Ce n’est pas une traduction mots a mots mais les livres dans les deux languages mis côte a côte. Vous pouvez le lire en Français, en anglais ou parallèlement.
This is not a word-by-word translation but the books in the two languages put side by side. You can read it in French, in English or both.
Twenty Thousand Leagues Under The Sea by Jules Vernes
| Twenty Thousand Leagues Under The Sea by Jules Vernes | Vingt Mille Lieues Sous Les Mers de Jules Vernes |
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| PART II | PART II |
| CHAPTER III | CHAPITRE III |
| But Ned Land had disentangled the Captain, who, getting up without any wound, went straight to the Indian, quickly cut the cord which held him to his stone, took him in his arms, and, with a sharp blow of his heel, mounted to the surface. | Cependant, Ned Land avait dégagé le capitaine. Celui-ci, relevé sans blessures, alla droit à l’Indien, coupa vivement la corde qui le liait à sa pierre, le prit dans ses bras et, d’un vigoureux coup de talon, il remonta àe la surface de la mer. |
| We all three followed in a few seconds, saved by a miracle, and reached the fisherman’s boat. | Nous le suivîmes tous trois, et, en quelques instants, miraculeusement sauvés, nous atteignions l’embarcation du pêcheur. |
| Captain Nemo’s first care was to recall the unfortunate man to life again. I did not think he could succeed. I hoped so, for the poor creature’s immersion was not long; but the blow from the shark’s tail might have been his death-blow. | Le premier soin du capitaine Nemo fut de rappeler ce malheureux à la vie. Je ne savais s’il réussirait. Je l’espérais, car l’immersion de ce pauvre diable n’avait pas été longue. Mais le coup de queue du requin pouvait l’avoir frappé à mort. |
| Happily, with the Captain’s and Conseil’s sharp friction, I saw consciousness return by degrees. He opened his eyes. What was his surprise, his terror even, at seeing four great copper heads leaning over him! And, above all, what must he have thought when Captain Nemo, drawing from the pocket of his dress a bag of pearls, placed it in his hand! This munificent charity from the man of the waters to the poor Cingalese was accepted with a trembling hand. His wondering eyes showed that he knew not to what super-human beings he owed both fortune and life. | Heureusement, sous les vigoureuses frictions de Conseil et du capitaine, je vis, peu à peu, le noyé revenir au sentiment. Il ouvrit les yeux. Quelle dut être sa surprise, son épouvante même, à voir les quatre grosses têtes de cuivre qui se penchaient sur lui! Et surtout, que dut-il penser, quand le capitaine Nemo, tirant d’une poche de son vêtement un sachet de perles, le lui eut mis dans la main? Cette magnifique aumône de l’homme des eaux au pauvre Indien de Ceyland fut acceptée par celui-ci d’une main tremblante. Ses yeux effarés indiquaient du reste qu’il ne savait à quels êtres surhumains il devait à la fois la fortune et la vie. |
| At a sign from the Captain we regained the bank, and, following the road already traversed, came in about half an hour to the anchor which held the canoe of the Nautilus to the earth. | Sur un signe du capitaine, nous regagnâmes le banc de pintadines, et, suivant la route déjà parcourue, après une demi-heure de marche nous rencontrions l’ancre qui rattachait au sol le canot du Nautilus. |
| Once on board, we each, with the help of the sailors, got rid of the heavy copper helmet. | Une fois embarqués, chacun de nous, avec l’aide des matelots, se débarrassa de sa lourde carapace de cuivre. |
| Captain Nemo’s first word was to the Canadian. | La première parole du capitaine Nemo fut pour le Canadien. |
| “Thank you, Master Land,” said he. | «Merci, maître Land, lui dit-il. |
| “It was in revenge, Captain,” replied Ned Land. “I owed you that.” | —C’est une revanche, capitaine, répondit Ned Land. Je vous devais cela.» |
| A ghastly smile passed across the Captain’s lips, and that was all. | Un pâle sourire glissa sur les lèvres du capitaine, et ce fut tout. |
| “To the Nautilus,” said he. | «Au Nautilus,» dit-il. |
| The boat flew over the waves. Some minutes after we met the shark’s dead body floating. By the black marking of the extremity of its fins, I recognised the terrible melanopteron of the Indian Seas, of the species of shark so properly called. It was more than twenty-five feet long; its enormous mouth occupied one-third of its body. It was an adult, as was known by its six rows of teeth placed in an isosceles triangle in the upper jaw. | L’embarcation vola sur les flots. Quelques minutes plus tard, nous rencontrions le cadavre du requin qui flottait. A la couleur noire marquant l’extrémité de ses nageoires, je reconnus le terrible mélanoptère de la mer des Indes, de l’espèce des requins proprement dits. Sa longueur dépassait vingt-cinq pieds; sa bouche énorme occupait le tiers de son corps. C’était un adulte, ce qui se voyait aux six rangées de dents, disposées en triangles isocèles sur la mâchoire supérieure. |
| Conseil le regardait avec un intérêt tout scientifique, et je suis sûr qu’il le rangeait, non sans raison, dans la classe des cartilagineux, ordre des chondroptérygiens à branchies fixes, famille des sélaciens, genre des squales. | |
| Whilst I was contemplating this inert mass, a dozen of these voracious beasts appeared round the boat; and, without noticing us, threw themselves upon the dead body and fought with one another for the pieces. | Pendant que je considérais cette masse inerte, une douzaine de ces voraces mélanoptères apparut tout d’un coup autour de l’embarcation; mais, sans se préoccuper de nous, ils se jetèrent sur le cadavre et s’en disputèrent les lambeaux. |
| At half-past eight we were again on board the Nautilus. There I reflected on the incidents which had taken place in our excursion to the Manaar Bank. | A huit heures et demie, nous étions de retour à bord du Nautilus. Là, je me pris à réfléchir sur les incidents de notre excursion au banc de Manaar. |
| Two conclusions I must inevitably draw from it—one bearing upon the unparalleled courage of Captain Nemo, the other upon his devotion to a human being, a representative of that race from which he fled beneath the sea. Whatever he might say, this strange man had not yet succeeded in entirely crushing his heart. | Deux observations s’en dégageaient inévitablement. L’une, portant sur l’audace sans pareille du capitaine Nemo, l’autre sur son dévouement pour un être humain, l’un des représentants de cette race qu’il fuyait sous les mers. Quoi qu’il en dît, cet homme étrange n’était pas parvenu encore à tuer son cœur tout entier. |
| When I made this observation to him, he answered in a slightly moved tone: | Lorsque je lui fis cette observation, il me répondit d’un ton légèrement ému: |
| “That Indian, sir, is an inhabitant of an oppressed country; and I am still, and shall be, to my last breath, one of them!” | «Cet Indien, monsieur le professeur, c’est un habitant du pays des opprimés, et je suis encore, et, jusqu’à mon dernier souffle, je serai de ce pays-là!» |
| CHAPTER IV THE RED SEA | CHAPITRE IV LA MER ROUGE. |
| In the course of the day of the 29th of January, the island of Ceylon disappeared under the horizon, and the Nautilus, at a speed of twenty miles an hour, slid into the labyrinth of canals which separate the Maldives from the Laccadives. It coasted even the Island of Kiltan, a land originally coraline, discovered by Vasco da Gama in 1499, and one of the nineteen principal islands of the Laccadive Archipelago, situated between 10° and 14° 30′ N. lat., and 69° 50′ 72″ E. long. | Pendant la journée du 29 janvier, l’île de Ceyland disparut sous l’horizon, et le Nautilus, avec une vitesse de vingt milles à l’heure, se glissa dans ce labyrinthe de canaux qui séparent les Maledives des Laquedives. Il rangea même l’île Kittan, terre d’origine madréporique, découverte par Vasco de Gama en 1499, et l’une des dix-neuf principales îles de cet archipel des Laquedives, situé entre 10° et 14°30′ de latitude nord, et 69° et 50° 72′ de longitude est. |
| We had made 16,220 miles, or 7,500 (French) leagues from our starting-point in the Japanese Seas. | Nous avions fait alors seize mille deux cent vingt milles, ou sept mille cinq cents lieues depuis notre point de départ dans les mers du Japon. |
| The next day (30th January), when the Nautilus went to the surface of the ocean there was no land in sight. Its course was N.N.E., in the direction of the Sea of Oman, between Arabia and the Indian Peninsula, which serves as an outlet to the Persian Gulf. It was evidently a block without any possible egress. Where was Captain Nemo taking us to? I could not say. This, however, did not satisfy the Canadian, who that day came to me asking where we were going. | Le lendemain,—30 janvier,—lorsque le Nautilus remonta à la surface de l’Océan, il n’avait plus aucune terre en vue. Il faisait route au nord-nord-ouest, et se dirigeait vers cette mer d’Oman, creusée entre l’Arabie et la péninsule indienne, qui sert de débouché au golfe Persique. C’était évidemment une impasse, sans issue possible. Où nous conduisait donc le capitaine Nemo? Je n’aurais pu le dire. Ce qui ne satisfit pas le Canadien, qui, ce jour-là, me demanda où nous allions. |
| “We are going where our Captain’s fancy takes us, Master Ned.” | «Nous allons, maître Ned, où nous conduit la fantaisie du capitaine. |
| “His fancy cannot take us far, then,” said the Canadian. “The Persian Gulf has no outlet: and, if we do go in, it will not be long before we are out again.” | —Cette fantaisie, répondit le Canadien, ne peut nous mener loin. Le golfe Persique n’a pas d’issue, et si nous y entrons, nous ne tarderons guère à revenir sur nos pas. |
| “Very well, then, we will come out again, Master Land; and if, after the Persian Gulf, the Nautilus would like to visit the Red Sea, the Straits of Bab-el-mandeb are there to give us entrance.” | —Eh bien! nous reviendrons, maître Land, et si après le golfe Persique, le Nautilus veut visiter la mer Rouge, le détroit de Babel-Mandeb est toujours là pour lui livrer passage. |
