Contes Français
Les Contes et Chansons Populaires Recueillis par E. Henry Carnoy
| Télécharger PDF |
Littérature française – Livres pour enfants – Tous nos contes francais – Contes Populaire Français
< < <
> > >
La Mort jouée
(Artois)

Dans un village de l’Artois vivait une bonne vieille femme dont le plus grand plaisir était de soulager les malheureux.
Tous ceux qui se présentaient à sa porte étaient sûrs de s’en retourner avec quelques sous et un bon morceau de pain blanc.
Aussi les mendiants des villages voisins ne manquaient jamais de passer par la maison de la vieille femme.
Un grand saint, dont je ne me rappelle plus le nom, avait dîné bien des fois avec la bonne femme lorsque ses affaires l’avaient appelé en Artois dans les environs du village; et un jour, il dit à son hôtesse :
« Le bon Dieu m’a donné le pouvoir d’accomplir le souhait qu’il vous plaira de faire. Réfléchissez bien, et dites-moi ce que vous voulez. »
La femme réfléchit longtemps et finit par dire:
« J’ai un grand prunier dans mon jardin. Je veux que j’y puisse faire rester à ma fantaisie quiconque montera dessus pour en cueillir les fruits.
— Votre souhait est bien bizatre, ma bonne femme. Mais enfin, puisque vous le voulez, je vous accorde ce que vous me demandez. »
Et le saint prit congé de la femme et retourna au ciel.
Dix ans plus tard, la Mort vint à passer par la maison de la vieille.
« Elle a bientôt quatre-vingts ans ; elle a vécu sa part. Je vais l’emmener aujourd’hui ! » se dit- elle.
Et la Mort entra dans la maison.
« Tiens, c’est toi, la Mort? Je t’attendais depuis longtemps. Je suis prête à partir sans regrets.
Ah! si; je me trompe; je voudrais bien manger quelques prunes avant de quitter cette terre.
— Ce n’est que cela; attends un instant »
Tout courant, la Mort alla au jardin, grimpa sur le prunier, cueillit des prunes et voulut descendre. Mais la vieille femme la guettait et elle commanda :
« Je veux que la Mort ne puisse descendre sans ma permission. »
Et la Mort eut beau se démener, menacer, prier, crier, tempêter, elle ne put descendre du prunier.
Pendant six mois personne ne mourut sur la terre. Les infirmes, les blessés, les malades souffraient horriblement et appelaient la Mort qui ne venait pas. Les plus malheureux de tous étaient encore les médecins, qui ne pouvaient arriver à faire mourir la plus chétive créature.
L’un d’eux, grand ami de la Mort, vint pour l’aider à descendre de l’arbre et ne réussit qu’à partager son sort.
Enfin, de tous côtés on vint prier la femme de laisser aller la Mort. La bonne vieille le voulut bien et mit pour condition que la Mort ne viendrait la prendre que lorsqu’elle l’aurait appelée par trois fois.
La Mort descendit de l’arbre et se remit à attrapper les vivants comme par le passé, au grand soulagement des uns, au grand désespoir des autres.
Quant à la vieille femme, elle devint bientôt si cassée, si usée, si infirme, qu’un beau jour elle appela la Mort par trois fois et qu’elle alla en Paradis prendre la place que ses bonnes actions lui avaient réservée.
(Conté en février 188 /, par M. Bonnelle, de Thièvres [Pas-de-Calais]).

Littérature française – Livres pour enfants – Tous nos contes francais – Contes Populaire Français
< < <
> > >
| If you liked this site, subscribe , put likes, write comments! Share on social networks |
© 2023 Akirill.com – All Rights Reserved
