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Twenty Thousand Leagues Under The Sea by Jules Vernes Bilingual Book French/English Page 13

Ce n’est pas une traduction mots a mots mais les livres dans les deux languages mis côte a côte. Vous pouvez le lire en Français, en anglais ou parallèlement.

This is not a word-by-word translation but the books in the two languages put side by side. You can read it in French, in English or both.

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Twenty Thousand Leagues Under The Sea by Jules Vernes

Twenty Thousand Leagues Under The Sea by Jules VernesVingt Mille Lieues
Sous Les Mers de Jules Vernes
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PART IIPART II
CHAPTER XIVCHAPITRE XIV
“Very likely, sir; but the error will not be a hundred yards and we do not want more. Till to-morrow, then!”—Sans doute, monsieur, mais l’erreur ne sera pas de cent mètres, et il ne nous en faut pas davantage. A demain donc.»
Captain Nemo returned on board. Conseil and I remained to survey the shore, observing and studying until five o’clock. Then I went to bed, not, however, without invoking, like the Indian, the favour of the radiant orb. The next day, the 21st of March, at five in the morning, I mounted the platform. I found Captain Nemo there.Le capitaine Nemo retourna à bord. Conseil et moi, nous restâmes jusqu’à cinq heures à arpenter la plage, observant et étudiant. Je ne récoltai aucun objet curieux, si ce n’est un œuf de pingouin, remarquable par sa grosseur, et qu’un amateur eût payé plus de mille francs. Sa couleur isabelle, les raies et les caractèrese qui l’ornaient comme autant d’hiéroglyphes, en faisaient un bibelot rare. Je le remis entre les mains de Conseil, et le prudent garçon, au pied sûr, le tenant comme une précieuse porcelaine de Chine, le rapporta intact au Nautilus.
Là je déposai cet œuf rare sous une des vitrines du musée. Je soupai avec appétit d’un excellent morceau de foie de phoque dont le goût rappelait celui de la viande de porc. Puis je me couchai, non sans avoir invoqué, comme un Indou, les faveurs de l’astre radieux.
Le lendemain, 21 mars, dès cinq heures du matin, je montai sur la plate-forme. J’y trouvai le capitaine Nemo.
“The weather is lightening a little,” said he. “I have some hope. After breakfast we will go on shore and choose a post for observation.”«Le temps se dégage un peu, me dit-il. J’ai bon espoir. Après déjeuner, nous nous rendrons à terre pour choisir un poste d’observation.»
That point settled, I sought Ned Land. I wanted to take him with me. But the obstinate Canadian refused, and I saw that his taciturnity and his bad humour grew day by day. After all, I was not sorry for his obstinacy under the circumstances. Indeed, there were too many seals on shore, and we ought not to lay such temptation in this unreflecting fisherman’s way. Breakfast over, we went on shore. The Nautilus had gone some miles further up in the night. Ce point convenu, j’allai trouver Ned Land. J’aurais voulu l’emmener avec moi. L’obstiné Canadien refusa, et je vis bien que sa taciturnité comme sa fâcheuse humeur s’accroissaient de jour en jour. Après tout, je ne regrettai pas son entêtement dans cette circonstance. Véritablement, il y avait trop de phoques à terre, et il ne fallait pas soumettre ce pêcheur irréfléchi à cette tentation. Le déjeuner terminé, je me rendis à terre. Le Nautilus s’était encore élevé de quelques milles pendant la nuit.
 It was a whole league from the coast, above which reared a sharp peak about five hundred yards high. The boat took with me Captain Nemo, two men of the crew, and the instruments, which consisted of a chronometer, a telescope, and a barometer. While crossing, I saw numerous whales belonging to the three kinds peculiar to the southern seas; the whale, or the English “right whale,” which has no dorsal fin; the “humpback,” with reeved chest and large, whitish fins, which, in spite of its name, do not form wings; and the fin-back, of a yellowish brown, the liveliest of all the cetacea. This powerful creature is heard a long way off when he throws to a great height columns of air and vapour, which look like whirlwinds of smoke. Il était au large, à une grande lieue d’une côte, que dominait un pic aigu de quatre à cinq cents mètres. Le canot portait avec moi le capitaine Nemo, deux hommes de l’équipage, et les instruments, c’est-à-dire un chronomètre, une lunette et un baromètre.
Pendant notre traversée, je vis de nombreuses baleines qui appartenaient aux trois espèces particulières aux mers australes, la baleine franche ou «right-whale» des Anglais, qui n’a pas de nageoire dorsale, le hump-back, baleinoptère à ventre plissé, aux vastes nageoires blanchâtres, qui malgré son nom, ne forment pourtant pas des ailes, et le fin-back, brun-jaunâtre, le plus vif des cétacés. Ce puissant animal se fait entendre de loin, lorsqu’il projette à une grande hauteur ses colonnes d’air et de vapeur, qui ressemblent à des tourbillons de fumée
These different mammals were disporting themselves in troops in the quiet waters; and I could see that this basin of the Antarctic Pole serves as a place of refuge to the cetacea too closely tracked by the hunters. I also noticed large medusae floating between the reeds.. Ces différents mammifères s’ébattaient par troupes dans les eaux tranquilles, et je vis bien que ce bassin du pôle antarctique servait maintenant de refuge aux cétacés trop vivement traqués par les chasseurs. Je remarquai également de longs cordons blanchâtres de salpes, sortes de mollusques agrégés, et des méduses de grande taille qui se balançaient entre le remous des lames.
At nine we landed; the sky was brightening, the clouds were flying to the south, and the fog seemed to be leaving the cold surface of the waters. Captain Nemo went towards the peak, which he doubtless meant to be his observatory. It was a painful ascent over the sharp lava and the pumice-stones, in an atmosphere often impregnated with a sulphurous smell from the smoking cracks. For a man unaccustomed to walk on land, the Captain climbed the steep slopes with an agility I never saw equalled and which a hunter would have envied.A neuf heures, nous accostions la terre. Le ciel s’éclaircissait. Les nuages fuyaient dans le sud. Les brumes abandonnaient la surface froide des eaux. Le capitaine Nemo se dirigea vers le pic dont il voulait sans doute faire son observatoire. Ce fut une ascension pénible sur des laves aiguës et des pierres ponces, au milieu d’une atmosphère souvent saturée par les émanations sulfureuses des fumerolles. Le capitaine, pour un homme déshabitué de fouler la terre, gravissait les pentes les plus raides avec une souplesse, une agilité que je ne pouvais égaler, et qu’eût enviée un chasseur d’isards.
 We were two hours getting to the summit of this peak, which was half porphyry and half basalt. From thence we looked upon a vast sea which, towards the north, distinctly traced its boundary line upon the sky. At our feet lay fields of dazzling whiteness. Over our heads a pale azure, free from fog.Il nous fallut deux heures pour atteindre le sommet de ce pic moitié porphyre, moitié basalte. De là, nos regards embrassaient une vaste mer qui, vers le nord, traçait nettement sa ligne terminale sur le fond du ciel. A nos pieds, des champs éblouissants de blancheur.
 To the north the disc of the sun seemed like a ball of fire, already horned by the cutting of the horizon. From the bosom of the water rose sheaves of liquid jets by hundreds. Ine the distance lay the Nautilus like a cetacean asleep on the water. Behind us, to the south and east, an immense country and a chaotic heap of rocks and ice, the limits of which were not visible. Sur notre tête, un pâle azur, dégagé de brumes. Au nord, le disque du soleil comme une boule de feu déjà écornée par le tranchant de l’horizon. Du sein des eaux s’élevaient en gerbes magnifiques des jets liquides par centaines. Au loin, le Nautilus, comme un cétacé endormi. Derrière nous, vers le sud et l’est, une terre immense, un amoncellement chaotique de rochers et de glaces dont on n’apercevait pas la limite.
On arriving at the summit Captain Nemo carefully took the mean height of the barometer, for he would have to consider that in taking his observations. At a quarter to twelve the sun, then seen only by refraction, looked like a golden disc shedding its last rays upon this deserted continent and seas which never man had yet ploughed. Captain Nemo, furnished with a lenticular glass which, by means of a mirror, corrected the refraction, watched the orb sinking below the horizon by degrees, following a lengthened diagonal. I held the chronometer. My heart beat fast. If the disappearance of the half-disc of the sun coincided with twelve o’clock on the chronometer, we were at the pole itself.Le capitaine Nemo, en arrivant au sommet du pic, releva soigneusement sa hauteur au moyen du baromètre, car il devait en tenir compte dans son observation.
A midi moins le quart, le soleil, vu alors par réfraction seulement, se montra comme un disque d’or et dispersa ses derniers rayons sur ce continent abandonné, à ces mers que l’homme n’a jamais sillonnées encore.
Le capitaine Nemo, muni d’une lunette à réticules, qui, au moyen d’un miroir, corrigeait la réfraction, observa l’astre qui s’enfonçait peu à peu au-dessous de l’horizon en suivant une diagonale très-allongée. Je tenais le chronomètre. Mon cœur battait fort. Si la disparition du demi disque du soleil coïncidait avec le midi du chronomètre, nous étions au pôle même.
“Twelve!” I exclaimed.«Midi! m’écriai-je.
“The South Pole!” replied Captain Nemo, in a grave voice, handing me the glass, which showed the orb cut in exactly equal parts by the horizon.—Le pôle sud!» répondit le capitaine Nemo d’une voix grave, en me donnant la lunette qui montrait l’astre du jour précisément coupé en deux portions égales par l’horizon.
I looked at the last rays crowning the peak, and the shadows mounting by degrees up its slopes. At that moment Captain Nemo, resting with his hand on my shoulder, said:Je regardai les derniers rayons couronner le pic et les ombres monter peu à peu sur ses rampes. En ce moment, le capitaine Nemo, appuyant sa main sur mon épaule, me dit:
«Monsieur, en 1600, le hollandais Ghéritk, entraîné par les courants et les tempêtes, atteignit 64° de latitude sud et découvrit les New-Shetland. En 1773, le 17 janvier, l’illustre Cook, suivant le trente-huitième méridien, arriva par 67° 30′ de latitude, et en 1774, le 30 janvier, sur le cent-neuvième méridien, il atteignit 71° 15′ de latitude. En 1819, le russe Bellinghausen se trouva sur le soixante-neuvième parallèle, et en 1821, sur le soixante-sixième par 111° de longitude ouest. En 1820, l’Anglais Brunsfield fut arrêté sur le soixante-cinquième degré. La même année, l’américain Morrel, dont les récits sont douteux, remontant sur le quarante-deuxième méridien, découvrait la mer libre par 70° 14′ de latitude. En 1825, l’anglais Powell ne pouvait dépasser le soixante-deuxième degré. La même année, un simple pêcheur de phoques, l’Anglais Weddel s’élevait jusqu’à 72° 14′ de latitude sur le trente-cinquième méridien, et jusqu’à 74° 15′ sur le trente-sixième. En 1829, l’Anglais Forster, commandant le Chanticleer, prenait possession du continent antarctique par 63° 26′ de latitude et 66° 26′ de longitude. En 1831, l’Anglais Biscoë, le 1er février, découvrait la terre d’Enderby par 68° 50′ de latitude, en 1832, le 5 février, la terre d’Adélaïde par 67° de latitude, et le 21 février, la terre de Graham par 64° 45′ de latitude. En 1838, le Français Dumont-d’Urville, arrêté devant la banquise par 62° 57′ de latitude, relevait la terre Louis-Philippe; deux ans plus tard, dans une nouvelle pointe au sud, il nommait par 66° 30′, le 21 janvier, la terre Adélie, et huit jours après, par 64° 40′, la côte Clarie. En 1838, l’Anglais Wilkes s’avançait jusqu’au soixante-neuvième parallèle sur le centième méridien. En 1839, l’Anglais Balleny découvrait la terre Sabrina, sur la limite du cercle polaire. Enfin, en 1842, l’Anglais James Ross, montant l’Erebus et le Terror, le 12 janvier, par 76° 56′ de latitude et 171° 7′ de longitude est, trouvait la terre Victoria; le 23 du même mois, il relevait le soixante-quatorzième parallèle, le plus haut point atteint jusqu’alors; le 27, il était par 76° 8′, le 28, par 77° 32′, le 2 février, par 78° 4′, et en 1842, il revenait au soixante-onzième degré qu’il ne put dépasser.
“I, Captain Nemo, on this 21st day of March, 1868, have reached the South Pole on the ninetieth degree; and I take possession of this part of the globe, equal to one-sixth of the known continents.” Eh bien, moi, capitaine Nemo, ce 21 mars 1868, j’ai atteint le pôle sud sur le quatre-vingt-dixième degré, et je prends possession de cette partie du globe égale au sixième des continents reconnus.
“In whose name, Captain?”—Au nom de qui, capitaine?
“In my own, sir!”—Au mien, monsieur!»
Saying which, Captain Nemo unfurled a black banner, bearing an “N” in gold quartered on its bunting. Then, turning towards the orb of day, whose last rays lapped the horizon of the sea, he exclaimed:Et ce disant, le capitaine Nemo déploya un pavillon noir, portant un N d’or écartelé sur son étamine. Puis, se retournant vers l’astre du jour dont les derniers rayons léchaient l’horizon de la mer:
“Adieu, sun! Disappear, thou radiant orb! rest beneath this open sea, and let a night of six months spread its shadows over my new domains!”«Adieu, soleil, s’écria-t-il! Disparais, astre radieux! Couche-toi sous cette mer libre, et laisse une nuit de six mois étendre ses ombres sur mon nouveau domaine!»
CHAPTER XV
ACCIDENT OR INCIDENT?
CHAPITRE XV
ACCIDENT OU INCIDENT?
The next day, the 22nd of March, at six in the morning, preparations for departure were begun. The last gleams of twilight were melting into night. The cold was great, the constellations shone with wonderful intensity. In the zenith glittered that wondrous Southern Cross—the polar bear of Antarctic regions. The thermometer showed 120 below zero, and when the wind freshened it was most biting.Le lendemain, 22 mars, à six heures du matin, les préparatifs de départ furent commencés. Les dernières lueurs du crépuscule se fondaient dans la nuit. Le froid était vif. Les constellations resplendissaient avec une surprenante intensité. Au zénith brillait cette admirable Croix du Sud, l’étoile polaire des régions antarctiques.
Le thermomètre marquait douze degrés au-dessous de zéro, et quand le vent fraîchissait, il causait de piquantes morsures.
Flakes of ice increased on the open water. The sea seemed everywhere alike. Numerous blackish patches spread on the surface, showing the formation of fresh ice. Evidently the southern basin, frozen during the six winter months, was absolutely inaccessible. What became of the whales in that time? Doubtless they went beneath the icebergs, seeking more practicable seas. Les glaçons se multipliaient sur l’eau libre. La mer tendait à se prendre partout. De nombreuses plaques noirâtres, étalées à sa surface, annonçaient la prochaine formation de la jeune glace. Évidemment, le bassin austral, gelé pendant les six mois de l’hiver, était absolument inaccessible. Que devenaient les baleines pendant cette période? Sans doute, elles allaient par dessous la banquise chercher des mers plus praticables.