| “I need not tell you, sir,” said Ned Land, “that the Red Sea is as much closed as the Gulf, as the Isthmus of Suez is not yet cut; and, if it was, a boat as mysterious as ours would not risk itself in a canal cut with sluices. And again, the Red Sea is not the road to take us back to Europe.” | —Je ne vous apprendrai pas, monsieur, répondit Ned Land, que la mer Rouge est non moins fermée que le golfe, puisque l’isthme de Suez n’est pas encore percé, et, le fût-il, un bateau mystérieux comme le nôtre ne se hasarderait pas dans ses canaux coupés d’écluses. Donc, la mer Rouge n’est pas encore le chemin qui nous ramènera en Europe. |
| “But I never said we were going back to Europe.” | —Aussi, n’ai-je pas dit que nous reviendrions en Europe. |
| “What do you suppose, then?” | —Que supposez-vous donc? |
| “I suppose that, after visiting the curious coasts of Arabia and Egypt, the Nautilus will go down the Indian Ocean again, perhaps cross the Channel of Mozambique, perhaps off the Mascarenhas, so as to gain the Cape of Good Hope.” | —Je suppose qu’après avoir visité ces curieux parages de l’Arabie et de l’Égypte, le Nautilus redescendra l’Océan indien, peut-être à travers le canal de Mozambique, peut-être au large des Mascareignes, de manière à gagner le cap de Bonne-Espérance. |
| “And once at the Cape of Good Hope?” asked the Canadian, with peculiar emphasis. | —Et une fois au cap de Bonne-Espérance? demanda le Canadien avec une insistance toute particulière. |
| “Well, we shall penetrate into that Atlantic which we do not yet know. Ah! friend Ned, you are getting tired of this journey under the sea; you are surfeited with the incessantly varying spectacle of submarine wonders. For my part, I shall be sorry to see the end of a voyage which it is given to so few men to make.” | —Eh bien, nous pénétrerons dans cet Atlantique que nous ne connaissons pas encore. Ah çà! ami Ned, vous vous fatiguez donc de ce voyage sous les mers? Vous vous blasez donc sur le spectacle incessamment varié des merveilles sous-marines? Pour mon compte, je verrai avec un extrême dépit finir ce voyage qu’il aura été donné à si peu d’hommes de faire. |
| —Mais savez-vous, monsieur Aronnax, répondit le Canadien, que voilà bientôt trois mois que nous sommes emprisonnés à bord de ce Nautilus? —Non, Ned, je ne le sais pas, je ne veux pas le savoir, et je ne compte ni les jours, ni les heures. —Mais la conclusion? —La conclusion viendra en son temps. D’ailleurs, nous n’y pouvons rien, et nous discutons inutilement. Si vous veniez me dire, mon brave Ned: «Une chance d’évasion nous est offerte,» je la discuterais avec vous. Mais tel n’est pas le cas et, à vous parler franchement, je ne crois pas que le capitaine Nemo s’aventure jamais dans les mers européennes.» Par ce court dialogue, on verra que, fanatique du Nautilus, j’étais incarné dans la peau de son commandant. Quant à Ned Land, il termina la conversation par ces mots, en forme de monologue: «Tout cela est bel et bon, mais, à mon avis, où il y a de la gêne, il n’y a plus de plaisir.» | |
| For four days, till the 3rd of February, the Nautilus scoured the Sea of Oman, at various speeds and at various depths. It seemed to go at random, as if hesitating as to which road it should follow, but we never passed the Tropic of Cancer. | Pendant quatre jours, jusqu’au 3 février, le Nautilus visita la mer d’Oman, sous diverses vitesses et à diverses profondeurs. Il semblait marcher au hasard, comme s’il eût hésité sur la route à suivre, mais il ne dépassa jamais le tropique du Cancer. |
| In quitting this sea we sighted Muscat for an instant, one of the most important towns of the country of Oman. I admired its strange aspect, surrounded by black rocks upon which its white houses and forts stood in relief. I saw the rounded domes of its mosques, the elegant points of its minarets, its fresh and verdant terraces. But it was only a vision! The Nautilus soon sank under the waves of that part of the sea. | En quittant cette mer, nous eûmes un instant connaissance de Mascate, la plus importante ville du pays d’Oman. J’admirai son aspect étrange, au milieu des noirs rochers qui l’entourent et sur lesquels se détachent en blanc ses maisons et ses forts. J’aperçus le dôme arrondi de ses mosquées, la pointe élégante de ses minarets, ses fraîches et verdoyantes terrasses. Mais ce ne fut qu’une vision, et le Nautilus s’enfonça bientôt sous les flots sombres de ces parages. |
| We passed along the Arabian coast of Mahrah and Hadramaut, for a distance of six miles, its undulating line of mountains being occasionally relieved by some ancient ruin. The 5th of February we at last entered the Gulf of Aden, a perfect funnel introduced into the neck of Bab-el-mandeb, through which the Indian waters entered the Red Sea. | Puis, il prolongea à une distance de six milles les côtes arabiques du Mahrah et de l’Hadramant, et sa ligne ondulée de montagnes, relevée de quelques ruines anciennes. Le 5 février, nous donnions enfin dans le golfe d’Aden, véritable entonnoir introduit dans ce goulot de Babel-Mandeb, qui entonne les eaux indiennes dans la mer Rouge. |
| The 6th of February, the Nautilus floated in sight of Aden, perched upon a promontory which a narrow isthmus joins to the mainland, a kind of inaccessible Gibraltar, the fortifications of which were rebuilt by the English after taking possession in 1839. I caught a glimpse of the octagon minarets of this town, which was at one time the richest commercial magazine on the coast. | Le 6 février, le Nautilus flottait en vue d’Aden, perché sur un promontoire qu’un isthme étroit réunit au continent, sorte de Gibraltar inaccessible, dont les Anglais ont refait les fortifications, après s’en être emparés en 1839. J’entrevis les minarets octogones de cette ville qui fut autrefois l’entrepôt le plus riche et le plus commerçant de la côte, au dire de l’historien Edrisi. |
| I certainly thought that Captain Nemo, arrived at this point, would back out again; but I wase mistaken, for he did no such thing, much to my surprise. | Je croyais bien que le capitaine Nemo, parvenu à ce point, allait revenir en arrière; mais je me trompais, et, à ma grande surprise, il n’en fut rien. |
| The next day, the 7th of February, we entered the Straits of Bab-el-mandeb, the name of which, in the Arab tongue, means The Gate of Tears. | Le lendemain, 7 février, nous embouquions le détroit de Babel-Mandeb, dont le nom veut dire en langue arabe: «la porte des Larmes.» |
| To twenty miles in breadth, it is only thirty-two in length. And for the Nautilus, starting at full speed, the crossing was scarcely the work of an hour. But I saw nothing, not even the Island of Perim, with which the British Government has fortified the position of Aden. | Sur vingt milles de large, il ne compte que cinquante-deux kilomètres de long, et pour le Nautilus lancé à toute vitesse, le franchir fut l’affaire d’une heure à peine. Mais je ne vis rien, pas même cette île de Périm, dont le gouvernement britannique a fortifié la position d’Aden. |
| There were too many English or French steamers of the line of Suez to Bombay, Calcutta to Melbourne, and from Bourbon to the Mauritius, furrowing this narrow passage, for the Nautilus to venture to show itself. So it remained prudently below. At last about noon, we were in the waters of the Red Sea. | Trop de steamers anglais ou français des lignes de Suez à Bombay, à Calcutta, à Melbourne, à Bourbon, à Maurice, sillonnaient cet étroit passage, pour que le Nautilus tentât de s’y montrer. Aussi se tint-il prudemment entre deux eaux. Enfin, à midi, nous sillonnions les flots de la mer Rouge. |
| La mer Rouge, lac célèbre des traditions bibliques, que les pluies ne rafraîchissent guère, qu’aucun fleuve important n’arrose, qu’une excessive évaporation pompe incessamment et qui perd chaque année une tranche liquide haute d’un mètre et demi! Singulier golfe, qui, fermé et dans les conditions d’un lac, serait peut-être entièrement desséché; inférieur en ceci à ses voisines la Caspienne ou l’Asphaltite, dont le niveau a seulement baissé jusqu’au point où leur évaporation a précisément égalé la somme des eaux reçues dans leur sein. Cette mer Rouge a deux mille six cents kilomètres de longueur sur une largeur moyenne de deux cent quarante. Au temps des Ptolémées et des empereurs romains, elle fut la grande artère commerciale du monde, et le percement de l’isthme lui rendra cette antique importance que les railways de Suez ont déjà ramenée en partie. | |
| I would not even seek to understand the caprice which had decided Captain Nemo upon entering the gulf. But I quite approved of the Nautilus entering it. Its speed was lessened: sometimes it kept on the surface, sometimes it dived to avoid a vessel, and thus I was able to observe the upper and lower parts of this curious sea. | Je ne voulus même pas chercher à comprendre ce caprice du capitaine Nemo qui pouvait le décider à nous entraîner dans ce golfe. Mais j’approuvai sans réserve le Nautilus d’y être entré. Il prit une allure moyenne, tantôt se tenant à la surface, tantôt plongeant pour éviter quelque navire, et je pus observer ainsi le dedans et le dessus de cette mer si curieuse. |
| The 8th of February, from the first dawn of day, Mocha came in sight, now a ruined town, whose walls would fall at a gunshot, yet which shelters here and there some verdant date-trees; once an important city, containing six public markets, and twenty-six mosques, and whose walls, defended by fourteen forts, formed a girdle of two miles in circumference. | Le 8 février, dès les premières heures du jour, Moka nous apparut, ville maintenant ruinée, dont les murailles tombent au seul bruit du canon, et qu’abritent çà et là quelques dattiers verdoyants. Cité importante, autrefois, qui renfermait six marchés publics, vingt-six mosquées, et à laquelle ses murs, défendus par quatorze forts, faisaient une ceinture de trois kilomètres. |
