Ce n’est pas une traduction mots a mots mais les livres dans les deux languages mis côte a côte. Vous pouvez le lire en Français, en anglais ou parallèlement.
This is not a word-by-word translation but the books in the two languages put side by side. You can read it in French, in English or both.
Twenty Thousand Leagues Under The Sea by Jules Vernes
| Twenty Thousand Leagues Under The Sea by Jules Vernes | Vingt Mille Lieues Sous Les Mers de Jules Vernes |
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| PART I | PART I |
| CHAPTER XIX | CHAPITRE XIX |
| CHAPTER XIX TORRES STRAITS | CHAPITRE XX LE DÉTROIT DE TORRÈS. |
| During the night of the 27th or 28th of December, the Nautilus left the shores of Vanikoro with great speed. Her course was south-westerly, and in three days she had gone over the 750 leagues that separated it from La Perouse’s group and the south-east point of Papua. | Pendant la nuit du 27 au 28 décembre, le Nautilus abandonna les parages de Vanikoro avec une vitesse excessive. Sa direction était sud-ouest, et, en trois jours, il franchit les sept cent cinquante lieues qui séparent le groupe de La Pérouse de la pointe sud-est de la Papouasie. |
| Early on the 1st of January, 1863, Conseil joined me on the platform. | Le 1er janvier 1863, de grand matin, Conseil me rejoignit sur la plateforme. |
| “Master, will you permit me to wish you a happy New Year?” | «Monsieur, me dit ce brave garçon, monsieur me permettra-t-il de lui souhaiter une bonne année? Akirill.com |
| “What! Conseil; exactly as if I was at Paris in my study at the Jardin des Plantes? Well, I accept your good wishes, and thank you for them. Only, I will ask you what you mean by a `Happy New Year’ under our circumstances? Do you mean the year that will bring us to the end of our imprisonment, or the year that sees us continue this strange voyage?” | —Comment donc, Conseil, mais exactement comme si j’étais à Paris, dans mon cabinet du Jardin des Plantes. J’accepte tes vœux et je t’en remercie. Seulement, je te demanderai ce que tu entends par «une bonne année,» dans les circonstances où nous nous trouvons. Est-ce l’année qui amènera la fin de notre emprisonnement, ou l’année qui verra se continuer cet étrange voyage? |
| “Really, I do not know how to answer, master. We are sure to see curious things, and for the last two months we have not had time for dullness. The last marvel is always the most astonishing; and, if we continue this progression, I do not know how it will end. It is my opinion that we shall never again see the like. I think then, with no offence to master, that a happy year would be one in which we could see everything.” | —Ma foi, répondit Conseil, je ne sais trop que dire à monsieur. Il est certain que nous voyons de curieuses choses, et que, depuis deux mois, nous n’avons pas eu le temps de nous ennuyer. La dernière merveille est toujours la plus étonnante, et si cette progression se maintient, je ne sais pas comment cela finira. M’est avis que nous ne retrouverons jamais une occasion semblable. |
| —Jamais, Conseil. —En outre, monsieur Nemo, qui justifie bien son nom latin, n’est pas plus gênant que s’il n’existait pas. —Comme tu le dis, Conseil. —Je pense donc, n’en déplaise à monsieur, qu’une bonne année serait une année qui nous permettrait de tout voir… —De tout voir, Conseil? Ce serait peut-être long. Mais qu’en pense Ned Land? —Ned Land pense exactement le contraire de moi, répondit Conseil. C’est un esprit positif et un estomac impérieux. Regarder les poissons et toujours en manger ne lui suffit pas. Le manque de vin, de pain, de viande, cela ne convient guère à un digne Saxon auquel les beefsteaks sont familiers, et que le brandy ou le gin, pris dans une proportion modérée, n’effrayent guère! —Pour mon compte, Conseil, ce n’est point là ce qui me tourmente, et je m’accommode très-bien du régime du bord. —Moi de même, répondit Conseil. Aussi je pense autant à rester que maître Land à prendre la fuite. Donc, si l’année qui commence n’est pas bonne pour moi, elle le sera pour lui, et réciproquement. De cette façon, il y aura toujours quelqu’un de satisfait. Enfin, pour conclure, je souhaite à monsieur ce qui fera plaisir à monsieur. —Merci, Conseil. Seulement je te demanderai de remettre à plus tard la question des étrennes, et de les remplacer provisoirement par une bonne poignée de main. Je n’ai que cela sur moi. —Monsieur n’a jamais été si généreux,» répondit Conseil. Et là-dessus, le brave garçon s’en alla. | |
| On 2nd January we had made 11,340 miles, or 5,250 French leagues, since our starting-point in the Japan Seas. Before the ship’s head stretched the dangerous shores of the coral sea, on the north-east coast of Australia. Our boat lay along some miles from the redoubtable bank on which Cook’s vessel was lost, 10th June, 1770. The boat in which Cook was struck on a rock, and, if it did not sink, it was owing to a piece of coral that was broken by the shock, and fixed itself in the broken keel. | Le 2 janvier, nous avions fait onze mille trois cent quarante milles, soit cinq mille deux cent cinquante lieues, depuis notre point de départ dans les mers du Japon. Devant l’éperon du Nautilus s’étendaient les dangereux parages de la mer de corail, sur la côte nord-est de l’Australie. Notre bateau prolongeait à une distance de quelques milles ce redoutable banc sur lequel les navires de Cook faillirent se perdre, le 10 juin 1770. Le bâtiment que montait Cook donna sur un roc, et s’il ne coula pas, ce fut grâce à cette circonstance que le morceau de corail, détaché au choc, resta engagé dans la coque entr’ouverte. |
| I had wished to visit the reef, 360 leagues long, against which the sea, always rough, broke with great violence, with a noise like thunder. But just then the inclined planes drew the Nautilus down to a great depth, and I could see nothing of the high coral walls. I had to content myself with the different specimens of fish brought up by the nets. I remarked, among others, some germons, a species of mackerel as large as a tunny, with bluish sides, and striped with transverse bands, that disappear with the animal’s life. | J’aurais vivement souhaité de visiter ce récif long de trois cent soixante lieues, contre lequel la mer, toujours houleuse, se brisait avec une intensité formidable et comparable aux roulements du tonnerre. Mais en ce moment, les plans inclinés du Nautilus nous entraînaient à une grande profondeur, et je ne pus rien voir de ces hautes murailles coralligènes. Je dus me contenter des divers échantillons de poissons rapportés par nos filets. Je remarquai, entre autres, des germons, espèces de scombres grands comme des thons, aux flancs bleuâtres, et rayés de bandes transversales qui disparaissent avec la vie de l’animal. |
| These fish followed us in shoals, and furnished us with very delicate food. We took also a large number of gilt-heads, about one and a half inches long, tasting like dorys; and flying pyrapeds like submarine swallows, which, in dark nights, light alternately the air and water with their phosphorescent light. | Ces poissons nous accompagnaient par troupes et fournirent à notre table une chair excessivement délicate. On prit aussi un grand nombre de spares vertors, longs d’un demi-décimètre, ayant le goût de la dorade, et des pyrapèdes volants, véritables hirondelles sous-marines, qui, par les nuits obscures, rayent alternativement les airs et les eaux de leurs lueurs phosphorescentes. |
| Among the molluscs and zoophytes, I found in the meshes of the net several species of alcyonarians, echini, hammers, spurs, dials, cerites, and hyalleae. The flora was represented by beautiful floating seaweeds, laminariae, and macrocystes, impregnated with the mucilage that transudes through their pores; and among which I gathered an admirable Nemastoma Geliniarois, that was classed among the natural curiosities of the museum. | Parmi les mollusques et les zoophytes, je trouvai dans les mailles du chalut diverses espèces d’alcyonnaires, des oursins, des marteaux, des éperons, des cadrans, des cérites, des hyalles. La flore était représentée par de belles algues flottantes, des laminaires et des macrocystes, imprégnées du mucilage qui transsudait à travers leurs pores, et parmi lesquelles je recueillis une admirable Nemastoma Geliniaroïde, qui fut classée parmi les curiosités naturelles du musée. |
| Two days after crossing the coral sea, 4th January, we sighted the Papuan coasts. On this occasion, Captain Nemo informed me that his intention was to get into the Indian Ocean by the Strait of Torres. His communication ended there. | Deux jours après avoir traversé la mer de Corail, le 4 janvier, nous eûmes connaissance des côtes de la Papouasie. A cette occasion, le capitaine Nemo m’apprit que son intention était de gagner l’Océan Indien par le détroit de Torrès. Sa communication se borna là |
| . Ned vit avec plaisir que cette route le rapprochait des mers européennes. Ce détroit de Torrès est regardé comme non moins dangereux par les écueils qui le hérissent que par les sauvages habitants qui fréquentent ses côtes. Il sépare de la Nouvelle-Hollande la grande île de la Papouasie, nommée aussi Nouvelle-Guinée. La Papouasie a quatre cents lieues de long sur cent trente lieues de large, et une superficie de quarante mille lieues géographiques. Elle est située, en latitude, entre 0° 19′ et 10° 2′ sud, et en longitude, entre 128° 23′ et 146° 15′. A midi, pendant que le second prenait la hauteur du soleil, j’aperçus les sommets des monts Arfalxs, élevés par plans et terminés par des pitons aigus. Cette terre, découverte en 1511 par le Portugais Francisco Serrano, fut visitée successivement par don José de Menesès en 1526, par Grijalva en 1527, par le général espagnol Alvar de Saavedra en 1528, par Juigo Ortez en 1545, par le hollandais Schouten en 1616, par Nicolas Sruick en 1753, par Tasman, Dampier, Fumel, Carteret, Edwards, Bougainville, Cook, Forrest, Mac Cluer, par d’Entrecasteaux en 1792, par Duperrey en 1823, et par Dumont d’Urville en 1827. «C’est le foyer des noirs qui occupent toute la Malaisie,» a dit M. de Rienzi, et je ne me doutais guère que les hasards de cette navigation allaient me mettre en présence des redoutables Andamènes. Le Nautilus se présenta donc à l’entrée du plus dangereux détroit du globe, de celui que les plus hardis navigateurs osent à peine à franchir, détroit que Louis Paz de Torrès affronta en revenant des mers du Sud dans la Mélanésie, et dans lequel, en 1840, les corvettes échouées de Dumont d’Urville furent sur le point de se perdre corps et biens. Le Nautilus lui-même, supérieur à tous les dangers de la mer, allait, cependant, faire connaissance avec les récifs coralliens. | |
