baleineau qu’il n’avait pu sauver du massacre. Sa bouche ouverte laissait couler l’eau qui murmurait comme un ressac à travers ses fanons.
Le capitaine Nemo conduisit le Nautilus près du cadavre de l’animal. Deux de ses hommes montèrent sur le flanc de la baleine, et je vis, non sans étonnement, qu’ils retiraient de ses mamelles tout le lait qu’elles contenaient, c’est-à-dire la valeur de deux à trois tonneaux.
 The Captain offered me a cup of the milk, which was still warm. I could not help showing my repugnance to the drink; but he assured me that it was excellent, and not to be distinguished from cow’s milk. I tasted it, and was of his opinion. It was a useful reserve to us, for in the shape of salt butter or cheese it would form an agreeable variety from our ordinary food. From that day I noticed with uneasiness that Ned Land’s ill-will towards Captain Nemo increased, and I resolved to watch the Canadian’s gestures closely.Le capitaine m’offrit une tasse de ce lait encore chaud. Je ne pus m’empêcher de lui marquer ma répugnance pour ce breuvage. Il m’assura que ce lait était excellent, et qu’il ne se distinguait en aucune façon du lait de vache.
Je le goûtai et je fus de son avis. C’était donc pour nous une réserve utile, car, ce lait, sous la forme de beurre salé ou de fromage, devait apporter une agréable variété à notre ordinaire.
De ce jour-là, je remarquai avec inquiétude que les dispositions de Ned Land envers le capitaine Nemo devenaient de plus en plus mauvaises, et je résolus de surveiller de près les faits et gestes du Canadien.
CHAPTER XIII
THE ICEBERG
CHAPITRE XIII
LA BANQUISE.
The Nautilus was steadily pursuing its southerly course, following the fiftieth meridian with considerable speed. Did he wish to reach the pole? I did not think so, for every attempt to reach that point had hitherto failed. Again, the season was far advanced, for in the Antarctic regions the 13th of March corresponds with the 13th of September of northern regions, which begin at the equinoctial season. On the 14th of March I saw floating ice in latitude 55°, merely pale bits of debris from twenty to twenty-five feet long, forming banks over which the sea curled. Le Nautilus avait repris son imperturbable direction vers le sud. Il suivait le cinquantième méridien avec une vitesse considérable. Voulait-il donc atteindre le pôle? Je ne le pensais pas, car jusqu’ici toutes les tentatives pour s’élever jusqu’à ce point du globe avaient échoué. La saison, d’ailleurs, était déjà fort avancée, puisque le 13 mars des terres antarctiques correspond au 13 septembre des régions boréales, qui commence la période équinoxiale.
Le 14 mars, j’aperçus des glaces flottantes par 55° de latitude, simples débris blafards de vingt à vingt-cinq pieds, formant des écueils sur lesquels la mer déferlait.
The Nautilus remained on the surface of the ocean. Ned Land, who had fished in the Arctic Seas, was familiar with its icebergs; but Conseil and I admired them for the first time. In the atmosphere towards the southern horizon stretched a white dazzling band. English whalers have given it the name of “ice blink.” However thick the clouds may be, it is always visible, and announces the presence of an ice pack or bank.Le Nautilus se maintenait à la surface de l’Océan. Ned Land, ayant déjà pêché dans les mers arctiques, était familiarisé avec ce spectacle des ice-bergs. Conseil et moi, nous l’admirions pour la première fois.
Dans l’atmosphère, vers l’horizon du sud, s’étendait une bande blanche d’un éblouissant aspect. Les baleiniers anglais lui ont donné le nom de «ice-blinck.» Quelque épais que soient les nuages, ils ne peuvent l’obscurcir. Elle annonce la présence d’un pack ou banc de glace.
Accordingly, larger blocks soon appeared, whose brilliancy changed with the caprices of the fog. Some of these masses showed green veins, as if long undulating lines had been traced with sulphate of copper; others resembled enormous amethysts with the light shining through them. Some reflected the light of day upon a thousand crystal facets. Others shaded with vivid calcareous reflections resembled a perfect town of marble. The more we neared the south the more these floating islands increased both in number and importance.En effet, bientôt apparurent des blocs plus considérables dont l’éclat se modifiait suivant les caprices de la brume. Quelques-unes de ces masses montraient des veines vertes, comme si le sulfate de cuivre en eût tracé les lignes ondulées. D’autres, semblables à d’énormes améthystes, se laissaient pénétrer par la lumière. Celles-ci réverbéraient les rayons du jour sur les mille facettes de leurs cristaux. Celles-là, nuancées des vifs reflets du calcaire, auraient suffi à la construction de toute une ville de marbre. Plus nous descendions au sud, plus ces îles flottantes gagnaient en nombre et en importance.
Les oiseaux polaires y nichaient par milliers. C’étaient des pétrels, des damiers, des puffins, qui nous assourdissaient de leurs cris. Quelques-uns, prenant le Nautilus pour le cadavre d’une baleine, venaient s’y reposer et piquaient de coups de bec sa tôle sonore.
Pendant cette navigation au milieu des glaces, le capitaine Nemo se tint souvent sur la plate-forme. Il observait avec attention ces parages abandonnés. Je voyais son calme regard s’animer parfois. Se disait-il que dans ces mers polaires interdites à l’homme, il était là chez lui, maître de ces infranchissables espaces? Peut-être. Mais il ne parlait pas. Il restait immobile, ne revenant à lui que lorsque ses instincts de manœuvrier reprenaient le dessus. Dirigeant alors son Nautilus avec une adresse consommée, il évitait habilement le choc de ces masses dont quelques-unes mesuraient une longueur de plusieurs milles sur une hauteur qui variait de soixante-dix à quatre-vingts mètres. Souvent l’horizon paraissait entièrement fermé
At 60° lat. every pass had disappeared. But, seeking carefully, Captain Nemo soon found a narrow opening, through which he boldly slipped, knowing, however, that it would close behind him. Thus, guided by this clever hand, the Nautilus passed through all the ice with a precision which quite charmed Conseil; icebergs or mountains, ice-fields or smooth plains, seeming to have no limits, drift-ice or floating ice-packs, plains broken up, called palchs when they are circular, and streams when they are made up of long strips. A la hauteur du soixantième degré de latitude, toute passe avait disparu. Mais le capitaine Nemo, cherchant avec soin, trouvait bientôt quelque étroite ouverture par laquelle il se glissait audacieusement, sachant bien, cependant, qu’elle se refermerait derrière lui.
Ce fut ainsi que le Nautilus, guidé par cette main habile, dépassa toutes ces glaces, classées, suivant leur forme ou leur grandeur, avec une précision qui enchantait Conseil: ice-bergs ou montagnes, ice-fields ou champs unis et sans limites, drift-ice ou glaces flottantes, packs ou champs brisés, nommés palchs quand ils sont circulaires, et streams lorsqu’ils sont faits de morceaux allongés.
The temperature was very low; the thermometer exposed to the air marked 2 deg. or 3° below zero, but we were warmly clad with fur, at the expense of the sea-bear and seal. The interior of the Nautilus, warmed regularly by its electric apparatus, defied the most intense cold. Besides, it would only have been necessary to go some yards beneath the waves to find a more bearable temperature. Two months earlier we should have had perpetual daylight in these latitudes; but already we had had three or four hours of night, and by and by there would be six months of darkness in these circumpolar regions. La température était assez basse. Le thermomètre, exposé à l’air extérieur, marquait deux à trois degrés au-dessous de zéro. Mais nous étions chaudement habillés de fourrures, dont les phoques ou les ours marins avaient fait les frais. L’intérieur du Nautilus, régulièrement chauffé par ses appareils électriques, défiait les froids les plus intenses. D’ailleurs, il lui eût suffi de s’enfoncer à quelques mètres au-dessous des flots pour y trouver une température supportable. Deux mois plus tôt, nous aurions joui sous cette latitude d’un jour perpétuel; mais déjà la nuit se faisait pendant trois ou quatre heures, et plus tard, elle devait jeter six mois d’ombre sur ces régions circumpolaires.
 On the 15th of March we were in the latitude of New Shetland and South Orkney. The Captain told me that formerly numerous tribes of seals inhabited them; but that English and American whalers, in their rage for destruction, massacrede both old and young; thus, where there was once life and animation, they had left silence and death.Le 15 mars, la latitude des îles New-Shetland et des Orkney du Sud fut dépassée. Le capitaine m’apprit qu’autrefois de nombreuses tribus de phoques habitaient ces terres; mais les baleiniers anglais et américains, dans leur rage de destruction, massacrant les adultes et les femelles pleines, là où existait l’animation de la vie, avaient laissé après eux le silence de la mort.
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About eight o’clock on the morning of the 16th of March the Nautilus, following the fifty-fifth meridian, cut the Antarctic polar circle. Ice surrounded us on all sides, and closed the horizon. But Captain Nemo went from one opening to another, still going higher. I cannot express my astonishment at the beauties of these new regions. The ice took most surprising forms. Here the grouping formed an oriental town, with innumerable mosques and minarets; there a fallen city thrown to the earth, as it were, by some convulsion of nature. Le 16 mars, vers huit heures du matin, le Nautilus, suivant le cinquante-cinquième méridien, coupa le cercle polaire antarctique. Les glaces nous entouraient de toutes parts et fermaient l’horizon. Cependant, le capitaine Nemo marchait de passe en passe et s’élevait toujours.