| The Nautilus then approached the African shore, where the depth of the sea was greater. There, between two waters clear as crystal, through the open panels we were allowed to contemplate the beautiful bushes of brilliant coral and large blocks of rock clothed with a splendid fur of green variety of sites and landscapes along these sandbanks and algae and fuci. What an indescribable spectacle, and what variety of sites and landscapes along these sandbanks and volcanic islands which bound the Libyan coast! But where these shrubs appeared in all their beauty was on the eastern coast, which the Nautilus soon gained. Akirill.com | Puis, le Nautilus se rapprocha des rivages africains où la profondeur de la mer est plus considérable. Là, entre deux eaux d’une limpidité de cristal, par les panneaux ouverts, il nous permit de contempler d’admirables buissons de coraux éclatants, et de vastes pans de rochers revêtus d’une splendide fourrure verte d’algues et de fucus. Quel indescriptible spectacle, et quelle variété de sites et de paysages à l’arasement de ces écueils et de ces îlots volcaniques qui confinent à la côte lybienne! Mais où ces arborisations apparurent dans toute leur beauté, ce fut vers les rives orientales que le Nautilus ne tarda pas à rallier. |
| It was on the coast of Tehama, for there not only did this display of zoophytes flourish beneath the level of the sea, but they also formed picturesque interlacings which unfolded themselves about sixty feet above the surface, more capricious but less highly coloured than those whose freshness was kept up by the vital power of the waters. | Ce fut sur les côtes du Téhama, car alors non-seulement ces étalages de zoophytes fleurissaient au-dessous du niveau de la mer, mais ils formaient aussi des entrelacements pittoresques qui se déroulaient à dix brasses au-dessus; ceux-ci plus capricieux, mais moins colorés que ceux-là dont l’humide vitalité des eaux entretenait la fraîcheur. |
| What charming hours I passed thus at the window of the saloon! What new specimens of submarine flora and fauna did I admire under the brightness of our electric lantern! | Que d’heures charmantes je passai ainsi à la vitre du salon! Que d’échantillons nouveaux de la flore et de la faune sous-marine j’admirai sous l’éclat de notre fanal électrique! |
| Des fongies agariciformes, des actinies de couleur ardoisée, entre autres le thalassianthus aster, des tubipores disposés comme des flûtes et n’attendant que le souffle du dieu Pan, des coquilles particulières à cette mer, qui s’établissent dans les excavations madréporiques et dont la base est contournée en courte spirale, et enfin mille spécimens d’un polypier que je n’avais pas observé encore, la vulgaire éponge. La classe des spongiaires, première du groupe des polypes, a été précisément créée par ce curieux produit dont l’utilité est incontestable. L’éponge n’est point un végétal comme l’admettent encore quelques naturalistes, mais un animal du dernier ordre, un polypier inférieur à celui du corail. Son animalité n’est pas douteuse, et on ne peut même adopter l’opinion des anciens qui la regardaient comme un être intermédiaire entre la plante et l’animal. Je dois dire cependant, que les naturalistes ne sont pas d’accord sur le mode d’organisation de l’éponge. Pour les uns, c’est un polypier, et pour d’autres tels que M. Milne Edwards, c’est un individu isolé et unique. La classe des spongiaires contient environ trois cents espèces qui se rencontrent dans un grand nombre de mers, et même dans certains cours d’eau où elles ont reçu le nom de «fluviatiles.» Mais leurs eaux de prédilection sont celles de la Méditerranée, de l’archipel grec, de la côte de Syrie et de la mer Rouge. Là se reproduisent et se développent ces éponges fines-douces dont la valeur s’élève jusqu’à cent cinquante francs, l’éponge blonde de Syrie, l’éponge dure de Barbarie, etc. Mais puisque je ne pouvais espérer d’étudier ces zoophytes dans les échelles du Levant, dont nous étions séparés par l’infranchissable isthme de Suez, je me contentai de les observer dans les eaux de la mer Rouge. J’appelai donc Conseil près de moi, pendant que le Nautilus, par une profondeur moyenne de huit à neuf mètres, rasait lentement tous ces beaux rochers de la côte orientale. Là croissaient des éponges de toutes formes, des éponges pédiculées, foliacées, globuleuses, digitées. Elles justifiaient assez exactement ces noms de corbeilles, de calices, de quenouilles, de cornes d’élan, de pied de lion, de queue de paon, de gant de Neptune, que leur ont attribué les pêcheurs, plus poëtes que les savants. De leur tissu fibreux, enduit d’une substance gélatineuse à demi-fluide, s’échappaient incessamment de petits filets d’eau, qui après avoir porté la vie dans chaque cellule, en étaient expulsés par un mouvement contractile. Cette substance disparaît après la mort du polype, et se putréfie en dégageant de l’ammoniaque. Il ne reste plus alors que ces fibres cornées ou gélatineuses dont se compose l’éponge domestique, qui prend une teinte roussâtre,et qui s’emploie à des usages divers, selon son degré d’élasticité, de perméabilité ou de résistance à la macération. Ces polypiers adhéraient aux rochers, aux coquilles des mollusques et même aux tiges d’hydrophytes. Ils garnissaient les plus petites anfractuosités, les uns s’étalant, les autres se dressant ou pendant comme des excroissances coralligènes. J’appris à Conseil que ces éponges se pêchaient de deux manières, soit à la drague, soit à la main. Cette dernière méthode qui nécessite l’emploi des plongeurs, est préférable, car en respectant le tissu du polypier, elle lui laisse une valeur très-supérieure. Les autres zoophytes qui pullulaient auprès des spongiaires, consistaient principalement en méduses d’une espèce très-élégante; les mollusques étaient représentés par des variétés de calmars, qui, d’après d’Orbigny, sont spéciales à la mer Rouge, et les reptiles par des tortues virgata, appartenant au genre des Chélonées, qui fournirent à notre table un mets sain et délicat. Quant aux poissons, ils étaient nombreux et souvent remarquables. Voici ceux que les filets du Nautilus rapportaient plus fréquemment à bord: des raies, parmi lesquelles les limmes de forme ovale, de couleur brique, au corps semé d’inégales taches bleues et reconnaissables à leur double aiguillon dentelé, des arnacks au dos argenté, des pastenaques à la queue pointillée, et des bockats, vastes manteaux longs de deux mètres qui ondulaient entre les eaux, des aodons, absolument dépourvus de dents, sortes de cartilagineux qui se rapprochent du squale, des ostracions-dromadaires dont la bosse se termine par un aiguillon recourbé, long d’un pied et demi, des ophidies, véritables murènes à la queue argentée, au dos bleuâtre, aux pectorales brunes bordées d’un liseré gris, des fiatoles, espèces de stromatées, zébrés d’étroites raies d’or et parés des trois couleurs de la France, des blémies-garamits, longs de quatre décimètres, de superbes caranx, décorés de sept bandes transversales d’un beau noir, de nageoires bleues et jaunes, et d’écailles d’or et d’argent, des centropodes, des mulles auriflammes à tête jaune, des scares, des labres, des balistes, des gobies, etc., et mille autres poissons communs aux Océans que nous avions déjà traversés. | |
| The 9th of February the Nautilus floated in the broadest part of the Red Sea, which is comprised between Souakin, on the west coast, and Komfidah, on the east coast, with a diameter of ninety miles. | Le 9 février, le Nautilus flottait dans cette partie la plus large de la mer Rouge, qui est comprise entre Souakin sur la côte ouest et Quonfodah sur la côte est, sur un diamètre de cent quatre-vingt dix milles. |
| That day at noon, after the bearings were taken, Captain Nemo mountede the platform, where I happened to be, and I was determined not to let him go down again without at least pressing him regarding his ulterior projects. As soon as he saw me he approached and graciously offered me a cigar. | Ce jour-là à midi, après le point, le capitaine Nemo monta sur la plateforme où je me trouvais. Je me promis de ne point le laisser redescendre sans l’avoir au moins pressenti sur ses projets ultérieurs. Il vint à moi dès qu’il m’aperçut, m’offrit gracieusement un cigare et me dit: |
| “Well, sir, does this Red Sea please you? Have you sufficiently observed the wonders it covers, its fishes, its zoophytes, its parterres of sponges, and its forests of coral? Did you catch a glimpse of the towns on its borders?” | «Eh bien! monsieur le professeur, cette mer Rouge vous plaît-elle? Avez-vous suffisamment observé les merveilles qu’elle recouvre, ses poissons et ses zoophytes, ses parterres d’éponges et ses forêts de corail? Avez-vous entrevu les villes jetées sur ses bords? |
| “Yes, Captain Nemo,” I replied; “and the Nautilus is wonderfully fitted for such a study. Ah! it is an intelligent boat!” | —Oui, capitaine Nemo, répondis-je, et le Nautilus s’est merveilleusement prêté à toute cette étude. Ah! c’est un intelligent bateau! |
| “Yes, sir, intelligent and invulnerable. It fears neither the terrible tempests of the Red Sea, nor its currents, nor its sandbanks.” | —Oui, monsieur, intelligent, audacieux et invulnérable! Il ne redoute ni les terribles tempêtes de la mer Rouge, ni ses courants, ni ses écueils. |
| “Certainly,” said I, “this sea is quoted as one of the worst, and in the time of the ancients, if I am not mistaken, its reputation was detestable.” | —En effet, dis-je, cette mer est citée entre les plus mauvaises, et si je ne me trompe, au temps des Anciens, sa renommée était détestable. |
| “Detestable, M. Aronnax. The Greek and Latin historians do not speak favourably of it, and Strabo says it is very dangerous during the Etesian winds and in the rainy season. The Arabian Edrisi portrays it under the name of the Gulf of Colzoum, and relates that vessels perished there in great numbers on the sandbanks and that no one would risk sailing in the night. It is, he pretends, a sea subject to fearful hurricanes, strewn with inhospitable islands, and `which offers nothing good either on its surface or in its depths.'” | —Détestable, monsieur Aronnax. Les historiens grecs et latins n’en parlent pas à son avantage, et Strabon dit qu’elle est particulièrement dure à l’époque des vents Etésiens et de la saison des pluies. L’arabe Edrisi qui la dépeint sous le nom de golfe de Colzoum raconte que les navires périssaient en grand nombre sur ses bancs de sable, et que personne ne se hasardait à y naviguer la nuit. C’est, prétend-il, une mer sujette à d’affreux ouragans, semée d’îles inhospitalières, et «qui n’offre rien de bon» ni dans ses profondeurs, ni à sa surface. En effet, telle est l’opinion qui se trouve dans Arrien, Agatharchide et Artémidore. |
