Contes Français
Les Contes et Chansons Populaires Recueillis par E. Henry Carnoy
| Télécharger PDF |
Littérature française – Livres pour enfants – Tous nos contes francais – Contes Populaire Français
< < <
> > >
Les Aventures de Marchand
(Berry)

Un paysan avait deux fils, l’un nommé Marchand et l’autre appelé Auguste.
L’aîné, qui s’ennuyait fort au village, demanda un jour à son père la permission d’aller à la ville s’engager dans un régiment de dragons.
Le père refusa d’abord et finit par donner son autorisation.
Marchand s’en alla trouver le colonel des dragons du roi et s’engagea dans son régiment.
Le jeune homme avait emporté une bourse bien garnie ; mais au régiment l’argent eut bientôt disparu, et Marchand se trouva sans le sou.
Mon brave homme de père, se dit-il, m’a promis à mon départ de m’envoyer cent francs quand je serais sous-officier.
Je vais lui écrire que j’ai obtenu ce grade et j’aurai de l’argent. »
Aussitôt fait que dit. Deux jours après, Marchand recevait la somme promise.
La noce dura pendant huit jours; l’eau-de-vie était à bon marché, et Marchand put régaler tout le régiment des dragons du roi.
Au bout du huitième jour, l’argent était dépensé et Marchand avait gagné trente jours de prison pour être rentré soûl au quartier.
Tout en faisant son temps de prison, Marchand songeait :
« Si j’écrivais à mon brave homme de père que je viens de passer général, il se laisserait bien encore attendrir et m’enverrait peut-être deux cents francs ! »
Et, en sortant de prison, Marchand n’eut rien de plus pressé que d’annoncer à son père qu’en récompense de ses services, le roi l’avait nommé général.
Au reçu Je la nouvelle, le paysan courut chez ses voisins :
« Mon fils est général! mon fils est général! Je vais lui envoyer trois cents francs ! »
Ce qui fut fait.
On juge de la joie de Marchand.
Tout un mois durant, le quartier fut en fête; les chefs de Marchand le laissaient faire parce qu’ils profitaient d’un petit verre par-ci par-là offert à la cantine par le soldat ; mais dès que Marchand eut vidé son gousset, on l’envoya pour trois mois à la prison.
Pendant ce temps, le paysan ne recevait pas de nouvelles de son fils. S’ennuyant par trop, il prit ses souliers neufs, sa longue blouse bleue et son bâton de voyage et se rendit à la ville. Au quartier il demanda le général Marchand.
Inconnu! inconnu! lui répondit-on partout.
— Mais enfin, le général Marchand, le jeune soldat Marchand qui s’est engagé il y a quelques mois dans les dragons du roi ! »
On finit par comprendre. Vous jugez d’ici de la colère du brave paysan.
« Ah ! c’est ainsi que tu te moques de moi ! dit-il à son fils. Eh bien ? Tu ne me reverras jamais. Reste au régiment tant que cela te fera plaisir et ne m’écris jamais. Je te défends de venir me voir. »
Et, furieux, il s’en alla.
Marchand avait fait ses trois mois de prison et il se demandait comment il allait pouvoir vivre sans prendre un verre de temps à autre, quand il lui arriva de nouvelles aventures.
La fille du roi, étant à la chasse avec son père, s’était égarée avec deux de ses écuyers; des brigands étaient survenus, avaient tué un écuyer et enlevé la princesse et son autre serviteur.
Les brigands avaient une caverne dans la montagne voisine et ce fut là qu’ils conduisirent leurs deux prisonniers.
L’écuyer put s’échapper peu après et rapporter au roi la triste nouvelle.
Une armée fut envoyée contre les brigands; mais ceux-ci cachés parmi les rochers avaient tué les soldats du roi et pas un n’était revenu.
Le roi fit alors publier par tous ses États qu’il donnerait la main de sa fille et la moitié du royaume à celui qui pourrait délivrer la princesse.
Beaucoup se présentèrent, mais aucun ne réussit.
Marchand l’ayant appris demanda un congé à son colonel et se rendit dans la forêt voisine delà caverne des brigands.
Dans cette forêt, il rencontra un vieillard qui lui dit :
Où vas-tu ainsi, Marchand ?
— Tiens, vous me connaissez donc?
— Oui, oui. Où vas-tu par cette forêt ?
— Vous m’avez l’air d’un brave homme et je puis me fier à vous. Je vais essayer de délivrer la fille du roi, que les voleurs tiennent prisonnière dans une grotte de la montagne voisine.