«Mais où va-t-il? demandai-je.
—Devant lui, répondait Conseil. Après tout, lorsqu’il ne pourra pas aller plus loin, il s’arrêtera.
—Je n’en jurerais pas!» répondis-je.
Et, pour être franc, j’avouerai que cette excursion aventureuse ne me déplaisait point. A quel degré m’émerveillaient les beautés de ces régions nouvelles, je ne saurais l’exprimer. Les glaces prenaient des attitudes superbes. Ici, leur ensemble formait une ville orientale, avec ses minarets et ses mosquées innombrables. Là, une cité écroulée et comme jetée à terre par une convulsion du sol.
The whole aspect was constantly changed by the oblique rays of the sun, or lost in the greyish fog amidst hurricanes of snow. Detonations and falls were heard on all sides, great overthrows of icebergs, which altered the whole landscape like a diorama. Aspects incessamment variés par les obliques rayons du soleil, ou perdus dans les brumes grises au milieu des ouragans de neige. Puis, de toutes parts des détonations, des éboulements, de grandes culbutes d’ice-bergs, qui changeaient le décor comme le paysage d’un diorama.
Lorsque le Nautilus était immergé au moment où se rompaient ces équilibres, le bruit se propageait sous les eaux avec une effrayante intensité, et la chute de ces masses créait de redoutables remous jusque dans les couches profondes de l’Océan. Le Nautilus roulait et tanguait alors comme un navire abandonné à la furie des éléments.
Often seeing no exit, I thought we were definitely prisoners; but, instinct guiding him at the slightest indication, Captain Nemo would discover a new pass. He was never mistaken when he saw the thin threads of bluish water trickling along the ice-fields; and I had no doubt that he had already ventured into the midst of these Antarctic seas before.Souvent, ne voyant plus aucune issue, je pensais que nous étions définitivement prisonniers; mais, l’instinct le guidant, sur le plus léger indice le capitaine Nemo découvrait des passes nouvelles. Il ne se trompait jamais en observant les minces filets d’eau bleuâtre qui sillonnaient les ice-fields. Aussi ne mettais-je pas en doute qu’il n’eût aventuré déjà le Nautilus au milieu des mers antarctiques.
On the 16th of March, however, the ice-fields absolutely blocked our road. It was not the iceberg itself, as yet, but vast fields cemented by the cold. But this obstacle could not stop Captain Nemo: he hurled himself against it with frightful violence. The Nautilus entered the brittle mass like a wedge, and split it with frightful crackings. It was the battering ram of the ancients hurled by infinite strength. Cependant, dans la journée du 16 mars, les champs de glace nous barrèrent absolument la route. Ce n’était pas encore la banquise, mais de vastes ice-fields cimentés par le froid. Cet obstacle ne pouvait arrêter le capitaine Nemo, et il se lança contre l’ice-field avec une effroyable violence.Le Nautilus entrait comme un coin dans cette masse friable, et la divisait avec des craquements terribles. C’était l’antique bélier poussé par une puissance infinie.
 The ice, thrown high in the air, fell like hail around us. By its own power of impulsion our apparatus made a canal for itself; some times carried away by its own impetus, it lodged on the ice-field, crushing it with its weight, and sometimes buried beneath it, dividing it by a simple pitching movement, producing large rents in it. Violent gales assailed us at this time, accompanied by thick fogs, through which, from one end of the platform to the other, we could see nothing. The wind blew sharply from all parts of the compass, and the snow lay in such hard heaps that we had to break it with blows of a pickaxe.Les débris de glace, haut projetés, retombaient en grêle autour de nous. Par sa seule force d’impulsion, notre appareil se creusait un chenal. Quelquefois, emporté par son élan, il montait sur le champ de glace et l’écrasait de son poids, ou par instants, enfourné sous l’ice-field, il le divisait par un simple mouvement de tangage qui produisait de larges déchirures. Pendant ces journées, de violents grains nous assaillirent. Par certaines brumes épaisses, on ne se fût pas vu d’une extrémité de la plate-forme à l’autre. Le vent sautait brusquement à tous les points du compas. La neige s’accumulait en couches si dures qu’il fallait la briser à coups de pics.
 The temperature was always at 5 deg. below zero; every outward part of the Nautilus was covered with ice. A rigged vessel would have been entangled in the blocked up gorges. A vessel without sails, with electricity for its motive power, and wanting no coal, could alone brave such high latitudes. Rien qu’à la température de cinq degrés au-dessous de zéro, toutes les parties extérieures du Nautilus se recouvraient de glaces. Un gréement n’aurait pu se manœuvrer, car tous les garants eussent été engagés dans la gorge des poulies. Un bâtiment sans voiles et mû par un moteur électrique qui se passait de charbon, pouvait seul affronter d’aussi hautes latitudes.
Dans ces conditions, le baromètre se tint généralement très-bas. Il tomba même à 73° 5′. Les indications de la boussole n’offraient plus aucune garantie. Ses aiguilles affolées marquaient des directions contradictoires, en s’approchant du pôle magnétique méridional qui ne se confond pas avec le sud du monde. En effet, suivant Hansten, ce pôle est situé à peu près par 70° de latitude et 130° de longitude, et d’après les observations de Duperrey, par 133° de longitude et 70° 30′ de latitude. Il fallait faire alors des observations nombreuses sur les compas transportés à différentes parties du navire et prendre une moyenne. Mais souvent, on s’en rapportait à l’estime pour relever la route parcourue, méthode peu satisfaisante au milieu de ces passes sinueuses dont les points de repère changent incessamment.
At length, on the 18th of March, after many useless assaults, the Nautilus was positively blocked. It was no longer either streams, packs, or ice-fields, but an interminable and immovable barrier, formed by mountains soldered together

Enfin, le 18 mars, après vingt assauts inutiles, le Nautilus se vit définitivement enrayé. Ce n’étaient plus ni les streams, ni les palks, ni les ice-fields, mais une interminable et immobile barrière formée de montagnes soudées entre elles.
“An iceberg!” said the Canadian to me.«La banquise!» me dit le Canadien.
I knew that to Ned Land, as well as to all other navigators who had preceded us, this was an inevitable obstacle. The sun appearing for an instant at noon, Captain Nemo took an observation as near as possible, which gave our situation at 51° 30′ long. and 67° 39′ of S. lat. We had advanced one degree more in this Antarctic region. Of the liquid surface of the sea there was no longer a glimpse. Je compris que pour Ned Land comme pour tous les navigateurs qui nous avaient précédé, c’était l’infranchissable obstacle. Le soleil ayant un instant paru vers midi, le capitaine Nemo obtint une observation assez exacte qui donnait notre situation par 51° 30′ de longitude et 67° 39′ de latitude méridionale. C’était déjà un point avancé des régions antarctiques.
De mer, de surface liquide, il n’y avait plus apparence devant nos yeux.
Under the spur of the Nautilus lay stretched a vast plain, entangled with confused blocks. Here and there sharp points and slender needles rising to a height of 200 feet; further on a steep shore, hewn as it were with an axe and clothed with greyish tints; huge mirrors, reflecting a few rays of sunshine, half drowned in the fog. And over this desolate face of nature a stern silence reigned, scarcely broken by the flapping of the wings of petrels and puffins. Sous l’éperon du Nautilus s’étendait une vaste plaine tourmentée, enchevêtrée de blocs confus, avec tout ce pêle-mêle capricieux qui caractérise la surface d’un fleuve quelque temps avant la débâcle des glaces, mais sur des proportions gigantesques. Çà et là, des pics aigus, des aiguilles déliées s’élevant à une hauteur de deux cents pieds; plus loin, une suite de falaises taillées à pic et revêtues de teintes grisâtres, vastes miroirs qui reflétaient quelques rayons de soleil à demi noyés dans les brumes. Puis, sur cette nature désolée, un silence farouche, à peine rompu par le battement d’ailes des pétrels ou des puffins.
 Everything was frozen—even the noise. The Nautilus was then obliged to stop in its adventurous course amid these fields of ice.   Tout était gelé alors, même le bruit.
Le Nautilus dut donc s’arrêter dans son aventureuse course au milieu des champs de glace.
«Monsieur, me dit ce jour-là Ned Land, si votre capitaine va plus loin!
—Eh bien?
—Ce sera un maître homme.
—Pourquoi, Ned?
—Parce que personne ne peut franchir la banquise. Il est puissant, votre capitaine; mais, mille diables! il n’est pas plus puissant que la nature, et là où elle a mis des bornes, il faut que l’on s’arrête bon gré mal gré.
—En effet, Ned Land, et cependant j’aurais voulu savoir ce qu’il y a derrière cette banquise! Un mur, voilà ce qui m’irrite le plus!