| “One may see,” I replied, “that these historians never sailed on board the Nautilus.” | —On voit bien, répliquai-je, que ces historiens n’ont pas navigué à bord du Nautilus. |
| “Just so,” replied the Captain, smiling; “and in that respect moderns are not more advanced than the ancients. It required many ages to find out the mechanical power of steam. Who knows if, in another hundred years, we may not see a second Nautilus? Progress is slow, M. Aronnax.” | —En effet, répondit en souriant le capitaine, et sous ce rapport, les modernes ne sont pas plus avancés que les anciens. Il a fallu bien des siècles pour trouver la puissance mécanique de la vapeur! Qui sait si dans cent ans, on verra un second Nautilus! Les progrès sont lents, monsieur Aronnax. |
| “It is true,” I answered; “your boat is at least a century before its time, perhaps an era. What a misfortune that the secret of such an invention should die with its inventor!” | —C’est vrai, répondis-je, votre navire avance d’un siècle, de plusieurs peut-être, sur son époque. Quel malheur qu’un secret pareil doive mourir avec son inventeur!» |
| Captain Nemo did not reply. After some minutes’ silence he continued: | Le capitaine Nemo ne me répondit pas. Après quelques minutes de silence: |
| “You were speaking of the opinions of ancient historians upon the dangerous navigation of the Red Sea.” | «Vous me parliez, dit-il, de l’opinion des anciens historiens sur les dangers qu’offre la navigation de la mer Rouge? |
| “It is true,” said I; “but were not their fears exaggerated?” | —C’est vrai, répondis-je, mais leurs craintes n’étaient-elles pas exagérées? |
| “Yes and no, M. Aronnax,” replied Captain Nemo, who seemed to know the Red Sea by heart. “That which is no longer dangerous for a modern vessel, well rigged, strongly built, and master of its own course, thanks to obedient steam, offered all sorts of perils to the ships of the ancients. Picture to yourself those first navigators venturing in ships made of planks sewn with the cords of the palmtree, saturated with the grease of the seadog, and covered with powdered resin! | —Oui et non, monsieur Aronnax, me répondit le capitaine Nemo, qui me parut posséder à fond «sa mer Rouge.» Ce qui n’est plus dangereux pour un navire moderne, bien gréé, solidement construit, maître de sa direction grâce à l’obéissante vapeur, offrait des périls de toutes sortes aux bâtiments des anciens. Il faut se représenter ces premiers navigateurs s’aventurant sur des barques faites de planches cousues avec des cordes de palmier, calfatées de résine pilée et enduites de graisse de chiens de mer. |
| They had not even instruments wherewith to take their bearings, and they went by guess amongst currents of which they scarcely knew anything. Under such conditions shipwrecks were, and must have been, numerous. But in our time, steamers running between Suez and the South Seas have nothing more to fear from the fury of this gulf, in spite of contrary trade-winds. The captain and passengers do not prepare for their departure by offering propitiatory sacrifices; and, on their return, they no longer go ornamented with wreaths and gilt fillets to thank the gods in the neighbouring temple.” | Ils n’avaient pas même d’instruments pour relever leur direction, et ils marchaient à l’estime au milieu de courants qu’ils connaissaient à peine. Dans ces conditions, les naufrages étaient et devaient être nombreux. Mais de notre temps, les steamers qui font le service entre Suez et les mers du Sud n’ont plus rien à redouter des colères de ce golfe, en dépit des moussons contraires. Leurs capitaines et leurs passagers ne se préparent pas au départ par des sacrifices propitiatoires, et, au retour, ils ne vont plus, ornés de guirlandes et de bandelettes dorées, remercier les dieux dans le temple voisin. |
| “I agree with you,” said I; “and steam seems to have killed all gratitude in the hearts of sailors. But, Captain, since you seem to have especially studied this sea, can you tell me the origin of its name?” | —J’en conviens, dis-je, et la vapeur me paraît avoir tué la reconnaissance dans le cœur des marins. Mais, capitaine, puisque vous semblez avoir spécialement étudié cette mer, pouvez-vous m’apprendre quelle est l’origine de son nom? |
| “There exist several explanations on the subject, M. Aronnax. Would you like to know the opinion of a chronicler of the fourteenth century?” | —Il existe, monsieur Aronnax, de nombreuses explications à ce sujet. Voulez-vous connaître l’opinion d’un chroniqueur du XIVe siècle? |
| “Willingly.” | —Volontiers. |
| “This fanciful writer pretends that its name was given to it after the passage of the Israelites, when Pharaoh perished in the waves which closed at the voice of Moses.” | —Ce fantaisiste prétend que son nom lui fut donné après le passage des Israélites, lorsque le Pharaon eut péri dans les flots qui se refermèrent à la voix de Moïse: |
| En signe de cette merveille, Devint la mer rouge et vermeille. Non puis ne surent la nommer Autrement que la rouge mer. | |
| “A poet’s explanation, Captain Nemo,” I replied; “but I cannot content myself with that. I ask you for your personal opinion.” | —Explication de poëte, capitaine Nemo, répondis-je, mais je ne saurais m’en contenter. Je vous demanderai donc votre opinion personnelle. |
| “Here it is, M. Aronnax. According to my idea, we must see in this appellation of the Red Sea a translation of the Hebrew word `Edom’; and if the ancients gave it that name, it was on account of the particular colour of its waters.” | —La voici. Suivant moi, monsieur Aronnax, il faut voir dans cette appellation de mer Rouge une traduction du mot hébreu «Edrom», et si les anciens lui donnèrent ce nom, ce fut à cause de la coloration particulière de ses eaux. |
| “But up to this time I have seen nothing but transparent waves and without any particular colour.” | —Jusqu’ici cependant je n’ai vu que des flots limpides et sans aucune teinte particulière. |
| “Very likely; but as we advance to the bottom of the gulf, you will see this singular appearance. I remember seeing the Bay of Tor entirely red, like a sea of blood.” | —Sans doute, mais en avançant vers le fond du golfe, vous remarquerez cette singulière apparence. Je me rappelle avoir vu la baie de Tor entièrement rouge, comme un lac de sang. |
| “And you attribute this colour to the presence of a microscopic seaweed?” | —Et cette couleur, vous l’attribuez à la présence d’une algue microscopique? Akirill.com |
| “Yes.” | —Oui. |
| C’est une matière mucilagineuse pourpre produite par ces chétives plantules connues sous le nom de trichodesmies, et dont il faut quarante mille pour occuper l’espace d’un millimètre carré. Peut-être en rencontrerez-vous, quand nous serons à Tor. | |
| “So, Captain Nemo, it is not the first time you have overrun the Red Sea on board the Nautilus?” | —Ainsi, capitaine Nemo, ce n’est pas la première fois que vous parcourez la mer Rouge à bord du Nautilus? |
| “No, sir.” | —Non, monsieur. |
| “As you spoke a while ago of the passage of the Israelites and of the catastrophe to the Egyptians, I will ask whether you have met with the traces under the water of this great historical fact?” | —Alors, puisque vous parliez plus haut du passage des Israélites et de la catastrophe des Égyptiens, je vous demanderai si vous avez reconnu sous les eaux des traces de ce grand fait historique? |
| “No, sir; and for a good reason.” | —Non, monsieur le professeur, et cela pour une excellente raison. |
| “What is it?” | —Laquelle? |
| “It is that the spot where Moses and his people passed is now so blocked up with sand that the camels can barely bathe their legs there. You can well understand that there would not be water enough for my Nautilus.” | —C’est que l’endroit même où Moïse a passé avec tout son peuple est tellement ensablé maintenant que les chameaux y peuvent à peine baigner leur jambes. Vous comprenez que mon Nautilus n’aurait pas assez d’eau pour lui. |
| “And the spot?” I asked. | —Et cet endroit?… demandai-je. |
| “The spot is situated a little above the Isthmus of Suez, in the arm which formerly made a deep estuary, when the Red Sea extended to the Salt Lakes. Now, whether this passage were miraculous or not, the Israelites, nevertheless, crossed there to reach the Promised Land, and Pharaoh’s army perished precisely on that spot; and I think that excavations made in the middle of the sand would bring to light a large number of arms and instruments of Egyptian origin.” | —Cet endroit est situé un peu au-dessus de Suez, dans ce bras qui formait autrefois un profond estuaire, alors que la mer Rouge s’étendait jusqu’aux lacs amers. Maintenant, que ce passage soit miraculeux ou non, les Israélites n’en ont pas moins passé là pour gagner la Terre promise, et l’armée de Pharaon a précisément péri en cet endroit. Je pense donc que des fouilles pratiquées au milieu de ces sables mettraient à découvert une grande quantité d’armes et d’instruments d’origine égyptienne. |
| “That is evident,” I replied; “and for the sake of archaeologists let us hope that these excavations will be made sooner or later, when new towns are established on the isthmus, after the construction of the Suez Canal; a canal, however, very useless to a vessel like the Nautilus.” | —C’est évident, répondis-je, et il faut espérer pour les archéologues que ces fouilles se feront tôt ou tard, lorsque des villes nouvelles s’établiront sur cet isthme, après le percement du canal de Suez. Un canal bien inutile pour un navire tel que le Nautilus! |