As to the seals and morses, accustomed to live in a hard climate, they remained on these icy shores. These creatures have the instinct to break holes in the ice-field and to keep them open. To these holes they come for breath; when the birds, driven away by the cold, have emigrated to the north, these sea mammals remain sole masters of the polar continent. Pour les phoques et les morses, habitués à vivre sous les plus durs climats, ils restaient sur ces parages glacés. Ces animaux ont l’instinct de creuser des trous dans les ice-fields et de les maintenir toujours ouverts. C’est à ces trous qu’ils viennent respirer; quand les oiseaux, chassés par le froid, ont émigré vers le nord, ces mammifères marins demeurent les seuls maîtres du continent polaire.
 But the reservoirs were filling with water, and the Nautilus was slowly descending. At 1,000 feet deep it stopped; its screw beat the waves, and it advanced straight towards the north at a speed of fifteen miles an hour. Towards night it was already floating under the immense body of the iceberg. Cependant, les réservoirs d’eau s’étaient remplis, et le Nautilus descendait lentement. A une profondeur de mille pieds, il s’arrêta. Son hélice battit les flots, et il s’avança droit au nord avec une vitesse de quinze milles à l’heure. Vers le soir, il flottait déjà sous l’immense carapace glacée de la banquise.
Les panneaux du salon avaient été fermés par prudence, car la coque du Nautilus pouvait se heurter à quelque bloc immergé. Aussi, je passai cette journée à mettre mes notes au net. Mon esprit était tout entier à ses souvenirs du pôle. Nous avions atteint ce point inaccessible sans fatigues, sans danger, comme si notre wagon flottant eût glissé sur les rails d’un chemin de fer. Et maintenant, le retour commençait véritablement. Me réserverait-il encore de pareilles surprises? Je le pensais, tant la série des merveilles sous-marines est inépuisable! Cependant, depuis cinq mois et demi que le hasard nous avait jetés à ce bord, nous avions franchi quatorze mille lieues, et sur ce parcours plus étendu que l’Équateur terrestre, combien d’incidents ou curieux ou terribles avaient charmé notre voyage: la chasse dans les forêts de Crespo, l’échouement du détroit de Torrès, le cimetière de corail, les pêcheries de Ceyland, le tunnel arabique, les feux de Santorin, les millions de la baie de Vigo, l’Atlantide, le pôle sud! Pendant la nuit, tous ces souvenirs, passant de rêve en rêve, ne laissèrent pas mon cerveau sommeiller un instant.
At three in the morning I was awakened by a violent shock. I sat up in my bed and listened in the darkness, when I was thrown into the middle of the room. The Nautilus, after having struck, had rebounded violently. A trois heures du matin, je fus réveillé par un choc violent. Je m’étais redressé sur mon lit et j’écoutais au milieu de l’obscurité, quand je fus précipité brusquement au milieu de la chambre. Évidemment, le Nautilus donnait une bande considérable après avoir touché.
I groped along the partition, and by the staircase to the saloon, which was lit by the luminous ceiling. The furniture was upset. Fortunately the windows were firmly set, and had held fast. The pictures on the starboard side, from being no longer vertical, were clinging to the paper, whilst those of the port side were hanging at least a foot from the wall. The Nautilus was lying on its starboard side perfectly motionless. I heard footsteps, and a confusion of voices; but Captain Nemo did not appear. As I was leaving the saloon, Ned Land and Conseil entered.Je m’accotai aux parois et je me traînai par les coursives jusqu’au salon qu’éclairait le plafond lumineux. Les meubles étaient renversés. Heureusement, les vitrines, solidement saisies par le pied, avaient tenu bon. Les tableaux de tribord, sous le déplacement de la verticale, se collaient aux tapisseries, tandis que ceux de bâbord s’en écartaient d’un pied par leur bordure inférieure. Le Nautilus était donc couché sur tribord, et, de plus, complétement immobile.

A l’intérieur j’entendais un bruit de pas, des voix confuses. Mais le capitaine Nemo ne parut pas. Au moment où j’allais quitter le salon, Ned Land et Conseil entrèrent.
“What is the matter?” said I, at once.«Qu’y a-t-il? leur dis-je aussitôt.
“I came to ask you, sir,” replied Conseil.—Je venais le demander à monsieur, répondit Conseil.
“Confound it!” exclaimed the Canadian, “I know well enough! The Nautilus has struck; and, judging by the way she lies, I do not think she will right herself as she did the first time in Torres Straits.”—Mille diables! s’écria le Canadien, je le sais bien, moi! Le Nautilus a touché, et à en juger par la gîte qu’il donne, je ne crois pas qu’il s’en tire comme la première fois dans le détroit de Torrès.
“But,” I asked, “has she at least come to the surface of the sea?”—Mais au moins, demandai-je, est-il revenu à la surface de la mer?
“We do not know,” said Conseil.—Nous l’ignorons, répondit Conseil.
“It is easy to decide,” I answered. Ie consulted the manometer. To my great surprise, it showed a depth of more than 180 fathoms. “What does that mean?” I exclaimed.—Il est facile de s’en assurer,» répondis-je. Je consultai le manomètre. A ma grande surprise, il indiquait une profondeur de trois cent soixante mètres.
«Qu’est-ce que cela veut dire? m’écriai-je.
“We must ask Captain Nemo,” said Conseil.—Il faut interroger le capitaine Nemo, dit Conseil.
“But where shall we find him?” said Ned Land.—Mais où le trouver? demanda Ned Land.
“Follow me,” said I, to my companions.—Suivez-moi,» dis-je à mes deux compagnons.
We left the saloon. There was no one in the library. At the centre staircase, by the berths of the ship’s crew, there was no one. I thought that Captain Nemo must be in the pilot’s cage. It was best to wait. We all returned to the saloon. For twenty minutes we remained thus, trying to hear the slightest noise which might be made on board the Nautilus, when Captain Nemo entered. Nous quittâmes le salon. Dans la bibliothèque, personne. A l’escalier central, au poste de l’équipage, personne. Je supposai que le capitaine Nemo devait être posté dans la cage du timonier. Le mieux était d’attendre. Nous revînmes tous trois au salon.
Je passerai sous silence les récriminations du Canadien. Il avait beau jeu pour s’emporter. Je le laissai exhaler sa mauvaise humeur tout à son aise, sans lui répondre.
Nous étions ainsi depuis vingt minutes, cherchant à surprendre les moindres bruits qui se produisaient à l’intérieur du Nautilus, quand le capitaine Nemo entra.
He seemed not to see us; his face, generally so impassive, showed signs of uneasiness. He watched the compass silently, then the manometer; and, going to the planisphere, placed his finger on a spot representing the southern seas. I would not interrupt him; but, some minutes later, when he turned towards me, I said, using one of his own expressions in the Torres Straits:Il ne sembla pas nous voir. Sa physionomie, habituellement si impassible, révélait une certaine inquiétude. Il observa silencieusement la boussole, le manomètre, et vint poser son doigt sur un point du planisphère, dans cette partie qui représentait les mers australes.
Je ne voulus pas l’interrompre. Seulement, quelques instants plus tard, lorsqu’il se tourna vers moi, je lui dis en retournant contre lui une expression dont il s’était servi au détroit de Torrès:
“An incident, Captain?”«Un incident, capitaine?
“No, sir; an accident this time.”—Non, monsieur, répondit-il, un accident cette fois.
“Serious?”—Grave?
“Perhaps.”—Peut-être.
“Is the danger immediate?”—Le danger est-il immédiat?
“No.”—Non.
“The Nautilus has stranded?”—Le Nautilus s’est échoué?
“Yes.”—Oui.
“And this has happened—how?”—Et cet échouement est venu?…
“From a caprice of nature, not from the ignorance of man. Not a mistake has been made in the working. But we cannot prevent equilibrium from producing its effects. We may brave human laws, but we cannot resist natural ones.”—D’un caprice de la nature, non de l’impéritie des hommes. Pas une faute n’a été commise dans nos manœuvres. Toutefois, on ne saurait empêcher l’équilibre de produire ses effets. On peut braver les lois humaines, mais non résister aux lois naturelles.»
Captain Nemo had chosen a strange moment for uttering this philosophical reflection. On the whole, his answer helped me little.Singulier moment que choisissait le capitaine Nemo pour se livrer à cette réflexion philosophique. En somme, sa réponse ne m’apprenait rien.
“May I ask, sir, the cause of this accident?”«Puis-je savoir, monsieur, lui demandai-je, quelle est la cause de cet accident?
“An enormous block of ice, a whole mountain, has turned over,” he replied. “When icebergs are undermined at their base by warmer water or reiterated shocks their centre of gravity rises, and the whole thing turns over. This is what has happened; one of these blocks, as it fell, struck the Nautilus, then, gliding under its hull, raised it with irresistible force, bringing it into beds which are not so thick, where it is lying on its side.”—Un énorme bloc de glace, une montagne entière s’est retournée, me répondit-il. Lorsque les ice-bergs sont minés à leur base par des eaux plus chaudes ou par des chocs réitérés, leur centre de gravité remonte. Alors ils se retournent en grand, ils culbutent. C’est ce qui est arrivé. L’un de ces blocs, en se renversant, a heurté le Nautilus qui flottait sous les eaux. Puis, glissant sous sa coque et le relevant avec une irrésistible force, il l’a ramené dans des couches moins denses, où il se trouve couché sur le flanc.
“But can we not get the Nautilus off by emptying its reservoirs, that it might regain its equilibrium?”—Mais ne peut-on dégager le Nautilus en vidant ses réservoirs, de manière à le remettre en équilibre?
“That, sir, is being done at this moment. You can hear the pump working. Look at the needle of the manometer; it shows that the Nautilus is rising, but the block of ice is floating with it; and, until some obstacle stops its ascending motion, our position cannot be altered.”—C’est ce qui se fait en ce moment, monsieur. Vous pouvez entendre les pompes fonctionner. Voyez l’aiguille du manomètre. Elle indique que le Nautilus remonte, mais le bloc de glace remonte avec lui, et jusqu’à ce qu’un obstacle arrête son mouvement ascensionnel, notre position ne sera pas changée.»
Indeed, the Nautilus still held the same position to starboard; doubtless it would right itself when the block stopped. But at this moment who knows if we may not be frightfully crushed between the two glassy surfaces? I reflected on all the consequences of our position. Captain Nemo never took his eyes off the manometer. Since the fall of the iceberg, the Nautilus had risen about a hundred and fifty feet, but it still made the same angle with the perpendicular. Suddenly a slight movement was felt in the hold. Evidently it was righting a little. En effet, le Nautilus donnait toujours la même bande sur tribord. Sans doute, il se redresserait, lorsque le bloc s’arrêterait lui-même. Mais à ce moment, qui sait si nous n’aurions pas heurté la partie supérieure de la banquise, si nous ne serions pas effroyablement pressés entre les deux surfaces glacées?
Je réfléchissais à toutes les conséquences de cette situation. Le capitaine Nemo ne cessait d’observer le manomètre. Le Nautilus, depuis la chute de l’ice-berg, avait remonté de cent cinquante pieds environ, mais il faisait toujours le même angle avec la perpendiculaire.
Soudain un léger mouvement se fit sentir dans la coque. Évidemment, le Nautilus se redressait un peu
Things hanging in the saloon were sensibly returning to their normal position. The partitions were nearing the upright. No one spoke. With beating hearts we watched and felt the straightening. The boards became horizontal under our feet. Ten minutes passed.Les objets suspendus dans le salon reprenaient sensiblement leur position normale. Les parois se rapprochaient de la verticalité. Personne de nous ne parlait. Le cœur ému, nous observions, nous sentions le redressement. Le plancher redevenait horizontal sous nos pieds. Dix minutes s’écoulèrent.
“At last we have righted!” I exclaimed.«Enfin, nous sommes droit! m’écriai-je.
“Yes,” said Captain Nemo, going to the door of the saloon.—Oui, dit le capitaine Nemo, se dirigeant vers la porte du salon.
“But are we floating?” I asked.—Mais flotterons-nous? lui demandai-je.
“Certainly,” he replied; “since the reservoirs are not empty; and, when empty, the Nautilus must rise to the surface of the sea.”—Certainement, répondit-il, puisque les réservoirs ne sont pas encore vidés, et que vidés, le Nautilus devra remonter à la surface de la mer.»
Le capitaine sortit, et je vis bientôt que, par ses ordres, on avait arrêté la marche ascensionnelle du Nautilus. En effet, il aurait bientôt heurté la partie inférieure de la banquise, et mieux valait le maintenir entre deux eaux.
«Nous l’avons échappé belle! dit alors Conseil.
—Oui. Nous pouvions être écrasés entre ces blocs de glace, ou tout au moins emprisonnés. Et alors, faute de pouvoir renouveler l’air… Oui! nous l’avons échappé belle!
—Si c’est fini!» murmura Ned Land.
Je ne voulus pas entamer avec le Canadien une discussion sans utilité, et je ne répondis pas. D’ailleurs, les panneaux s’ouvrirent en ce moment, et la lumière extérieure fit irruption à travers la vitre dégagée.
We were in open sea; but at a distance of about ten yards, on either side of the Nautilus, rose a dazzling wall of ice. Above and beneath the same wall. Above, because the lower surface of the iceberg stretched over us like an immense ceiling. Beneath, because the overturned block, having slid by degrees, had found a resting-place on the lateral walls, which kept it in that position. Nous étions en pleine eau, ainsi que je l’ai dit; mais, à une distance de dixe mètres, sur chaque côté du Nautilus, s’élevait une éblouissante muraille de glace. Au-dessus et au-dessous, même muraille. Au-dessus, parce que la surface inférieure de la banquise se développait comme un plafond immense. Au-dessous, parce que le bloc culbuté, ayant glissé peu à peu, avait trouvé sur les murailles latérales deux points d’appui qui le maintenaient dans cette position.
 The Nautilus was really imprisoned in a perfect tunnel of ice more than twenty yards in breadth, filled with quiet water. It was easy to get out of it by going either forward or backward, and then make a free passage under the iceberg, some hundreds of yards deeper. The luminous ceiling had been extinguished, but the saloon was still resplendent with intense light. It was the powerful reflection from the glass partition sent violently back to the sheets of the lantern. Le Nautilus était emprisonné dans un véritable tunnel de glace, d’une largeur de vingt mètres environ, rempli d’une eau tranquille. Il lui était donc facile d’en sortir en marchant soit en avant soit en arrière, et de reprendre ensuite, à quelques centaines de mètres plus bas, un libre passage sous la banquise.
Le plafond lumineux avait été éteint, et cependant, le salon resplendissait d’une lumière intense. C’est que la puissante réverbération des parois de glace y renvoyait violemment les nappes du fanal.
I cannot describe the effect of the voltaic rays upon the great blocks so capriciously cut; upon every angle, every ridge, every facet was thrown a different light, according to the nature of the veins running through the ice; a dazzling mine of gems, particularly of sapphires, their blue rays crossing with the green of the emerald. Here and there were opal shades of wonderful softness, running through bright spots like diamonds of fire, the brilliancy of which the eye could not bear. The power of the lantern seemed increased a hundredfold, like a lamp through the lenticular plates of a first-class lighthouse.