—Monsieur a raison, dit Conseil. Les murs n’ont été inventés que pour agacer les savants. Il ne devrait y avoir de murs nulle part.
—Bon! fit le Canadien. Derrière cette banquise, on sait bien ce qui se trouve.
—Quoi donc? demandai-je.
—De la glace, et toujours de la glace!
—Vous êtes certain de ce fait, Ned, répliquai-je, mais moi je ne le suis pas. Voilà pourquoi je voudrais aller voir.
—Eh bien, monsieur le professeur, répondit le Canadien, renoncez à cette idée. Vous êtes arrivé à la banquise, ce qui est déjà suffisant, et vous n’irez pas plus loin, ni votre capitaine Nemo, ni son Nautilus. Et qu’il le veuille ou non, nous reviendrons vers le nord, c’est-à-dire au pays des honnêtes gens.»
Je dois convenir que Ned Land avait raison, et tant que les navires ne seront pas faits pour naviguer sur les champs de glace, ils devront s’arrêter devant la banquise.
In spite of our efforts, in spite of the powerful means employed to break up the ice, the Nautilus remained immovable.En effet, malgré ses efforts, malgré les moyens puissants employés pour disjoindre les glaces, le Nautilus fut réduit à l’immobilité.
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Generally, when we can proceed no further, we have return still open to us; but here return was as impossible as advance, for every pass had closed behind us; and for the few moments when we were stationary, we were likely to be entirely blocked, which did indeed happen about two o’clock in the afternoon, the fresh ice forming around its sides with astonishing rapidity. I was obliged to admit that Captain Nemo was more than imprudent. I was on the platform at that moment. The Captain had been observing our situation for some time past, when he said to me:Ordinairement, qui ne peut aller plus loin en est quitte pour revenir sur ses pas. Mais ici, revenir était aussi impossible qu’avancer, car les passes s’étaient refermées derrière nous, et pour peu que notre appareil demeurât stationnaire, il ne tarderait pas à être bloqué. Ce fut même ce qui arriva vers deux heures du soir, et la jeune glace se forma sur ses flancs avec une étonnante rapidité. Je dus avouer que la conduite du capitaine Nemo était plus qu’imprudente.
J’étais en ce moment sur la plate-forme. Le capitaine qui observait la situation depuis quelques instants, me dit:
“Well, sir, what do you think of this?”«Et bien, monsieur le professeur, qu’en pensez-vous?
“I think that we are caught, Captain.”—Je pense que nous sommes pris, capitaine.
—Pris! Et comment l’entendez-vous?
—J’entends que nous ne pouvons aller ni en avant ni en arrière, ni d’aucun côté. C’est, je crois, ce qui s’appelle «pris», du moins sur les continents habités.
“So, M. Aronnax, you really think that the Nautilus cannot disengage itself?”—Ainsi, monsieur Aronnax, vous pensez que le Nautilus ne pourra pas se dégager?
“With difficulty, Captain; for the season is already too far advanced for you to reckon on the breaking of the ice.”—Difficilement, capitaine, car la saison est déjà trop avancée pour que vous comptiez sur une débâcle des glaces.
“Ah! sir,” said Captain Nemo, in an ironical tone, “you will always be the same. You see nothing but difficulties and obstacles. I affirm that not only can the Nautilus disengage itself, but also that it can go further still.”—Ah! monsieur le professeur, répondit le capitaine Nemo d’un ton ironique, vous serez toujours le même! Vous ne voyez qu’empêchements et obstacles! Moi, je vous affirme que non-seulement le Nautilus se dégagera, mais qu’il ira plus loin encore!
“Further to the South?” I asked, looking at the Captain.—Plus loin au sud? demandai-je en regardant le capitaine.
“Yes, sir; it shall go to the pole.”—Oui, monsieur, il ira au pôle.
“To the pole!” I exclaimed, unable to repress a gesture of incredulity.—Au pôle! m’écriai-je, ne pouvant retenir un mouvement d’incrédulité.
“Yes,” replied the Captain, coldly, “to the Antarctic pole—to that unknown point from whence springs every meridian of the globe. You know whether I can do as I please with the Nautilus!”—Oui! répondit froidement le capitaine, au pôle antarctique, à ce point inconnu où se croisent tous les méridiens du globe. Vous savez si je fais du Nautilus ce que je veux.»
Yes, I knew that. I knew that this man was bold, even to rashness. But to conquer those obstacles which bristled round the South Pole, rendering it more inaccessible than the North, which had not yet been reached by the boldest navigators—was it not a mad enterprise, one which only a maniac would have conceived? It then came into my head to ask Captain Nemo if he had ever discovered that pole which had never yet been trodden by a human creature?Oui! je le savais. Je savais cet homme audacieux jusqu’à la témérité! Mais vaincre ces obstacles qui hérissent le pôle sud, plus inaccessible que ce pôle nord non encore atteint par les plus hardis navigateurs, n’était-ce pas une entreprise absolument insensée, et que, seul, l’esprit d’un fou pouvait concevoir! Il me vint alors à l’idée de demander au capitaine Nemo s’il avait déjà découvert ce pôle que n’avait jamais foulé le pied d’une créature humaine.
“No, sir,” he replied; “but we will discover it together. Where others have failed, I will not fail. I have never yet led my Nautilus so far into southern seas; but, I repeat, it shall go further yet.”«Non, monsieur, me répondit-il, et nous le découvrirons ensemble. Là où d’autres ont échoué, je n’échouerai pas. Jamais je n’ai promené mon Nautilus aussi loin sur les mers australes; mais, je vous le répète, il ira plus loin encore.
“I can well believe you, Captain,” said I, in a slightly ironical tone. “I believe you! Let us go ahead! There are no obstacles for us! Let us smash this iceberg! Let us blow it up; and, if it resists, let us give the Nautilus wings to fly over it!”—Je veux vous croire, capitaine, repris-je d’un ton un peu ironique. Je vous crois! Allons en avant! Il n’y a pas d’obstacles pour nous! Brisons cette banquise! Faisons-la sauter, et si elle résiste, donnons des ailes au Nautilus, afin qu’il puisse passer par dessus!
“Over it, sir!” said Captain Nemo, quietly; “no, not over it, but under it!”—Par dessus? monsieur le professeur, répondit tranquillement le capitaine Nemo. Non point par dessus, mais par dessous.
“Under it!” I exclaimed, a sudden idea of the Captain’s projects flashing upon my mind. I understood; the wonderful qualities of the Nautilus were going to serve us in this superhuman enterprise.—Par dessous!» m’écriai-je.
Une subite révélation des projets du capitaine venait d’illuminer mon esprit. J’avais compris. Les merveilleuses qualités du Nautilus allaient le servir encore dans cette surhumaine entreprise!
“I see we are beginning to understand one another, sir,” said the Captain, half smiling. “You begin to see the possibility—I should say the success—of this attempt. That which is impossible for an ordinary vessel is easy to the Nautilus. If a continent lies before the pole, it must stop before the continent; but if, on the contrary, the pole is washed by open sea, it will go even to the pole.”«Je vois que nous commençons à nous entendre, monsieur le professeur, me dit le capitaine, souriant à demi. Vous entrevoyez déjà la possibilité,—moi, je dirai le succès,—de cette tentative. Ce qui est impraticable avec un navire ordinaire devient facile au Nautilus. Si un continent émerge au pôle, il s’arrêtera devant ce continent. Mais si au contraire, c’est la mer libre qui le baigne, il ira au pôle même!
“Certainly,” said I, carried away by the Captain’s reasoning; “if the surface of the sea is solidified by the ice, the lower depths are free by the Providential law which has placed the maximum of density of the waters of the ocean one degree higher than freezing-point; and, if I am not mistaken, the portion of this iceberg which is above the water is as one to four to that which is below.”—En effet, dis-je, entraîné par le raisonnement du capitaine, si la surface de la mer est solidifiée par les glaces, ses couches inférieures sont libres, par cette raison providentielle qui a placé à un degré supérieur à celui de la congélation le maximum de densité de l’eau de mer. Et, si je ne me trompe, la partie immergée de cette banquise est à la partie émergente comme quatre est à un?
“Very nearly, sir; for one foot of iceberg above the sea there are three below it. If these ice mountains are not more than 300 feet above the surface, they are not more than 900 beneath. And what are 900 feet to the Nautilus?”
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—A peu près, monsieur le professeur. Pour un pied que les ice-bergs ont au-dessus de la mer, ils en ont trois au-dessous. Or, puisque ces montagnes de glaces ne dépassent pas une hauteur de cent mètres, elles ne s’enfoncent que de trois cents. Or, qu’est-ce que trois cents mètres pour le Nautilus?
“Nothing, sir.”—Rien, monsieur.
“It could even seek at greater depths that uniform temperature of sea-water, and there brave with impunity the thirty or forty degrees of surface cold.”—Il pourra même aller chercher à une profondeur plus grande cette température uniforme des eaux marines, et là nous braverons impunément les trentee ou quarante degrés de froid de la surface.
“Just so, sir—just so,” I replied, getting animated.—Juste, monsieur, très-juste, répondis-je en m’animant.