| The Torres Straits are nearly thirty-four leagues wide; but they are obstructed by an innumerable quantity of islands, islets, breakers, and rocks, that make its navigation almost impracticable; so that Captain Nemo took all needful precautions to cross them. The Nautilus, floating betwixt wind and water, went at a moderate pace. Her screw, like a cetacean’s tail, beat the waves slowly. | Le détroit de Torrès a environ trente-quatre lieues de large, mais il est obstrué par une innombrable quantité d’îles, d’îlots, de brisants, de rochers, qui rendent sa navigation presque impraticable. En conséquence, le capitaine Nemo prit toutes les précautions voulues pour le traverser. Le Nautilus, flottant à fleur d’eau, s’avançait sous une allure modérée. Son hélice, comme une queue de cétacé, battait les flots avec lenteur. |
| Profiting by this, I and my two companions went up on to the deserted platform. Before us was the steersman’s cage, and I expected that Captain Nemo was there directing the course of the Nautilus. I had before me the excellent charts of the Straits of Torres, and I consulted them attentively. Round the Nautilus the sea dashed furiously. The course of the waves, that went from south-east to north-west at the rate of two and a half miles, broke on the coral that showed itself here and there. | Profitant de cette situation, mes deux compagnons et moi, nous avions pris place sur la plate-forme toujours déserte. Devant nous s’élevait la cage du timonier, et je me trompe fort, ou le capitaine Nemo devait être là, dirigeant lui-même son Nautilus. J’avais sous les yeux les excellentes cartes du détroit de Torrès levées et dressées par l’ingénieur hydrographe Vincendon Dumoulin et l’enseigne de vaisseau Coupvent-Desbois,—maintenant amiral,—qui faisaient partie de l’état-major de Dumont-d’Urville pendant son dernier voyage de circumnavigation. Ce sont, avec celles du capitaine King, les meilleures cartes qui débrouillent l’imbroglio de cet étroit passage, et je les consultais avec une scrupuleuse attention. |
| Autour du Nautilus la mer bouillonnait avec furie. Le courant de flots, qui portait du sud-est au nord-ouest avec une vitesse de deux milles et demi, se brisait sur les coraux dont la tête émergeait çà et là. | |
| “This is a bad sea!” remarked Ned Land. | «Voilà une mauvaise mer! me dit Ned Land. |
| “Detestable indeed, and one that does not suit a boat like the Nautilus.” | —Détestable, en effet, répondis-je, et qui ne convient guère à un bâtiment comme le Nautilus. |
| “The Captain must be very sure of his route, for I see there pieces of coral that would do for its keel if it only touched them slightly.” | —Il faut, reprit le Canadien, que ce damné capitaine soit bien certain de sa route, car je vois là des pâtés de coraux qui mettraient sa coque en mille pièces, si elle les effleurait seulement!» |
| Indeed the situation was dangerous, but the Nautilus seemed to slide like magic off these rocks. It did not follow the routes of the Astrolabe and the Zelee exactly, for they proved fatal to Dumont d’Urville. It bore more northwards, coasted the Islands of Murray, and came back to the south-west towards Cumberland Passage. I thought it was going to pass it by, when, going back to north-west, it went through a large quantity of islands and islets little known, towards the Island Sound and Canal Mauvais. | En effet, la situation était périlleuse, mais le Nautilus semblait se glisser comme par enchantement au milieu de ces furieux écueils. Il ne suivait pas exactement la route de l’Astrolabe et de la Zélée qui fut fatale à Dumont d’Urville. Il prit plus au nord, rangea l’île Murray, et revint au sud-ouest, vers le passage de Cumberland. Je croyais qu’il allait y donner franchement, quand, remontant dans le nord-ouest, il se porta, à travers une grande quantité d’îles et d’îlots peu connus, vers l’île Tound et le canal Mauvais. |
| I wondered if Captain Nemo, foolishly imprudent, would steer his vessel into that pass where Dumont d’Urville’s two corvettes touched; when, swerving again, and cutting straight through to the west, he steered for the Island of Gilboa. | Je me demandais déjà si le capitaine Nemo, imprudent jusqu’à la folie, voulait engager son navire dans cette passe où touchèrent les deux corvettes de Dumont d’Urville, quand, modifiant une seconde fois sa direction et coupant droit à l’ouest, il se dirigea vers l’île Gueboroar. |
| It was then three in the afternoon. The tide began to recede, being quite full. The Nautilus approached the island, that I still saw, with its remarkable border of screw-pines. He stood off it at about two miles distant. Suddenly a shock overthrew me. The Nautilus just touched a rock, and stayed immovable, laying lightly to port side. | Il était alors trois heures après-midi. Le flot se cassait, la marée étant presque pleine. Le Nautilus s’approcha de cette île que je vois encore avec sa remarquable lisière de pendanus. Nous la rangions à moins de deux milles. Soudain, un choc me renversa. Le Nautilus venait de toucher contre un écueil, et il demeura immobile, donnant une légère gîte sur bâbord. |
| When I rose, I perceived Captain Nemo and his lieutenant on the platform. They were examining the situation of the vessel, and exchanging words in their incomprehensible dialect. | Quand je me relevai, j’aperçus sur la plate-forme le capitaine Nemo et son second. Ils examinaient la situation du navire, échangeant quelques mots dans leur incompréhensible idiome. |
| She was situated thus: Two miles, on the starboard side, appeared Gilboa, stretching from north to west like an immense arm. Towards the south and east some coral showed itself, left by the ebb. We had run aground, and in one of those seas where the tides are middling—a sorry matter for the floating of the Nautilus. However, the vessel had not suffered, for her keel was solidly joined. But, if she could neither glide off nor move, she ran the risk of being for ever fastened to these rocks, and then Captain Nemo’s submarine vessel would be done for. | Voici quelle était cette situation. A deux milles, par tribord, apparaissait l’île Gueboroar dont la côte s’arrondissait du nord à l’ouest, comme un immense bras. Vers le sud et l’est se montraient déjà quelques têtes de coraux que le jusant laissait à découvert. Nous nous étions échoués au plein, et dans une de ces mers où les marées sont médiocres, circonstance fâcheuse pour le renflouage du Nautilus. Cependant, le navire n’avait aucunement souffert, tant sa coque était solidement liée. Mais s’il ne pouvait ni couler, ni s’ouvrir, il risquait fort d’être à jamais attaché sur ces écueils, et alors c’en était fait de l’appareil sous-marin du capitaine Nemo. |
| I was reflecting thus, when the Captain, cool and calm, always master of himself, approached me. | Je réfléchissais ainsi, quand le capitaine, froid et calme, toujours maître de lui, ne paraissant ni ému ni contrarié, s’approcha: |
| “An accident?” I asked. | «Un accident? lui dis-je. |
| “No; an incident.” | —Non, un incident, me répondit-il. |
| “But an incident that will oblige you perhaps to become an inhabitant of this land from which you flee?” | —Mais un incident, répliquai-je, qui vous obligera peut-être à redevenir un habitant de ces terres que vous fuyez!» |
| Captain Nemo looked at me curiously, and made a negative gesture, as much as to say that nothing would force him to set foot on terra firma again. Then he said: | Le capitaine Nemo me regarda d’un air singulier, et fit un geste négatif. C’était me dire assez clairement que rien ne le forcerait jamais à remettre les pieds sur un continent. Puis il dit: |
| “Besides, M. Aronnax, the Nautilus is not lost; it will carry you yet into the midst of the marvels of the ocean. Our voyage is only begun, and I do not wish to be deprived so soon of the honour of your company.” | «D’ailleurs, monsieur Aronnax, le Nautilus n’est pas en perdition. Il vous transportera encore au milieu des merveilles de l’Océan. Notre voyage ne fait que commencer, et je ne désire pas me priver si vite de l’honneur de votre compagnie. |
| “However, Captain Nemo,” I replied, without noticing the ironical turn of his phrase, “the Nautilus ran aground in open sea. Now the tides are not strong in the Pacific; and, if you cannot lighten the Nautilus, I do not see how it will be reinflated.” | —Cependant, capitaine Nemo, repris-je sans relever la tournure ironique de cette phrase, le Nautilus s’est échoué au moment de la pleine mer. Or, les marées ne sont pas fortes dans le Pacifique, et, si vous ne pouvez délester le Nautilus,—ce qui me paraît impossible,—je ne vois pas comment il sera renfloué. |
| “The tides are not strong in the Pacific: you are right there, Professor; but in Torres Straits one finds still a difference of a yard and a half between the level of high and low seas. To-day is 4th January, and in five days the moon will be full. Now, I shall be very much astonished if that satellite does not raise these masses of water sufficiently, and render me a service that I should be indebted to her for.” | —Les marées ne sont pas fortes dans le Pacifique, vous avez raison, monsieur le professeur, répondit le capitaine Nemo, mais, au détroit de Torrès, on trouve encore une différence d’un mètre et demi entre le niveau des hautes et basses mers. C’est aujourd’hui le 4 janvier, et dans cinq jours la pleine lune. Or, je serai bien étonné si ce complaisant satellite ne soulève pas suffisamment ces masses d’eau, et ne me rend pas un service que je ne veux devoir qu’à lui seul.» |
| Having said this, Captain Nemo, followed by his lieutenant, redescended to the interior of the Nautilus. As to the vessel, it moved not, and was immovable, as if the coralline polypi had already walled it up with their in destructible cement. | Ceci dit, le capitaine Nemo, suivi de son second, redescendit à l’intérieur du Nautilus. Quant au bâtiment, il ne bougeait plus et demeurait immobile, comme si les polypes coralliens l’eussent déjà maçonné dans leur indestructible ciment. |
| “Well, sir?” said Ned Land, who came up to me after the departure of the Captain. | «Eh bien, monsieur? me dit Ned Land, qui vint à moi après le départ du capitaine. |