| “Very likely; but useful to the whole world,” said Captain Nemo. “The ancients well understood the utility of a communication between the Red Sea and the Mediterranean for their commercial affairs: but they did not think of digging a canal direct, and took the Nile as an intermediate. Very probably the canal which united the Nile to the Red Sea was begun by Sesostris, if we may believe tradition. One thing is certain, that in the year 615 before Jesus Christ, Necos undertook the works of an alimentary canal to the waters of the Nile across the plain of Egypt, looking towards Arabia. It took four days to go up this canal, and it was so wide that two triremes could go abreast. | —Sans doute, mais utile au monde entier, dit le capitaine Nemo. Les anciens avaient bien compris cette utilité pour leurs affaires commerciales d’établir une communication entre la mer Rouge et la Méditerranée; mais ils ne songèrent point à creuser un canal direct, et ils prirent le Nil pour intermédiaire. Très-probablement, le canal qui réunissait le Nil à la mer Rouge fut commencé sous Sésostris, si l’on en croit la tradition. Ce qui est certain, c’est que, ans avant Jésus-Christ, Necos entreprit les travaux d’un canal alimenté par les eaux du Nil, à travers la plaine d’Égypte qui regarde l’Arabie. Ce canal se remontait en quatre jours, et sa largeur était telle que deux trirèmes pouvaient y passer de front. |
| It was carried on by Darius, the son of Hystaspes, and probably finished by Ptolemy II. Strabo saw it navigated: but its decline from the point of departure, near Bubastes, to the Red Sea was so slight that it was only navigable for a few months in the year. This canal answered all commercial purposes to the age of Antonius, when it was abandoned and blocked up with sand. Restored by order of the Caliph Omar, it was definitely destroyed in 761 or 762 by Caliph Al-Mansor, who wished to prevent the arrival of provisions to Mohammed-ben-Abdallah, who had revolted against him. | Il fut continué par Darius, fils d’Hytaspe, et probablement achevé par Ptolémée II. Strabon le vit employé à la navigation; mais la faiblesse de sa pente entre son point de départ, près de Bubaste, et la mer Rouge, ne le rendait navigable que pendant quelques mois de l’année. Ce canal servit au commerce jusqu’au siècle des Antonins; abandonné, ensablé, puis rétabli par les ordres du calife Omar, il fut définitivement comblé en ou par le calife Al-Mansor, qui voulut empêcher les vivres d’arriver à Mohammed-ben-Abdoallah, révolté contre lui. |
| During the expedition into Egypt, your General Bonaparte discovered traces of the works in the Desert of Suez; and, surprised by the tide, he nearly perished before regaining Hadjaroth, at the very place where Moses had encamped three thousand years before him.” | Pendant l’expédition d’Égypte, votre général Bonaparte retrouva les traces de ces travaux dans le désert de Suez, et, surpris par la marée, il faillit périr quelques heures avant de rejoindre Hadjaroth, là même où Moïse avait campé trois mille trois cents ans avant lui. |
| “Well, Captain, what the ancients dared not undertake, this junction between the two seas, which will shorten the road from Cadiz to India, M. Lesseps has succeeded in doing; and before long he will have changed Africa into an immense island.” | —Eh bien, capitaine, ce que les anciens n’avaient osé entreprendre, cette jonction entre les deux mers qui abrégera de neuf mille kilomètres la route de Cadix aux Indes, M. de Lesseps l’a fait, et avant peu, il aura changé l’Afrique en une île immense. |
| “Yes, M. Aronnax; you have the right to be proud of your countryman. Such a man brings more honour to a nation than great captains. He began, like so many others, with disgust and rebuffs; but he has triumphed, for he has the genius of will. And it is sad to think that a work like that, which ought to have been an international work and which would have sufficed to make a reign illustrious, should have succeeded by the energy of one man. All honour to M. Lesseps!” | —Oui, monsieur Aronnax, et vous avez le droit d’être fier de votre compatriote. C’est un homme qui honore plus une nation que les plus grands capitaines! Il a commencé comme tant d’autres par les ennuis et les rebuts, mais il a triomphé, car il a le génie de la volonté. Et il est triste de penser que cette œuvre, qui aurait dû être une œuvre internationale, qui aurait suffi à illustrer un règne, n’aura réussi que par l’énergie d’un seul homme. Donc, honneur à M. de Lesseps! |
| “Yes! honour to the great citizen,” I replied, surprised by the manner in which Captain Nemo had just spoken. | —Oui, honneur à ce grand citoyen, répondis-je, tout surpris de l’accent avec lequel le capitaine Nemo venait de parler. |
| “Unfortunately,” he continued, “I cannot take you through the Suez Canal; but you will be able to see the long jetty of Port Said after to-morrow, when we shall be in the Mediterranean.” | —Malheureusement, reprit-il, je ne puis vous conduire à travers ce canal de Suez, mais vous pourrez apercevoir les longues jetées de Port-Saïd après-demain, quand nous serons dans la Méditerranée. |
| “The Mediterranean!” I exclaimed. | —Dans la Méditerranée! m’écriai-je. |
| “Yes, sir; does that astonish you?” | —Oui, monsieure le professeur. Cela vous étonne? |
| “What astonishes me is to think that we shall be there the day after to-morrow.” | —Ce qui m’étonne, c’est de penser que nous y serons après-demain. |
| “Indeed?” | —Vraiment? |
| “Yes, Captain, although by this time I ought to have accustomed myself to be surprised at nothing since I have been on board your boat.” | —Oui, capitaine, bien que je dusse être habitué à ne m’étonner de rien depuis que je suis à votre bord! |
| “But the cause of this surprise?” | —Mais à quel propos cette surprise? |
| “Well! it is the fearful speed you will have to put on the Nautilus, if the day after to-morrow she is to be in the Mediterranean, having made the round of Africa, and doubled the Cape of Good Hope!” | —A propos de l’effroyable vitesse que vous serez forcé d’imprimer au Nautilus s’il doit se retrouver après-demain en pleine Méditerranée, ayant fait le tour de l’Afrique et doublé le cap de Bonne-Espérance! |
| “Who told you that she would make the round of Africa and double the Cape of Good Hope, sir?” | —Et qui vous dit qu’il fera le tour de l’Afrique, monsieur le professeur? Qui vous parle de doubler le cap de Bonne-Espérance? |
| “Well, unless the Nautilus sails on dry land, and passes above the isthmus——” | —Cependant, à moins que le Nautilus ne navigue en terre ferme et qu’il ne passe par-dessus l’isthme…. |
| “Or beneath it, M. Aronnax.” | —Ou par-dessous, monsieur Aronnax. |
| “Beneath it?” | —Par-dessous? |
| “Certainly,” replied Captain Nemo quietly. “A long time ago Nature made under this tongue of land what man has this day made on its surface.” | —Sans doute, répondit tranquillement le capitaine Nemo. Depuis longtemps la nature a fait sous cette langue de terre ce que les hommes font aujourd’hui à sa surface. |
| “What! such a passage exists?” | —Quoi! il existerait un passage! |
| “Yes; a subterranean passage, which I have named the Arabian Tunnel. It takes us beneath Suez and opens into the Gulf of Pelusium.” | —Oui, un passage souterrain que j’ai nommé Arabian-Tunnel. Il prend au-dessous de Suez et aboutit au golfe de Péluse. |
| “But this isthmus is composed of nothing but quick sands?” | —Mais cet isthme n’est composé que de sables mouvants? |
| “To a certain depth. But at fifty-five yards only there is a solid layer of rock.” | —Jusqu’à une certaine profondeur. Mais à cinquante mètres seulement se rencontre une inébranlable assise de roc. |
| “Did you discover this passage by chance?” I asked more and more surprised. Akirill.com | —Et c’est par hasard que vous avez découvert ce passage? demandai-je de plus en plus surpris. |
| “Chance and reasoning, sir; and by reasoning even more than by chance. Not only does this passage exist, but I have profited by it several times. Without that I should not have ventured this day into the impassable Red Sea. I noticed that in the Red Sea and in the Mediterranean there existed a certain number of fishes of a kind perfectly identical. | —Hasard et raisonnement, monsieur le professeur, et même, raisonnement plus que hasard. —Capitaine, je vous écoute, mais mon oreille résiste à ce qu’elle entend. —Ah monsieur! Aures habent et non audient est de tous les temps. Non seulement ce passage existe, mais j’en ai profité plusieurs fois. Sans cela, je ne me serais pas aventuré aujourd’hui dans cette impasse de la mer Rouge. —Est-il indiscret de vous demander comment vous avez découvert ce tunnel? —Monsieur, me répondit le capitaine, il n’y peut y avoir rien de secret entre gens qui ne doivent plus se quitter.» Je ne relevai pas l’insinuation et j’attendis le récit du capitaine Nemo. «Monsieur le professeur, me dit-il, c’est un simple raisonnement de naturaliste qui m’a conduit à découvrir ce passage que je suis seul à connaître. J’avais remarqué que dans la mer Rouge et dans la Méditerranée, il existait un certain nombre de poissons d’espèces absolument identiques, des ophidies, des fiatoles, des girelles, des persègues, des joels, des exocets. |
| Certain of the fact, I asked myself was it possible that there was no communication between the two seas? If there was, the subterranean current must necessarily run from the Red Sea to the Mediterranean, from the sole cause of difference of level. I caught a large number of fishes in the neighbourhood of Suez. | Certain de ce fait je me demandai s’il n’existait pas de communication entre les deux mers. Si elle existait, le courant souterrain devait forcément aller de la mer Rouge à la Méditerranée par le seul effet de la différence des niveaux. Je pêchai donc un grand nombre de poissons aux environs de Suez. |
| I passed a copper ring through their tails, and threw them back into the sea. Some months later, on the coast of Syria, I caught some of my fish ornamented with the ring. Thus the communication between the two was proved. I then sought for it with my Nautilus; I discovered it, ventured into it, and before long, sir, you too will have passed through my Arabian tunnel!” | Je leur passai à la queue un anneau de cuivre, et je les rejetai à la mer. Quelques mois plus tard, sur les côtes de Syrie, je reprenais quelques échantillons de mes poissons ornés de leur anneau indicateur. La communication entre les deux m’était donc démontrée. Je la cherchai avec mon Nautilus, je la découvris, je m’y aventurai, et avant peu, monsieur le professeur, vous aussi vous aurez franchi mon tunnel arabique!» |
| CHAPTER V THE ARABIAN TUNNEL | CHAPITRE V ARABIAN-TUNNEL. |