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Je ne saurais peindre l’effet des rayons voltaïques sur ces grands blocs capricieusement découpés, dont chaque angle, chaque arête, chaque facette, jetait une lueur différente, suivant la nature des veines qui couraient dans la glace. Mine éblouissante de gemmes, et particulièrement de saphirs qui croisaient leurs jets bleus avec le jet vert des émeraudes. Ça et là des nuances opalines d’une douceur infinie couraient au milieu de points ardents comme autant de diamants de feu dont l’œil ne pouvait soutenir l’éclat. La puissance du fanal était centuplée, comme celle d’une lampe à travers les lames lenticulaires d’un phare de premier ordre.
“How beautiful! how beautiful!” cried Conseil.«Que c’est beau! Que c’est beau! s’écria Conseil.
“Yes,” I said, “it is a wonderful sight. Is it not, Ned?”—Oui! dis-je, c’est un admirable spectacle. N’est-ce pas, Ned?
“Yes, confound it! Yes,” answered Ned Land, “it is superb! I am mad at being obliged to admit it. No one has ever seen anything like it; but the sight may cost us dear. And, if I must say all, I think we are seeing here things which God never intended man to see.”—Eh! mille diables! oui, riposta Ned Land. C’est superbe! Je rage d’être forcé d’en convenir. On n’a jamais rien vu de pareil. Mais ce spectacle-là pourra nous coûter cher. Et, s’il faut tout dire, je pense que nous voyons ici des choses que Dieu à voulu interdire aux regards de l’homme!»
Ned was right, it was too beautiful. Suddenly a cry from Conseil made me turn.

Ned avait raison. C’était trop beau. Tout à coup, un cri de Conseil me fit retourner.
“What is it?” I asked.«Qu’y a-t-il? demandai-je.
“Shut your eyes, sir! Do not look, sir!” Saying which, Conseil clapped his hands over his eyes.—Que monsieur ferme les yeux! que monsieur ne regarde pas!»
Conseil, ce disant, appliquait vivement ses mains sur ses paupières.
“But what is the matter, my boy?”«Mais qu’as-tu, mon garçon?
“I am dazzled, blinded.”—Je suis ébloui, aveuglé!»
My eyes turned involuntarily towards the glass, but I could not stand the fire which seemed to devour them. I understood what had happened. The Nautilus had put on full speed. All the quiet lustre of the ice-walls was at once changed into flashes of lightning. The fire from these myriads of diamonds was blinding. It required some time to calm our troubled looks. At last the hands were taken down.Mes regards se portèrent involontairement vers la vitre, mais je ne pus supporter le feu qui la dévorait.
Je compris ce qui s’était passé. Le Nautilus venait de se mettre en marche à grande vitesse. Tous les éclats tranquilles des murailles de glace s’étaient alors changés en raies fulgurantes. Les feux de ces myriades de diamants se confondaient. Le Nautilus, emporté par son hélice, voyageait dans un fourreau d’éclairs.
Les panneaux du salon se refermèrent alors. Nous tenions nos mains sur nos yeux tout imprégnés de ces lueurs concentriques qui flottent devant la rétine, lorsque les rayons solaires l’ont trop violemment frappée. Il fallut un certain temps pour calmer le trouble de nos regards. Enfin, nos mains s’abaissèrent.
“Faith, I should never have believed it,” said Conseil.«Ma foi, je ne l’aurais jamais cru, dit Conseil.
—Et moi, je ne le crois pas encore! riposta le Canadien.
—Quand nous reviendrons sur terre, ajouta Conseil, blasés sur tant de merveilles de la nature, que penserons-nous de ces misérables continents et des petits ouvrages sortis de la main des hommes! Non! le monde habité n’est plus digne de nous!»
De telles paroles dans la bouche d’un impassible Flamand montrent à quel degré d’ébullition était monté notre enthousiasme. Mais le Canadien ne manqua pas d’y jeter sa goutte d’eau froide.
«Le monde habité! dit il en secouant la tête. Soyez tranquille, ami Conseil, nous n’y reviendrons pas!»
It was then five in the morning; and at that moment a shock was felt at the bows of the Nautilus. I knew that its spur had struck a block of ice. It must have been a false manoeuvre, for this submarine tunnel, obstructed by blocks, was not very easy navigation. I thought that Captain Nemo, by changing his course, would either turn these obstacles or else follow the windings of the tunnel. In any case, the road before us could not be entirely blocked. But, contrary to my expectations, the Nautilus took a decided retrograde motion.Il était alors cinq heures du matin. En ce moment, un choc se produisit à l’avant du Nautilus. Je compris que son éperon venait de heurter un bloc de glace. Ce devait être une fausse manœuvre, car ce tunnel sous-marin, obstrué de blocs, n’offrait pas une navigation facile. Je pensai donc que le capitaine Nemo, modifiant sa route, tournerait ces obstacles ou suivrait les sinuosités du tunnel. En tout cas, la marche en avant ne pouvait être absolument enrayée. Toutefois, contre mon attente, le Nautilus prit un mouvement rétrograde très-prononcé.
“We are going backwards?” said Conseil.«Nous revenons en arrière? dit Conseil.
“Yes,” I replied. “This end of the tunnel can have no egress.”—Oui, répondis-je. Il faut que, de ce côté, le tunnel soit sans issue.
“And then?”—Et alors?…
“Then,” said I, “the working is easy. We must go back again, and go out at the southern opening. That is all.”—Alors, dis-je, la manœuvre est bien simple. Nous retournerons sur nos pas, et nous sortirons par l’orifice sud. Voilà tout.»
In speaking thus, I wished to appear more confident than I really was. But the retrograde motion of the Nautilus was increasing; and, reversing the screw, it carried us at great speed.En parlant ainsi, je voulais paraître plus rassuré que je ne l’étais réellement. Cependant le mouvement rétrograde du Nautilus s’accélérait, et marchant à contre hélice, il nous entraînait avec une grande rapidité.
“It will be a hindrance,” said Ned.«Ce sera un retard, dit Ned.
“What does it matter, some hours more or less, provided we get out at last?”

—Qu’importe, quelques heures de plus ou de moins, pourvu qu’on sorte.
“Yes,” repeated Ned Land, “provided we do get out at last!”—Oui, répéta Ned Land, pourvu qu’on sorte!»
For a short time I walked from the saloon to the library. My companions were silent. I soon threw myself on an ottoman, and took a book, which my eyes overran mechanically. A quarter of an hour after, Conseil, approaching me, said, “Is what you are reading very interesting, sir?”Je me promenai pendant quelques instants du salon à la bibliothèque. Mes compagnons, assis, se taisaient. Je me jetai bientôt sur un divan, et je pris un livre que mes yeux parcoururent machinalement.
Un quart d’heure après, Conseil, s’étant approché de moi, me dit:
«Est-ce bien intéressant ce que lit monsieur?
“Very interesting!” I replied.
—Très-intéressant, répondis-je.
“I should think so, sir. It is your own book you are reading.”
—Je le crois. C’est le livre de monsieur que lit monsieur!
“My book?”—Mon livre?»
And indeed I was holding in my hand the work on the Great Submarine Depths. I did not even dream of it. I closed the book and returned to my walk. Ned and Conseil rose to go.En effet, je tenais à la main l’ouvrage des Grands Fonds sous-marins. Je ne m’en doutais même pas. Je fermai le livre et repris ma promenade. Ned et Conseil se levèrent pour se retirer.
“Stay here, my friends,” said I, detaining them. “Let us remain together until we are out of this block.”«Restez, mes amis, dis-je en les retenant. Restons ensemble jusqu’au moment où nous serons sortis de cette impasse.
“As you please, sir,” Conseil replied.—Comme il plaira à monsieur,» répondit Conseil.
Some hours passed. I often looked at the instruments hanging from the partition. The manometer showed that the Nautilus kept at a constant depth of more than three hundred yards; the compass still pointed to south; the log indicated a speed of twenty miles an hour, which, in such a cramped space, was very great. But Captain Nemo knew that he could not hasten too much, and that minutes were worth ages to us. At twenty-five minutes past eight a second shock took place, this time from behind. I turned pale. My companions were close by my side. I seized Conseil’s hand. Our looks expressed our feelings better than words. At this moment the Captain entered the saloon. I went up to him.Quelques heures s’écoulèrent. J’observais souvent les instruments suspendus à la paroi du salon. Le manomètre indiquait que le Nautilus se maintenait à une profondeur constante de trois cents mètres, la boussole, qu’il se dirigeait toujours au sud, le loch, qu’il marchait avec une vitesse de vingt milles à l’heure, vitesse excessive dans un espace aussi resserré. Mais le capitaine Nemo savait qu’il ne pouvait trop se hâter, et qu’alors, les minutes valaient des siècles.
A huit heures vingt-cinq, un second choc eut lieu. A l’arrière, cette fois. Je pâlis. Mes compagnons s’étaient rapprochés de moi. J’avais saisi la main de Conseil. Nous nous interrogions du regard, et plus directement que si les mots eussent interprété notre pensée.
En ce moment, le capitaine entra dans le salon. J’allai à lui.
“Our course is barred southward?” I asked.«La route est barrée au sud? lui demandai-je.
“Yes, sir. The iceberg has shifted and closed every outlet.”—Oui, monsieur. L’ice-berg en se retournant a fermé toute issue.
“We are blocked up then?”—Nous sommes bloqués?
“Yes.”—Oui.»
CHAPTER XVI
WANT OF AIR
CHAPITRE XVI
FAUTE D’AIR.
Thus around the Nautilus, above and below, was an impenetrable wall of ice. We were prisoners to the iceberg. I watched the Captain. His countenance had resumed its habitual imperturbability.Ainsi, autour du Nautilus, au-dessus, au-dessous, un impénétrable mur de glace. Nous étions prisonniers de la banquise! Le Canadien avait frappé une table de son formidable poing. Conseil se taisait. Je regardai le capitaine. Sa figure avait repris son impassibilité habituelle. Il s’était croisé les bras. Il réfléchissait. Le Nautilus ne bougeait plus.
Le capitaine prit alors la parole:
“Gentlemen,” he said calmly, “there are two ways of dying in the circumstances in which we are placed.” (This puzzling person had the air of a mathematical professor lecturing to his pupils.) “The first is to be crushed; the second is to die of suffocation. I do not speak of the possibility of dying of hunger, fore the supply of provisions in the Nautilus will certainly last longer than we shall. Let us, then, calculate our chances.”«Messieurs, dit-il d’une voix calme, il y a deux manières de mourir dans les conditions où nous sommes.»
Cet inexplicable personnage avait l’air d’un professeur de mathématiques qui fait une démonstration à ses élèves.
«La première, reprit-il, c’est de mourir écrasés. La seconde, c’est de mourir asphyxiés. Je ne parle pas de la possibilité de mourir de faim, car les approvisionnements du Nautilus dureront certainement plus que nous. Préoccupons-nous donc des chances d’écrasement ou d’asphyxie.
“As to suffocation, Captain,” I replied, “that is not to be feared, because our reservoirs are full.”—Quant à l’asphyxie, capitaine, répondis-je, elle n’est pas à craindre, car nos réservoirs sont pleins.
“Just so; but they will only yield two days’ supply of air. Now, for thirty-six hours we have been hidden under the water, and already the heavy atmosphere of the Nautilus requires renewal. In forty-eight hours our reserve will be exhausted.”—Juste, reprit le capitaine Nemo, mais ils ne donneront que deux jours d’air. Or, voilà trente-six heures que nous sommes enfouis sous les eaux, et déjà l’atmosphère alourdie du Nautilus demande à être renouvelée. Dans quarante huit heures, notre réserve sera épuisée.
“Well, Captain, can we be delivered before forty-eight hours?”—Eh bien, capitaine, soyons délivrés avant quarante huit heures!
“We will attempt it, at least, by piercing the wall that surrounds us.”—Nous le tenterons, du moins, en perçant la muraille qui nous entoure.
“On which side?”—De quel côté? demandai-je.
“Sound will tell us. I am going to run the Nautilus aground on the lower bank, and my men will attack the iceberg on the side that is least thick.”—C’est ce que la sonde nous apprendra. Je vais échouer le Nautilus sur le banc inférieur, et mes hommes, revêtus de scaphandres, attaqueront l’ice-berg par sa paroi la moins épaisse.
—Peut-on ouvrir les panneaux du salon?
—Sans inconvénient. Nous ne marchons plus.»
Captain Nemo went out. Soon I discovered by a hissing noise that the water was entering the reservoirs. The Nautilus sank slowly, and rested on the ice at a depth of 350 yards, the depth at which the lower bank was immersed.Le capitaine Nemo sortit. Bientôt des sifflements m’apprirent que l’eau s’introduisait dans les réservoirs. Le Nautilus s’abaissa lentement et reposa sur le fond de glace par une profondeur de trois cent cinquante mètres, profondeur à laquelle était immergé le banc de glace inférieur.
“My friends,” I said, “our situation is serious, but I rely on your courage and energy.”«Mes amis, dis-je, la situation est grave, mais je compte sur votre courage et sur votre énergie.
“Sir,” replied the Canadian, “I am ready to do anything for the general safety.”—Monsieur, me répondit le Canadien, ce n’est pas dans ce moment que je vous ennuierai de mes récriminations. Je suis prêt à tout faire pour le salut commun.
“Good! Ned,” and I held out my hand to the Canadian.—Bien, Ned, dis-je en tendant la main au Canadien.
“I will add,” he continued, “that, being as handy with the pickaxe as with the harpoon, if I can be useful to the Captain, he can command my services.”—J’ajouterai, reprit-il, qu’habile à manier le pic comme le harpon, si je puis être utile au capitaine, il peut disposer de moi.
“He will not refuse your help. Come, Ned!”—Il ne refusera pas votre aide. Venez, Ned.»
I led him to the room where the crew of the Nautilus were putting on their cork-jackets. I told the Captain of Ned’s proposal, which he accepted. The Canadian put on his sea-costume, and was ready as soon as his companions. When Ned was dressed, I re-entered the drawing-room, where the panes of glass were open, and, posted near Conseil, I examined the ambient beds that supported the Nautilus. Some instants after, we saw a dozen of the crew set foot on the bank of ice, and among them Ned Land, easily known by his stature. Captain Nemo was with them.Je conduisis le Canadien à la chambre où les hommes du Nautilus revêtaient leurs scaphandres. Je fis part au capitaine de la proposition de Ned, qui fut acceptée. Le Canadien endossa son costume de mer et fut aussitôt prêt que ses compagnons de travail. Chacun d’eux portait sur son dos l’appareil Rouquayrol auquel les réservoirs avaient fourni un large contingent d’air pur. Emprunt considérable, mais nécessaire, fait à la réserve du Nautilus. Quant aux lampes Ruhmkorff, elles devenaient inutiles au milieu de ces eaux lumineuses et saturées de rayons électriques.