| “Well, friend Ned, we will wait patiently for the tide on the 9th instant; for it appears that the moon will have the goodness to put it off again.” | —Eh bien, ami Ned, nous attendrons tranquillement la marée du 9, car il paraît que la lune aura la complaisance de nous remettre à flot. |
| “Really?” Akirill.com | —Tout simplement? |
| “Really.” | —Tout simplement. |
| “And this Captain is not going to cast anchor at all since the tide will suffice?” said Conseil, simply. | —Et ce capitaine ne va pas mouiller ses ancres au large, mettre sa machine sur ses chaînes, et tout faire pour se déhaler? —Puisque la marée suffira!» répondit simplement Conseil. |
| The Canadian looked at Conseil, then shrugged his shoulders. | Le Canadien regarda Conseil, puis il haussa les épaules. C’était le marin qui parlait en lui. |
| “Sir, you may believe me when I tell you that this piece of iron will navigate neither on nor under the sea again; it is only fit to be sold for its weight. I think, therefore, that the time has come to part company with Captain Nemo.” | «Monsieur, répliqua-t-il, vous pouvez me croire quand je vous dis que ce morceau de fer ne naviguera plus jamais ni sur ni sous les mers. Il n’est bon qu’à vendre au poids. Je pense donc que le moment est venu de fausser compagnie au capitaine Nemo. |
| “Friend Ned, I do not despair of this stout Nautilus, as you do; and in four days we shall know what to hold to on the Pacific tides. Besides, flight might be possible if we were in sight of the English or Provencal coast; but on the Papuan shores, it is another thing; and it will be time enough to come to that extremity if the Nautilus does not recover itself again, which I look upon as a grave event.” | —Ami Ned, répondis-je, je ne désespère pas comme vous de ce vaillant Nautilus, et dans quatre jours nous saurons à quoi nous en tenir sur les marées du Pacifique. D’ailleurs, le conseil de fuir pourrait être opportun si nous étions en vue des côtes de l’Angleterre ou de la Provence, mais dans les parages de la Papouasie, c’est autre chose, et il sera toujours temps d’en venir à cette extrémité, si le Nautilus ne parvient pas à se relever, ce que je regarderais comme un événement grave. |
| “But do they know, at least, how to act circumspectly? There is an island; on that island there are trees; under those trees, terrestrial animals, bearers of cutlets and roast beef, to which I would willingly give a trial.” | —Mais ne saurait-on tâter, au moins, de ce terrain? reprit Ned Land. Voilà une île. Sur cette île, il y a des arbres. Sous ces arbres, des animaux terrestres, des porteurs de côtelettes et de roastbeefs, auxquels je donnerais volontiers quelques coups de dents. |
| “In this, friend Ned is right,” said Conseil, “and I agree with him. Could not master obtain permission from his friend Captain Nemo to put us on land, if only so as not to lose the habit of treading on the solid parts of our planet?” | —Ici, l’ami Ned a raison, dit Conseil, et je me range à son avis. Monsieur ne pourrait-il obtenir de son ami le capitaine Nemo de nous transporter à terre, ne fût-ce que pour ne pas perdre l’habitude de fouler du pied les parties solides de notre planète? |
| “I can ask him, but he will refuse.” | —Je peux le lui demander, répondis-je, mais il refusera. |
| “Will master risk it?” asked Conseil, “and we shall know how to rely upon the Captain’s amiability.” | —Que monsieur se risque, dit Conseil, et nous saurons à quoi nous en tenir sur l’amabilité du capitaine.» |
| To my great surprise, Captain Nemo gave me the permission I asked for, and he gave it very agreeably, without even exacting from me a promise to return to the vessel; but flight across New Guinea might be very perilous, and I should not have counselled Ned Land to attempt it. Better to be a prisoner on board the Nautilus than to fall into the hands of the natives. | A ma grande surprise, le capitaine Nemo m’accorda la permission que je lui demandais, et il le fit avec beaucoup de grâce et d’empressement, sans même avoir exigé de moi la promesse de revenir à bord. Mais une fuite à travers les terres de la Nouvelle-Guinée eût été très-périlleuse, et je n’aurais pas conseillé à Ned Land de la tenter. Mieux valait être prisonnier à bord du Nautilus, que de tomber entre les mains des naturels de la Papouasie. |
| Le canot fut mis à notre disposition pour le lendemain matin. Je ne cherchai pas à savoir si le capitaine Nemo nous accompagnerait. Je pensai même qu’aucun homme de l’équipage ne nous serait donné, et que Ned Land serait seul chargé de diriger l’embarcation. D’ailleurs, la terre se trouvait à deux milles au plus, et ce n’était qu’un jeu pour le Canadien de conduire ce léger canot entre les lignes de récifs si fatales aux grands navires. Le lendemain, 5 janvier, le canot, déponté, fut arraché de son alvéole et lancé à la mer du haut de la plate-forme. Deux hommes suffirent à cette opération. Les avirons étaient dans l’embarcation, et nous n’avions plus qu’à y prendre place. | |
| At eight o’clock, armed with guns and hatchets, we got off the Nautilus. The sea was pretty calm; a slight breeze blew on land. Conseil and I rowing, we sped along quickly, and Ned steered in the straight passage that the breakers left between them. The boat was well handled, and moved rapidly. | A huit heures, armés de fusils et de haches, nous débordions du Nautilus. La mer était assez calme. Une petite brise soufflait de terre. Conseil et moi, placés aux avirons, nous nagions vigoureusement, et Ned gouvernait dans les étroites passes que les brisants laissaient entre eux. Le canot se maniait bien et filait rapidement. |
| Ned Land could not restrain his joy. He was like a prisoner that had escaped from prison, and knew not that it was necessary to re-enter it. | Ned Land ne pouvait contenir sa joie. C’était un prisonnier échappé de sa prison, et il ne songeait guère qu’il lui faudrait y rentrer. |
| “Meat! We are going to eat some meat; and what meat!” he replied. “Real game! no, bread, indeed.” | «De la viande! répétait-il, nous allons donc manger de la viande, et quelle viande! Du véritable gibier! Pas de pain, par exemple! |
| “I do not say that fish is not good; we must not abuse it; but a piece of fresh venison, grilled on live coals, will agreeably vary our ordinary course.” | Je ne dis pas que le poisson ne soit une bonne chose, mais il ne faut pas en abuser, et un morceau de fraîche venaison, grillé sur des charbons ardents, variera agréablement notre ordinaire. |
| “Glutton!” said Conseil, “he makes my mouth water.” | —Gourmand! répondait Conseil, il m’en fait venir l’eau à la bouche. |
| “It remains to be seen,” I said, “if these forests are full of game, and if the game is not such as will hunt the hunter himself.” | —Il reste à savoir, dis-je, si ces forêts sont giboyeuses, et si le gibier n’y est pas de telle taille qu’il puisse lui-même chasser le chasseur. |
| “Well said, M. Aronnax,” replied the Canadian, whose teeth seemed sharpened like the edge of a hatchet; “but I will eat tiger—loin of tiger—if there is no other quadruped on this island.” | —Bon! monsieur Aronnax, répondit le Canadien, dont les dents semblaient être affûtées comme un tranchant de hache, mais je mangerai du tigre, de l’aloyau de tigre, s’il n’y a pas d’autre quadrupède dans cette île. |
| “Friend Ned is uneasy about it,” said Conseil. | —L’ami Ned est inquiétant, répondit Conseil. |
| “Whatever it may be,” continued Ned Land, “every animal with four paws without feathers, or with two paws without feathers, will be saluted by my first shot.” | —Quel qu’il soit, reprit Ned Land, tout animal à quatre pattes sans plumes, ou à deux pattes avec plumes, sera salué de mon premier coup de fusil. |
| “Very well! Master Land’s imprudences are beginning.” | —Bon! répondis-je, voilà les imprudences de maître Land qui vont recommencer! |
| “Never fear, M. Aronnax,” replied the Canadian; “I do not want twenty-five minutes to offer you a dish, of my sort.” | —N’ayez pas peur, monsieur Aronnax, répondit le Canadien, et nagez ferme! Je ne demande pas vingt-cinq minutes pour vous offrir un mets de ma façon.» |
| At half-past eight the Nautilus boat ran softly aground on a heavy sand, after having happily passed the coral reef that surrounds the Island of Gilboa. | A huit heures et demie, le canot du Nautilus venait s’échouer doucement sur une grève de sable, après avoir heureusement franchi l’anneau coralligène qui entourait l’île de Gueboroar. |
CHAPTER XX A FEW DAYS ON LAND | CHAPITRE XXI QUELQUES JOURS A TERRE. |
| I was much impressed on touching land. Ned Land tried the soil with his feet, as if to take possession of it. However, it was only two months before that we had become, according to Captain Nemo, “passengers on board the Nautilus,” but, in reality, prisoners of its commander. | Je fus assez vivement impressionné en touchant terre. Ned Land essayait le sol du pied, comme pour en prendre possession. Il n’y avait pourtant que deux mois que nous étions, suivant l’expression du capitaine Nemo, les «passagers du Nautilus,» c’est-à-dire, en réalité, les prisonniers de son commandant. |
| In a few minutes we were within musket-shot of the coast. The whole horizon was hidden behind a beautiful curtain of forests. Enormous trees, the trunks of which attained a height of 200 feet, were tied to each other by garlands of bindweed, real natural hammocks, which a light breeze rocked. They were mimosas, figs, hibisci, and palm trees, mingled together in profusion; and under the shelter of their verdant vault grew orchids, leguminous plants, and ferns. | En quelques minutes, nous fûmes à une portée de fusil de la côte. Le sol était presque entièrement madréporique, mais certains lits de torrents desséchés, semés de débris granitiques, démontraient que cette île était due à une formation primordiale. Tout l’horizon se cachait derrière un rideau de forêts admirables. Des arbres énormes, dont la taille atteignait parfois deux cents pieds, se reliaient l’un à l’autre par des guirlandes de lianes, vrais hamacs naturels que berçait une brise légère. C’étaient des mimosas, des ficus, des casuarinas, des teks, des hibiscus, des pendanus, des palmiers, mélangés à profusion, et sous l’abri de leur voûte verdoyante, au pied de leur stype gigantesque, croissaient des orchidées, des légumineuses et des fougères. |