“The only difficulty,” continued Captain Nemo, “is that of remaining several days without renewing our provision of air.”—La seule difficulté, reprit le capitaine Nemo, sera de rester plusieurs jours immergés sans renouveler notre provision d’air.
“Is that all? The Nautilus has vast reservoirs; we can fill them, and they will supply us with all the oxygen we want.”—N’est-ce que cela? répliquai-je. Le Nautilus à de vastes réservoirs, nous les remplirons, et ils nous fourniront tout l’oxygène dont nous aurons besoin.
“Well thought of, M. Aronnax,” replied the Captain, smiling. “But, not wishing you to accuse me of rashness, I will first give you all my objections.”—Bien imaginé, monsieur Aronnax, répondit en souriant le capitaine. Mais ne voulant pas que vous puissiez m’accuser de témérité, je vous soumets d’avance toutes mes objections
“Have you any more to make?”—En avez-vous encore?
“Only one. It is possible, if the sea exists at the South Pole, that it may be covered; and, consequently, we shall be unable to come to the surface.”—Une seule. Il est possible, si la mer existe au pôle sud, que cette mer soit entièrement prise, et, par conséquent, que nous ne puissions revenir à sa surface!
“Good, sir! but do you forget that the Nautilus is armed with a powerful spur, and could we not send it diagonally against these fields of ice, which would open at the shocks.”—Bon, monsieur, oubliez-vous que le Nautilus est armé d’un redoutable éperon, et ne pourrons-nous le lancer diagonalement contre ces champs de glace, qui s’ouvriront au choc?
“Ah! sir, you are full of ideas to-day.”—Eh! monsieur le professeur, vous avez des idées aujourd’hui!
“Besides, Captain,” I added, enthusiastically, “why should we not find the sea open at the South Pole as well as at the North? The frozen poles of the earth do not coincide, either in the southern or in the northern regions; and, until it is proved to the contrary, we may suppose either a continent or an ocean free from ice at these two points of the globe.”—D’ailleurs, capitaine, ajoutai-je en m’enthousiasmant de plus belle, pourquoi ne rencontrerait-on pas la mer libre au pôle sud comme au pôle nord? Les pôles du froid et les pôles de la terre ne se confondent ni dans l’hémisphère austral ni dans l’hémisphère boréal, et, jusqu’à preuve contraire, on doit supposer ou un continent ou un océan dégagé de glaces à ces deux points du sol.
“I think so too, M. Aronnax,” replied Captain Nemo. “I only wish you to observe that, after having made so many objections to my project, you are now crushing me with arguments in its favour!”—Je le crois aussi, monsieur Aronnax, répondit le capitaine Nemo. Je vous ferai seulement observer qu’après avoir émis tant d’objections contre mon projet, maintenant vous m’écrasez d’arguments en sa faveur.»
Le capitaine Nemo disait vrai. J’en étais arrivé à le vaincre en audace! C’était moi qui l’entraînais au pôle! Je le devançais, je le distançais… Mais non! pauvre fou. Le capitaine Nemo savait mieux que toi le pour et le contre de la question, et il s’amusait à te voir emporté dans les rêveries de l’impossible!
Cependant, il n’avait pas perdu un instant. A un signal le second parut. Ces deux hommes s’entretinrent rapidement dans leur incompréhensible langage, et soit que le second eût été antérieurement prévenu, soit qu’il trouvât le projet praticable, il ne laissa voir aucune surprise.
Mais si impassible qu’il fût il ne montra pas une plus complète impassibilité que Conseil, lorsque j’annonçai à ce digne garçon notre intention de pousser jusqu’au pôle sud. Un «comme il plaira à monsieur» accueillit ma communication, et je dus m’en contenter. Quant à Ned Land, si jamais épaules se levèrent haut, ce furent celles du Canadien.
«Voyez-vous, monsieur, me dit-il, vous et votre capitaine Nemo, vous me faites pitié!
—Mais nous irons au pôle, maître Ned.
—Possible, mais vous n’en reviendrez pas!»
Et Ned Land rentra dans sa cabine, «pour ne pas faire un malheur,» dit-il en me quittant.
The preparations for this audacious attempt now began. The powerful pumps of the Nautilus were working air into the reservoirs and storing it at high pressure. About four o’clock, Captain Nemo announced the closing of the panels on the platform. I threw one last look at the massive iceberg which we were going to cross. The weather was clear, the atmosphere pure enough, the cold very great, being 12° below zero; but, the wind having gone down, this temperature was not so unbearable. About ten men mounted the sides of the Nautilus, armed with pickaxes to break the ice around the vessel, which was soon free.Cependant, les préparatifs de cette audacieuse tentative venaient de commencer. Les puissantes pompes du Nautilus refoulaient l’air dans les réservoirs et l’emmagasinaient à une haute pression. Vers quatre heures, le capitaine Nemo m’annonça que les panneaux de la plate-forme allaient être fermés. Je jetai un dernier regard sur l’épaisse banquise que nous allions franchir. Le temps était clair, l’atmosphère assez pure, le froid très-vif, douze degrés au-dessous de zéro; mais le vent s’étant calmé, cette température ne semblait pas trop insupportable. Une dizaine d’hommes montèrent sur les flancs du Nautilus et, armés de pics, ils cassèrent la glace autour de la carène qui fut bientôt dégagée.
The operation was quickly performed, for the fresh ice was still very thin. We all went below. The usual reservoirs were filled with the newly-liberated water, and the Nautilus soon descended. I had taken my place with Conseil in the saloon; through the open window we could see the lower beds of the Southern Ocean. The thermometer went up, the needle of the compass deviated on the dial. At about 900 feet, as Captain Nemo had foreseen, we were floating beneath the undulating bottom of the iceberg.Opération rapidement pratiquée, car la jeune glace était mince encore. Tous nous rentrâmes à l’intérieur. Les réservoirs habituels se remplirent de cette eau tenue libre à la flottaison. Le Nautilus ne tarda pas à descendre.
J’avais pris place au salon avec Conseil. Par la vitre ouverte, nous regardions les couches inférieures de l’Océan austral. Le thermomètre remontait. L’aiguille du manomètre déviait sur le cadran.
A trois cents mètres environ, ainsi que l’avait prévu le capitaine Nemo, nous flottions sous la surface ondulée de la banquise.
 But the Nautilus went lower still—it went to the depth of four hundred fathoms. The temperature of the water at the surface showed twelve degrees, it was now only ten; we had gained two. I need not say the temperature of the Nautilus was raised by its heating apparatus to a much higher degree; every manoeuvre was accomplished with wonderful precision.Mais le Nautilus s’immergea plus bas encore. Il atteignit une profondeur de huit cents mètres. La température de l’eau, qui donnait douze degrés à la surface, n’en accusait plus que onze. Deux degrés étaient déjà gagnés. Il va sans dire que la température du Nautilus, élevée par ses appareils de chauffage, se maintenait à un degré très-supérieur. Toutes les manœuvres s’accomplissaient avec une extraordinaire précision.
“We shall pass it, if you please, sir,” said Conseil.«On passera, n’en déplaise à monsieur, me dit Conseil.
“I believe we shall,” I said, in a tone of firm conviction.—J’y compte bien!» répondis-je avec le ton d’une profonde conviction.
In this open sea, the Nautilus had taken its course direct to the pole, without leaving the fifty-second meridian. From 67° 30′ to 90 deg., twenty-two degrees and a half of latitude remained to travel; that is, about five hundred leagues. The Nautilus kept up a mean speed of twenty-six miles an hour—the speed of an express train. If that was kept up, in forty hours we should reach the pole.Sous cette mer libre, le Nautilus avait pris directement le chemin du pôle, sans s’écarter du cinquante-deuxième méridien. De 67° 30′ à 90°, vingt-deux degrés et demi en latitude restaient à parcourir, c’est-à-dire un peu plus de cinq cents lieues. Le Nautilus prit une vitesse moyenne de vingt-six milles à l’heure, la vitesse d’un train express. S’il la conservait, quarante heures lui suffisaient pour atteindre le pôle.
For a part of the night the novelty of the situation kept us at the window. The sea was lit with the electric lantern; but it was deserted; fishes did not sojourn in these imprisoned waters; they only found there a passage to take them from the Antarctic Ocean to the open polar sea. Our pace was rapid; we could feel it by the quivering of the long steel body. About two in the morning I took some hours’ repose, and Conseil did the same. In crossing the waist I did not meet Captain Nemo: I supposed him to be in the pilot’s cage. Pendant une partie de la nuit, la nouveauté de la situation nous retint, Conseil et moi, à la vitre du salon. La mer s’illuminait sous l’irradiation électrique du fanal. Mais elle était déserte. Les poissons ne séjournaient pas dans ces eaux prisonnières. Ils ne trouvaient là qu’un passage pour aller de l’Océan antarctique à la mer libre du pôle. Notre marche était rapide. On la sentait telle aux tressaillements de la longue coque d’acier.