Lorsque Ned fut habillé, je rentrai dans le salon dont les vitres étaient découvertes, et, posté près de Conseil, j’examinai les couches ambiantes qui supportaient le Nautilus.
Quelques instants après, nous voyions une douzaine d’hommes de l’équipage prendre pied sur le banc de glace, et parmi eux Ned Land, reconnaissable à sa haute taille. Le capitaine Nemo était avec eux.
 Before proceeding to dig the walls, he took the soundings, to be sure of working in the right direction. Long sounding lines were sunk in the side walls, but after fifteen yards they were again stopped by the thick wall. It was useless to attack it on the ceiling-like surface, since the iceberg itself measured more than 400 yards in height. Captain Nemo then sounded the lower surface. There ten yards of wall separated us from the water, so great was the thickness of the ice-field. It was necessary, therefore, to cut from it a piece equal in extent to the waterline of the Nautilus. Avant de procéder au creusement des murailles, il fit pratiquer des sondages qui devaient assurer la bonne direction des travaux. De longues sondes furent enfoncées dans les parois latérales; mais après quinze mètres, elles étaient encore arrêtées par l’épaisse muraille. Il était inutile de s’attaquer à la surface plafonnante, puisque c’était la banquise elle-même qui mesurait plus de quatre cents mètres de hauteur. Le capitaine Nemo fit alors sonder la surface inférieure. Là, dix mètres de parois nous séparaient de l’eau. Telle était l’épaisseur de cet ice-field. Dès lors, il s’agissait d’en découper un morceau égal en superficie à la ligne de flottaison du Nautilus.
There were about 6,000 cubic yards to detach, so as to dig a hole by which we could descend to the ice-field. The work had begun immediately and carried on with indefatigable energy. Instead of digging round the Nautilus which would have involved greater difficulty, Captain Nemo had an immense trench made at eight yards from the port-quarter. Then the men set to work simultaneously with their screws on several points of its circumference. Presently the pickaxe attacked this compact matter vigorously, and large blocks were detached from the mass. C’était environ six mille cinq cents mètres cubes à détacher, afin de creuser un trou par lequel nous descendrions au-dessous du champ de glace. Le travail fut immédiatement commencé et conduit avec une infatigable opiniâtreté. Au lieu de creuser autour du Nautilus, ce qui eût entraîné de plus grandes difficultés, le capitaine Nemo fit dessiner l’immense fosse à huit mètres de sa hanche de bâbord. Puis, ses hommes la taraudèrent simultanément sur plusieurs points de sa circonférence. Bientôt, le pic attaqua vigoureusement cette matière compacte, et de gros blocs furent détachés de la masse.
By a curious effect of specific gravity, these blocks, lighter than water, fled, so to speak, to the vault of the tunnel, that increased in thickness at the top in proportion as it diminished at the base. But that mattered little, so long as the lower part grew thinner. After two hours’ hard work, Ned Land came in exhausted. He and his comrades were replaced by new workers, whom Conseil and I joined. The second lieutenant of the Nautilus superintended us. The water seemed singularly cold, but I soon got warm handling the pickaxe.
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Par un curieux effet de pesanteur spécifique, ces blocs, moins lourds que l’eau, s’envolaient pour ainsi dire à la voûte du tunnel, qui s’épaississait par le haut de ce dont il diminuait par le bas. Mais peu importait, du moment que la paroi inférieure s’amincissait d’autant. Après deux heures d’un travail énergique, Ned Land rentra épuisé. Ses compagnons et lui furent remplacés par de nouveaux travailleurs auxquels nous nous joignîmes, Conseil et moi. Le second du Nautilus nous dirigeait.
L’eau me parut singulièrement froide, mais je me réchauffai promptement en maniant le pic.
My movements were free enough, although they were made under a pressure of thirty atmospheres. When I re-entered, after working two hours, to take some food and rest, I found a perceptible difference between the pure fluid with which the Rouquayrol engine supplied me and the atmosphere of the Nautilus, already charged with carbonic acid. The air had not been renewed for forty-eight hours, and its vivifying qualities were considerably enfeebled. However, after a lapse of twelve hours, we had only raised a block of ice one yard thick, on the marked surface, which was about 600 cubic yards!  Mes mouvements étaient très-libres, bien qu’ils se produisissent sous une pression de trente atmosphères.
Quand je rentrai, après deux heures de travail, pour prendre quelque nourriture et quelque repos, je trouvai une notable différence entre le fluide pur que me fournissait l’appareil Rouquayrol et l’atmosphère du Nautilus, déjà chargée d’acide carbonique. L’air n’avait pas été renouvelé depuis quarante-huit heures, et ses qualités vivifiantes étaient considérablement affaiblies. Cependant, en un laps de douze heures, nous n’avions enlevé qu’une tranche de glace épaisse d’un mètre sur la superficie dessinée, soit environ six cents mètres cubes.
Reckoning that it took twelve hours to accomplish this much it would take five nights and four days to bring this enterprise to a satisfactory conclusion. Five nights and four days! And we have only air enough for two days in the reservoirs! “Without taking into account,” said Ned, “that, even if we get out of this infernal prison, we shall also be imprisoned under the iceberg, shut out from all possible communication with the atmosphere.” En admettant que le même travail fût accompli par douze heures, il fallait encore cinq nuits et quatre jours pour mener à bonne fin cette entreprise.
«Cinq nuits et quatre jours! dis-je à mes compagnons, et nous n’avons que pour deux jours d’air dans les réservoirs.
—Sans compter, répliqua Ned, qu’une fois sortis de cette damnée prison, nous serons encore emprisonnés sous la banquise et sans communication possible avec l’atmosphère!»
True enough! Who could then foresee the minimum of time necessary for our deliverance? We might be suffocated before the Nautilus could regain the surface of the waves? Was it destined to perish in this ice-tomb, with all those it enclosed? The situation was terrible. But everyone had looked the danger in the face, and each was determined to do his duty to the last.Réflexion juste. Qui pouvait alors prévoir le minimum de temps nécessaire à notre délivrance? L’asphyxie ne nous aurait-elle pas étouffés avant que le Nautilus eût pu revenir à la surface des flots? Était-il destiné à périr dans ce tombeau de glace avec tous ceux qu’il renfermait? La situation paraissait terrible. Mais chacun l’avait envisagée en face, et tous étaient décidés à faire leur devoir jusqu’au bout.
As I expected, during the night a new block a yard square was carried away, and still further sank the immense hollow. But in the morning when, dressed in my cork-jacket, I traversed the slushy mass at a temperature of six or seven degrees below zero, I remarked that the side walls were gradually closing in. The beds of water farthest from the trench, that were not warmed by the men’s work, showed a tendency to solidification. In presence of this new and imminent danger, what would become of our chances of safety, and how hinder the solidification of this liquid medium, that would burst the partitions of the Nautilus like glass?Suivant mes prévisions, pendant la nuit, une nouvelle tranche d’un mètre fut enlevée à l’immense alvéole. Mais, le matin, quand, revêtu de mon scaphandre, je parcourus la masse liquide par une température de six a sept degrés au-dessous de zéro, je remarquai que les murailles latérales se rapprochaient peu à peu. Les couches d’eau éloignées de la fosse, que n’échauffaient pas le travail des hommes et le jeu des outils, marquaient une tendance à se solidifier. En présence de ce nouveau et imminent danger, que devenaient nos chances de salut, et comment empêcher la solidification de ce milieue liquide, qui eût fait éclater comme du verre les parois du Nautilus?
I did not tell my companions of this new danger. What was the good of damping the energy they displayed in the painful work of escape? But when I went on board again, I told Captain Nemo of this grave complication.Je ne fis point connaître ce nouveau danger à mes deux compagnons. A quoi bon risquer d’abattre cette énergie qu’ils employaient au pénible travail du sauvetage? Mais, lorsque je fus revenu à bord, je fis observer au capitaine Nemo cette grave complication.
“I know it,” he said, in that calm tone which could counteract the most terrible apprehensions. “It is one danger more; but I see no way of escaping it; the only chance of safety is to go quicker than solidification. We must be beforehand with it, that is all.”«Je le sais, me dit-il de ce ton calme que ne pouvaient modifier les plus terribles conjonctures. C’est un danger de plus, mais je ne vois aucun moyen d’y parer. La seule chance de salut, c’est d’aller plus vite que la solidification. Il s’agit d’arriver premiers. Voilà tout.»
Arriver premiers! Enfin, j’aurais dû être habitué à ces façons de parler!
On this day for several hours I used my pickaxe vigorously. The work kept me up. Besides, to work was to quit the Nautilus, and breathe directly the pure air drawn from the reservoirs, and supplied by our apparatus, and to quit the impoverished and vitiated atmosphere. Towards evening the trench was dug one yard deeper. When I returned on board, I was nearly suffocated by the carbonic acid with which the air was filled—ah! if we had only the chemical means to drive away this deleterious gas. We had plenty of oxygen; all this water contained a considerable quantity, and by dissolving it with our powerful piles, it would restore the vivifying fluid. I had thought well over it; but of what good was that, since the carbonic acid produced by our respiration had invaded every part of the vessel? Cette journée, pendant plusieurs heures, je maniai le pic avec opiniâtreté. Ce travail me soutenait. D’ailleurs, travailler, c’était quitter le Nautilus, c’était respirer directement cet air pur emprunté aux réservoirs et fourni par les appareils, c’était abandonner une atmosphère appauvrie et viciée. Vers le soir, la fosse s’était encore creusée d’un mètre. Quand je rentrai à bord, je faillis être asphyxié par l’acide carbonique dont l’air était saturé. Ah! que n’avions nous les moyens chimiques qui eussent permis de chasser ce gaz délétère! L’oxygène ne nous manquait pas. Toute cette eau en contenait une quantité considérable et en la décomposant par nos puissantes piles, elle nous eût restitué le fluide vivifiant. J’y avais bien songé, mais à quoi bon, puisque l’acide carbonique, produit de notre respiration, avait envahi toutes les parties du navire.
To absorb it, it was necessary to fill some jars with caustic potash, and to shake them incessantly. Now this substance was wanting on board, and nothing could replace it. On that evening, Captain Nemo ought to open the taps of his reservoirs, and let some pure air into the interior of the Nautilus; without this precaution we could not get rid of the sense of suffocation. The next day, March 26th, I resumed my miner’s work in beginning the fifth yard. The side walls and the lower surface of the iceberg thickened visibly.Pour l’absorber, il eût fallu remplir des récipients de potasse caustique et les agiter incessamment. Or, cette matière manquait à bord, et rien ne la pouvait remplacer. Ce soir là, le capitaine Nemo dut ouvrir les robinets de ses réservoirs, et lancer quelques colonnes d’air pur à l’intérieur du Nautilus. Sans cette précaution, nous ne nous serions pas réveillés.
Le lendemain, 26 mars, je repris mon travail de mineur en entamant le cinquième mètre. Les parois latérales et la surface inférieure de la banquise s’épaississaient visiblement.
 It was evident that they would meet before the Nautilus was able to disengage itself. Despair seized me for an instant; my pickaxe nearly fell from my hands. What was the good of digging if I must be suffocated, crushed by the water that was turning into stone?—a punishment that the ferocity of the savages even would not have invented! Just then Captain Nemo passed near me. I touched his hand and showed him the walls of our prison. The wall to port had advanced to at least four yards from the hull of the Nautilus. The Captain understood me, and signed me to follow him. We went on board. I took off my cork-jacket and accompanied him into the drawing-room.Il était évident qu’elles se rejoindraient avant que le Nautilus fût parvenu à se dégager. Le désespoir me prit un instant. Mon pic fut près de s’échapper de mes mains. A quoi bon creuser, si je devais périr étouffé, écrasé par cette eau qui se faisait pierre, un supplice que la férocité des sauvages n’eût pas même inventé. Il me semblait que j’étais entre les formidables mâchoires d’un monstre qui se rapprochaient irrésistiblement. En ce moment, le capitaine Nemo, dirigeant le travail, travaillant lui-même, passa près de moi. Je le touchai de la main et lui montrai les parois de notre prison. La muraille de tribord s’était avancée à moins de quatre mètres de la coque du Nautilus.
Le capitaine me comprit et me fit signe de le suivre. Nous rentrâmes à bord. Mon scaphandre ôté, je l’accompagnai dans le salon.
“M. Aronnax, we must attempt some desperate means, or we shall be sealed up in this solidified water as in cement.”«Monsieur Aronnax, me dit-il, il faut tenter quelque héroïque moyen, ou nous allons être scellés dans cette eau solidifiée comme dans du ciment.
“Yes; but what is to be done?”—Oui! dis-je, mais que faire?
“Ah! if my Nautilus were strong enough to bear this pressure without being crushed!”—Ah! s’écria-t-il, si mon Nautilus était assez fort pour supporter cette pression sans en être écrasé?
“Well?” I asked, not catching the Captain’s idea.—Eh bien? demandai-je, ne saisissant pas l’idée du capitaine.
“Do you not understand,” he replied, “that this congelation of water will help us? Do you not see that by its solidification, it would burst through this field of ice that imprisons us, as, when it freezes, it bursts the hardest stones? Do you not perceive that it would be an agent of safety instead of destruction?”—Ne comprenez-vous pas, reprit-il, que cette congélation de l’eau nous viendrait en aide! Ne voyez-vous pas que par sa solidification, elle ferait éclater ces champs de glace qui nous emprisonnent, comme elle fait, en se gelant, éclater les pierres les plus dures! Ne sentez-vous pas qu’elle serait un agent de salut au lieu d’être un agent de destruction!
“Yes, Captain, perhaps. But, whatever resistance to crushing the Nautilus possesses, it could not support this terrible pressure, and would be flattened like an iron plate.”
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—Oui, capitaine, peut-être. Mais quelque résistance à l’écrasement que possède le Nautilus, il ne pourrait supporter cette épouvantable pression et s’aplatirait comme une feuille de tôle.
“I know it, sir. Therefore we must not reckon on the aid of nature, but on our own exertions. We must stop this solidification. Not only will the side walls be pressed together; but there is not ten feet of water before or behind the Nautilus. The congelation gains on us on all sides.”—Je le sais, monsieur. Il ne faut donc pas compter sur les secours de la nature, mais sur nous-mêmes. Il faut s’opposer à cette solidification. Il faut l’enrayer. Non-seulement, les parois latérales se resserrent, mais il ne reste pas dix pieds d’eau à l’avant ou à l’arrière du Nautilus. La congélation nous gagne de tous les côtés.
“How long will the air in the reservoirs last for us to breathe on board?”—Combien de temps, demandai-je, l’air des réservoirs nous permettra-t-il de respirer à bord?»
The Captain looked in my face. “After to-morrow they will be empty!”Le capitaine me regarda en face.
«Après demain, dit-il, les réservoirs seront vides!»