| But, without noticing all these beautiful specimens of Papuan flora, the Canadian abandoned the agreeable for the useful. He discovered a coco-tree, beat down some of the fruit, broke them, and we drunk the milk and ate the nut with a satisfaction that protested against the ordinary food on the Nautilus. | Mais, sans remarquer tous ces beaux échantillons de la flore papouasienne, le Canadien abandonna l’agréable pour l’utile. Il aperçut un cocotier, abattit quelques uns de ses fruits, les brisa, et nous bûmes leur lait, nous mangeâmes leur amande, avec une satisfaction qui protestait contre l’ordinaire du Nautilus. |
| “Excellent!” said Ned Land. | «Excellent! disait Ned Land. |
| “Exquisite!” replied Conseil. | —Exquis! répondait Conseil. |
| “And I do not think,” said the Canadian, “that he would object to our introducing a cargo of coco-nuts on board.” | —Et je ne pense pas, dit le Canadien, que votre Nemo s’oppose à ce que nous introduisions une cargaison de cocos à son bord? |
| “I do not think he would, but he would not taste them.” | —Je ne le crois pas, répondis-je, mais il n’y voudra pas goûter! |
| “So much the worse for him,” said Conseil. | —Tant pis pour lui! dit Conseil. |
| “And so much the better for us,” replied Ned Land. “There will be more for us.” | —Et tant mieux pour nous! riposta Ned Land. Il en restera davantage. |
| “One word only, Master Land,” I said to the harpooner, who was beginning to ravage another coco-nut tree. “Coco-nuts are good things, but before filling the canoe with them it would be wise to reconnoitre and see if the island does not produce some substance not less useful. Fresh vegetables would be welcome on board the Nautilus.” | —Un mot seulement, maître Land, dis-je au harponneur qui se disposait à ravager un autre cocotier, le coco est une bonne chose, mais avant d’en remplir le canot, il me paraît sage de reconnaître si l’île ne produit pas quelque substance non moins utile. Des légumes frais seraient bien reçus à l’office du Nautilus. |
| “Master is right,” replied Conseil; “and I propose to reserve three places in our vessel, one for fruits, the other for vegetables, and the third for the venison, of which I have not yet seen the smallest specimen.” | —Monsieur a raison, répondit Conseil, et je propose de réserver trois places dans notre embarcation, l’une pour les fruits, l’autre pour les légumes, et la troisième pour la venaison, dont je n’ai pas encore entrevu le plus mince échantillon. |
| “Conseil, we must not despair,” said the Canadian. | —Conseil, il ne faut désespérer de rien, répondit le Canadien. |
| “Let us continue,” I returned, “and lie in wait. Although the island seems uninhabited, it might still contain some individuals that would be less hard than we on the nature of game.” | —Continuons donc notre excursion, repris-je, mais ayons l’œil aux aguets. Quoique l’île paraisse inhabitée, elle pourrait renfermer, cependant, quelques individus qui seraient moins difficiles que nous sur la nature du gibier! Akirill.com |
| “Ho! ho!” said Ned Land, moving his jaws significantly. | —Hé! hé! fit Ned Land, avec un mouvement de mâchoire très-significatif. |
| “Well, Ned!” said Conseil. | —Eh bien! Ned! s’écria Conseil. |
| “My word!” returned the Canadian, “I begin to understand the charms of anthropophagy.” | —Ma foi, riposta le Canadien, je commence à comprendre les charmes de l’anthropophagie! |
| “Ned! Ned! what are you saying? You, a man-eater? I should not feel safe with you, especially as I share your cabin. I might perhaps wake one day to find myself half devoured.” | —Ned! Ned! que dites-vous là! répliqua Conseil. Vous, anthropophage! Mais je ne serai plus en sûreté près de vous, moi qui partage votre cabine! Devrai-je donc me réveiller un jour à demi dévoré? |
| “Friend Conseil, I like you much, but not enough to eat you unnecessarily.” | —Ami Conseil, je vous aime beaucoup, mais pas assez pour vous manger sans nécessité. |
| “I would not trust you,” replied Conseil. “But enough. We must absolutely bring down some game to satisfy this cannibal, or else one of these fine mornings, master will find only pieces of his servant to serve him.” | —Je ne m’y fie pas, répondit Conseil. En chasse! Il faut absolument abattre quelque gibier pour satisfaire ce cannibale, ou bien, l’un de ces matins, monsieur ne trouvera plus que des morceaux de domestique pour le servir.» |
| While we were talking thus, we were penetratinge the sombre arches of the forest, and for two hours we surveyed it in all directions. | Tandis que s’échangeaient ces divers propos, nous pénétrions sous les sombres voûtes de la forêt, et pendant deux heures, nous la parcourûmes ene tous sens. |
| Chance rewarded our search for eatable vegetables, and one of the most useful products of the tropical zones furnished us with precious food that we missed on board. I would speak of the bread-fruit tree, very abundant in the island of Gilboa; and I remarked chiefly the variety destitute of seeds, which bears in Malaya the name of “rima.” | Le hasard servit à souhait cette recherche de végétaux comestibles, et l’un des plus utiles produits des zones tropicales nous fournit un aliment précieux qui manquait à bord. Je veux parler de l’arbre à pain, très-abondant dans l’île Gueboroar, et j’y remarquai principalement cette variété dépourvue de graines, qui porte en malais le nom de «Rima.» |
| Cet arbre se distinguait des autres arbres par un tronc droit et haut de quarante pieds. Sa cime, gracieusement arrondie et formée de grandes feuilles multilobées, désignait suffisamment aux yeux d’un naturaliste cet «artocarpus» qui a été très-heureusement naturalisé aux îles Mascareignes. De sa masse de verdure se détachaient de gros fruits globuleux, larges d’un décimètre, et pourvus extérieurement de rugosités qui prenaient une disposition hexagonale. Utile végétal dont la nature a gratifié les régions auxquelles le blé manque, et qui, sans exiger aucune culture, donne des fruits pendant huit mois de l’année. | |
| Ned Land knew these fruits well. He had already eaten many during his numerous voyages, and he knew how to prepare the eatable substance. Moreover, the sight of them excited him, and he could contain himself no longer. | Ned Land les connaissait bien, ces fruits. Il en avait déjà mangé pendant ses nombreux voyages, et il savait préparer leur substance comestible. Aussi leur vue excita-t-elle ses désirs, et il n’y put tenir plus longtemps. |
| “Master,” he said, “I shall die if I do not taste a little of this bread-fruit pie.” | «Monsieur, me dit-il, que je meure si je ne goûte pas un peu de cette pâte de l’arbre à pain! |
| “Taste it, friend Ned—taste it as you want. We are here to make experiments—make them.” | —Goûtez, ami Ned, goûtez à votre aise. Nous sommes ici pour faire des expériences, faisons-les. |
| “It won’t take long,” said the Canadian. | —Ce ne sera pas long,» répondit le Canadien. |
| And, provided with a lentil, he lighted a fire of dead wood that crackled joyously. During this time, Conseil and I chose the best fruits of the bread-fruit. Some had not then attained a sufficient degree of maturity; and their thick skin covered a white but rather fibrous pulp. Others, the greater number yellow and gelatinous, waited only to be picked. | Et, armé d’une lentille, il alluma un feu de bois mort qui pétilla joyeusement. Pendant ce temps, Conseil et moi, nous choisissions les meilleurs fruits de l’artocarpus. Quelques-uns n’avaient pas encore atteint un degré suffisant de maturité, et leur peau épaisse recouvrait une pulpe blanche, mais peu fibreuse. D’autres, en très-grand nombre, jaunâtres et gélatineux, n’attendaient que le moment d’être cueillis. |
| These fruits enclosed no kernel. Conseil brought a dozen to Ned Land, who placed them on a coal fire, after having cut them in thick slices, and while doing this repeating: | Ces fruits ne renfermaient aucun noyau. Conseil en apporta une douzaine à Ned Land, qui les plaça sur un feu de charbons, après les avoir coupés en tranches épaisses, et ce faisant, il répétait toujours: |
| “You will see, master, how good this bread is. More so when one has been deprived of it so long. It is not even bread,” added he, “but a delicate pastry. You have eaten none, master?” | «Vous verrez, monsieur, comme ce pain est bon! —Surtout quand on en est privé depuis longtemps, dit Conseil. —Ce n’est même plus du pain, ajouta le Canadien. C’est une pâtisserie délicate. Vous n’en avez jamais mangé, monsieur? |
| “No, Ned.” | —Non, Ned. |
| “Very well, prepare yourself for a juicy thing. If you do not come for more, I am no longer the king of harpooners.” | —Eh bien, préparez-vous à absorber une chose succulente. Si vous n’y revenez pas, je ne suis plus le roi des harponneurs!» |
| After some minutes, the part of the fruits that was exposed to the fire was completely roasted. The interior looked like a white pasty, a sort of soft crumb, the flavour of which was like that of an artichoke. | Au bout de quelques minutes, la partie des fruits exposée au feu fut complétement charbonnée. A l’intérieur apparaissait une pâte blanche, sorte de mie tendre, dont la saveur rappelait celle de l’artichaut. |
| It must be confessed this bread was excellent, and I ate of it with great relish. | Il faut l’avouer, ce pain était excellent, et j’en mangeai avec grand plaisir. |