| Ce jour même, je rapportai à Conseil et à Ned Land la partie de cette conversation qui les intéressait directement. Lorsque je leur appris que, dans deux jours, nous serions au milieu des eaux de la Méditerranée, Conseil battit des mains, mais le Canadien haussa les épaules.«Un tunnel sous-marin! s’écria-t-il, une communication entre les deux mers! Qui a jamais entendu parler de cela? —Ami Ned, répondit Conseil, aviez-vous jamais entendu parler du Nautilus? Non! il existe cependant. Donc, ne haussez pas les épaules si légèrement, et ne repoussez pas les choses sous prétexte que vous n’en avez jamais entendu parler. —Nous verrons bien! riposta Ned Land, en secouant la tête. Après tout, je ne demande pas mieux que de croire à son passage, à ce capitaine, et fasse le ciel qu’il nous conduise, en effet, dans la Méditerranée.» | |
| That same evening, in 21° 30′ N. lat., the Nautilus floated on the surface of the sea, approaching the Arabian coast. I saw Djeddah, the most important counting-house of Egypt, Syria, Turkey, and India. I distinguished clearly enough its buildings, the vessels anchored at the quays, and those whose draught of water obliged them to anchor in the roads. | Le soir même, par 21° 30′ de latitude nord, le Nautilus, flottant à la surface de la mer, se rapprocha de la côte arabe. J’aperçus Djeddah, important comptoir de l’Égypte, de la Syrie, de la Turquie et des Indes. Je distinguai assez nettement l’ensemble de ses constructions, les navires amarrés le long des quais, et ceux que leur tirant d’eau obligeait à mouiller en rade. |
| The sun, rather low on the horizon, struck full on the houses of the town, bringing out their whiteness. Outside, some wooden cabins, and some made of reeds, showed the quarter inhabited by the Bedouins. Soon Djeddah was shut out from view by the shadows of night, and the Nautilus found herself under water slightly phosphorescent. | Le soleil, assez bas sur l’horizon, frappait en plein les maisons de la ville et faisait ressortir leur blancheur. En dehors, quelques cabanes de bois ou de roseaux indiquaient le quartier habité par les Bédouins. Bientôt Djeddah s’effaça dans les ombres du soir, et le Nautilus rentra sous les eaux légèrement phosphorescentes. |
| The next day, the 10th of February, we sighted several ships running to windward. The Nautilus returned to its submarine navigation; but at noon, when her bearings were taken, the sea being deserted, she rose again to her waterline. | Le lendemain, 10 février, plusieurs navires apparurent qui couraient à contre-bord de nous. Le Nautilus reprit sa navigation sous-marine; mais à midi, au moment du point, la mer étant déserte, il remonta jusqu’à sa ligne de flottaison. |
| Accompanied by Ned and Conseil, I seated myself on the platform. The coast on the eastern side looked like a mass faintly printed upon a damp fog. | Accompagné de Ned et de Conseil, je vins m’asseoir sur la plate-forme. La côte à l’est se montrait comme une masse à peine estompée dans un humide brouillard. |
| We were leaning on the sides of the pinnace, talking of one thing and another, when Ned Land, stretching out his hand towards a spot on the sea, said: | Appuyés sur les flancs du canot, nous causions de choses et d’autres, quand Ned Land tendant sa main vers un point de la mer, me dit: |
| “Do you see anything there, sir?” | «Voyez-vous là quelque chose, monsieur le professeur? |
| “No, Ned,” I replied; “but I have not your eyes, you know.” | —Non, Ned, répondis-je, mais je n’ai pas vos yeux, vous le savez. |
| “Look well,” said Ned, “there, on the starboard beam, about the height of the lantern! Do you not see a mass which seems to move?” | —Regardez bien, reprit Ned, là, par tribord devant, à peu près à la hauteur du fanal! Vous ne voyez pas une masse qui semble remuer? |
| “Certainly,” said I, after close attention; “I see something like a long black body on the top of the water.” | —En effet, dis-je, après une attentive observation, j’aperçois comme un long corps noirâtre à la surface des eaux. |
| —Un autre Nautilus? dit Conseil. —Non, répondit le Canadien, mais je me trompe fort, ou c’est là quelque animal marin. —Y a-t-il des baleines dans la mer Rouge? demanda Conseil. —Oui, mon garçon, répondis-je, on en rencontre quelquefois. —Ce n’est point une baleine, reprit Ned Land, qui ne perdait pas des yeux l’objet signalé. Les baleines et moi, nous sommes de vieilles connaissances, et je ne me tromperais pas à leur allure. —Attendons, dit Conseil. Le Nautilus se dirige de ce côté, et avant peu nous saurons à quoi nous en tenir.» | |
| And certainly before long the black object was not more than a mile from us. It looked like a great sandbank deposited in the open sea. It was a gigantic dugong! | En effet, cet objet noirâtre ne fut bientôt qu’à un mille de nous. Il ressemblait à un gros écueil échoué en pleine mer. Qu’était-ce? Je ne pouvais encore me prononcer. |
| «Ah! il marche! il plonge! s’écria Ned Land. Mille diables! Quel peut être cet animal? Il n’a pas la queue bifurquée comme les baleines ou les cachalots, et ses nageoires ressemblent à des membres tronqués. —Mais alors…., fis-je. —Bon, reprit le Canadien, le voilà sur le dos, et il dresse ses mamelles en l’air! —C’est une sirène, s’écria Conseil, une véritable sirène, n’en déplaise à monsieur.» Ce nom de sirène me mit sur la voie, et je compris que cet animal appartenait à cet ordre d’êtres marins, dont la fable a fait les sirènes, moitié femmes et moitié poissons. «Non, dis-je à Conseil, ce n’est point une sirène, mais un être curieux dont il reste a peine quelques échantillons dans la mer Rouge. C’est un dugong. —Ordre des syréniens, groupe des pisciformes, sous-classe des monodelphiens, classe des mammifères, embranchement des vertébrés,» répondit Conseil. Et lorsque Conseil avait ainsi parlé, il n’y avait plus rien à dire. | |
| Ned Land looked eagerly. His eyes shone with covetousness at the sight of the animal. His hand seemed ready to harpoon it. One would have thought he was awaiting the moment to throw himself into the sea and attack it in its element. | Cependant Ned Land regardait toujours. Ses yeux brillaient de convoitise à la vue de cet animal. Sa main semblait prête à le harponner. On eût dit qu’il attendait le moment de se jeter à la mer pour l’attaquer dans son élément. |
| «Oh! monsieur, me dit-il d’une voix tremblante d’émotion, je n’ai jamais tué de «cela». Tout le harponneur était dans ce mot. | |
| At this instant Captain Nemo appeared on the platform. He saw the dugong, understood the Canadian’s attitude, and, addressing him, said: | En cet instant, le capitaine Nemo parut sur la plate-forme. Il aperçut le dugong. Il comprit l’attitude du Canadien, et s’adressant directement à lui: |
| “If you held a harpoon just now, Master Land, would it not burn your hand?” | «Si vous teniez un harpon, maître Land, est-ce qu’il ne vous brûlerait pas la main? |
| “Just so, sir.” | —Comme vous dites, monsieur. |
| “And you would not be sorry to go back, for one day, to your trade of a fisherman and to add this cetacean to the list of those you have already killed?” | —Et il ne vous déplairait pas de reprendre pour un jour votre métier de pêcheur, et d’ajouter ce cétacé à la liste de ceux que vous avez déjà frappés? |
| “I should not, sir.” | —Cela ne me déplairait point. |
| “Well, you can try.” | —Eh bien, vous pouvez essayer. |
| “Thank you, sir,” said Ned Land, his eyes flaming. | —Merci, monsieur, répondit Ned Land dont les yeux s’enflammèrent. |
| “Only,” continued the Captain, “I advise you for your own sake not to miss the creature.” | —Seulement, reprit le capitaine, je vous engage à ne pas manquer cet animal, et cela dans votre intérêt. |
| “Is the dugong dangerous to attack?” I asked, in spite of the Canadian’s shrug of the shoulders. | —Est-ce que ce dugong est dangereux à attaquer? demandai-je malgré le haussement d’épaule du Canadien. |
| “Yes,” replied the Captain; “sometimes the animal turns upon its assailants and overturns their boat. But for Master Land this danger is not to be feared. His eye is prompt, his arm sure.” | —Oui, quelquefois, répondit le capitaine. Cet animal revient sur ses assaillants et chavire leur embarcation. Mais pour maître Land, ce danger n’est pas à craindre. Son coup d’œil est prompt, son bras est sûr. |
| Si je lui recommande de ne pas manquer ce dugong, c’est qu’on le regarde justement comme un fin gibier, et je sais que maître Land ne déteste pas les bons morceaux. —Ah! fit le Canadien, cette bête-là se donne aussi le luxe d’être bonne à manger? —Oui, maître Land. Sa chair, une viande véritable, est extrêmement estimée, et on la réserve dans toute la Malaisie pour la table des princes. Aussi fait-on à cet excellent animal une chasse tellement acharnée que, de même que le lamantin, son congénère, il devient de plus en plus rare. —Alors, monsieur le capitaine, dit sérieusement Conseil, si par hasard celui-ci était le dernier de sa race, ne conviendrait-il pas de l’épargner,—dans l’intérêt de la science? —Peut-être, répliqua le Canadien; mais, dans l’intérêt de la cuisine, il vaut mieux lui donner la chasse. —Faites donc, maître Land,» répondit le capitaine Nemo. | |
| At this moment seven men of the crew, mute and immovable as ever, mounted the platform. One carried a harpoon and a line similar to those employed in catching whales. The pinnace was lifted from the bridge, pulled from its socket, and let down into the sea. Six oarsmen took their seats, and the coxswain went to the tiller. Ned, Conseil, and I went to the back of the boat. | En ce moment sept hommes de l’équipage, muets et impassibles comme toujours, montèrent sur la plate-forme. L’un portait un harpon et une ligne semblable à celles qu’emploient les pêcheurs de baleines. Le canot fut déponté, arraché de son alvéole, lancé à la mer. Six rameurs prirent place sur leurs bancs et le patron se mit à la barre. Ned, Conseil et moi, nous nous assîmes à l’arrière. |
| “You are not coming, Captain?” I asked. | «Vous ne venez pas, capitaine? demandai-je. |
| “No, sir; but I wish you good sport.” | —Non, monsieur, mais je vous souhaite une bonne chasse.» |
| The boat put off, and, lifted by the six rowers, drew rapidly towards the dugong, which floated about two miles from the Nautilus. | Le canot déborda, et, enlevé par ses six avirons, il se dirigea rapidement vers le dugong, qui flottait alors à deux milles du Nautilus. Akirill.com |