A cold sweat came over me. However, ought I to have been astonished at the answer? On March 22, the Nautilus was in the open polar seas. We were at 26°. For five days we had lived on the reserve on board. And what was left of the respirable air must be kept for the workers. Even now, as I write, my recollection is still so vivid that an involuntary terror seizes me and my lungs seem to be without air. Meanwhile, Captain Nemo reflected silently, and evidently an idea had struck him; but he seemed to reject it. At last, these words escaped his lips:Une sueur froide m’envahit. Et cependant, devais-je m’étonner de cette réponse? Le 22 mars, le Nautilus s’était plongé sous les eaux libres du pôle. Nous étions au 26. Depuis cinq jours, nous vivions sur les réserves du bord! Et ce qui restait d’air respirable, il fallait le conserver aux travailleurs. Au moment où j’écris ces choses, mon impression est tellement vive encore, qu’une terreur involontaire s’empare de tout mon être, et que l’air semble manquer à mes poumons! Cependant, le capitaine Nemo réfléchissait, silencieux, immobile. Visiblement, une idée lui traversait l’esprit. Mais il paraissait la repousser. Il se répondait négativement à lui-même. Enfin, ces mots s’échappèrent de ses lèvres:
“Boiling water!” he muttered.«L’eau bouillante! murmura-t-il.
“Boiling water?” I cried.—L’eau bouillante? m’écriai-je.
“Yes, sir. We are enclosed in a space that is relatively confined. Would not jets of boiling water, constantly injected by the pumps, raise the temperature in this part and stay the congelation?”—Oui, monsieur. Nous sommes renfermés dans un espace relativement restreint. Est-ce que des jets d’eau bouillante, constamment injectée par les pompes du Nautilus, n’élèveraient pas la température de ce milieu et ne retarderaient pas sa congélation?
“Let us try it,” I said resolutely.—Il faut l’essayer, dis-je résolûment.
“Let us try it, Professor.”—Essayons, monsieur le professeur.»
The thermometer then stood at 7° outside. Captain Nemo took me to the galleys, where the vast distillatory machines stood that furnished the drinkable water by evaporation. They filled these with water, and all the electric heat from the piles was thrown through the worms bathed in the liquid. In a few minutes this water reached 100°. It was directed towards the pumps, while fresh water replaced it in proportion. The heat developed by the troughs was such that cold water, drawn up from the sea after only having gone through the machines, came boiling into the body of the pump. The injection was begun, and three hours after the thermometer marked 6° below zero outside. One degree was gained. Two hours later the thermometer only marked 4°.Le thermomètre marquait alors moins sept degrés à l’extérieur. Le capitaine Nemo me conduisit aux cuisines où fonctionnaient de vastes appareils distillatoires qui fournissaient l’eau potable par évaporation. Ils se chargèrent d’eau, et toute la chaleur électrique des piles fut lancée à travers les serpentins baignés par le liquide. En quelques minutes, cette eau avait atteint cent degrés. Elle fut dirigée vers les pompes pendant qu’une eau nouvelle la remplaçait au fur et à mesure. La chaleur développée par les piles était telle que l’eau froide, puisée à lae mer, après avoir seulement traversé les appareils, arrivait bouillante aux corps de pompe.
L’injection commença, et trois heures après, le thermomètre marquait extérieurement six degrés au-dessous de zéro. C’était un degré de gagné. Deux heures plus tard, le thermomètre n’en marquait que quatre.
“We shall succeed,” I said to the Captain, after having anxiously watched the result of the operation.«Nous réussirons, dis-je au capitaine, après avoir suivi et contrôlé par de nombreuses remarques les progrès de l’opération.
“I think,” he answered, “that we shall not be crushed. We have no more suffocation to fear.”—Je le pense, me répondit-il. Nous ne serons pas écrasés. Nous n’avons plus que l’asphyxie à craindre.»
During the night the temperature of the water rose to 1° below zero. The injections could not carry it to a higher point. But, as the congelation of the sea-water produces at least 2°, I was at least reassured against the dangers of solidification.Pendant la nuit, la température de l’eau remonta à un degré au-dessous de zéro. Les injections ne purent la porter à un point plus élevé. Mais comme la congélation de l’eau de mer ne se produit qu’à moins deux degrés, je fus enfin rassuré contre les dangers de la solidification.
The next day, March 27th, six yards of ice had been cleared, twelve feet only remaining to be cleared away. There was yet forty-eight hours’ work. The air could not be renewed in the interior of the Nautilus. And this day would make it worse. An intolerable weight oppressed me. Towards three o’clock in the evening this feeling rose to a violent degree. Yawns dislocated my jaws. Le lendemain, 27 mars, six mètres de glace avaient été arrachés de l’alvéole. Quatre mètres seulement restaient à enlever. C’étaient encore quarante-huit heures de travail. L’air ne pouvait plus être renouvelé à l’intérieur du Nautilus. Aussi, cette journée alla-t-elle toujours en empirant. Une lourdeur intolérable m’accabla. Vers trois heures du soir, ce sentiment d’angoisse fut porté en moi à un degré violent. Des bâillements me disloquaient les mâchoires
My lungs panted as they inhaled this burning fluid, which became rarefied more and more. A moral torpor took hold of me. I was powerless, almost unconscious. My brave Conseil, though exhibiting the same symptoms and suffering in the same manner, never left me. He took my hand and encouraged me, and I heard him murmur, “Oh! if I could only not breathe, so as to leave more air for my master!”
Mes poumons haletaient en cherchant ce fluide comburant, indispensable à la respiration, et qui se raréfiait de plus en plus. Une torpeur morale s’empara de moi. J’étais étendu sans force, presque sans connaissance. Mon brave Conseil, pris des mêmes symptômes, souffrant des mêmes souffrances, ne me quittait pas. Il me prenait la main, il m’encourageait, et je l’entendais encore murmurer:
«Ah! si je pouvais ne pas respirer pour laisser plus d’air à monsieur!»
Tears came into my eyes on hearing him speak thus. If our situation to all was intolerable in the interior, with what haste and gladness would we put on our cork-jackets to work in our turn! Pickaxes sounded on the frozen ice-beds. Our arms ached, the skin was torn off our hands. But what were these fatigues, what did the wounds matter? Vital air came to the lungs! We breathed! we breathed!Les larmes me venaient aux yeux de l’entendre parler ainsi.
Si notre situation, à tous, était intolérable à l’intérieur, avec quelle hâte, avec quel bonheur, nous revêtions nos scaphandres pour travailler à notre tour! Les pics résonnaient sur la couche glacée. Les bras se fatiguaient, les mains s’écorchaient, mais qu’étaient ces fatigues, qu’importaient ces blessures! L’air vital arrivait aux poumons! On respirait! On respirait!
All this time no one prolonged his voluntary task beyond the prescribed time. His task accomplished, each one handed in turn to his panting companions the apparatus that supplied him with life. Captain Nemo set the example, and submitted first to this severe discipline. When the time came, he gave up his apparatus to another and returned to the vitiated air on board, calm, unflinching, unmurmuring.Et cependant, personne ne prolongeait au delà du temps voulu son travail sous les eaux. Sa tâche accomplie, chacun remettait à ses compagnons haletants le réservoir qui devait lui verser la vie. Le capitaine Nemo donnait l’exemple et se soumettait le premier à cette sévère discipline. L’heure arrivée, il cédait son appareil à un autre et rentrait dans l’atmosphère viciée du bord, toujours calme, sans une défaillance, sans un murmure.
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On that day the ordinary work was accomplished with unusual vigour. Only two yards remained to be raised from the surface. Two yards only separated us from the open sea. But the reservoirs were nearly emptied of air. The little that remained ought to be kept for the workers; not a particle for the Nautilus. When I went back on board, I was half suffocated. What a night! I know not how to describe it. The next day my breathing was oppressed. Dizziness accompanied the pain in my head and made me like a drunken man. My companions showed the same symptoms. Some of the crew had rattling in the throat.Ce jour-là, le travail habituel fut accompli avec plus de vigueur encore. Deux mètres seulement restaient à enlever sur toute la superficie. Deux mètres seulement nous séparaient de la mer libre. Mais les réservoirs étaient presque vides d’air. Le peu qui restait devait être conservé aux travailleurs. Pas un atome pour le Nautilus!
Lorsque je rentrai à bord, je fus à demi-suffoqué. Quelle nuit! Je ne saurais la peindre. De telles souffrances ne peuvent être décrites. Le lendemain, ma respiration était oppressée. Aux douleurs de tête se mêlaient d’étourdissants vertiges qui faisaient de moi un homme ivre. Mes compagnons éprouvaient les mêmes symptômes. Quelques hommes de l’équipage râlaient.
On that day, the sixth of our imprisonment, Captain Nemo, finding the pickaxes work too slowly, resolved to crush the ice-bed that still separated us from the liquid sheet. This man’s coolness and energy never forsook him. He subdued his physical pains by moral force.Ce jour-là, le sixième de notre emprisonnement, le capitaine Nemo, trouvant trop lents la pioche et le pic, résolut d’écraser la couche de glaces qui nous séparait encore de la nappe liquide. Cet homme avait conservé son sang froid et son énergie. Il domptait par sa force morale les douleurs physiques. Il pensait, il combinait, il agissait.
By his orders the vessel was lightened, that is to say, raised from the ice-bed by a change of specific gravity. When it floated they towed it so as to bring it above the immense trench made on the level of the water-line. Then, filling his reservoirs of water, he descended and shut himself up in the hole.D’après son ordre, le bâtiment fut soulagé, c’est-à-dire soulevé de la couche glacée par un changement de pesanteur spécifique. Lorsqu’il flotta on le hâla de manière à l’amener au-dessus de l’immense fosse dessinée suivant sa ligne de flottaison. Puis, ses réservoirs d’eau s’emplissant, il descendit et s’emboîta dans l’alvéole.
Just then all the crew came on board, and the double door of communication was shut. The Nautilus then rested on the bed of ice, which was not one yard thick, and which the sounding leads had perforated in a thousand places. The taps of the reservoirs were then opened, and a hundred cubic yards of water was let in, increasing the weight of the Nautilus to 1,800 tons. We waited, we listened, forgetting our sufferings in hope. Our safety depended on this last chance. Notwithstanding the buzzing in my head, I soon heard the humming sound under the hull of the Nautilus. The ice cracked with a singular noise, like tearing paper, and the Nautilus sank.En ce moment, tout l’équipage rentra à bord, et la double porte de communication fut fermée. Le Nautilus reposait alors sur la couche de glace qui n’avait pas un mètre d’épaisseur et que les sondes avaient trouée en mille endroits.
Les robinets des réservoirs furent alors ouverts en grand et cent mètres cubes d’eau s’y précipitèrent, accroissant de cent mille kilogrammes le poids du Nautilus.
Nous attendions, nous écoutions, oubliant nos souffrances, espérant encore. Nous jouions notre salut sur un dernier coup.
Malgré les bourdonnements qui emplissaient ma tête, j’entendis bientôt des frémissements sous la coque du Nautilus. Un dénivellement se produisit. La glace craqua avec un fracas singulier, pareil à celui du papier qui se déchire, et le Nautilus s’abaissa.
“We are off!” murmured Conseil in my ear.«Nous passons!» murmura Conseil à mon oreille.
I could not answer him. I seized his hand, and pressed it convulsively. All at once, carried away by its frightful overcharge, the Nautilus sank like a bullet under the waters, that is to say, it fell as if it was in a vacuum. Then all the electric force was put on the pumps, that soon began to let the water out of the reservoirs. After some minutes, our fall was stopped. Soon, too, the manometer indicated an ascending movement. The screw, going at full speed, made the iron hull tremble to its very bolts and drew us towards the north. But if this floating under the iceberg ise to last another day before we reach the open sea, I shall be dead first.Je ne pus lui répondre. Je saisis sa main. Je la pressai dans une convulsion involontaire.
Tout-à-coup, emporté par son effroyable surcharge, le Nautilus s’enfonça comme un boulet sous les eaux, c’est-à-dire qu’il tomba comme il eût fait dans le vide!
Alors toute la force électrique fut mise sur les pompes qui aussitôt commencèrent à chasser l’eau des réservoirs. Après quelques minutes, notre chute fut enrayée. Bientôt même, le manomètre indiqua un mouvement ascensionnel. L’hélice, marchant à toute vitesse, fit tressaillir la coque de tôle jusque dans ses boulons, et nous entraîna vers le nord.
Mais que devait durer cette navigation sous la banquise jusqu’à la mer libre? Un jour encore? Je serais mort avant!
Half stretched upon a divan in the library, I was suffocating. My face was purple, my lips blue, my faculties suspended. I neither saw nor heard. All notion of time had gone from my mind. My muscles could not contract. I do not know how many hours passed thus, but I was conscious of the agony that was coming over me. I felt as if I was going to die. Suddenly I came to. Some breaths of air penetrated my lungs. Had we risen to the surface of the waves? Were we free of the iceberg? No! Ned and Conseil, my two brave friends, were sacrificing themselves to save me. Some particles of air still remained at the bottom of one apparatus.A demi étendu sur un divan de la bibliothèque, je suffoquais. Ma face était violette, mes lèvres bleues, mes facultés suspendues. Je ne voyais plus, je n’entendais plus. La notion du temps avait disparu de mon esprit. Mes muscles ne pouvaient se contracter.
Les heures qui s’écoulèrent ainsi, je ne saurais les évaluer. Mais j’eus la conscience de mon agonie qui commençait. Je compris que j’allais mourir…
Soudain je revins à moi. Quelques bouffées d’air pénétraient dans mes poumons. Étions-nous remontés à la surface des flots? Avions-nous franchi la banquise?
Non! C’étaient Ned et Conseil, mes deux braves amis, qui se sacrifiaient pour me sauver. Quelques atomes d’air restaient encore au fond d’un appareil.
Instead of using it, they had kept it for me, and, while they were being suffocated, they gave me life, drop by drop. I wanted to push back the thing; they held my hands, and for some moments I breathed freely. I looked at the clock; it was eleven in the morning. It ought to be the 28th of March. The Nautilus went at a frightful pace, forty miles an hour. It literally tore through the water. Where was Captain Nemo? Had he succumbed? Were his companions dead with him? At the moment the manometer indicated that we were not more than twenty feet from the surface. A mere plate of ice separated us from the atmosphere.  Au lieu de le respirer, ils l’avaient conservé pour moi, et, tandis qu’il suffoquaient, ils me versaient la vie goutte à goutte! Je voulus repousser l’appareil. Ils me tinrent les mains, et pendant quelques instants, je respirai avec volupté.
Mes regards se portèrent vers l’horloge. Il était onze heures du matin. Nous devions être au 28 mars. Le Nautilus marchait avec une vitesse effrayante de quarante milles à l’heure. Il se tordait dans les eaux.
Où était le capitaine Nemo? Avait-il succombé? Ses compagnons étaient-ils morts avec lui?
En ce moment, le manomètre indiqua que nous n’étions plus qu’à vingt pieds de la surface. Un simple champ de glace nous séparait de l’atmosphère.
 Could we not break it? Perhaps. In any case the Nautilus was going to attempt it. I felt that it was in an oblique position, lowering the stern, and raising the bows. The introduction of water had been the means of disturbing its equilibrium. Then, impelled by its powerful screw, it attacked the ice-field from beneath like a formidable battering-ram. It broke it by backing and then rushing forward against the field, which gradually gave way; and at last, dashing suddenly against it, shot forwards on the ice-field, that crushed beneath its weight. The panel was opened—one might say torn off—and the pure air came in in abundance to all parts of the Nautilus.Ne pouvait-on le briser?