| «Malheureusement, dis-je, une telle pâte ne peut se garder fraîche, et il me paraît inutile d’en faire une provision pour le bord. —Par exemple, monsieur! s’écria Ned Land. Vous parlez là comme un naturaliste, mais moi, je vais agir comme un boulanger. Conseil, faites une récolte de ces fruits que nous reprendrons à notre retour. —Et comment les préparerez-vous? demandai-je au Canadien. —En fabriquant avec leur pulpe une pâte fermentée qui se gardera indéfiniment et sans se corrompre. Lorsque je voudrai l’employer, je la ferai cuire à la cuisine du bord, et malgré sa saveur un peu acide, vous la trouverez excellente. —Alors, maître Ned, je vois qu’il ne manque rien à ce pain. —Si, monsieur le professeur, répondit le Canadien, il y manque quelques fruits ou tout ou moins quelques légumes! —Cherchons les fruits et les légumes.» Lorsque notre récolte fut terminée, nous nous mîmes en route pour compléter ce dîner «terrestre.» Nos recherches ne furent pas vaines, et, vers midi, nous avions fait une ample provision de bananes. Ces produits délicieux de la zone torride mûrissent pendant toute l’année, et les Malais, qui leur ont donné le nom de «pisang,» les mangent sans les faire cuire. Avec ces bananes, nous recueillîmes des jaks énormes dont le goût est très-accusé, des mangues savoureuses, et des ananas d’une grosseur invraisemblable. Mais cette récolte prit une grande partie de notre temps, que, d’ailleurs, il n’y avait pas lieu de regretter. Conseil observait toujours Ned. Le harponneur marchait en avant, et, pendant sa promenade à travers la forêt, il glanait d’une main sûre d’excellents fruits qui devaient compléter sa provision. «Enfin, demanda Conseil, il ne vous manque plus rien, ami Ned? —Hum! fit le Canadien. —Quoi! vous vous plaignez? —Tous ces végétaux ne peuvent constituer un repas, répondit Ned. C’est la fin d’un repas, c’est un dessert. Mais le potage? mais le rôti? —En effet, dis-je, Ned nous avait promis des côtelettes qui me semblent fort problématiques. —Monsieur, répondit le Canadien, non-seulement la chasse n’est pas finie, mais elle n’est même pas commencée. Patience! Nous finirons bien par rencontrer quelque animal de plume ou de poil, et, si ce n’est pas en cet endroit, ce sera dans un autre… —Et si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera demain, ajouta Conseil, car il ne faut pas trop s’éloigner. Je propose même de revenir au canot. —Quoi! déjà! s’écria Ned. —Nous devons être de retour avant la nuit, dis-je. | |
| “What time is it now?” asked the Canadian. | —Mais quelle heure est-il donc? demanda le Canadien. |
| “Two o’clock at least,” replied Conseil. | —Deux heures, au moins, répondit Conseil. |
| “How time flies on firm ground!” sighed Ned Land. | —Comme le temps passe sur ce sol ferme! s’écria maître Ned Land avec un soupir de regret. |
| “Let us be off,” replied Conseil. | —En route,» répondit Conseil. |
| We returned through the forest, and completed our collection by a raid upon the cabbage-palms, that we gathered from the tops of the trees, little beans that I recognised as the “abrou” of the Malays, and yams of a superior quality. | Nous revînmes donc à travers la forêt, et nous complétâmes notre récolte en faisant une razzia de choux-palmistes qu’il fallut cueillir à la cime des arbres, de petits haricots que je reconnus pour être les «abrou» des Malais, et d’ignames d’une qualité supérieure. |
| We were loaded when we reached the boat. But Ned Land did not find his provisions sufficient. Fate, however, favoured us. Just as we were pushing off, he perceived several trees, from twenty-five to thirty feet high, a species of palm-tree. | Nous étions surchargés quand nous arrivâmes au canot. Cependant, Ned Land ne trouvait pas encore sa provision suffisante. Mais le sort le favorisa. Au moment de s’embarquer, il aperçut plusieurs arbres, hauts de vingt-cinq à trente pieds, qui appartenaient à l’espèce des palmiers. |
| Ces arbres, aussi précieux que l’artocarpus, sont justement comptés parmi les plus utiles produits de la Malaisie. C’étaient des sagoutiers, végétaux qui croissent sans culture, se reproduisant, comme les mûriers, par leurs rejetons et leurs graines. Ned Land connaissait la manière de traiter ces arbres. Il prit sa hache, et la maniant avec une grande vigueur, il eut bientôt couché sur le sol deux ou trois sagoutiers dont la maturité se reconnaissait à la poussière blanche qui saupoudrait leurs palmes. Je le regardai faire plutôt avec les yeux d’un naturaliste qu’avec les yeux d’un homme affamé. Il commença par enlever à chaque tronc une bande d’écorce, épaisse d’un pouce, qui recouvrait un réseau de fibres allongées formant d’inextricables nœuds, que mastiquait une sorte de farine gommeuse. Cette farine, c’était le sagou, substance comestible qui sert principalement à l’alimentation des populations mélanaisiennes. Ned Land se contenta, pour le moment, de couper ces troncs par morceaux, comme il eût fait de bois à brûler, se réservant d’en extraire plus tard la farine, de la passer dans une étoffe afin de la séparer de ses ligaments fibreux, d’en faire évaporer l’humidité au soleil, et de la laisser durcir dans des moules. | |
| At last, at five o’clock in the evening, loaded with our riches, we quitted the shore, and half an hour after we hailed the Nautilus. No one appeared on our arrival. The enormous iron-plated cylinder seemed deserted. The provisions embarked, I descended to my chamber, and after supper slept soundly. | Enfin, à cinq heures du soir, chargés de toutes nos richesses, nous quittions le rivage de l’île, et, une demi-heure après, nous accostions le Nautilus. Personne ne parut à notre arrivée. L’énorme cylindre de tôle semblait désert. Les provisions embarquées, je descendis à ma chambre. J’y trouvai mon souper prêt. Je mangeai, puis je m’endormis. |
| The next day, 6th January, nothing new on board. Not a sound inside, not a sign of life. The boat rested along the edge, in the same place in which we had left it. We resolved to return to the island. Ned Land hoped to be more fortunate than on the day before with regard to the hunt, and wished to visit another part of the forest. | Le lendemain, 6 janvier, rien de nouveau à bord. Pas un bruit à l’intérieur, pas un signe de vie. Le canot était resté le long du bord, à la place même où nous l’avions laissé. Nous résolûmes de retourner à l’île Gueboroar. Ned Land espérait être plus heureux que la veille au point de vue du chasseur, et désirait visiter une autre partie de la forêt. |
| At dawn we set off. The boat, carried on by the waves that flowed to shore, reached the island in a few minutes. | Au lever du soleil, nous étions en route. L’embarcation, enlevée par le flot qui portait à terre, atteignit l’île en peu d’instants. |
| We landed, and, thinking that it was better to give in to the Canadian, we followed Ned Land, whose long limbs threatened to distance us. He wound up the coast towards the west: then, fording some torrents, he gained the high plain that was bordered with admirable forests. Some kingfishers were rambling along the water-courses, but they would not let themselves be approached. Their circumspection proved to me that these birds knew what to expect from bipeds of our species, and I concluded that, if the island was not inhabited, at least human beings occasionally frequented it. | Nous débarquâmes, et, pensant qu’il valait mieux s’en rapporter à l’instinct du Canadien, nous suivîmes Ned Land dont les longues jambes menaçaient de nous distancer. Ned Land remonta la côte vers l’ouest, puis, passant à gué quelques lits de torrents, il gagna la haute plaine que bordaient d’admirables forêts. Quelques martins-pêcheurs rôdaient le long des cours d’eau, mais ils ne se laissaient pas approcher. Leur circonspection me prouva que ces volatiles savaient à quoi s’en tenir sur des bipèdes de notre espèce, et j’en conclus que, si l’île n’était pas habitée, du moins, des êtres humains la fréquentaient. |
| After crossing a rather large prairie, we arrived at the skirts of a little wood that was enlivened by the songs and flight of a large number of birds. | Après avoir traversé une assez grasse prairie, nous arrivâmes à la lisière d’un petit bois qu’animaient le chant et le vol d’un grand nombre d’oiseaux. |
| “There are only birds,” said Conseil. | «Ce ne sont encore que des oiseaux, dit Conseil. |
| “But they are eatable,” replied the harpooner. | —Mais il y en a qui se mangent! répondit le harponneur. Akirill.com |
| “I do not agree with you, friend Ned, for I see only parrots there.” | —Point, ami Ned, répliqua Conseil, car je ne vois là que de simples perroquets. |
| “Friende Conseil,” said Ned, gravely, “the parrot is like pheasant to those who have nothing else.” | —Ami Conseil, répondit gravement Ned, le perroquet est le faisan de ceux qui n’ont pas autre chose à manger. |
| “And,” I added, “this bird, suitably prepared, is worth knife and fork.” | —Et j’ajouterai, dis-je, que cet oiseau, convenablement préparé, vaut son coup de fourchette.» |
| Indeed, under the thick foliage of this wood, a world of parrots were flying from branch to branch, only needing a careful education to speak the human language. For the moment, they were chattering with parrots of all colours, and grave cockatoos, who seemed to meditate upon some philosophical problem, whilst brilliant red lories passed like a piece of bunting carried away by the breeze, papuans, with the finest azure colours, and in all a variety of winged things most charming to behold, but few eatable. | En effet, sous l’épais feuillage de ce bois, tout un monde de perroquets voltigeait de branche en branche, n’attendant qu’une éducation plus soignée pour parler la langue humaine. Pour le moment, ils caquetaient en compagnie de perruches de toutes couleurs, de graves kakatouas, qui semblaient méditer quelque problème philosophique, tandis que des loris d’un rouge éclatant passaient comme un morceau d’étamine emporté par la brise, au milieu de kalaos au vol bruyant, de papouas peints des plus fines nuances de l’azur, et de toute une variété de volatiles charmants, mais généralement peu comestibles. |
| However, a bird peculiar to these lands, and which has never passed the limits of the Arrow and Papuan islands, was wanting in this collection. But fortune reserved it for me before long. | Cependant, un oiseau particulier à ces terres, et qui n’a jamais dépassé la limite des îles d’Arrou et des îles des Papouas, manquait à cette collection. Mais le sort me réservait de l’admirer avant peu. |
| After passing through a moderately thick copse, we found a plain obstructed with bushes. I saw then those magnificent birds, the disposition of whose long feathers obliges them to fly against the wind. Their undulating flight, graceful aerial curves, and the shading of their colours, attracted and charmed one’s looks. I had no trouble in recognising them. | Après avoir traversé un taillis de médiocre épaisseur, nous avions retrouvé une plaine obstruée de buissons. Je vis alors s’enlever de magnifiques oiseaux que la disposition de leurs longues plumes obligeait à se diriger contre le vent. Leur vol ondulé, la grâce de leurs courbes aériennes, le chatoiement de leurs couleurs, attiraient et charmaient le regard. Je n’eus pas de peine à les reconnaître. |
| “Birds of paradise!” I exclaimed. | «Des oiseaux de paradis! m’écriai-je. |
| —Ordre des passereaux, section des clystomores, répondit Conseil. —Famille des perdreaux? demanda Ned Land. —Je ne crois pas, maître Land. Néanmoins, je compte sur votre adresse pour attraper un de ces charmants produits de la nature tropicale! —On essayera, monsieur le professeur, quoique je sois plus habitué à manier le harpon que le fusil.» | |