| Arrived some cables-length from the cetacean, the speed slackened, and the oars dipped noiselessly into the quiet waters. Ned Land, harpoon in hand, stood in the fore part of the boat. The harpoon used for striking the whale is generally attached to a very long cord which runs out rapidly as the wounded creature draws it after him. But here the cord was not more than ten fathoms long, and the extremity was attached to a small barrel which, by floating, was to show the course the dugong took under the water. | Arrivé à quelques encablures du cétacé, il ralentit sa marche, et les rames plongèrent sans bruit dans les eaux tranquilles. Ned Land, son harpon à la main, alla se placer debout sur l’avant du canot. Le harpon qui sert à frapper la baleine est ordinairement attaché à une très-longue corde qui se dévide rapidement lorsque l’animal blessé l’entraîne avec lui. Mais ici la corde ne mesurait pas plus d’une dizaine de brasses, et son extrémité était seulement frappée sur un petit baril qui, en flottant, devait indiquer la marche du dugong sous les eaux. |
| I stood and carefully watched the Canadian’s adversary. This dugong, which also bears the name of the halicore, closely resembles the manatee; its oblong body terminated in a lengthened tail, and its lateral fins in perfect fingers. Its difference from the manatee consisted in its upper jaw, which was armed with two long and pointed teeth which formed on each side diverging tusks. | Je m’étais levé et j’observais distinctement l’adversaire du Canadien. Ce dugong, qui porte aussi le nom d’halicore, ressemblait beaucoup au lamantin. Son corps oblong se terminait par une caudale très-allongée et ses nageoires latérales par de véritables doigts. Sa différence avec le lamantin consistait en ce que sa mâchoire supérieure était armée de deux dents longues et pointues, qui formaient de chaque côté des défenses divergentes. |
| This dugong which Ned Land was preparing to attack was of colossal dimensions; it was more than seven yards long. It did not move, and seemed to be sleeping on the waves, which circumstance made it easier to capture. | Ce dugong, que Ned Land se préparait à attaquer, avait des dimensions colossales, et sa longueur dépassait au moins sept mètres. Il ne bougeait pas et semblait dormir à la surface des flots, circonstance qui rendait sa capture plus facile. |
| The boat approached within six yards of the animal. The oars rested on the rowlocks. I half rose. Ned Land, his body thrown a little back, brandished the harpoon in his experienced hand. | Le canot s’approcha prudemment à trois brasses de l’animal. Les avirons restèrent suspendus sur leurs dames. Je me levai à demi. Ned Land, le corps un peu rejeté en arrière, brandissait son harpon d’une main exercée. |
| Suddenly a hissing noise was heard, and the dugong disappeared. The harpoon, although thrown with great force; had apparently only struck the water. | Soudain, un sifflement se fit entendre, et le dugong disparut. Le harpon, lancé avec force, n’avait frappé que l’eau sans doute. |
| “Curse it!” exclaimed the Canadian furiously; “I have missed it!” | «Mille diables! s’écria le Canadien furieux, je l’ai manqué! |
| “No,” said I; “the creature is wounded—look at the blood; but your weapon has not stuck in his body.” | —Non, dis-je, l’animal est blessé, voici son sang, mais votre engin ne lui est pas resté dans le corps. |
| “My harpoon! my harpoon!” cried Ned Land. | —Mon harpon! mon harpon!» cria Ned Land. |
| The sailors rowed on, and the coxswain made for the floating barrel. The harpoon regained, we followed in pursuit of the animal. | Les matelots se remirent à nager, et le patron dirigea l’embarcation vers le baril flottant. Le harpon repêché, le canot se mit à la poursuite de l’animal. |
| The latter came now and then to the surface to breathe. Its wound had not weakened it, for it shot onwards with great rapidity. | Celui-ci revenait de temps en temps à la surface de la mer pour respirer. Sa blessure ne l’avait pas affaibli, car il filait avec une rapidité extrême. |
| The boat, rowed by strong arms, flew on its track. Several times it approached within some few yards, and the Canadian was ready to strike, but the dugong made off with a sudden plunge, and it was impossible to reach it. | L’embarcation, manœuvrée par des bras vigoureux, volait sur ses traces. Plusieurs fois elle l’approcha à quelques brasses, et le Canadien se tenait prêt à frapper; mais le dugong se dérobait par un plongeon subit, et il était impossible de l’atteindre. |
| Imagine the passion which excited impatient Ned Land! He hurled at the unfortunate creature the most energetic expletives in the English tongue. For my part, I was only vexed to see the dugong escape all our attacks. | On juge de la colère qui surexcitait l’impatient Ned Land. Il lançait au malheureux animal les plus énergiques jurons de la langue anglaise. Pour mon compte, je n’en étais encore qu’au dépit de voir le dugong déjouer toutes nos ruses. |
| We pursued it without relaxation for an hour, and I began to think it would prove difficult to capture, when the animal, possessed with the perverse idea of vengeance of which he had cause to repent, turned upon the pinnace and assailed us in its turn. | On le poursuivit sans relâche pendant une heure, et je commençais à croire qu’il serait très-difficile de s’en emparer, quand cet animal fut pris d’une malencontreuse idée de vengeance dont il eut à se repentir. Il revint sur le canot pour l’assaillir à son tour. |
| This manoeuvre did not escape the Canadian. | Cette manœuvre n’échappa point au Canadien. |
| “Look out!” he cried. | «Attention!» dit-il. |
| The coxswain said some words in his outlandish tongue, doubtless warning the men to keep on their guard. | Le patron prononça quelques mots de sa langue bizarre, et sans doute il prévint ses hommes de se tenir sur leur garde. |
| The dugong came within twenty feet of the boat, stopped, sniffed the air briskly with its large nostrils (not pierced at the extremity, but in the upper part of its muzzle). Then, taking a spring, he threw himself upon us. | Le dugong, arrivé à vingt pieds du canot, s’arrêta, huma brusquement l’air avec ses vastes narines percées non à l’extrémité, mais à la partie supérieure de son museau. Puis, prenant son élan, il se précipita sur nous. |
| The pinnace could not avoid the shock, and half upset, shipped at least two tons of water, which had to be emptied; but, thanks to the coxswain, we caught it sideways, not full front, so we were not quite overturned. While Ned Land, clinging to the bows, belaboured the gigantic animal with blows from his harpoon, the creature’s teeth were buried in the gunwale, and it lifted the whole thing out of the water, as a lion does a roebuck. We were upset over one another, and I know not how the adventure would have ended, if the Canadian, still enraged with the beast, had not struck it to the heart. | Le canot ne put éviter son choc; à demi renversé, il embarqua une ou deux tonnes d’eau qu’il fallut vider; mais, grâce à l’habileté du patron, abordé de biais et non de plein, il ne chavira pas. Ned Land, cramponné à l’étrave, lardait de coups de harpon le gigantesque animal, qui, de ses dents incrustées dans le plat-bord, soulevait l’embarcation hors de l’eau comme un lion fait d’un chevreuil. Nous étions renversés les uns sur les autres, et je ne sais trop comment aurait fini l’aventure, si le Canadien, toujours acharné contre la bête, ne l’eût enfin frappée au cœur. |
| I heard its teeth grind on the iron plate, and the dugong disappeared, carrying the harpoon with him. But the barrel soon returned to the surface, and shortly after the body of the animal, turned on its back. The boat came up with it, took it in tow, and made straight for the Nautilus. | J’entendis le grincement des dents sur la tôle, et le dugong disparut, entraînant le harpon avec lui. Mais bientôt le baril revint à la surface, et peu d’instants après, apparut le corps de l’animal, retourné sur le dos. Le canot le rejoignit, le prit à la remorque et se dirigea vers le Nautilus. |
| It required tackle of enormous strength to hoist the dugong on to the platform. It weighed 10,000 lb. | Il fallut employer des palans d’une grande puissance pour hisser le dugong sur la plate-forme. Il pesait cinq mille kilogrammes. |
| On le dépeça sous les yeux du Canadien, qui tenait à suivre tous les détails de l’opération. Le jour même, le stewart me servit au dîner quelques tranches de cette chair habilement apprêtée par le cuisinier du bord. Je la trouvai excellente, et même supérieure à celle du veau, sinon du bœuf. | |
| The next day, 11th February, the larder of the Nautilus was enriched by some more delicate game. A flight of sea-swallows rested on the Nautilus. It was a species of the Sterna nilotica, peculiar to Egypt; its beak is black, head grey and pointed, the eye surrounded by white spots, the back, wings, and tail of a greyish colour, the belly and throat white, and claws red. They also took some dozen of Nile ducks, a wild bird of high flavour, its throat and upper part of the head white with black spots. | Le lendemain 11 février, l’office du Nautilus s’enrichit encore d’un gibier délicat. Une compagnie d’hirondelles de mer s’abattit sur le Nautilus. C’était une espèce de sterna nilotica, particulière à l’Égypte, dont le bec est noir, la tête grise et pointillée, l’œil entouré de points blancs, le dos, les ailes et la queue grisâtres, le ventre et la gorge blancs, les pattes rouges. On prit aussi quelques douzaines de canards du Nil, oiseaux sauvages d’un haut goût, dont le cou et le dessus de la tête sont blancs et tachetés de noir. |
| La vitesse du Nautilus était alors modérée. Il s’avançait en flânant, pour ainsi dire. J’observai que l’eau de la mer Rouge devenait de moins en moins salée, à mesure que nous approchions de Suez. | |
| About five o’clock in the evening we sighted to the north the Cape of Ras-Mohammed. This cape forms the extremity of Arabia Petraea, comprised between the Gulf of Suez and the Gulf of Acabah. | Vers cinq heures du soir, nous relevions au nord le cap de Ras-Mohammed. C’est ce cap qui forme l’extrémité de l’Arabie Pétrée, comprise entre le golfe de Suez et le golfe d’Acabah. |