Peut-être! En tout cas, le Nautilus allait le tenter. Je sentis, en effet, qu’il prenait une position oblique, abaissant son arrière et relevant son éperon. Une introduction d’eau avait suffi pour rompre son équilibre. Puis, poussé par sa puissante hélice, il attaqua l’ice-field par en-dessous comme un formidable bélier. Il le crevait peu à peu, se retirait, donnait à toute vitesse contre le champ qui se déchirait, et enfin, emporté par un élan suprême, il s’élança sur la surface glacée qu’il écrasa de son poids.
Le panneau fut ouvert, on pourrait dire arraché, et l’air pur s’introduisit à flots dans toutes les parties du Nautilus.
CHAPTER XVII
FROM CAPE HORN TO THE AMAZON
CHAPITRE XVII
DU CAP HORN A L’AMAZONE.
How I got on to the platform, I have no idea; perhaps the Canadian had carried me there. But I breathed, I inhaled the vivifying sea-air. My two companions were getting drunk with the fresh particles. The other unhappy men had been so long without food, that they could not with impunity indulge in the simplest aliments that were given them. We, on the contrary, had no end to restrain ourselves; we could draw this air freely into our lungs, and it was the breeze, the breeze alone, that filled us with this keen enjoyment.Comment étais-je sur la plate-forme, je ne saurais le dire. Peut-être le Canadien m’y avait-il transporté. Mais je respirais, je humais l’air vivifiant de la mer. Mes deux compagnons s’enivraient près de moi de ces fraîches molécules. Les malheureux, trop longtemps privés de nourriture, ne peuvent se jeter inconsidérément sur les premiers aliments qu’on leur présente. Nous, au contraire, nous n’avions pas à nous modérer, nous pouvions aspirer à pleins poumons les atomes de cette atmosphère, et c’était la brise, la brise elle-même qui nous versait cette voluptueuse ivresse!
“Ah!” said Conseil, “how delightful this oxygen is! Master need not fear to breathe it. There is enough for everybody.”«Ah! faisait Conseil, que c’est bon, l’oxygène! Que monsieur ne craigne pas de respirer. Il y en a pour tout le monde.»
Ned Land did not speak, but he opened his jaws wide enough to frighten a shark. Our strength soon returned, and, when I looked round me, I saw we were alone on the platform. The foreign seamen in the Nautilus were contented with the air that circulated in the interior; none of them had come to drink in the open air.Quant à Ned Land, il ne parlait pas, mais il ouvrait des mâchoires à effrayer un requin. Et quelles puissantes aspirations! Le Canadien «tirait» comme un poële en pleine combustion.
Les forces nous revinrent promptement, et, lorsque je regardai autour de moi, je vis que nous étions seuls sur la plate-forme. Aucun homme de l’équipage. Pas même le capitaine Nemo. Les étranges marins du Nautilus se contentaient de l’air qui circulait à l’intérieur. Aucun n’était venu se délecter en pleine atmosphère.
The first words I spoke were words of gratitude and thankfulness to my two companions. Ned and Conseil had prolonged my life during the last hours of this long agony. All my gratitude could not repay such devotion.Les premières paroles que je prononçai furent des paroles de remerciements et de gratitude pour mes deux compagnons. Ned et Conseil avaient prolongé mon existence pendant les dernières heures de cette longue agonie. Toute ma reconnaissance ne pouvait payer trop un tel dévouement.
«Bon! monsieur le professeur, me répondit Ned Land, cela ne vaut pas la peine d’en parler! Quel mérite avons-nous eu à cela? Aucun. Ce n’était qu’une question d’arithmétique. Votre existence valait plus que la nôtre. Donc il fallait la conserver.
—Non, Ned, répondis-je, elle ne valait pas plus. Personne n’est supérieur à un homme généreux et bon, et vous l’êtes!
—C’est bien! c’est bien! répétait le Canadien embarrassé. Et toi, mon brave Conseil, tu as bien souffert.
—Mais pas trop, pour tout dire à monsieur. Il me manquait bien quelques gorgées d’air, mais je crois que je m’y serais fait. D’ailleurs, je regardais monsieur qui se pâmait et cela ne me donnait pas la moindre envie de respirer. Cela me coupait, comme on dit, le respir…»
Conseil, confus de s’être jeté dans la banalité, n’acheva pas.
“My friends,” said I, “we are bound one to the other for ever, and I am under infinite obligations to you.”«Mes amis, répondis-je vivement ému, nous sommes liés les uns aux autres pour jamais, et vous avez sur moi des droits…
“Which I shall take advantage of,” exclaimed the Canadian.—Dont j’abuserai, riposta le Canadien.
“What do you mean?” said Conseil.—Hein? fit Conseil.
“I mean that I shall take you with me when I leave this infernal Nautilus.”—Oui, reprit Ned Land, le droit de vous entraîner avec moi, quand je quitterai cet infernal Nautilus.
“Well,” said Conseil, “after all this, are we going right?”—Au fait, dit Conseil, allons-nous du bon côté?
“Yes,” I replied, “for we are going the way of the sun, and here the sun is in the north.”—Oui, répondis-je, puisque nous allons du côté du soleil, et ici le soleil, c’est le nord.
“No doubt,” said Ned Land; “but it remains to be seen whether he will bring the ship into the Pacific or the Atlantic Ocean, that is, into frequented or deserted seas.”—Sans doute, reprit Ned Land, mais il reste à savoir si nous rallions le Pacifique ou l’Atlantique, c’est-à-dire les mers fréquentées ou désertes.»
I could not answer that question, and I feared that Captain Nemo would rather take us to the vast ocean that touches the coasts of Asia and America at the same time. He would thus complete the tour round the submarine world, and return to those waters in which the Nautilus could sail freely. We ought, before long, to settle this important point. The Nautilus went at a rapid pace. The polar circle was soon passed, and the course shaped for Cape Horn. 
A cela je ne pouvais répondre, et je craignais que le capitaine Nemo ne nous ramenât plutôt vers ce vaste Océan qui baigne à la fois les côtes de l’Asie et de l’Amérique. Il compléterait ainsi son tour du monde sous-marin, et reviendrait vers ces mers où le Nautilus trouvait la plus entière indépendance. Mais si nous retournions au Pacifique, loin de toute terre habitée, que devenaient les projets de Ned Land?
Nous devions, avant peu, être fixés sur ce point important. Le Nautilus marchaite rapidement. Le cercle polaire fut bientôt franchi, et le cap mis sur le promontoire de Horn.
 We were off the American point, March 31st, at seven o’clock in the evening. Then all our past sufferings were forgotten. The remembrance of that imprisonment in the ice was effaced from our minds. We only thought of the future. Captain Nemo did not appear again either in the drawing-room or on the platform. Nous étions par le travers de la pointe américaine, le 31 mars, à sept heures du soir.
Alors toutes nos souffrances passées étaient oubliées. Le souvenir de cet emprisonnement dans les glaces s’effaçait de notre esprit. Nous ne songions qu’à l’avenir. Le capitaine Nemo ne paraissait plus, ni dans le salon, ni sur la plate-forme.
The point shown each day on the planisphere, and, marked by the lieutenant, showed me the exact direction of the Nautilus. Now, on that evening, it was evident, to, my great satisfaction, that we were going back to the North by the Atlantic. Le point reporté chaque jour sur le planisphère et fait par le second me permettait de relever la direction exacte du Nautilus. Or, ce soir là, il devint évident, à ma grande satisfaction, que nous revenions au nord par la route de l’Atlantique.
J’appris au Canadien et à Conseil le résultat de mes observations.
«Bonne nouvelle, répondit le Canadien, mais où va le Nautilus?
—Je ne saurais le dire, Ned.
—Son capitaine voudrait-il, après le pôle sud, affronter le pôle nord, et revenir au Pacifique par le fameux passage du nord-ouest?
—Il ne faudrait pas l’en défier, répondit Conseil.
—Eh bien, dit le Canadien, nous lui fausserons compagnie auparavant.
—En tout cas, ajouta Conseil, c’est un maître homme que ce capitaine Nemo, et nous ne regretterons pas de l’avoir connu.
—Surtout quand nous l’aurons quitté!» riposta Ned Land.
The next day, April 1st, when the Nautilus ascended to the surface some minutes before noon, we sighted land to the west. Le lendemain, premier avril, lorsque le Nautilus remonta à la surface des flots, quelques minutes avant midi, nous eûmes connaissance d’une côte à l’ouest.
 It was Terra del Fuego, which the first navigators named thus from seeing the quantity of smoke that rose from the natives’ huts. The coast seemed low to me, but in the distance rose high mountains. I even thought I had a glimpse of Mount Sarmiento, that rises 2,070 yards above the level of the sea, with a very pointed summit, which, according as it is misty or clear, is a sign of fine or of wet weather. At this moment the peak was clearly defined against the sky. C’était la Terre du Feu, à laquelle les premiers navigateurs donnèrent ce nom en voyant les fumées nombreuses qui s’élevaient des huttes indigènes. Cette Terre du Feu forme une vaste agglomération d’îles qui s’étend sur trente lieues de long et quatre-vingts lieues de large, entre 53° et 56° de latitude australe, et 67° 50′ et 77° 15′ de longitude ouest. La côte me parut basse, mais au loin se dressaient de hautes montagnes. Je crus même entrevoir le mont Sarmiento, élevé de deux mille soixante-dix mètres au-dessus du niveau de la mer, bloc pyramidal de schiste, à sommet très-aigu, qui, suivant qu’il est voilé ou dégagé de vapeurs, «annonce le beau ou le mauvais temps,» me dit Ned Land.
«Un fameux baromètre, mon ami.
—Oui, monsieur, un baromètre naturel, qui ne m’a jamais trompé quand je naviguais dans les passes du détroit de Magellan.»
En ce moment, ce pic nous parut nettement découpé sur le fond du ciel.
C’était un présage de beau temps. Il se réalisa.
The Nautilus, diving again under the water, approached the coast, which was only some few miles off. From the glass windows in the drawing-room, I saw long seaweeds and gigantic fuci and varech, of which the open polar sea contains so many specimens, with their sharp polished filaments; they measured about 300 yards in length—real cables, thicker than one’s thumb; and, having great tenacity, they are often used as ropes for vessels. Another weed known as velp, with leaves four feet long, buried in the coral concretions, hung at the bottom. It served as nest and food for myriads of crustacea and molluscs, crabs, and cuttlefish. There seals and otters had splendid repasts, eating the flesh of fish with sea-vegetables, according to the English fashion.Le Nautilus, rentré sous les eaux, se rapprocha de la côte qu’il prolongea à quelques milles seulement. Par les vitres du salon, je vis de longues lianes, et des fucus gigantesques, ces varechs porte-poires, dont la mer libre du pôle renfermait quelques échantillons; avec leurs filaments visqueux et polis, ils mesuraient jusqu’à trois cents mètres de longueur; véritables câbles, plus gros que le pouce, très-résistants, ils servent souvent d’amarres aux navires. Une autre herbe, connue sous le nom de velp, à feuilles longues de quatre pieds, empâtées dans les concrétions coralligènes, tapissait les fonds. Elle servait de nid et de nourriture à des myriades de crustacés et de mollusques, des crabes, des seiches. Là, les phoques et les loutres se livraient à de splendides repas, mélangeant la chair du poisson et les légumes de la mer, suivant la méthode anglaise.
 Over this fertile and luxuriant ground the Nautilus passed with great rapidity. Towards evening it approached the Falkland group, the rough summits of which I recognised the following day. The depth of the sea was moderate.Sur ces fonds gras et luxuriants, le Nautilus passait avec une extrême rapidité. Vers le soir, il se rapprocha de l’archipel des Malouines, dont je pus, le lendemain, reconnaître les âpres sommets. La profondeur de la mer était médiocre.
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Je pensai donc, non sans raison, que ces deux îles, entourées d’un grand nombre d’îlots, faisaient autrefois partie des terres magellaniques. Les Malouines furent probablement découvertes par le célèbre John Davis, qui leur imposa le nom de Davis-Southern Islands. Plus tard, Richard Hawkins les appela Maiden-Islands, îles de la Vierge. Elles furent ensuite nommée Malouines, au commencement du dix-huitième siècle, par des pêcheurs de Saint-Malo, et enfin Falkland par les Anglais auxquels elles appartiennent aujourd’hui.
On the shores our nets brought in beautiful specimens of sea weed, and particularly a certain fucus, the roots of which were filled with the best mussels in the world. Geese and ducks fell by dozens on the platform, and soon took their places in the pantry on board.Sur ces parages, nos filets rapportèrent de beaux spécimens d’algues, et particulièrement un certain fucus dont les racines étaient chargées de moules qui sont les meilleures du monde. Des oies et des canards s’abattirent par douzaines sur la plate-forme et prirent place bientôt dans les offices du bord.
En fait de poissons, j’observai spécialement des osseux appartenant au genre gobie, et surtout des boulerots, longs de deux décimètres, tout parsemés de taches blanchâtres et jaunes.
J’admirai également de nombreuses méduses, et les plus belles du genre, les chrysaores particulières aux mers des Malouines. Tantôt elles figuraient une ombrelle demi-sphérique très-lisse, rayée de lignes d’un rouge brun et terminée par douze festons réguliers; tantôt c’était une corbeille renversée d’où s’échappaient gracieusement de larges feuilles et de longues ramilles rouges. Elles nageaient en agitant leurs quatre bras foliacés et laissaient pendre à la dérive leur opulente chevelure de tentacules. J’aurais voulu conserver quelques échantillons de ces délicats zoophytes; mais ce ne sont que dese nuages, des ombres, des apparences, qui fondent et s’évaporent hors de leur élément natal.
When the last heights of the Falklands had disappeared from the horizon, the Nautilus sank to between twenty and twenty-five yards, and followed the American coast. Captain Nemo did not show himself. Until the 3rd of April we did not quit the shores of Patagonia, sometimes under the ocean, sometimes at the surface. The Nautilus passed beyond the large estuary formed by the Uraguay. Its direction was northwards, and followed the long windings of the coast of South America. Lorsque les dernières hauteurs des Malouines eurent disparu sous l’horizon, le Nautilus s’immergea entre vingt et vingt-cinq mètres et suivit la côte américaine. Le capitaine Nemo ne se montrait pas. Jusqu’au 3 avril, nous ne quittâmes pas les parages de la Patagonie, tantôt sous l’Océan, tantôt à sa surface. Le Nautilus dépassa le large estuaire formé par l’embouchure de la Plata, et se trouva, le 4 avril, par le travers de l’Uruguay, mais à cinquante milles au large. Sa direction se maintenait au nord, et il suivait les longues sinuosités de l’Amérique méridionale.