— C’est bien difficile ce que tu entreprends là, Marchand. Je veux t’aider en quelque chose. Prends ces trois objets, ils te seront utiles. »
Et l’inconnu, qui n’était autre qu’un saint ermite, donna au jeune soldat une flûte qui mettait les diables en fuite, un manteau qui transportait où l’on désirait aller, et une baguette qui vous rendait aussi petit qu’on pouvait le souhaiter.
Marchand remercia Termite et sur l’assurance de ce dernier que les voleurs étaient sortis pour aller en expédition, il alla frapper à la porte de la grotte.
Qui est là? dit une vieille en entrebâillant la porte.
— Un pauvre voyageur qui demande l’hospitalité pour cette nuit.
— Ne savez- vous donc pas que vous êtes chez des brigands?
— Je le sais bien, et je viens tout exprès La fille du roi est ici prisonnière et je veux l’enlever aux bandits pour la reconduire à son père.
— Vons êtes audacieux, jeune homme. Entrez toujours. Je suis seule ici, au moins pour deux jours. »
Marchand entra et suivit la vieille femme qui le conduisit par des escaliers souterrains et des portes secrètes dans le village des voleurs.
Le soldat fut ébloui à la vue des maisons et des palais des bandits.
Et ce qui l’étonna, c’est que bien que cet endroit se trouvât sous terre, on y voyait aussi clair qu’en plein jour dans la campagne.
La vieille l’invita à souper et lui fit faire un véritable repas de roi.
Marchand était émerveillé et ne savait trop comment remercier sa singulière hôtesse.
Ce n’est pas de cela vraiment qu’il s’agit, jeune homme.
Tu voudrais délivrer la princesse.
Je consens à t’aider en cela sous la condition que tu accompliras la tâche que je vais t’ imposer.
— Je suis tout prêt. Parlez.
— Il y a ici une grande boîte dans laquelle trois diables viennent coucher chaque nuit. Serais tu assez osé pour y coucher aussi ?
— Oh oui ! Menez-moi en cet endroit et je me fais fort d’y passer la nuit. »
Marchand, muni de sa flûte merveilleuse, s’accommoda de son mieux dans le grand coffre et attendit l’arrivée des démons. Il ne tarda pas à les entendre venir.
« Qu’est-ce donc ? dit l’un. Quel est cet homme couché à notre place? Vas-tu déloger d’ici?
— Il y a de la place pour nous quatre, répondit Marchand. Couchez-vous auprès de moi.
— Alors, tu ne veux pas sortir. Tant pis pour toi ! »
Et les diables s’apprêtèrent à étrangler le jeune soldat. Mais celui-ci tira sa flûte et se mit à jouer un air de son invention. A l’instant, les démons s’enfuirent en poussant des cris formidables, chassés qu’ils étaient par l’instrument merveilleux.
Débarrassé de ces trois compagnons, Marchand dormit tranquillement jusqu’au jour.
La vieille arriva, croyant le soldat mort.
Elle fut bien étonnée de le voir s’astiquer de son mieux comme s’il allait se rendre à la revue d’honneur.
« Comment, les diables ne t’ont pas assommé !
Ils ne sont donc pas venus, cette nuit?
— Oh ! si ; mais je les ai chassés d’ici.
— Tu m’étonnes fort; personne jusqu’ici n’a pu sortir vivant de cette épreuve.
Je veux t’imposer une seconde condition : tu vois cette haute église, n’est-ce pas? Un nid de corbeaux est à la flèche. Va dénicher les petits et apporte-les moi. Je te donne jusqu’à midi pour accomplir ce tour de force. Il est entendu que tu ne te serviras ni d’échelle ni de corde.
— C’est bien; à midi, je vous apporterai les jeunes corbeaux. »
Dès que la vieille eut le dos tourné, Marchand s’enveloppa dans le manteau magique et commanda : Que je sois à l’instant au sommet du clocher! » Et s’y trouvant transporté il prit les corbeaux, descendit et rejoignit la vieille.
« Déjà revenu ! Mais c’est à n’y pas croire.
Comment as- tu fait !
— J’ai grimpé le long des murs, puis sur le clocher et j’ai atteint la flèche de l’église.
— Puisque tu te tires si bien des épreuves auxquelles je te soumets, je veux t’en imposer une dernière. J’enfermerai la fille du roi dans sa chambre ; si tu peux aller coucher dans son lit, je la laisserai aller avec toi. »
Marchand accepta encore. Le soir venu, la vieille enferma à double tour la jeune fille dans une chambre aux portes de fer et s’en alla tranquillement se coucher.