Vers deux heures du matin, j’allai prendre quelques heures de repos. Conseil m’imita. En traversant les coursives, je ne rencontrai point le capitaine Nemo. Je supposai qu’il se tenait dans la cage du timonier.
The next morning, the 19th of March, I took my post once more in the saloon. The electric log told me that the speed of the Nautilus had been slackened. It was then going towards the surface; but prudently emptying its reservoirs very slowly. My heart beat fast. Were we going to emerge and regain the open polar atmosphere? No! A shock told me that the Nautilus had struck the bottom of the iceberg, still very thick, judging from the deadened sound. Le lendemain 19 mars, à cinq heures du matin, je repris mon poste dans le salon. Le loch électrique m’indiqua que la vitesse du Nautilus avait été modérée. Il remontait alors vers la surface, mais prudemment, en vidant lentement ses réservoirs.
Mon cœur battait. Allions-nous émerger et retrouver l’atmosphère libre du pôle?
Non. Un choc m’apprit que le Nautilus avait heurté la surface inférieure de la banquise, très-épaisse encore, à en juger par la matité du bruit.
We had in deed “struck,” to use a sea expression, but in an inverse sense, and at a thousand feet deep. This would give three thousand feet of ice above us; one thousand being above the water-mark. The iceberg was then higher than at its borders—not a very reassuring fact. Several times that day the Nautilus tried again, and every time it struck the wall which lay like a ceiling above it. Sometimes it met with but 900 yards, only 200 of which rose above the surface.  En effet, nous avions «touché» pour employer l’expression marine, mais en sens inverse et par mille pieds de profondeur. Ce qui donnait deux mille pieds de glaces au-dessus de nous, dont mille émergeaient. La banquise présentait alors une hauteur supérieure à celle que nous avions relevée sur ses bords. Circonstance peu rassurante.
Pendant cette journée, le Nautilus recommençae plusieurs fois cette même expérience, et toujours il vint se heurter contre la muraille qui plafonnait au-dessus de lui. A de certains instants, il la rencontra par neuf cents mètres, ce qui accusait douze cents mètres d’épaisseur dont deux cents mètres s’élevaient au-dessus de la surface de l’Océan
 It was twice the height it was when the Nautilus had gone under the waves. I carefully noted the different depths, and thus obtained a submarine profile of the chain as it was developed under the water. That night no change had taken place in our situation. Still ice between four and five hundred yards in depth! It was evidently diminishing, but, still, what a thickness between us and the surface of the ocean! It was then eight. C’était le double de sa hauteur au moment où le Nautilus s’était enfoncé sous les flots.
Je notai soigneusement ces diverses profondeurs, et j’obtins ainsi le profil sous-marin de cette chaîne qui se développait sous les eaux.
Le soir, aucun changement n’était survenu dans notre situation. Toujours la glace entre quatre cents et cinq cents mètres de profondeur. Diminution évidente, mais quelle épaisseur encore entre nous et la surface de l’Océan!
Il était huit heures alors.
 According to the daily custom on board the Nautilus, its air should have been renewed four hours ago; but I did not suffer much, although Captain Nemo had not yet made any demand upon his reserve of oxygen. My sleep was painful that night; hope and fear besieged me by turns: I rose several times. The groping of the Nautilus continued. About three in the morning, I noticed that the lower surface of the iceberg was only about fifty feet deep. One hundred and fifty feet now separated us from the surface of the waters. Depuis quatre heures déjà, l’air aurait dû être renouvelé à l’intérieur du Nautilus, suivant l’habitude quotidienne du bord. Cependant, je ne souffrais pas trop, bien que le capitaine Nemo n’eût pas encore demandé à ses réservoirs un supplément d’oxygène.
Mon sommeil fut pénible pendant cette nuit. Espoir et crainte m’assiégeaient tour à tour. Je me relevai plusieurs fois. Les tâtonnements du Nautilus continuaient. Vers trois heures du matin, j’observai que la surface inférieure de la banquise se rencontrait seulement par cinquante mètres de profondeur. Cent cinquante pieds nous séparaient alors de la surface des eaux.
The iceberg was by degrees becoming an ice-field, the mountain a plain. My eyes never left the manometer. We were still rising diagonally to the surface, which sparkled under the electric rays. The iceberg was stretching both above and beneath into lengthening slopes; mile after mile it was getting thinner. At length, at six in the morning of that memorable day, the 19th of March, the door of the saloon opened, and Captain Nemo appeared..La banquise redevenait peu à peu ice-field. La montagne se refaisait la plaine.
Mes yeux ne quittaient plus le manomètre. Nous remontions toujours en suivant, par une diagonale, la surface resplendissante qui étincelait sous les rayons électriques. La banquise s’abaissait en dessus et en dessous par des rampes allongées. Elle s’amincissait de mille en mille.
Enfin, à six heures du matin, ce jour mémorable du 19 mars, la porte du salon s’ouvrit. Le capitaine Nemo parut.
“The sea is open!!” was all he said.«La mer libre!» me dit-il.
CHAPTER XIV
THE SOUTH POLE
CHAPITRE XIV
LE POLE SUD.
I rushed on to the platform. Yes! the open sea, with but a few scattered pieces of ice and moving icebergs—a long stretch of sea; a world of birds in the air, and myriads of fishes under those waters, which varied from intense blue to olive green, according to the bottom. The thermometer marked 3° C. above zero. It was comparatively spring, shut up as we were behind this iceberg, whose lengthened mass was dimly seen on our northern horizon.Je me précipitai vers la plate-forme. Oui! La mer libre. A peine quelques glaçons épars, des ice-bergs mobiles; au loin une mer étendue; un monde d’oiseaux dans les airs, et des myriades de poissons sous ces eaux qui, suivant les fonds, variaient du bleu intense au vert olive. Le thermomètre marquait trois degrés centigrades au-dessus de zéro. C’était comme un printemps relatif enfermé derrière cette banquise, dont les masses éloignées se profilaient sur l’horizon du nord.
“Are we at the pole?” I asked the Captain, with a beating heart.«Sommes-nous au pôle? demandai-je au capitaine, le cœur palpitant.
“I do not know,” he replied. “At noon I will take our bearings.”
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—Je l’ignore, me répondit-il. A midi nous ferons le point.
“But will the sun show himself throughe this fog?” said I, looking at the leaden sky.—Mais le soleil se montrera-t-il à travers ces brumes? dis-je en regardant le ciel grisâtre.
“However little it shows, it will be enough,” replied the Captain.—Si peu qu’il paraisse, il me suffira, répondit le capitaine.»
About ten miles south a solitary island rose to a height of one hundred and four yards. We made for it, but carefully, for the sea might be strewn with banks. One hour afterwards we had reached it, two hours later we had made the round of it. It measured four or five miles in circumference. A narrow canal separated it from a considerable stretch of land, perhaps a continent, for we could not see its limits. The existence of this land seemed to give some colour to Maury’s theory. A dix milles du Nautilus, vers le sud, un îlot solitaire s’élevait à une hauteur de deux cents mètres. Nous marchions vers lui, mais prudemment, car cette mer pouvait être semée d’écueils. Une heure après, nous avions atteint l’îlot. Deux heures plus tard, nous achevions d’en faire le tour. Il mesurait quatre à cinq milles de circonférence. Un étroit canal le séparait d’une terre considérable, un continent peut-être, dont nous ne pouvions apercevoir les limites. L’existence de cette terre semblait donner raison aux hypothèses de Maury.
The ingenious American has remarked that, between the South Pole and the sixtieth parallel, the sea is covered with floating ice of enormous size, which is never met with in the North Atlantic. From this fact he has drawn the conclusion that the Antarctic Circle encloses considerable continents, as icebergs cannot form in open sea, but only on the coasts. According to these calculations, the mass of ice surrounding the southern pole forms a vast cap, the circumference of which must be, at least, 2,500 miles.L’ingénieux américain a remarqué, en effet, qu’entre le pôle sud et le soixantième parallèle, la mer est couverte de glaces flottantes, de dimensions énormes, qui ne se rencontrent jamais dans l’Atlantique nord. De ce fait, il a tiré cette conclusion que le cercle antarctique renferme des terres considérables, puisque les ice-bergs ne peuvent se former en pleine mer, mais seulement sur des côtes. Suivant ses calculs, la masse des glaces qui enveloppent le pôle austral forme une vaste calotte dont la largeur doit atteindre quatre mille kilomètres.
But the Nautilus, for fear of running aground, had stopped about three cable-lengths from a strand over which reared a superb heap of rocks. The boat was launched; the Captain, two of his men, bearing instruments, Conseil, and myself were in it. It was ten in the morning. I had not seen Ned Land. Doubtless the Canadian did not wish to admit the presence of the South Pole. A few strokes of the oar brought us to the sand, where we ran ashore. Conseil was going to jump on to the land, when I held him back.Cependant, le Nautilus, par crainte d’échouer, s’était arrêté à trois encâblures d’une grève que dominait un superbe amoncellement de roches. Le canot fut lancé à la mer. Le capitaine, deux de ses hommes portant les instruments, Conseil et moi, nous nous y embarquâmes. Il était dix heures du matin. Je n’avais pas vu Ned Land. Le Canadien, sans doute, ne voulait pas se désavouer en présence du pôle sud.