We had then made 1,600 miles since our embarkation in the seas of Japan. About eleven o’clock in the morning the Tropic of Capricorn was crossed on the thirty-seventh meridian, and we passed Cape Frio standing out to sea. Captain Nemo, to Ned Land’s great displeasure, did not like the neighbourhood of the inhabited coasts of Brazil, for we went at a giddy speed. Not a fish, not a bird of the swiftest kind could follow us, and the natural curiosities of these seas escaped all observation.Nous avions fait alors seize mille lieues depuis notre embarquement dans les mers du Japon. Vers onze heures du matin, le tropique du Capricorne fut coupé sur le trente-septième méridien, et nous passâmes au large du cap Frio. Le capitaine Nemo, au grand déplaisir de Ned Land, n’aimait pas le voisinage de ces côtes habitées du Brésil, car il marchait avec une vitesse vertigineuse. Pas un poisson, pas un oiseau, des plus rapides qui soient, ne pouvaient nous suivre, et les curiosités naturelles de ces mers échappèrent à toute observation.
This speed was kept up for several days, and in the evening of the 9th of April we sighted the most westerly point of South America that forms Cape San Roque. But then the Nautilus swerved again, and sought the lowest depth of a submarine valley which is between this Cape and Sierra Leone on the African coast. This valley bifurcates to the parallel of the Antilles, and terminates at the mouth by the enormous depression of 9,000 yards. In this place, the geological basin of the ocean forms, as far as the Lesser Antilles, a cliff to three and a half miles perpendicular in height, and, at the parallel of the Cape Verde Islands, an other wall not less considerable, that encloses thus all the sunk continent of the Atlantic. Cette rapidité se soutint pendant plusieurs jours, et le 9 avril, au soir, nous avions connaissance de la pointe la plus orientale de l’Amérique du Sud qui forme le cap San-Roque. Mais alors le Nautilus s’écarta de nouveau, et il alla chercher à de plus grandes profondeurs une vallée sous-marine qui se creuse entre ce cap et Sierra Leone sur la côte africaine. Cette vallée se bifurque à la hauteur des Antilles et se termine au nord par une énorme dépression de neuf mille mètres. En cet endroit, la coupe géologique de l’Océan figure jusqu’aux petites Antilles une falaise de six kilomètres, taillée à pic, et, à la hauteur des îles du cap Vert, une autre muraille non moins considérable, qui enferment ainsi tout le continent immergé de l’Atlantide.
The bottom of this immense valley is dotted with some mountains, that give to these submarine places a picturesque aspect. I speak, moreover, from the manuscript charts that were in the library of the Nautilus—charts evidently due to Captain Nemo’s hand, and made after his personal observations. For two days the desert and deep waters were visited by means of the inclined planes. The Nautilus was furnished with long diagonal broadsides which carried it to all elevations. But on the 11th of April it rose suddenly, and land appeared at the mouth of the Amazon River, a vast estuary, the embouchure of which is so considerable that it freshens the sea-water for the distance of several leagues.Le fond de cette immense vallée est accidenté de quelques montagnes qui ménagent de pittoresques aspects à ces fonds sous-marins. J’en parle surtout d’après les cartes manuscrites que contenait la bibliothèque du Nautilus, cartes évidemment dues à la main du capitaine Nemo et levées sur ses observations personnelles.
Pendant deux jours, ces eaux désertes et profondes furent visitées au moyen des plans inclinés. Le Nautilus fournissait de longues bordées diagonales qui le portaient à toutes les hauteurs. Mais, le 11 avril, il se releva subitement, et la terre nous réapparut à l’ouvert du fleuve des Amazones, vaste estuaire dont le débit est si considérable qu’il dessale la mer sur un espace de plusieurs lieues.
The equator was crossed. Twenty miles to the west were the Guianas, a French territory, on which we could have found an easy refuge; but a stiff breeze was blowing, and the furious waves would not have allowed a single boat to face them. Ned Land understood that, no doubt, for he spoke not a word about it. For my part, I made no allusion to his schemes of flight, for I would not urge him to make an attempt that must inevitably fail. I made the time pass pleasantly by interesting studies. During the days of April 11th and 12th, the Nautilus did not leave the surface of the sea, and the net brought in a marvellous haul of Zoophytes, fish and reptiles. Some zoophytes had been fished up by the chain of the nets; they were for the most part beautiful phyctallines, belonging to the actinidian family, and among other species the phyctalis protexta, peculiar to that part of the ocean, with a little cylindrical trunk, ornamented L’Équateur était coupé. A vingt milles dans l’ouest restaient les Guyanes, une terre française sur laquelle nous eussions trouvé un facile refuge. Mais le vent soufflait en grande brise, et les lames furieuses n’auraient pas permis à un simple canot de les affronter. Ned Land le comprit sans doute, car il ne me parla de rien. De mon côté, je ne fis aucune allusion à ses projets de fuite, car je ne voulais pas le pousser à quelque tentative qui eût infailliblement avorté.
Je me dédommageai facilement de ce retard par d’intéressantes études. Pendant ces deux journées des 11 et 12 avril, le Nautilus ne quitta pas la surface de la mer, et son chalut lui ramena toute une pêche miraculeuse en zoophytes, en poissons et en reptiles.
Quelques zoophytes avaient été dragués par la chaîne des chaluts. C’étaient, pour la plupart, de belles phyctallines, appartenant à la famille des actinidiens, et entre autres espèces, le phyctalis protexta, originaire de cette partie de l’Océan, petit tronc cylindrique,
With vertical lines, speckled with red dots, crowning a marvellous blossoming of tentacles. As to the molluscs, they consisted of some I had already observed—turritellas, olive porphyras, with regular lines intercrossed, with red spots standing out plainly against the flesh; odd pteroceras, like petrified scorpions; translucid hyaleas, argonauts, cuttle-fish (excellent eating), and certain species of calmars that naturalists of antiquity have classed amongst the flying-fish, and that serve principally for bait for cod-fishing. I had now an opportunity of studying several species of fish on these shores. Amongst the cartilaginous ones, petromyzons-pricka, a sort of eel, fifteen inches long, with a greenish head, violet fins, grey-blue back, brown belly, silvered and sown with bright spots, the pupil of the eye encircled with gold—a curious animal, that the current of the Amazon had drawn to the sea, for they inhabit fresh waters—tuberculated streaks, with pointed snouts, and a long loose tail, armed with a long jagged sting; little sharks, a yard long, grey and whitish skin, and several rows of teeth, bent back, that are generally known by the name of pantouffles; vespertilios, a kind of red isosceles triangle, half a yard long, to which pectorals are attached by fleshy prolongations that make them look like bats, but that their horny appendage, situated near the nostrils, has given them the name of sea-unicorns; lastly, some species of balistae, the curassavian, whose spots were of a brilliant gold colour, and the capriscus of clear violet, and with varying shades like a pigeon’s throat.agrémenté de lignes verticales et tacheté de points rouges que couronne un merveilleux épanouissement de tentacules. Quant aux mollusques, ils consistaient en produits que j’avais déjà observés, des turritelles, des olives-porphyres, à lignes régulièrement entrecroisées dont les taches rousses se relevaient vivement sur un fond de chair, des ptérocères fantaisistes, semblables à des scorpions pétrifiés, des hyales translucides, des argonautes, des seiches excellentes à manger, et certaines espèces de calmars, que les naturalistes de l’antiquité classaient parmi les poissons-volants, et qui servent principalement d’appât pour la pêche de la morue. Des poissons de ces parages que je n’avais pas encore eu l’occasion d’étudier, je notai diverses espèces. Parmi les cartilagineux: des pétromizons-pricka, sortes d’anguilles, longues de quinze pouces, tête verdâtre, nageoires violettes, dos gris bleuâtre, ventre brun argenté semé de taches vives, iris des yeux cerclé d’or, curieux animaux que le courant de l’Amazone avait dû entraîner jusqu’en mer, car ils habitent les eaux douces; des raies tuberculées, à museau pointu, à queue longue et déliée, armées d’un long aiguillon dentelé; de petits squales d’un mètre, gris et blanchâtres de peau, dont les dents, disposées sur plusieurs rangs, se recourbent en arrière, et qui sont vulgairement connus sous le nom de pantouffliers; des lophies-vespertillions, sortes de triangles isocèles rougeâtres, d’un demi-mètre, auxquels les pectorales tiennent par des prolongations charnues qui leur donnent l’aspect de chauves-souris, mais que leur appendice corné, situé près des narines, a fait surnommer licornes de mer; enfin quelques espèces de batistes, le curassavien dont les flancs pointillés brillent d’une éclatante couleur d’or, et le caprisque violet-clair, à nuances chatoyantes comme la gorge d’un pigeon.
I end here this catalogue, which is somewhat dry perhaps, but very exact, with a series of bony fish that I observed in passing belonging to the apteronotes, and whose snout is white as snow, the body of a beautiful black, marked with a very long loose fleshy strip; odontognathes, armed with spikes; sardines nine inches long, glittering with a bright silver light; a species of mackerel provided with two anal fins; centronotes of a blackish tint, that are fished for with torches, long fish, two yards in length, with fat flesh, white and firm, which, when they arc fresh, taste like eel, and when dry, like smoked salmon; labres, half red, covered with scales only at the bottom of the dorsal and anal fins; chrysoptera, on which gold and silver blend their brightness with that of the ruby and topaz; golden-tailed spares, the flesh of which is extremely delicate, and whose phosphorescent properties betray them in the midst of the waters; orange-coloured spares with long tongues; maigres, with gold caudal fins, dark thorn-tails, anableps of Surinam, etc.Je termine là cette nomenclature un peu sèche, mais très-exacte, par la série des poissons osseux que j’observai: passans, appartenant au genre des aptéronotes, dont le museau est très-obtus et blanc de neige, le corps peint d’un beau noir, et qui sont munis d’une lanière charnue très-longue et très-déliée; odontagnathes aiguillonnés, longues sardines de trois décimètres, resplendissant d’un vife éclat argenté; scombres-guares, pourvus de deux nageoires anales; centronotes-nègres, à teintes noires, que l’on pêche avec des brandons, longs poissons de deux mètres, à chair grasse, blanche, ferme, qui, frais, ont le goût de l’anguille, et secs, le goût du saumon fumé; labres demi-rouges, revêtus d’écailles seulement à la base des nageoires dorsales et anales; chrysoptères, sur lesquels l’or et l’argent mêlent leur éclat à ceux du rubis et de la topaze; spares-queues-d’or, dont la chair est extrêmement délicate, et que leurs propriétés phosphorescentes trahissent au milieu des eaux; spares-pobs, à langue fine, à teintes oranges; sciènes-coro à caudales d’or, acanthures-noirauds, anableps de Surinam, etc.
Notwithstanding this “et cetera,” I must not omit to mention fish that Conseil will long remember, and with good reason. One of our nets had hauled up a sort of very flat ray fish, which, with the tail cut off, formed a perfect disc, and weighed twenty ounces. It was white underneath, red above, with large round spots of dark blue encircled with black, very glossy skin, terminating in a bilobed fin. Laid out on the platform, it struggled, tried to turn itself by convulsive movements, and made so many efforts, that one last turn had nearly sent it into the sea. But Conseil, not wishing to let the fish go, rushed to it, and, before I could prevent him, had seized it with both hands. In a moment he was overthrown, his legs in the air, and half his body paralysed, crying—Cet «et cœtera» ne saurait m’empêcher de citer encore un poisson dont Conseil se souviendra longtemps et pour cause.
Un de nos filets avait rapporté une sorte de raie très-aplatie qui, la queue coupée, eût formé un disque parfait et qui pesait une vingtaine de kilogrammes. Elle était blanche en-dessous, rougeâtre en-dessus, avec de grandes taches rondes d’un bleu foncé et cerclées de noir, très-lisse de peau, et terminée par une nageoire bilobée. Étendue sur la plate-forme, elle se débattait, essayait de se retourner par des mouvements convulsifs, et faisait tant d’efforts qu’un dernier soubresaut allait la précipiter à la mer. Mais Conseil, qui tenait à son poisson, se précipita sur lui, et, avant que je ne pusse l’en empêcher, il le saisit à deux mains. Aussitôt, le voilà renversé, les jambes en l’air, paralysé d’une moitié du corps, et criant:
“Oh! master, master! help me!”«Ah! mon maître, mon maître! Venez à moi.»
It was the first time the poor boy had spoken to me so familiarly. The Canadian and I took him up, and rubbed his contracted arms till he became sensible. The unfortunate Conseil had attacked a cramp-fish of the most dangerous kind, the cumana. This odd animal, in a medium conductor like water, strikes fish at several yards’ distance, so great is the power of its electric organ, the two principal surfaces of which do not measure less than twenty-seven square feet. The next day, April 12th, the Nautilus approached the Dutch coast, near the mouth of the Maroni. There several groups of sea-cows herded together; they were manatees, that, like the dugong and the stellera, belong to the skenian order. C’était la première fois que le pauvre garçon ne me parlait pas «à la troisième personne.»
Le Canadien et moi, nous l’avions relevé, nous le frictionnions à bras raccourcis, et quand il reprit ses sens, cet éternel classificateur murmura d’une voix entrecoupée:
«Classe des cartilagineux, ordre des chondroptérygiens, à branchies fixes, sous-ordre des sélaciens, famille des raies, genre des torpilles!»
—Oui, mon ami, répondis-je, c’est une torpille qui t’a mis dans ce déplorable état.
—Ah! monsieur peut m’en croire, riposta Conseil, mais je me vengerai de cet animal.
—Et comment?
—En le mangeant.»
Ce qu’il fit le soir même, mais par pure représaille, car franchement, c’était coriace.
L’infortuné Conseil s’était attaqué à une torpille de la plus dangereuse espèce, la cumana. Ce bizarre animal, dans un milieu conducteur tel que l’eau, foudroie les poissons à plusieurs mètres de distance, tant est grande la puissance de son organe électrique dont les deux surfaces principales ne mesurent pas moins de vingt-sept pieds carrés. Le lendemain, 12 avril, pendant la journée, le Nautilus s’approcha de la côte hollandaise, vers l’embouchure du Maroni. Là vivaient en famille plusieurs groupes de lamantins. C’étaient des manates qui, comme le dugong et le stellère, appartiennent à l’ordre des syréniens.
 These beautiful animals, peaceable and inoffensive, from eighteen to twenty-one feet in length, weigh at least sixteen hundredweight. I told Ned Land and Conseil that provident nature had assigned an important role to these mammalia. Indeed, they, like the seals, are designed to graze on the submarine prairies, and thus destroy the accumulation of weed that obstructs the tropical rivers.Ces beaux animaux, paisibles et inoffensifs, longs de six à sept mètres, devaient peser au moins quatre mille kilogrammes. J’appris à Ned Land et à Conseil que la prévoyante nature avait assigné à ces mammifères un rôle important. Ce sont eux, en effet, qui, comme les phoques, doivent paître les prairies sous-marines et détruire ainsi les agglomérations d’herbes qui obstruent l’embouchure des fleuves tropicaux.