| The Nautilus penetrated into the Straits of Jubal, which leads to the Gulf of Suez. I distinctly saw a high mountain, towering between the two gulfs of Ras-Mohammed. It was Mount Horeb, that Sinai at the top of which Moses saw God face to face. | Le Nautilus pénétra dans le détroit de Jubal, qui conduit au golfe de Suez. J’aperçus distinctement une haute montagne, dominant entre les deux golfes le Ras-Mohammed. C’était le mont Oreb, ce Sinaï, au sommet duquel Moïse vit Dieu face à face, et que l’esprit se figure incessamment couronné d’éclairs. |
| At six o’clock the Nautilus, sometimes floating, sometimes immersed, passed some distance from Tor, situated at the end of the bay, the waters of which seemed tinted with red, an observation already made by Captain Nemo. Then night fell in the midst of a heavy silence, sometimes broken by the cries of the pelican and other night-birds, and the noise of the waves breaking upon the shore, chafing against the rocks, or the panting of some far-off steamer beating the waters of the Gulf with its noisy paddles. | A six heures, le Nautilus, tantôt flottant, tantôt immergé, passait au large de Tor, assise au fond d’une baie dont les eaux paraissaient teintées de rouge, observation déjà faite par le capitaine Nemo. Puis la nuit se fit, au milieu d’un lourd silence que rompaient parfois le cri du pélican et de quelques oiseaux de nuit, le bruit du ressac irrité par les rocs ou le gémissement lointain d’un steamer battant les eaux du golfe de ses pales sonores. |
| From eight to nine o’clock the Nautilus remained some fathoms under the water. According to my calculation we must have been very near Suez. Through the panel of the saloon I saw the bottom of the rocks brilliantly lit up by our electric lamp. We seemed to be leaving the Straits behind us more and more. | De huit à neuf heures, le Nautilus demeura à quelques mètres sous les eaux. Suivant mon calcul, nous devions être très-près de Suez. A travers les panneaux du salon, j’apercevais des fonds de rochers vivement éclairés par notre lumière électrique. Il me semblait que le détroit se rétrécissait de plus en plus. |
| At a quarter-past nine, the vessel having returned to the surface, I mounted the platform. Most impatient to pass through Captain Nemo’s tunnel, I could not stay in one place, so came to breathe the fresh night air. | A neuf heures un quart, le bateau étant revenu à la surface, je montai sur la plate-forme. Très-impatient de franchir le tunnel du capitaine Nemo, je ne pouvais tenir en place, et je cherchais à respirer l’air frais de la nuit. |
| Soon in the shadow I saw a pale light, half discoloured by the fog, shining about a mile from us. | Bientôt, dans l’ombre, j’aperçus un feu pâle, à demi-décoloré par la brume, qui brillait à un mille de nous. |
| “A floating lighthouse!” said someone near me. | «Un phare flottant,» dit-on près de moi. |
| I turned, and saw the Captain. | Je me retournai et je reconnus le capitaine |
| “It is the floating light of Suez,” he continued. “It will not be long before we gain the entrance of the tunnel.” | «C’est le feu flottant de Suez, reprit-il. Nous ne tarderons pas à gagner l’orifice du tunnel. |
| “The entrance cannot be easy?” | —L’entrée n’en doit pas être facile? |
| “No, sir; for that reason I am accustomed to go into the steersman’s cage and myself direct our course. And now, if you will go down, M. Aronnax, the Nautilus is going under the waves, and will not return to the surface until we have passed through the Arabian Tunnel.” | —Non, monsieur. Aussi j’ai pour habitude de me tenir dans la cage du timonier pour diriger moi-même la manœuvre. Et maintenant, si vous voulez descendre, monsieur Aronnax, le Nautilus va s’enfoncer sous les flots, et il ne reviendra à leur surface qu’après avoir franchi l’Arabian-Tunnel.» |
| Je suivis le capitaine Nemo. Le panneau se ferma, les réservoirs d’eau s’emplirent, et l’appareil s’immergea d’une dizaine de mètres. Au moment où je me disposais à regagner ma chambre, le capitaine m’arrêta. «Monsieur le professeur, me dit-il, vous plairait-il de m’accompagner dans la cage du pilote? —Je n’osais vous le demander, répondis-je. —Venez donc. Vous verrez ainsi tout ce que l’on peut voir de cette navigation à la fois sous-terrestre et sous-marine.» | |
| Captain Nemo led me towards the central staircase; half way down he opened a door, traversed the upper deck, and landed in the pilot’s cage, which it may be remembered rose at the extremity of the platform. It was a cabin measuring six feet square, very much like that occupied by the pilot on the steamboats of the Mississippi or Hudson. In the midst worked a wheel, placed vertically, and caught to the tiller-rope, which ran to the back of the Nautilus. Four light-ports with lenticular glasses, let in a groove in the partition of the cabin, allowed the man at the wheel to see in all directions. | Le capitaine Nemo me conduisit vers l’escalier central. A mi-rampe, il ouvrit une porte, suivit les coursives supérieures et arriva dans la cage du pilote, qui, on le sait, s’élevait à l’extrémité de la plate-forme. C’était une cabine mesurant six pieds sur chaque face, à peu près semblable à celles qu’occupent les timoniers des steamboats du Mississipi ou de l’Hudson. Au milieu se manœuvrait une roue disposée verticalement, engrenée sur les drosses du gouvernail qui couraient jusqu’à l’arrière du Nautilus. Quatre hublots de verres lenticulaires, évidés clans les parois de la cabine, permettaient à l’homme de barre de regarder dans toutes les directions. |
| This cabin was dark; but soon my eyes accustomed themselves to the obscurity, and I perceived the pilot, a strong man, with his hands resting on the spokes of the wheel. Outside, the sea appeared vividly lit up by the lantern, which shed its rays from the back of the cabin to the other extremity of the platform. | Cette cabine était obscure; mais bientôt mes yeux s’accoutumèrent à cette obscurité, et j’aperçus le pilote, un homme vigoureux, dont les mains s’appuyaient sur les jantes de la roue. Au dehors, la mer apparaissait vivement éclairée par le fanal qui rayonnait en arrière de la cabine, à l’autre extrémité de la plate-forme. |
| “Now,” said Captain Nemo, “let us try to make our passage.” | «Maintenant, dit le capitaine Nemo, cherchons notre passage.» |
| Electric wires connected the pilot’s cage with the machinery room, and from there the Captain could communicate simultaneously to his Nautilus the direction and the speed. He pressed a metal knob, and at once the speed of the screw diminished. | Des fils électriques reliaient la cage du timonier avec la chambre des machines, et de là, le capitaine pouvait communiquer simultanément à son Nautilus la direction et le mouvement. Il pressa un bouton de métal, et aussitôt la vitesse de l’hélice fut très-diminuée. |
| I looked in silence at the high straight wall we were running by at this moment, the immovable base of a massive sandy coast. We followed it thus for an hour only some few yards off. | Je regardais en silence la haute muraille très-accore que nous longions en ce moment, inébranlable base du massif sableux de la côte. Nous la suivîmes ainsi pendant une heure, à quelques mètres de distance seulement. |
| Captain Nemo did not take his eye from the knob, suspended by its two concentric circles in the cabin. At a simple gesture, the pilot modified the course of the Nautilus every instant. | Le capitaine Nemo ne quittait pas du regard la boussole suspendue dans la cabine à ses deux cercles concentriques. Sur un simple geste, le timonier modifiait à chaque instant la direction du Nautilus. |
| I had placed myself at the port-scuttle, and saw some magnificent substructures of coral, zoophytes, seaweed, and fucus, agitating their enormous claws, which stretched out from the fissures of the rock. | Je m’étais placé au hublot de bâbord, et j’apercevais de magnifiques substructions de coraux, des zoophytes, des algues et des crustacés agitant leurs pattes énormes, qui s’allongeaient hors des anfractuosités du roc. |
| At a quarter-past ten, the Captain himself took the helm. A large gallery, black and deep, opened before us. The Nautilus went boldly into it. A strange roaring was heard round its sides. It was the waters of the Red Sea, which the incline of the tunnel precipitated violently towards the Mediterranean. The Nautilus went with the torrent, rapid as an arrow, in spite of the efforts of the machinery, which, in order to offer more effective resistance, beat the waves with reversed screw. | A dix heures un quart, le capitaine Nemo prit lui-même la barre. Une large galerie, noire et profonde, s’ouvrait devant nous. Le Nautilus s’y engouffra hardiment. Un bruissement inaccoutumé se fit entendre sur ses flancs. C’étaient les eaux de la mer Rouge que la pente du tunnel précipitait vers la Méditerranée. Le Nautilus suivait le torrent, rapide comme une flèche, malgré les efforts de sa machine qui, pour résister, battait les flots à contre-hélice. |
| On the walls of the narrow passage I could see nothing but brilliant rays, straight lines, furrows of fire, traced by the great speed, under the brilliant electric light. My heart beat fast. | Sur les murailles étroites du passage, je ne voyais plus que des raies éclatantes, des lignes droites, des sillons de feu tracés par la vitesse sous l’éclat de l’électricité. Mon cœur palpitait, et je le comprimais de la main. |
| At thirty-five minutes past ten, Captain Nemo quitted the helm, and, turning to me, said: | A dix heures trente-cinq minutes, le capitaine Nemo abandonna la roue du gouvernail, et se retournant vers moi: |
| “The Mediterranean!” | «La Méditerranée,» me dit-il. |
| In less than twenty minutes, the Nautilus, carried along by the torrent, had passed through the Isthmus of Suez. | En moins de vingt minutes, le Nautilus, entraîné par ce torrent, venait de franchir l’isthme de Suez. |
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Vingt Mille Lieues
Sous Les Mers de Jules Vernes
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