Quelques coups d’aviron amenèrent le canot sur le sable, où il s’échoua. Au moment où Conseil allait sauter à terre, je le retins.
“Sir,” said I to Captain Nemo, “to you belongs the honour of first setting foot on this land.”«Monsieur, dis-je au capitaine Nemo, à vous l’honneur de mettre pied le premier sur cette terre.
“Yes, sir,” said the Captain, “and if I do not hesitate to tread this South Pole, it is because, up to this time, no human being has left a trace there.”—Oui, monsieur, répondit le capitaine, et si je n’hésite pas à fouler ce sol du pôle, c’est que, jusqu’ici, aucun être humain n’y a laissé la trace de ses pas.»
Saying this, he jumped lightly on to the sand. His heart beat with emotion. He climbed a rock, sloping to a little promontory, and there, with his arms crossed, mute and motionless, and with an eager look, he seemed to take possession of these southern regions. After five minutes passed in this ecstasy, he turned to us.Cela dit, il sauta légèrement sur le sable. Une vive émotion lui faisait battre le cœur. Il gravit un roc qui terminait en surplomb un petit promontoire, et là, les bras croisés, le regard ardent, immobile, muet, il sembla prendre possession de ces régions australes. Après cinq minutes passées dans cette extase, il se retourna vers nous.
“When you like, sir.”«Quand vous voudrez, monsieur,» me cria-t-il.
I landed, followed by Conseil, leaving the two men in the boat. For a long way the soil was composed of a reddish sandy stone, something like crushed brick, scoriae, streams of lava, and pumice-stones. One could not mistake its volcanic origin. In some parts, slight curls of smoke emitted a sulphurous smell, proving that the internal fires had lost nothing of their expansive powers, though, having climbed a high acclivity, I could see no volcano for a radius of several miles. Je débarquai, suivi de Conseil, laissant les deux hommes dans le canot.
Le sol sur un long espace présentait un tuf de couleur rougeâtre, comme s’il eût été fait de brique pilée. Des scories, des coulées de lave, des pierres-ponces le recouvraient. On ne pouvait méconnaître son origine volcanique. En de certains endroits, quelques légères fumerolles, dégageant une odeur sulfureuse, attestaient que les feux intérieurs conservaient encore leur puissance expansive. Cependant, ayant gravi un haut escarpement, je ne vis aucun volcan dans un rayon de plusieurs milles.
We know that in those Antarctic countries, James Ross found two craters, the Erebus and Terror, in full activity, on the 167th meridian, latitude 77° 32′. The vegetation of this desolate continent seemed to me much restricted. Some lichens lay upon the black rocks; some microscopic plants, rudimentary diatomas, a kind of cells placed between two quartz shells; long purple and scarlet weed, supported on little swimming bladders, which the breaking of the waves brought to the shore. On sait que dans ces contrées antarctiques, James Ross a trouvé les cratères de l’Erebus et du Terror en pleine activité sur le cent soixante septième méridien et par 77° 32′ de latitude.
La végétation de ce continent désolé me parut extrêmement restreinte. Quelques lichens de l’espèce Unsnea melanoxantha s’étalaient sur les roches noires. Certaines plantules microscopiques, des diatomées rudimentaires, sortes de cellules disposées entre deux coquilles quartzeuses, de longs fucus pourpres et cramoisis, supportés sur de petites vessies natatoires et que le ressac jetait à la côte, composaient toute la maigre flore de cette région.
These constituted the meagre flora of this region. The shore was strewn with molluscs, little mussels, and limpets. I also saw myriads of northern clios, one-and-a-quarter inches long, of which a whale would swallow a whole world at a mouthful; and some perfect sea-butterflies, animating the waters on the skirts of the shore.Le rivage était parsemé de mollusques, de petites moules, de patelles, de buccardes lisses, en forme de cours, et particulièrement de clios au corps oblong et membraneux, dont la tête est formée de deux lobes arrondis. Je vis aussi des myriades de ces clios boréales, longues de trois centimètres, dont la baleine avale un monde à chaque bouchée. Ces charmants ptéropodes, véritables papillons de la mer, animaient les eaux libres sur la lisière du rivage.
There appeared on the high bottoms some coral shrubs, of the kind which, according to James Ross, live in the Antarctic seas to the depth of more than 1,000 yards. Then there were little kingfishers and starfish studding the soil. But where life abounded most was in the air. There thousands of birds fluttered and flew of all kinds, deafening us with their cries; others crowded the rock, looking at us as we passed by without fear, and pressing familiarly close by our feet. Entre autres zoophytes apparaissaient dans les hauts fonds quelques arborescences coralligènes, de celles qui, suivant James Ross, vivent dans les mers antarctiques jusqu’à mille mètres de profondeur; puis, de petits alcyons appartenant à l’espèce procellaria pelagica, ainsi qu’un grand nombre d’astéries particulières à ces climats, et d’étoiles de mer qui constellaient le sol.
Mais où la vie surabondait, c’était dans les airs. Là volaient et voletaient par milliers des oiseaux d’espèces variées, qui nous assourdissaient de leurs cris. D’autres encombraient les roches, nous regardant passer sans crainte et se pressant familièrement sous nos pas. C’étaient des pingouins aussi agiles et souples dans l’eau, où on les a confondus parfois avec de rapides bonites, qu’ils sont gauches et lourds sur terre. Ils poussaient des cris baroques et formaient des assemblées nombreuses, sobres de gestes, mais prodigues de clameurs.
There were penguins, so agile in the water, heavy and awkward as they are on the ground; they were uttering harsh cries, a large assembly, sober in gesture, but extravagant in clamour. Albatrosses passed in the air, the expanse of their wings being at least four yards and a half, and justly called the vultures of the ocean; some gigantic petrels, and some damiers, a kind of small duck, the underpart of whose body is black and white; then there were a whole series of petrels, some whitish, with brown-bordered wings, others blue, peculiar to the Antarctic seas, and so oily, as I told Conseil, that the inhabitants of the Ferroe Islands had nothing to do before lighting them but to put a wick in.Parmi les oiseaux, je remarquai des chionis, de la famille des échassiers, gros comme des pigeons, blancs de couleur, le bec court et conique, l’œil encadré d’un cercle rouge. Conseil en fit provision, car ces volatiles, convenablement préparés, forment un mets agréable. Dans les airs passaient des albatros fuligineux d’une envergure de quatre mètres, justement appelés les vautours de l’Océan, des pétrels gigantesques, entre autres des quebrante-huesos aux ailes arquées, qui sont grands mangeurs de phoques, des damiers, sortes de petits canards dont le dessus du corps est noir et blanc, enfin toute une série de pétrels, les uns blanchâtres, aux ailes bordées de brun, les autres bleus et spéciaux aux mers antarctiques, ceux-là «si huileux, dis-je à Conseil, que les habitants des îles Féroë se contentent d’y adapter une mèche avant de les allumer.»
“A little more,” said Conseil, “and they would be perfect lamps! After that, we cannot expect Nature to have previously furnished them with wicks!”«Un peu plus, répondit Conseil, ce seraient des lampes parfaites! Après ça, on ne peut exiger que la nature les ait préalablement munis d’une mèche!»
About half a mile farther on the soil was riddled with ruffs’ nests, a sort of laying-ground, out of which many birds were issuing. Captain Nemo had some hundreds hunted. They uttered a cry like the braying of an ass, were about the size of a goose, slate-colour on the body, white beneath, with a yellow line round their throats; they allowed themselves to be killed with a stone, never trying to escape. Après un demi mille, le sol se montra tout criblé de nids de manchots, sortes de terriers disposés pour la ponte, et dont s’échappaient de nombreux oiseaux. Le capitaine Nemo en fit chasser plus tard quelques centaines, car leur chair noire est très-mangeable. Ils poussaient des braiements d’âne. Ces animaux, de la taille d’une oie, ardoisés sur le corps, blancs en dessous et cravatés d’un liseré citron, se laissaient tuer à coups de pierre sans chercher à s’enfuir.
But the fog did not lift, and at eleven the sun had not yet shown itself. Its absence made me uneasy. Without it no observations were possible. How, then, could we decide whether we had reached the pole? When I rejoined Captain Nemo, I found him leaning on a piece of rock, silently watching the sky. He seemed impatient and vexed. But what was to be done? This rash and powerful man could not command the sun as he did the sea. Noon arrived without the orb of day showing itself for an instant. We could not even tell its position behind the curtain of fog; and soon the fog turned to snow.Cependant, la brume ne se levait pas, et, à onze heures, le soleil n’avait point encore paru. Son absence ne laissait pas de m’inquiéter. Sans lui, pas d’observations, possibles. Comment déterminer alors si nous avions atteint le pôle? Lorsque je rejoignis le capitaine Nemo, je le trouvai silencieusement accoudé sur un morceau de roc et regardant le ciel. Il paraissait impatient, contrarié. Mais qu’y faire? Cet homme audacieux et puissant ne commandait pas au soleil comme à la mer. Midi arriva sans que l’astre du jour se fût montré un seul instant. On ne pouvait même reconnaître la place qu’il occupait derrière le rideau de brume. Bientôt cette brume vint à se résoudre en neige.