“And do you know,” I added, “what has been the result since men have almost entirely annihilated this useful race? That the putrefied weeds have poisoned the air, and the poisoned air causes the yellow fever, that desolates these beautiful countries. Enormous vegetations are multiplied under the torrid seas, and the evil is irresistibly developed from the mouth of the Rio de la Plata to Florida. If we are to believe Toussenel, this plague is nothing to what it would be if the seas were cleaned of whales and seals. Then, infested with poulps, medusae, and cuttle-fish, they would become immense centres of infection, since their waves would not possess ‘these vast stomachs that God had charged to infest the surface of the seas.'”«Et savez-vous, ajoutai-je, ce qui s’est produit, depuis que les hommes ont presque entièrement anéanti ces races utiles? C’est que les herbes putréfiées ont empoisonné l’air, et l’air empoisonné, c’est la fièvre jaune qui désole ces admirables contrées. Les végétations vénéneuses se sont multipliées sous ces mers torrides, et le mal s’est irrésistiblement développé depuis l’embouchure du Rio de la Plata jusqu’aux Florides!» Et s’il faut en croire Toussenel, ce fléau n’est rien encore auprès de celui qui frappera nos descendants, lorsque les mers seront dépeuplées de baleines et de phoques. Alors, encombrées de poulpes, de méduses, de calmars, elles deviendront de vastes foyers d’infection, puisque leurs flots ne posséderont plus «ces vastes estomacs, que Dieu avait chargés d’écumer la surface des mers.»
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Cependant, sans dédaigner ces théories, l’équipage du Nautilus s’empara d’une demi-douzaine de manates. Il s’agissait, en effet, d’approvisionner les cambuses d’une chair excellente, supérieure à celle du bœuf et du veau. Cette chasse ne fut pas intéressante. Les manates se laissaient frapper sans se défendre. Plusieurs milliers de kilos de viande, destinée à être séchée, furent emmagasinés à bord.
Ce jour-là, une pêche, singulièrement pratiquée, vint encore accroître les réserves du Nautilus, tant ces mers se montraient giboyeuses. Le chalut avait rapporté dans ses mailles un certain nombre de poissons dont la tête se terminait par une plaque ovale à rebords charnus. C’étaient des échénéïdes, de la troisième famille des malacoptérygiens subbrachiens. Leur disque aplati se compose de lames cartilagineuses transversales mobiles, entre lesquelles l’animal peut opérer le vide, ce qui lui permet d’adhérer aux objets à la façon d’une ventouse.
Le rémora, que j’avais observé dans la Méditerranée, appartient à cette espèce. Mais, celui dont il s’agit ici, c’était l’échénéïde ostéochère, particulier à cette mer. Nos marins, à mesure qu’ils les prenaient, les déposaient dans des bailles pleines d’eau.
La pêche terminée,le Nautilus se rapprocha de la côte. En cet endroit, un certain nombre de tortues marines dormaient à la surface des flots. Il eût été difficile de s’emparer de ces précieux reptiles, car le moindre bruit les éveille, et leur solide carapace est à l’épreuve du harpon. Mais l’échénéïde devait opérer cette capture avec une sûreté et une précision extraordinaire. Cet animal, en effet, est un hameçon vivant, qui ferait le bonheur et la fortune du naïf pêcheur à la ligne.
Les hommes du Nautilus attachèrent à la queue de ces poissons un anneau assez large pour ne pas gêner leurs mouvements, et à cet anneau, une longue corde amarrée à bord par l’autre bout.
Les échénéïdes, jetés à la mer, commencèrent aussitôt leur rôle et allèrent se fixer au plastron des tortues. Leur ténacité était telle qu’ils se fussent déchirés plutôt que de lâcher prise. On les halait à bord, et avec eux les tortues auxquelles ils adhéraient.
On prit ainsi plusieurs cacouannes, larges d’un mètre, qui pesaient deux cents kilos. Leur carapace, couverte de plaques cornées grandes, minces, transparentes, brunes, avec mouchetures blanches et jaunes, les rendait très-précieuses. En outre, elles étaient excellentes au point de vue comestible, ainsi que les tortues franches qui sont d’un goût exquis.
Cette pêche termina notre séjour sur les parages de l’Amazone, et, la nuit venue, le Nautilus regagna la haute mer.
CHAPTER XVIII
THE POULPS
CHAPITRE XVIII
LES POULPES.
For several days the Nautilus kept off from the American coast. Evidently it did not wish to risk the tides of the Gulf of Mexico or of the sea of the Antilles. April 16th, we sighted Martinique and Guadaloupe from a distance of about thirty miles. I saw their tall peaks for an instant. The Canadian, who counted on carrying out his projects in the Gulf, by either landing or hailing one of the numerous boats that coast from one island to another, was quite disheartened. Flight would have been quite practicable, if Ned Land had been able to take possession of the boat without the Captain’s knowledge. But in the open sea it could not be thought of. The Canadian, Conseil, and I had a long conversation on this subject. For six months we had been prisoners on board the Nautilus.Pendant quelques jours, le Nautilus s’écarta constamment de la côte américaine. Il ne voulait pas, évidemment, fréquenter les flots du golfe du Mexique ou de la mer des Antilles. Cependant, l’eau n’eût pas manqué sous sa quille, puisque la profondeur moyenne de ces mers est de dix huit cents mètres; mais, probablement ces parages, semés d’îles et sillonnés de steamers, ne convenaient pas au capitaine Nemo. Le 16 avril, nous eûmes connaissance de la Martinique et de la Guadeloupe, à une distance de trente milles environ. J’aperçus un instant leurs pitons élevés.
Le Canadien, quie comptait mettre ses projets à exécution dans le golfe, soit en gagnant une terre, soit en accostant un des nombreux bateaux qui font le cabotage d’une île à l’autre, fut très-décontenancé. La fuite eût été très-praticable si Ned Land fût parvenu à s’emparer du canot à l’insu du capitaine. Mais en plein Océan, il ne fallait plus y songer.
Le Canadien, Conseil et moi, nous eûmes une assez longue conversation à ce sujet. Depuis six mois nous étions prisonniers à bord du Nautilus.
 We had travelled 17,000 leagues; and, as Ned Land said, there was no reason why it should come to an end. We could hope nothing from the Captain of the Nautilus, but only from ourselves. Besides, for some time past he had become graver, more retired, less sociable. He seemed to shun me. I met him rarely. Formerly he was pleased to explain the submarine marvels to me; now he left me to my studies, and came no more to the saloon. What change had come over him? For what cause? Nous avions fait dix sept mille lieues, et, comme le disait Ned Land, il n’y avait pas de raison pour que cela finît. Il me fit donc une proposition à laquelle je ne m’attendais pas. Ce fut de poser catégoriquement cette question au capitaine Nemo: Le capitaine comptait-il nous garder indéfiniment à son bord?
Une semblable démarche me répugnait. Suivant moi, elle ne pouvait aboutir. Il ne fallait rien espérer du commandant du Nautilus, mais tout de nous seuls. D’ailleurs, depuis quelque temps, cet homme devenait plus sombre, plus retiré, moins sociable. Il paraissait m’éviter. Je ne le rencontrais qu’à de rares intervalles. Autrefois, il se plaisait à m’expliquer les merveilles sous-marines; maintenant il m’abandonnait à mes études et ne venait plus au salon.
Quel changement s’était opéré en lui? Pour quelle cause?
 Je n’avais rien à me reprocher. Peut-être notre présence à bord lui pesait-elle? Cependant, je ne devais pas espérer qu’il fût homme à nous rendre la liberté.
Je priai donc Ned de me laisser réfléchir avant d’agir. Si cette démarche n’obtenait aucun résultat, elle pouvait raviver ses soupçons, rendre notre situation pénible et nuire aux projets du Canadien. J’ajouterai que je ne pouvais en aucune façon arguer de notre santé. Si l’on excepte la rude épreuve de la banquise du pôle sud, nous ne nous étions jamais mieux portés, ni Ned, ni Conseil, ni moi. Cette nourriture saine, cette atmosphère salubre, cette régularité d’existence, cette uniformité de température, ne donnaient pas prise aux maladies, et pour un homme auquel les souvenirs de la terre ne laissaient aucun regret, pour un capitaine Nemo, qui est chez lui, qui va où il veut, qui par des voies mystérieuses pour les autres, non pour lui-même, marche à son but, je comprenais une telle existence. Mais nous, nous n’avions pas rompu avec l’humanité.
 For my part, I did not wish to bury with me my curious and novel studies. I had now the power to write the true book of the sea; and this book, sooner or later, I wished to see daylight. Pour mon compte, je ne voulais pas ensevelir avec moi mes études si curieuses et si nouvelles. J’avais maintenant le droit d’écrire le vrai livre de la mer, et ce livre, je voulais que, plus tôt que plus tard, il pût voir le jour.
Là encore, dans ces eaux des Antilles, à dix mètres au-dessous de la surface des flots, par les panneaux ouverts, que de produits intéressants j’eus à signaler sur mes notes quotidiennes! C’étaient, entre autres zoophytes, des galères connues sous le nom de physalies-pélagiques, sortes de grosses vessies oblongues, à reflets nacrés, tendant leur membrane au vent et laissant flotter leurs tentacules bleus comme des fils de soie; charmantes méduses à l’œil, véritables orties au toucher qui distillent un liquide corrosif. C’étaient, parmi les articulés, des annélides longs d’un mètre et demi, armés d’une trompe rose et pourvus de dix sept cents organes locomoteurs, qui serpentaient sous les eaux et jetaient en passant toutes les lueurs du spectre solaire. C’étaient, dans l’embranchement des poissons, des raies-molubars, énormes cartilagineux longs de dix pieds et pesant six cents livres, la nageoire pectorale triangulaire, le milieu du dos un peu bombé, les yeux fixés aux extrémités de la face antérieure de la tête, et qui, flottant comme une épave de navire, s’appliquaient parfois comme un opaque volet sur notre vitre. C’étaient des balistes-américains, pour lesquels la nature n’a broyé que du blanc et du noir, des gobies plumiers, allongés et charnus, aux nageoires jaunes, à la mâchoire proéminente, des scombres de seize décimètres, à dents courtes et aiguës, couverts de petites écailles, appartenant à l’espèce des albicores. Puis, par nuées, apparaissaient des surmulets, corsetés de raies d’or de la tête à la queue, agitant leurs resplendissantes nageoires; véritables chefs-d’œuvre de bijouterie consacrés autrefois à Diane, particulièrement recherchés des riches Romains, et dont le proverbe disait: «Ne les mange pas qui les prend!» Enfin, des pomacanthes-dorés, ornés de bandelettes émeraude, habillés de velours et de soie, passaient devant nos yeux comme des seigneurs de Véronèse; des spares-éperonnés se dérobaient sous leur rapide nageoire thoracine; des clupanodons de quinze pouces s’enveloppaient de leurs lueurs phosphorescentes; des muges battaient la mer de leur grosse queue charnue; des corégones rouges semblaient faucher les flots avec leur pectorale tranchante, et des sélènes argentées, dignes de leur nom, se levaient sur l’horizon des eaux comme autant de lunes aux reflets blanchâtres.
Que d’autres échantillons merveilleux et nouveaux j’eusse encore observés, si le Nautilus ne se fût peu à peu abaissé vers les couches profondes! Ses plans inclinés l’entraînèrent jusqu’à des fonds de deux mille et trois mille cinq cents mètres. Alors la vie animale n’était plus représentée que par des encrines, des étoiles de mer, de charmantes pentacrines tête de méduse, dont la tige droite supportait un petit calice, des troques, des quenottes sanglantes et des fissurelles, mollusques littoraux de grande espèce.
Le 20 avril, nous étions remontés à une hauteur moyenne de quinze cents mètres. La terre la plus rapprochée était alors cet archipel des îles Lucayes, disséminées comme un tas de pavés à la surface des eaux. Là s’élevaient de hautes falaises sous-marines, murailles droites faites de blocs frustes disposés par larges assises, entre lesquels se creusaient des trous noirs que nos rayons électriques n’éclairaient pas jusqu’au fond.
Ces roches étaient tapissées de grandes herbes, de laminaires géants, de fucus gigantesques, un véritable espalier d’hydrophytes digne d’un monde de Titans.
De ces plantes colossales dont nous parlions, Conseil, Ned et moi, nous fûmes naturellement amenés à citer les animaux gigantesques de la mer. Les unes sont évidemment destinées à la nourriture des autres. Cependant, par les vitres du Nautilus presque immobile, je n’apercevais encore sur ces longs filaments que les principaux articulés de la division des brachioures, des lambres à longues pattes, des crabes violacés, des clios particuliers aux mers des Antilles.
The land nearest us was the archipelago of the Bahamas. There rose high submarine cliffs covered with large weeds. It was about eleven o’clock when Ned Land drew my attention to a formidable pricking, like the sting of an ant, which was produced by means of large seaweeds.Il était environ onze heures, quand Ned Land attira mon attention sur un formidable fourmillement qui se produisait à travers les grandes algues.
“Well,” I said, “these are proper caverns for poulps, and I should not be astonished to see some of these monsters.”«Eh bien, dis-je, ce sont-là de véritables cavernes à poulpes, et je ne serais pas étonnée d’y voir quelques-uns de ces monstres.
“What!” said Conseil; “cuttlefish, real cuttlefish of the cephalopod class?”—Quoi! fit Conseil, des calmars, de simples calmars, de la classe des céphalopodes?
“No,” I said, “poulps of huge dimensions.”—Non, dis-je, des poulpes de grande dimension.
“I will never believe that such animals exist,” said Ned.Mais l’ami Land s’est trompé, sans doute, car je n’aperçois rien.
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“Well,” said Conseil, with the most serious air in the world, “I remember perfectly to have seen a large vessel drawn under the waves by an octopus’s arm.” —Je le regrette, répliqua Conseil. Je voudrais contempler face à face l’un de ces poulpes dont j’ai tant entendu parler et qui peuvent entraîner des navires dans le fond des abîmes. Ces bêtes-là, ça se nomme des krak…
—Craque suffit, répondit ironiquement le Canadien.
—Krakens, riposta Conseil, achevant son mot sans se soucier de la plaisanterie de son compagnon.
—Jamais on ne me fera croire, dit Ned Land, que de tels animaux existent.
—Pourquoi pas? répondit Conseil. Nous avons bien cru au narwal de monsieur.
—Nous avons eu tort, Conseil.
—Sans doute! mais d’autres y croient sans doute encore.
—C’est probable, Conseil, mais pour mon compte, je suis bien décidé à n’admettre l’existence de ces monstres que lorsque je les aurai disséqués de ma propre main.
—Ainsi, me demanda Conseil, monsieur ne croit pas aux poulpes gigantesques?
—Eh! qui diable y a jamais cru? s’écria le Canadien.
—Beaucoup de gens, ami Ned.
—Pas des pêcheurs. Des savants, peut-être!
—Pardon, Ned. Des pêcheurs et des savants!
—Mais moi qui vous parle, dit Conseil de l’air le plus sérieux du monde, je me rappelle parfaitement avoir vu une grande embarcation entraînée sous les flots par les bras d’un céphalopode.
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Vingt Mille Lieues
Sous Les Mers de Jules Vernes

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