| The Malays, who carry on a great trade in these birds with the Chinese, have several means that we could not employ for taking them. Sometimes they put snares on the top of high trees that the birds of paradise prefer to frequent. Sometimes they catch them with a viscous birdlime that paralyses their movements. They even go so far as to poison the fountains that the birds generally drink from. But we were obliged to fire at them during flight, which gave us few chances to bring them down; and, indeed, we vainly exhausted one half our ammunition. | Les Malais, qui font un grand commerce de ces oiseaux avec les Chinois, ont, pour les prendre, divers moyens que nous ne pouvions employer. Tantôt ils disposent des lacets au sommet des arbres élevés que les paradisiers habitent de préférence. Tantôt ils s’en emparent avec une glu tenace qui paralyse leurs mouvements. Ils vont même jusqu’à empoisonner les fontaines où ces oiseaux ont l’habitude de boire. Quant à nous, nous étions réduits à les tirer au vol, ce qui nous laissait peu de chances de les atteindre. Et en effet, nous épuisâmes vainement une partie de nos munitions. |
| About eleven o’clock in the morning, the first range of mountains that form the centre of the island was traversed, and we had killed nothing. Hunger drove us on. The hunters had relied on the products of the chase, and they were wrong. Happily Conseil, to his great surprise, made a double shot and secured breakfast. He brought down a white pigeon and a wood-pigeon, which, cleverly plucked and suspended from a skewer, was roasted before a red fire of dead wood. While these interesting birds were cooking, Ned prepared the fruit of the bread-tree. Then the wood-pigeons were devoured to the bones, and declared excellent. The nutmeg, with which they are in the habit of stuffing their crops, flavours their flesh and renders it delicious eating. | Vers onze heures du matin, le premier plan des montagnes qui forment le centre de l’île était franchi, et nous n’avions encore rien tué. La faim nous aiguillonnait. Les chasseurs s’étaient fiés au produit de leur chasse, et ils avaient eu tort. Très-heureusement, Conseil, à sa grande surprise, fit un coup double et assura le déjeuner. Il abattit un pigeon blanc et un ramier, qui, lestement plumés et suspendus à une brochette, rôtirent devant un feu ardent de bois mort. Pendant que ces intéressants animaux cuisaient, Ned prépara des fruits de l’artocarpus. Puis, le pigeon et le ramier furent dévorés jusqu’aux os et déclarés excellents. La muscade, dont ils ont l’habitude de se gaver, parfume leur chair et en fait un manger délicieux. |
| «C’est comme si les poulardes se nourrissaient de truffes, dit Conseil. | |
| “Now, Ned, what do you miss now?” | —Et maintenant, Ned, que vous manque-t-il? demandai-je au Canadien. |
| “Some four-footed game, M. Aronnax. All these pigeons are only side-dishes and trifles; and until I have killed an animal with cutlets I shall not be content.” | —Un gibier à quatre pattes, monsieur Aronnax, répondit Ned Land. Tous ces pigeons ne sont que hors-d’œuvre et amusettes de la bouche! Aussi, tant que je n’aurai pas tué un animal à côtelettes, je ne serai pas content! |
| “Nor I, Ned, if I do not catch a bird of paradise.” | —Ni moi, Ned, si je n’attrape pas un paradisier. |
| “Let us continue hunting,” replied Conseil. “Let us go towards the sea. We have arrived at the first declivities of the mountains, and I think we had better regain the region of forests.” | —Continuons donc la chasse, répondit Conseil, mais en revenant vers la mer. Nous sommes arrivés aux premières pentes des montagnes, et je pense qu’il vaut mieux regagner la région des forêts.» |
| That was sensible advice, and was followed out. After walking for one hour we had attained a forest of sago-trees. Some inoffensive serpents glided away from us. The birds of paradise fled at our approach, and truly I despaired of getting near one when Conseil, who was walking in front, suddenly bent down, uttered a triumphal cry, and came back to me bringing a magnificent specimen. | C’était un avis sensé, et il fut suivi. Après une heure de marche, nous avions atteint une véritable forêt de sagoutiers. Quelques serpents inoffensifs fuyaient sous nos pas. Les oiseaux de paradis se dérobaient à notre approche, et véritablement, je désespérais de les atteindre, lorsque Conseil, qui marchait en avant, se baissa soudain, poussa un cri de triomphe, et revint à moi, rapportant un magnifique paradisier. |
| “Ah! bravo, Conseil!” | «Ah! bravo! Conseil, m’écriai-je. |
| “Master is very good.” | —Monsieur est bien bon, répondit Conseil. |
| “No, my boy; you have made an excellent stroke. Take one of these living birds, and carry it in your hand.” | —Mais non, mon garçon. Tu as fait là un coup de maître. Prendre un de ces oiseaux vivants, et le prendre à la main! |
| “If master will examine it, he will see that I have not deserved great merit.” | —Si monsieur veut l’examiner de près, il verra que je n’ai pas eu grand mérite. |
| “Why, Conseil?” | —Et pourquoi, Conseil? |
| “Because this bird is as drunk as a quail.” | —Parce que cet oiseau est ivre comme une caille. |
| “Drunk!” | —Ivre? |
| “Yes, sir; drunk with the nutmegs that it devoured under the nutmeg-tree, under which I found it. See, friend Ned, see the monstrous effects of intemperance!” | —Oui, monsieur, ivre des muscades qu’il dévorait sous le muscadier où je l’ai pris. Voyez, ami Ned, voyez les monstrueux effets de l’intempérance! |
| “By Jove!” exclaimed the Canadian, “because I have drunk gin for two months, you must needs reproach me!” | —Mille diables! riposta le Canadien, pour ce que j’ai bu de gin depuis deux mois, ce n’est pas la peine de me le reprocher!» |
| However, I examined the curious bird. Conseil was right. The bird, drunk with the juice, was quite powerless. It could not fly; it could hardly walk. | Cependant, j’examinais le curieux oiseau. Conseil ne se trompait pas. Le paradisier, enivré par le suc capiteux, était réduit à l’impuissance. Il ne pouvait voler. Il marchait à peine. Mais cela m’inquiéta peu, et je le laissai cuver ses muscades. |
| This bird belonged to the most beautiful of the eight species that are found in Papua and in the neighbouring islands. It was the “large emerald bird, the most rare kind.” It measured three feet in length. Its head was comparatively small, its eyes placed near the opening of the beak, and also small. | Cet oiseau appartenait à la plus belle des huit espèces que l’on compte en Papouasie et dans les îles voisines. C’était le paradisier «grand-émeraude,» l’un des plus rares. Il mesurait trois décimètres de longueur. Sa tête était relativement petite, ses yeux placés près de l’ouverture du bec, et petits aussi. |
| But the shades of colour were beautiful, having a yellow beak, brown feet and claws, nut-coloured wings with purple tips, pale yellow at the back of the neck and head, and emerald colour at the throat, chestnut on the breast and belly. Two horned, downy nets rose from below the tail, that prolonged the long light feathers of admirable fineness, and they completed the whole of this marvellous bird, that the natives have poetically named the “bird of the sun.” | Mais il offrait une admirable réunion de nuances, étant jaune de bec, brun de pieds et d’ongles, noisette aux ailes empourprées à leurs extrémités, jaune pâle à la tête et sur le derrière du cou, couleur d’émeraude à la gorge, brun marron au ventre et à la poitrine. Deux filets cornés et duveteux s’élevaient au-dessus de sa queue, que prolongeaient de longues plumes très-légères, d’une finesse admirable, et ils complétaient l’ensemble de ce merveilleux oiseau que les indigènes ont poétiquement appelé «l’oiseau du soleil.» |
| Je souhaitais vivement de pouvoir ramener à Paris ce superbe spécimen des paradisiers, afin d’en faire don au Jardin des Plantes, qui n’en possède pas un seul vivant. «C’est donc bien rare? demanda le Canadien, du ton d’un chasseur qui estime fort peu le gibier au point de vue de l’art. —Très-rare, mon brave compagnon, et surtout très-difficile à prendre vivant. Et même morts, ces oiseaux sont encore l’objet d’un important trafic. Aussi, les naturels ont-ils imaginé d’en fabriquer comme on fabrique des perles ou des diamants. —Quoi! s’écria Conseil, on fait de faux oiseaux de paradis? —Oui, Conseil. —Et monsieur connaît-il le procédé des indigènes? —Parfaitement. Les paradisiers, pendant la mousson d’est, perdent ces magnifiques plumes qui entourent leur queue, et que les naturalistes ont appelées plumes subalaires. Ce sont ces plumes que recueillent les faux-monnayeurs en volatiles, et qu’ils adaptent adroitement à quelque pauvre perruche préalablement mutilée. Puis ils teignent lae suture, ils vernissent l’oiseau, et ils expédient aux muséums et aux amateurs d’Europe ces produits de leur singulière industrie. —Bon! fit Ned Land, si ce n’est pas l’oiseau, ce sont toujours ses plumes, et tant que l’objet n’est pas destiné à être mangé, je n’y vois pas grand mal!» | |
| But if my wishes were satisfied by the possession of the bird of paradise, the Canadian’s were not yet. Happily, about two o’clock, Ned Land brought down a magnificent hog; from the brood of those the natives call “bari-outang.” The animal came in time for us to procure real quadruped meat, and he was well received. | Mais si mes désirs étaient satisfaits par la possession de ce paradisier, ceux du chasseur canadien ne l’étaient pas encore. Heureusement, vers deux heures, Ned Land abattit un magnifique cochon des bois, de ceux que les naturels appellent «bari-outang». L’animal venait à propos pour nous procurer de la vraie viande de quadrupède, et il fut bien reçu. |
| Ned Land was very proud of his shot. The hog, hit by the electric ball, fell stone dead. The Canadian skinned and cleaned it properly, after having taken half a dozen cutlets, destined to furnish us with a grilled repast in the evening. Then the hunt was resumed, which was still more marked by Ned and Conseil’s exploits. | Ned Land se montra très-glorieux de son coup de fusil. Le cochon, touché par la balle électrique, était tombé raide mort. Le Canadien le dépouilla et le vida proprement, après en avoir retiré une demi-douzaine de côtelettes destinées à fournir une grillade pour le repas du soir. Puis, cette chasse fut reprise, qui devait encore être marquée par les exploits de Ned et de Conseil. |