“Till to-morrow,” said the Captain, quietly, and we returned to the Nautilus amid these atmospheric disturbances.«A demain» me dit simplement le capitaine, et nous regagnâmes le Nautilus au milieu des tourbillons de l’atmosphère.
Pendant notre absence, les filets avaient été tendus, et j’observai avec intérêt les poissons que l’on venait de haler à bord. Les mers antarctiques servent de refuge à un très-grand nombre de migrateurs, qui fuient les tempêtes des zones moins élevées pour tomber, il est vrai, sous la dent des marsouins et des phoques. Je notai quelques cottes australes, longs d’un décimètre, espèce de cartilagineux blanchâtres traversés de bandes livides et armés d’aiguillons, puis des chimères antarctiques, longues de trois pieds, le corps très-allongé, la peau blanche, argentée et lisse, la tête arrondie, le dos muni de trois nageoires, le museau terminé par une trompe qui se recourbe vers la bouche. Je goûtai leur chair, mais je la trouvai insipide, malgré l’opinion de Conseil qui s’en accommoda fort.
The tempest of snow continued till the next day. It was impossible to remain on the platform. From the saloon, where I was taking notes of incidents happening during this excursion to the polar continent, I could hear the cries of petrels and albatrosses sporting in the midst of this violent storm. The Nautilus did not remain motionless, but skirted the coast, advancing ten miles more to the south in the half-light left by the sun as it skirted the edge of the horizon. La tempête de neige dura jusqu’au lendemain. Il était impossible de se tenir sur la plate-forme. Du salon où je notais les incidents de cette excursion au continent polaire, j’entendais les cris des pétrels et des albatros qui se jouaient au milieu de la tourmente. Le Nautilus ne resta pas immobile, et, prolongeant la côte, il s’avança encore d’une dizaine de milles au sud, au milieu de cette demi-clarté que laissait le soleil en rasant les bords de l’horizon.
The next day, the 20th of March, the snow had ceased. The cold was a little greater, the thermometer showing 2° below zero. The fog was rising, and I hoped that that day our observations might be taken. Captain Nemo not having yet appeared, the boat took Conseil and myself to land. The soil was still of the same volcanic nature; everywhere were traces of lava, scoriae, and basalt; but the crater which had vomited them I could not see. Le lendemain 20 mars, la neige avait cessé. Le froid était un peu plus vif. Le thermomètre marquait deux degrés au-dessous de zéro. Les brouillards se levèrent, et j’espérai que, ce jour-là, notre observation pourrait s’effectuer. Le capitaine Nemo n’ayant pas encore paru, le canot nous prit, Conseil et moi, et nous mit à terre. La nature du sol était la même, volcanique. Partout des traces de laves, de scories, de basaltes, sans que j’aperçusse le cratère qui les avait vomis.
 Here, as lower down, this continent was alive with myriads of birds. But their rule was now divided with large troops of sea-mammals, looking at us with their soft eyes. There were several kinds of seals, some stretched on the earth, some on flakes of ice, many going in and out of the sea. They did not flee at our approach, never having had anything to do with man; and I reckoned that there were provisions there for hundreds of vessels.Ici comme là-bas, des myriades d’oiseaux animaient cette partie du continent polaire. Mais cet empire, ils le partageaient alors avec de vastes troupeaux de mammifères marins qui nous regardaient de leurs doux yeux. C’étaient des phoques d’espèces diverses, les uns étendus sur le sol, les autres couchés sur des glaçons en dérive, plusieurs sortant de la mer ou y rentrant. Ils ne se sauvaient pas à notre approche, n’ayant jamais eu affaire à l’homme, et j’en comptais là de quoi approvisionner quelques centaines de navires.
«Ma foi, dit Conseil, il est heureux que Ned Land ne nous ait pas accompagnés!
—Pourquoi cela, Conseil?
—Parce que l’enragé chasseur aurait tout tué.
—Tout, c’est beaucoup dire, mais je crois, en effet, que nous n’aurions pu empêcher notre ami le Canadien de harponner quelques-uns de ces magnifiques cétacés. Ce qui eût désobligé le capitaine Nemo, car il ne verse pas inutilement le sang des bêtes inoffensives.
—Il a raison.
—Certainement, Conseil. Mais, dis-moi, n’as-tu pas déjà classé ces superbes échantillons de la faune marine?
“Sir,” said Conseil, “will you tell me the names of these creatures?”—Monsieur sait bien, répondit Conseil, que je ne suis pas très-ferré sur la pratique. Quand monsieur m’aura appris le nom de ces animaux…
“They are seals and morses.”—Ce sont des phoques et des morses.
—Deux genres, qui appartiennent à la famille des pinnipèdes, se hâta de dire mon savant Conseil, ordre des carnassiers, groupe des unguiculés, sous-classe des monodelphiens, classe des mammifères, embranchement des vertébrés.
—Bien, Conseil, répondis-je, mais ces deux genres, phoques et morses, se divisent en espèces, et si je ne me trompe, nous aurons ici l’occasion de les observer. Marchons.»
It was now eight in the morning. Four hours remained to us before the sun could be observed with advantage. I directed our steps towards a vast bay cut in the steep granite shore. There, I can aver that earth and ice were lost to sight by the numbers of sea-mammals covering them, and I involuntarily sought for old Proteus, the mythological shepherd who watched these immense flocks of Neptune. There were more seals than anything else, forming distinct groups, male and female, the father watching over his family, the mother suckling her little ones, some already strong enough to go a few steps. Il était huit heures du matin. Quatre heures nous restaient à employer jusqu’au moment ou le soleil pourrait être utilement observé. Je dirigeai nos pas vers une vaste baie qui s’échancrait dans la falaise granitique du rivage.
Là, je puis dire, qu’à perte de vue autour de nous, les terres et les glaçons étaient encombrés de mammifères marins, et je cherchais involontairement du regard le vieux Protée, le mythologique pasteur qui gardait ces immenses troupeaux de Neptune. C’étaient particulièrement des phoques. Ils formaient des groupes distincts, mâles et femelles, le père veillant sur sa famille, la mère allaitant ses petits, quelques jeunes, déjà forts, s’émancipant à quelques pas.
When they wished to change their place, they took little jumps, made by the contraction of their bodies, and helped awkwardly enough by their imperfect fin, which, as with the lamantin, their cousins, forms a perfect forearm. I should say that, in the water, which is their element—the spine of these creatures is flexible; with smooth and close skin and webbed feet—they swim admirably. In resting on the earth they take the most graceful attitudes. Lorsque ces mammifères voulaient se déplacer, ils allaient par petits sauts dus à la contraction de leur corps, et ils s’aidaient assez gauchement de leur imparfaite nageoire, qui, chez le lamantin, leur congénère, forme un véritable avant-bras. Je dois dire que, dans l’eau, leur élément par excellence, ces animaux à l’épine dorsale mobile, au bassin étroit, au poil ras et serré, aux pieds palmés, nagent admirablement. Au repos et sur terre, ils prenaient des attitudes extrêmement gracieuses.
Thus the ancients, observing their soft and expressive looks, which cannot be surpassed by the most beautiful look a woman can give, their clear voluptuous eyes, their charming positions, and the poetry of their manners, metamorphosed them, the male into a triton and the female into a mermaid. I made Conseil notice the considerable development of the lobes of the brain in these interesting cetaceans. No mammal, except man, has such a quantity of brain matter; they are also capable of receiving a certain amount of education, are easily domesticated, and I think, with other naturalists, that if properly taught they would be of great service as fishing-dogs. The greater part of them slept on the rocks or on the sand. Aussi, les anciens, observant leur physionomie douce, leur regard expressif que ne saurait surpasser le plus beau regard de femme, leurs yeux veloutés et limpides, leurs poses charmantes, et les poétisant à leur manière, métamorphosèrent-ils les mâles en tritons, et les femelles en sirènes.
Je fis remarquer à Conseil le développement considérable des lobes cérébraux chez ces intelligents cétacés. Aucun mammifère, l’homme excepté, n’a la matière cérébrale plus riche. Aussi, les phoques sont ils susceptibles de recevoir une certaine éducation; ils se domestiquent aisément, et je pense, avec certains naturalistes, que, convenablement dressés, ils pourraient rendre de grands services comme chiens de pêche.
La plupart de ces phoques dormaient sur les rochers ou sur le sable.