Mirchand vint aussitôt et se rendit si petit, si petit, qu’il entra facilement par le trou de la serrure.
La princesse en le voyant eut peur.
« Ne craignez rien, lui dit le soldat ; je suis dans les dragons de votre père, et j’ai entrepris de vous délivrer. Demain sans doute, la vieille gardienne de ce souterrain nous permettra d’aller retrouver le roi. »
Puis il lui raconta tout ce qu’on avait fait pour la délivrer, les nombreux chevaliers qui n’avaient pu réussir, et enfin comment il était parti lui simple soldat, et de quelle façon il avait rempli les épreuves que lui avait imposées la vieille femme.
Je vous remercie, Marchand, vous êtes brave, et je serai très heureuse de me marier plus tard avec vous. »
Le lendemain matin quand la femme vint ouvrir, elle se vit forcée de laisser partir le jeune homme et la jeune fille, qui bientôt furent arrivés au palais du roi.
Dire quelle fut la joie du pauvre père et celle de tout son peuple serait impossible.
On prépara tout pour le mariage et huit jours après l’heureux Marchand épousait la princesse.
Pendant tout un mois ce ne furent que fêtes, réjouissances, bals et festins dans tout le royaume; les bœufs arrivaient tout rôtis sur la place des villages et des villes, les rivières étaient des vins les plus fins : mangeait et buvait qui voulait.
Ce temps de réjouissances terminé, Marchand prit une escorte de cent hommes et partit pour revoir son brave homme de père.
Il allait arriver dans le village; mais comme il était nuit, Marchand préféra demander l’hospitalité dans un grand château au bord de la route. C’était justement le château de brigands qui depuis quelque temps ravageaient la contrée.
Au milieu de la nuit, Marchand entendit des cris, des gémissements; c’étaient ses soldats qu’on égorgeait.
Il n’eut que le temps de sauter en chemise par une fenêtre et de s’enfuir dans la campagne.
Un berger était en ce moment occupé à changer son parc à moutons.
Il allait se sauver effrayé en apercevant Marchand.
Ne craignez rien, lui cria ce dernier. »
Il lui raconta son aventure et le berger courut à sa cabane et en rapporta un pantalon.
« Quoi faire, maintenant? se dit le gendre du roi.
Mon père m’aurait bien reçu en me voyant riche et bien habillé, mais maintenant il ne voudra pas me voir dans un tel état et il ne me croira pas quand je lui dirai que j’ai épousé la fille du roi. »
Marchand proposa au berger d’aller à la ville dire au roi et à la princesse dans quel état les brigands l’avait réduit. « En attendant, ajouta-t-il, je garderai vos moutons. »
Le berger accepta et se rendit à la ville.
Le roi voulait envoyer un corps d’armée avec son meilleur général.
La princesse s’y opposa. Elle prit un régiment et partit en emportant la baguette magique qui une fois déjà avait si bien servi à son mari.
On arriva le soir près du château des bandits.
Grâce à la baguette, la princesse et les soldats entrèrent inaperçus dans le château, et au milieu de de la nuit, à un signal donné, tous les brigands furent égorgés.
Mais le berger n’était plus là.
Il s’était arrêté en route dans une auberge et s’était amusé à boire avec les habitués de la maison auxquels il paya force tournées de petits verres.
La princesse était embarrassée. Elle se renseigna auprès des paysans et on lui indiqua la maison de son beau- père.
La fille du roi se jeta au cou du brave homme en l’appelant son père.
Le paysan n’en revenait pas.
« Mais, madame, balbutia-t-il, je ne vous connais pas.
— Comment, mais je suis la fille du roi, la femme de Marchand.
— Alors, il était donc général ?
— Mais non, mais non ; je vous dirai cela plus tard …. Où est votre fils?
— Mais il n’est pas ici. Autrefois, je lui ai fait défense de venir jamais me voir au village et je ne lai pas revu. »
En ce moment, Marchand, prévenu de ce qui s’était passé par des paysans, arrivait chez son père qui ne parla plus de le mettre à la porte, comme de juste.
Quelques jours après c’étaient de nouvelles fêtes dans la ville et au palais du roi pour fêter le retour de la princesse et de Marchand en même temps que l’arrivée du paysan et de son fils Auguste qu’on maria à une riche et belle princesse, amie de la reine.
(Conté en 1882, par M. Joseph Vottaux, à Neuilly ).

Littérature française – Livres pour enfants – Tous nos contes francais – Contes Populaire Français
< < <
> > >
| If you liked this site, subscribe , put likes, write comments! Share on social networks |
© 2023 Akirill.com – All Rights Reserved