| Indeed, the two friends, beating the bushes, roused a herd of kangaroos that fled and bounded along on their elastic paws. But these animals did not take to flight so rapidly but what the electric capsule could stop their course. | En effet, les deux amis, battant les buissons, firent lever une troupe de kangaroos, qui s’enfuirent en bondissant sur leurs pattes élastiques. Mais ces animaux ne s’enfuirent pas si rapidement que la capsule électrique ne pût les arrêter dans leur course. |
| “Ah, Professor!” cried Ned Land, who was carried away by the delights of the chase, “what excellent game, and stewed, too! What a supply for the Nautilus! Two! three! five down! And to think that we shall eat that flesh, and that the idiots on board shall not have a crumb!” | «Ah! monsieur le professeur, s’écria Ned Land que la rage du chasseur prenait à la tête, quel gibier excellent, cuit à l’étuvée surtout! Quel approvisionnement pour le Nautilus! Deux! trois! cinq à terre! Et quand je pense que nous dévorerons toute cette chair, et que ces imbéciles du bord n’en aurons pas miette!» |
| I think that, in the excess of his joy, the Canadian, if he had not talked so much, would have killed them all. But he contented himself with a single dozen of these interesting marsupians. | Je crois que, dans l’excès de sa joie, le Canadien, s’il n’avait pas tant parlé, aurait massacré toute la bande! Mais il se contenta d’une douzaine de ces intéressants marsupiaux, qui forment le premier ordre des mammifères aplacentaires,—nous dit Conseil. |
| These animals were small. They were a species of those “kangaroo rabbits” that live habitually in the hollows of trees, and whose speed is extreme; but they are moderately fat, and furnish, at least, estimable food. We were very satisfied with the results of the hunt. Happy Ned proposed to return to this enchanting island the next day, for he wished to depopulate it of all the eatable quadrupeds. But he had reckoned without his host. | Ces animaux étaient de petite taille. C’était une espèce de ces «kangaroos-lapins,» qui gîtent habituellement dans le creux des arbres, et dont la vélocité est extrême; mais s’ils sont de médiocre grosseur, ils fournissent, du moins, la chair la plus estimée. Nous étions très-satisfaits des résultats de notre chasse. Le joyeux Ned se proposait de revenir le lendemain à cette île enchantée, qu’il voulait dépeupler de tous ses quadrupèdes comestibles. Mais il comptait sans les événements. |
| At six o’clock in the evening we had regained the shore; our boat was moored to the usual place. The Nautilus, like a long rock, emerged from the waves two miles from the beach. Ned Land, without waiting, occupied himself about the important dinner business. He understood all about cooking well. The “bari-outang,” grilled on the coals, soon scented the air with a delicious odour. | A six heures du soir, nous avions regagné la plage. Notre canot était échoué à sa place habituelle. Le Nautilus, semblable à un long écueil, émergeait des flots à deux milles du rivage. Ned Land, sans plus tarder, s’occupa de la grande affaire du dîner. Il s’entendait admirablement à toute cette cuisine. Les côtelettes de «bari-outang,» grillées sur des charbons, répandirent bientôt une délicieuse odeur qui parfuma l’atmosphère!… |
| Mais je m’aperçois que je marche sur les traces du Canadien. Me voici en extase devant une grillade de porc frais! Que l’on me pardonne, comme j’ai pardonné à maître Land, et pour les mêmes motifs! | |
| Indeed, the dinner was excellent. Two wood-pigeons completed this extraordinary menu. The sago pasty, the artocarpus bread, some mangoes, half a dozen pineapples, and the liquor fermented from some coco-nuts, overjoyed us. I even think that my worthy companions’ ideas had not all the plainness desirable. | Enfin, le dîner fut excellent. Deux ramiers complétèrent ce menu extraordinaire. La pâte de sagou, le pain de l’artocarpus, quelques mangues, une demi-douzaine d’ananas, et la liqueur fermentée de certaines noix de cocos, nous mirent en joie. Je crois même que les idées de mes dignes compagnons n’avaient pas toute la netteté désirable. |
| “Suppose we do not return to the Nautilus this evening?” said Conseil. | «Si nous ne retournions pas ce soir au Nautilus? dit Conseil. |
| “Suppose we never return?” added Ned Land. | —Si nous n’y retournions jamais?» ajouta Ned Land. |
| Just then a stone fell at our feet and cut short the harpooner’s proposition. | En ce moment une pierre vint tomber à nos pieds, et coupa court à la proposition du harponneur. |
| CHAPTER XXI CAPTAIN NEMO’S THUNDERBOLT | CHAPITRE XXII LA FOUDRE DU CAPITAINE NEMO. |
| We looked at the edge of the forest without rising, my hand stopping in the action of putting it to my mouth, Ned Land’s completing its office. | Nous avions regardé du côté de la forêt, sans nous lever, ma main s’arrêtant dans son mouvement vers ma bouche, celle de Ned Land achevant son office. |
| “Stones do not fall from the sky,” remarked Conseil, “or they would merit the name aerolites.” | «Une pierre ne tombe pas du ciel, dit Conseil, ou bien elle mérite le nom d’aérolithe.» |
| A second stone, carefully aimed, that made a savoury pigeon’s leg fall from Conseil’s hand, gave still more weight to his observation. We all three arose, shouldered our guns, and were ready to reply to any attack. | Une seconde pierre, soigneusement arrondie, qui enleva de la main de Conseil une savoureuse cuisse de ramier, donna encore plus de poids à son observation. Levés tous les trois, le fusil à l’épaule, nous étions prêts à répondre à toute attaque. |
| “Are they apes?” cried Ned Land. | «Sont-ce des singes? s’écria Ned Land. |
| “Very nearly—they are savages.” | —A peu près, répondit Conseil, ce sont des sauvages. |
| “To the boat!” I said, hurrying to the sea. | —Au canot!» dis-je en me dirigeant vers la mer. |
| It was indeed necessary to beat a retreat, for about twenty natives armed with bows and slings appeared on the skirts of a copse that masked the horizon to the right, hardly a hundred steps from us. | Il fallait, en effet, battre en retraite, car une vingtaine de naturels, armés d’arcs et de frondes, apparaissaient sur la lisière d’un taillis, qui masquait l’horizon de droite, à cent pas à peine. |
| Our boat was moored about sixty feet from us. The savages approached us, not running, but making hostile demonstrations. Stones and arrows fell thickly. | Notre canot était échoué à dix toises de nous. Les sauvages s’approchaient, sans courir, mais ils prodiguaient les démonstrations les plus hostiles. Les pierres et les flèches pleuvaient. |
| Ned Land had not wished to leave his provisions; and, in spite of his imminent danger, his pig on one side and kangaroos on the other, he went tolerably fast. In two minutes we were on the shore. To load the boat with provisions and arms, to push it out to sea, and ship the oars, was the work of an instant. We had not gone two cable-lengths, when a hundred savages, howling and gesticulating, entered the water up to their waists. I watched to see if their apparition would attract some men from the Nautilus on to the platform. But no. The enormous machine, lying off, was absolutely deserted. | Ned Land n’avait pas voulu abandonner ses provisions, et malgré l’imminence du danger, son cochon d’un côté, ses kangaroos de l’autre, il détalait avec une certaine rapidité. En deux minutes, nous étions sur la grève. Charger le canot des provisions et des armes, le pousser à la mer, armer les deux avirons, ce fut l’affaire d’un instant. Nous n’avions pas gagné deux encâblures, que cent sauvages, hurlant et gesticulant, entrèrent dans l’eau jusqu’à la ceinture. Je regardai si leur apparition attirerait sur la plate-forme quelques hommes du Nautilus. Mais non. L’énorme engin, couché au large, demeurait absolument désert. |
| Twenty minutes later we were on board. The panels were open. After making the boat fast, we entered into the interior of the Nautilus. | Vingt minutes plus tard, nous montions à bord. Les panneaux étaient ouverts. Après avoir amarré le canot, nous rentrâmes à l’intérieur du Nautilus. |
| I descended to the drawing-room, from whence I heard some chords. Captain Nemo was there, bending over his organ, and plunged in a musical ecstasy. | Je descendis au salon, d’où s’échappaient quelques accords. Le capitaine Nemo était là, courbé sur son orgue et plongé dans une extase musicale. |
| “Captain!” | «Capitaine!» lui dis-je. |
| He did not hear me. | Il ne m’entendit pas. |
| “Captain!” I said, touching his hand. | «Capitaine!» repris-je en le touchant de la main. |
| He shuddered, and, turning round, said, “Ah! it is you, Professor? Well, have you had a good hunt, have you botanised successfully?” | Il frissonna, et se retournant: «Ah! c’est vous, monsieur le professeur? me dit-il. Eh bien! avez-vous fait bonne chasse, avez-vous herborisé avec succès? |
| “Yes Captain; but we have unfortunately brought a troop of bipeds, whose vicinity troubles me.” | —Oui, capitaine, répondis-je, mais nous avons malheureusement ramené une troupe de bipèdes dont le voisinage me paraît inquiétant. |
| “What bipeds?” | —Quels bipèdes? |
| “Savages.” | —Des sauvages. |
| “Savages!” he echoed, ironically. “So you are astonished, Professor, at having set foot on a strange land and finding savages? Savages! where are there not any? Besides, are they worse than others, these whom you call savages?” | —Des sauvages! répondit le capitaine Nemo d’un ton ironique. Et vous vous étonnez, monsieur le professeur, qu’ayant mis le pied sur une des terres de ce globe, vous y trouviez des sauvages? Des sauvages, où n’y en a-t-il pas? Et d’ailleurs, sont-ils pires que les autres, ceux que vous appelez des sauvages? |
| “But Captain——” | —Mais, capitaine… |
| —Pour mon compte, monsieur, j’en ai rencontré partout. —Eh bien, répondis-je, si vous ne voulez pas en recevoir à bord du Nautilus, vous ferez bien de prendre quelques précautions. —Tranquillisez-vous, monsieur le professeur, il n’y a pas là de quoi se préoccuper. —Mais ces naturels sont nombreux. | |
| “How many have you counted?” | —Combien en avez-vous compté? |
| “A hundred at least.” | —Une centaine, au moins. |