 Amongst these seals, properly so called, which have no external ears (in which they differ from the otter, whose ears are prominent), I noticed several varieties of seals about three yards long, with a white coat, bulldog heads, armed with teeth in both jaws, four incisors at the top and four at the bottom, and two large canine teeth in the shape of a fleur-de-lis. Amongst them glided sea-elephants, a kind of seal, with short, flexible trunks. The giants of this species measured twenty feet round and ten yards and a half in length; but they did not move as we approached.Parmi ces phoques proprement dits qui n’ont point d’oreilles externes,—différant en cela des otaries dont l’oreille est saillante,—j’observai plusieurs variétés de sténorhynques, longs de trois mètres, blancs de poils, à têtes de bull-dogs, armés de dix dents à chaque mâchoire, quatre incisives en haut et en bas et deux grandes canines découpées en forme de fleur de lis. Entre eux se glissaient des éléphants marins, sortes de phoques à trompe courte et mobile, les géants de l’espèce, qui sur une circonférence de vingt pieds mesuraient une longueur de dix mètres. Ils ne faisaient aucun mouvement à notre approche.
“These creatures are not dangerous?” asked Conseil.«Ce ne sont pas des animaux dangereux? me demanda Conseil.
“No; not unless you attack them. When they have to defend their young their rage is terrible, and it is not uncommon for them to break the fishing-boats to pieces.”—Non, répondis-je, à moins qu’on ne les attaque. Lorsqu’un phoque défend son petit, sa fureur est terrible, et il n’est pas rare qu’il mette en pièces l’embarcation des pêcheurs.
“They are quite right,” said Conseil.—Il est dans son droit, répliqua Conseil.
“I do not say they are not.”—Je ne dis pas non.»
Two miles farther on we were stopped by the promontory which shelters the bay from the southerly winds. Beyond it we heard loud bellowings such as a troop of ruminants would produce.Deux milles plus loin, nous étions arrêtés par le promontoire qui couvrait la baie contre les vents du sud. Il tombait d’aplomb à la mer et écumait sous le ressac. Au-delà éclataient de formidables rugissements, tels qu’un troupeau de ruminants en eût pu produire.
“Good!” said Conseil; “a concert of bulls!”«Bon, fit Conseil, un concert de taureaux?
“No; a concert of morses.”—Non, dis-je, un concert de morses.
“They are fighting!”—Ils se battent?
“They are either fighting or playing.”—Ils se battent ou ils jouent.
—N’en déplaise à monsieur, il faut voir cela.
—Il faut le voir, Conseil.»
We now began to climb the blackish rocks, amid unforeseen stumbles, and over stones which the ice made slippery. More than once I rolled over at the expense of my loins. Conseil, more prudent or more steady, did not stumble, and helped me up, saying:Et nous voilà franchissant les roches noirâtres, au milieu d’éboulements imprévus, et sur des pierres que la glace rendait fort glissantes. Plus d’une fois, je roulai au détriment de mes reins. Conseil, plus prudent ou plus solide, ne bronchait guère, et me relevait, disant:
“If, sir, you would have the kindness to take wider steps, you would preserve your equilibrium better.”«Si monsieur voulait avoir la bonté d’écarter les jambes, monsieur conserverait mieux son équilibre.»
Arrived at the upper ridge of the promontory, I saw a vast white plain covered with morses. They were playing amongst themselves, and what we heard were bellowings of pleasure, not of anger.Arrivé à l’arête supérieure du promontoire, j’aperçus une vaste plaine blanche, couverte de morses. Ces animaux jouaient entre eux. C’étaient des hurlements de joie, non de colère.
As I passed these curious animals I could examine them leisurely, for they did not move. Their skins were thick and rugged, of a yellowish tint, approaching to red; their hair was short and scant. Some of them were four yards and a quarter long. Quieter and less timid than their cousins of the north, they did not, like them, place sentinels round the outskirts of their encampment. After examining this city of morses, I began to think of returning.Les morses ressemblent aux phoques par la forme de leurs corps et par la disposition de leurs membres. Mais les canines et les incisives manquent à leur mâchoire inférieure, et quant aux canines supérieures, ce sont deux défenses longues de quatre-vingts centimètres qui en mesurent trente trois à la circonférence de leur alvéole. Ces dents, faites d’un ivoire compact et sans stries, plus dur que celui des éléphants, et moins prompt à jaunir, sont très-recherchées. Aussi les morses sont-ils en butte à une chasse inconsidérée qui les détruira bientôt jusqu’au dernier, puisque les chasseurs, massacrant indistinctement les femelles pleines et les jeunes, en détruisent chaque année plus de quatre mille.
En passant auprès de ces curieux animaux, je pus les examiner à loisir, car ils ne se dérangeaient pas. Leur peau était épaisse et rugueuse, d’un ton fauve tirant sur le roux, leur pelage court et peu fourni. Quelques-uns avaient une longueur de quatre mètres. Plus tranquilles et moins craintifs que leurs congénères du nord, ils ne confiaient point à des sentinelles choisies le soin de surveiller les abords de leur campement.
Après avoir examiné cette cité des morses, je songeai à revenir sur mes pas.
It was eleven o’clock, and, if Captain Nemo found the conditions favourable for observations, I wished to be present at the operation. We followed a narrow pathway running along the summit of the steep shore. At half-past eleven we had reached the place where we landed. The boat had run aground, bringing the Captain. Il était onze heures, et si le capitaine Nemo se trouvait dans des conditions favorables pour observer, je voulais être présent à son opération. Cependant, je n’espérais pas que le soleil se montrât ce jour-là. Des nuages écrasés sur l’horizon le dérobaient à nos yeux. Il semblait que cet astre jaloux ne voulût pas révéler à des êtres humains ce point inabordable du globe.
Cependant, je songeai à revenir vers le Nautilus. Nous suivîmes un étroit raidillon qui courait sur le sommet de la falaise. A onze heures et demie, nous étions arrivés au point de débarquement. Le canot échoué avait déposé le capitaine à terre.
 I saw him standing on a block of basalt, his instruments near him, his eyes fixed on the northern horizon, near which the sun was then describing a lengthened curve. I took my place beside him, and waited without speaking. Noon arrived, and, as before, the sun did not appear. It was a fatality. Observations were still wanting. If not accomplished to-morrow, we must give up all idea of taking any. Je l’aperçus debout sur un bloc de basalte. Ses instruments étaient près de lui. Son regard se fixait sur l’horizon du nord, près duquel le soleil décrivait alors sa courbe allongée.
Je pris place auprès de lui et j’attendis sans parler. Midi arriva, et, ainsi que la veille, le soleil ne se montra pas.
C’était une fatalité. L’observation manquait encore. Si demain elle ne s’accomplissait pas, il faudrait renoncer définitivement à relever notre situation.
We were indeed exactly at the 20th of March. To-morrow, the 21st, would be the equinox; the sun would disappear behind the horizon for six months, and with its disappearance the long polar night would begin. Since the September equinox it had emerged from the northern horizon, rising by lengthened spirals up to the 21st of December. At this period, the summer solstice of the northern regions, it had begun to descend; and to-morrow was to shed its last rays upon them. I communicated my fears and observations to Captain Nemo.En effet, nous étions précisément au 20 mars. Demain, 21, jour de l’équinoxe, réfraction non comptée, le soleil disparaîtrait sous l’horizon pour six mois, et avec sa disparition commencerait la longue nuit polaire. Depuis l’équinoxe de septembre, il avait émergé de l’horizon septentrional, s’élevant par des spirales allongées jusqu’au 21 décembre. A cette époque, solstice d’été de ces contrées boréales, il avait commencé à redescendre, et le lendemain il devait leur lancer ses derniers rayons.
Je communiquai mes observations et mes craintes au capitaine Nemo.
“You are right, M. Aronnax,” said he; “if to-morrow I cannot take the altitude of the sun, I shall not be able to do it for six months. But precisely because chance has led me into these seas on the 21st of March, my bearings will be easy to take, if at twelve we can see the sun.”«Vous avez raison, monsieur Aronnax, me dit-il, si demain, je n’obtiens la hauteur du soleil, je ne pourrai avant six mois reprendre cette opération. Mais aussi, précisément parce que les hasards de ma navigation m’ont amené, le 21 mars, dans ces mers, mon point sera facile à relever, si, à midi, le soleil se montre à nos yeux.
“Why, Captain?”—Pourquoi, capitaine?
“Because then the orb of day described such lengthened curves that it is difficult to measure exactly its height above the horizon, and grave errors may be made with instruments.”—Parce que, lorsque l’astre du jour décrit des spirales si allongées, il est difficile de mesurer exactement sa hauteur au-dessus de l’horizon, et les instruments sont exposés à commettre de graves erreurs.
“What will you do then?”—Comment procéderez-vous donc?
“I shall only use my chronometer,” replied Captain Nemo. “If to-morrow, the 21st of March, the disc of the sun, allowing for refraction, is exactly cut by the northern horizon, it will show that I am at the South Pole.”—Je n’emploierai que mon chronomètre, me répondit le capitaine Nemo. Si demain, 21 mars, à midi, le disque du soleil, en tenant compte de la réfraction, est coupé exactement par l’horizon du nord, c’est que je suis au pôle sud.
“Just so,” said I. “But this statement is not mathematically correct, because the equinox does not necessarily begin at noon.”—En effet, dis-je. Pourtant, cette affirmation n’est pas mathématiquement rigoureuse, parce que l’équinoxe ne tombe pas nécessairement à midi.
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Vingt Mille Lieues
Sous Les Mers de Jules Vernes

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