| “M. Aronnax,” replied Captain Nemo, placing his fingers on the organ stops, “when all the natives of Papua are assembled on this shore, the Nautilus will have nothing to fear from their attacks.” | —Monsieur Aronnax, répondit le capitaine Nemo, dont les doigts s’étaient replacés sur les touches de l’orgue, quand tous les indigènes de la Papouasie seraient réunis sur cette plage, le Nautilus n’aurait rien à craindre de leurs attaques!» |
| The Captain’s fingers were then running over the keys of the instrument, and I remarked that he touched only the black keys, which gave his melodies an essentially Scotch character. Soon he had forgotten my presence, and had plunged into a reverie that I did not disturb. I went up again on to the platform: night had already fallen; for, in this low latitude, the sun sets rapidly and without twilight. | Les doigts du capitaine couraient alors sur le clavier de l’instrument, et je remarquai qu’il n’en frappait que les touches noires, ce qui donnait à ses mélodies une couleur essentiellement écossaise. Bientôt, il eut oublié ma présence, et fut plongé dans une rêverie que je ne cherchai plus à dissiper. Je remontai sur la plate-forme. La nuit était déjà venue, car, sous cette basse latitude, le soleil se couche rapidement et sans crépuscule. |
| I could only see the island indistinctly; but the numerous fires, lighted on the beach, showed that the natives did not think of leaving it. I was alone for several hours, sometimes thinking of the natives—but without any dread of them, for the imperturbable confidence of the Captain was catching—sometimes forgetting them to admire the splendours of the night in the tropics. My remembrances went to France in the train of those zodiacal stars that would shine in some hours’ time. The moon shone in the midst of the constellations of the zenith. | Je n’aperçus plus que confusément l’île Gueboroar. Mais des feux nombreux, allumés sur la plage, attestaient que les naturels ne songeaient pas à la quitter. Je restai seul ainsi pendant plusieurs heures, tantôt songeant à ces indigènes,—mais sans les redouter autrement, car l’imperturbable confiance du capitaine me gagnait,—tantôt les oubliant, pour admirer les splendeurs de cette nuit des tropiques. Mon souvenir s’envolait vers la France, à la suite de ces étoiles zodiacales qui devaient l’éclairer dans quelques heures. La lune resplendissait au milieu des constellations du zénith. |
| Je pensai alors que ce fidèle et complaisant satellite reviendrait après demain, à cette même place, pour soulever ces ondes et arracher le Nautilus à son lit de coraux. Vers minuit, voyant que tout était tranquille sur les flots assombris aussi bien que sous les arbres du rivage, je regagnai ma cabine, et je m’endormis paisiblement. | |
| The night slipped away without any mischance, the islanders frightened no doubt at the sight of a monster aground in the bay. The panels were open, and would have offered an easy access to the interior of the Nautilus. | La nuit s’écoula sans mésaventure. Les Papouas s’effrayaient, sans doute, à la seule vue du monstre échoué dans la baie, car les panneaux, restés ouverts, leur eussent offert un accès facile à l’intérieur du Nautilus. |
| At six o’clock in the morning of the 8th January I went up on to the platform. The dawn was breaking. The island soon showed itself through the dissipating fogs, first the shore, then the summits. | A six heures du matin,—8 janvier,—je remontai sur la plate-forme. Les ombres du matin se levaient. L’île montra bientôt, à travers les brumes dissipées, ses plages d’abord, ses sommets ensuite. |
| The natives were there, more numerous than on the day before—five or six hundred perhaps—some of them, profiting by the low water, had come on to the coral, at less than two cable-lengths from the Nautilus. I distinguished them easily; they were true Papuans, with athletic figures, men of good race, large high foreheads, large, but not broad and flat, and white teeth. | Les indigènes étaient toujours là, plus nombreux que la veille,—cinq ou six cents peut-être. Quelques-uns, profitant de la marée basse, s’étaient avancés sur les têtes de coraux, à moins de deux encâblures du Nautilus. Je les distinguai facilement. C’étaient bien de véritables Papouas, à taille athlétique, hommes de belle race, au front large et élevé, au nez gros mais non épaté, aux dents blanches. |
| Their woolly hair, with a reddish tinge, showed off on their black shining bodies like those of the Nubians. From the lobes of their ears, cut and distended, hung chaplets of bones. Most of these savages were naked. Amongst them, I remarked some women, dressed from the hips to knees in quite a crinoline of herbs, that sustained a vegetable waistband. | Leur chevelure laineuse, teinte en rouge, tranchait sur un corps, noir et luisant comme celui des Nubiens. Au lobe de leur oreille, coupé et distendu, pendaient des chapelets en os. Ces sauvages étaient généralement nus. Parmi eux, je remarquai quelques femmes, habillées, des hanches au genou, d’une véritable crinoline d’herbes que soutenait une ceinture végétale. |
| Some chiefs had ornamented their necks with a crescent and collars of glass beads, red and white; nearly all were armed with bows, arrows, and shields and carried on their shoulders a sort of net containing those round stones which they cast from their slings with great skill. | Certains chefs avaient orné leur cou d’un croissant et de colliers de verroteries rouges et blanches. Presque tous, armés d’arcs, de flèches et de boucliers, portaient à leur épaule une sorte de filet contenant ces pierres arrondies que leur fronde lance avec adresse. |
| One of these chiefs, rather near to the Nautilus, examined it attentively. He was, perhaps, a “mado” of high rank, for he was draped in a mat of banana-leaves, notched round the edges, and set off with brilliant colours. | Un de ces chefs, assez rapproché du Nautilus, l’examinait avec attention. Ce devait être un «mado» de haut rang, car il se drapait dans une natte en feuilles de bananiers, dentelée sur ses bords et relevée d’éclatantes couleurs. |
| I could easily have knocked down this native, who was within a short length; but I thought that it was better to wait for real hostile demonstrations. Between Europeans and savages, it is proper for the Europeans to parry sharply, not to attack. | J’aurais pu facilement abattre cet indigène, qui se trouvait à petite portée; mais je crus qu’il valait mieux attendre des démonstrations véritablement hostiles. Entre Européens et sauvages, il convient que les Européens ripostent et n’attaquent pas. |
| During low water the natives roamed about near the Nautilus, but were not troublesome; I heard them frequently repeat the word “Assai,” and by their gestures I understood that they invited me to go on land, an invitation that I declined. | Pendant tout le temps de la marée basse, ces indigènes rôdèrent près du Nautilus, mais ils ne se montrèrent pas bruyants. Je les entendais répéter fréquemment le mot «assai,» et à leurs gestes je compris qu’ils m’invitaient à aller à terre, invitation que je crus devoir décliner. |
| So that, on that day, the boat did not push off, to the great displeasure of Master Land, who could not complete his provisions. | Donc, ce jour-là, le canot ne quitta pas le bord, au grand déplaisir de maître Land qui ne put compléter ses provisions. |
| This adroit Canadian employed his time in preparing the viands and meat that he had brought off the island. As for the savages, they returned to the shore about eleven o’clock in the morning, as soon as the coral tops began to disappear under the rising tide; but I saw their numbers had increased considerably on the shore. | Cet adroit Canadien employa son temps à préparer les viandes et farines qu’il avait rapportées de l’île Gueboroar. Quant aux sauvages, ils regagnèrent la terre vers onze heures du matin, dès que les têtes de corail commencèrent à disparaître sous le flot de la marée montante. Mais je vis leur nombre s’accroître considérablement sur la plage. |
| Probably they came from the neighbouring islands, or very likely from Papua. However, I had not seen a single native canoe. Having nothing better to do, I thought of dragging these beautiful limpid waters, under which I saw a profusion of shells, zoophytes, and marine plants. Moreover, it was the last day that the Nautilus would pass in these parts, if it float in open sea the next day, according to Captain Nemo’s promise. | Il était probable qu’ils venaient des îles voisines ou de la Papouasie proprement dite. Cependant, je n’avais pas aperçu une seule pirogue indigène. N’ayant rien de mieux à faire, je songeai à draguer ces belles eaux limpides, qui laissaient voir à profusion des coquilles, des zoophytes et des plantes pélagiennes. C’était, d’ailleurs, la dernière journée que le Nautilus allait passer dans ces parages, si, toutefois, il flottait à la pleine mer du lendemain, suivant la promesse du capitaine Nemo. |
| I therefore called Conseil, who brought me a little light drag, very like those for the oyster fishery. Now to work! For two hours we fished unceasingly, but without bringing up any rarities. The drag was filled with midas-ears, harps, melames, and particularly the most beautiful hammers I have ever seen. We also brought up some sea-slugs, pearl-oysters, and a dozen little turtles that were reserved for the pantry on board. | J’appelai donc Conseil qui m’apporta une petite drague légère, à peu près semblable à celles qui servent à pêcher les huîtres. «Et ces sauvages? me demanda Conseil. N’en déplaise à monsieur, ils ne me semblent pas très-méchants! —Ce sont pourtant des anthropophages, mon garçon. —On peut être anthropophage et brave homme, répondit Conseil, comme on peut être gourmand et honnête. L’un n’exclut pas l’autre. —Bon! Conseil, je t’accorde que ce sont d’honnêtes anthropophages, et qu’ils dévorent honnêtement leurs prisonniers. Cependant, comme je ne tiens pas à être dévoré, même honnêtement, je me tiendrai sur mes gardes, car le commandant du Nautilus ne paraît prendre aucune précaution. Et maintenant à l’ouvrage.» Pendant deux heures, notre pêche fut activement conduite, mais sans rapporter aucune rareté. La drague s’emplissait d’oreilles de Midas, de harpes, de mélanies, et particulièrement des plus beaux marteaux que j’eusse vu jusqu’à ce jour. Nous prîmes aussi quelques holoturies, des huîtres perlières, et une douzaine de petites tortues qui furent réservées pour l’office du bord. |
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Vingt Mille Lieues
Sous Les Mers de Jules Vernes
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