Contes Français
Les Contes et Chansons Populaires Recueillis par E. Henry Carnoy
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Les Figues merveilleuses
(Canada)

Les trois fils d’un pauvre bûcheron lui demandèrent un jour la permission de le quitter et d’aller par les pays lointains à la recherche de la fortune qu’ils ne trouvaient point au village.
Le pauvre homme était bien peiné de quitter ses enfants, aussi essaya-t-il de les retenir à la maison.
« Mon père, dit l’aîné, c’est inutile de vouloir nous faire rester ici, à moins que vous ne l’exigiez. Depuis un an nous ruminons ce projet et nous sommes tout à fait décidés.
— S’il en est ainsi, allez. Sachez qu’il est donné à tout homme de rencontrer la fortune au moins une fois dans sa vie. La plupart ne l’arrêtent pas au moment convenable et restent malheureux comme devant. Ne soyez pas de ceux-là. Je vous donne ma bénédiction, allez. »
Les trois frères quittèrent le village et arrivèrent au carrefour de trois routes.
Ils se promirent de s’y retrouver au bout d’un an et un jour et ils partirent par trois chemins différents.
Le premier s’embarqua sur un grand navire et s’en alla en Europe ; le second s’en alla en Afrique et le troisième après avoir marché bien longtemps arriva dans un grand pays inconnu.
Le jeune paysan s’assit sur une grosse pierre et songeant à ses frères et à ses parents se mit à pleurer.
Juste alors, passait une bonne fée du pays.
« Qu’as-tu donc à pleurer, jenne homme?
— Je suis un étranger parti à la recherche de la fortune, et je ne vois guère comment je ferai pour ne pas mourir de faim. Et puis j’ai bien du chagrin d’avoir laissé tout seuls au village mon père et ma bonne mère.
— Tu es un bon garçon et je veux te donner cette fortune après laquelle tu cours.
Voici une bourse merveilleuse qui jamais ne sera vide. Tu peux y puiser à toutes les heures du jour et de la nuit, toujours tu y trouveras six francs.
— Ma bonne madame, merci, merci.
La fée s’éloigna et l’aventurier continua sa route. Après quelques heures de marche, il arriva devant un grand château qu’on lui dit être celui de la reine de ce pays. On l’invita à passer quelques jours au châieau et il accepta.
Au dîner, la reine demanda le récit des aventures de son convive. Celui-ci raconta tout son voyage et n’omit point la rencontre de la fée et le don de la bourse merveilleuse.
« Ce n’est guère croyable que vous ayez une bourse telle que celle dont vous parlez. Jamais je n’ai ouï pareille merveille.
— Et pourtant c’est bien vrai. Tenez. Vous voyez que je vide ma bourse, ce qui n’empêche pas qu’elle soit encore pleine.
— C’est une bourse fort curieuse ; vous devriez me la vendre.
— Je ne la vendrai jamais, car avec elle n’ai-je pas plus que vous ne pourriez me donner en échange? Ainsi ce n’est pas la peine d’y songer »
La reine ne dit plus rien, mais lorsque le dîner fut achevé, elle fit faire par une de ses suivantes une bourse absolument semblable à celle du jeune homme, et, la nuit venue, elle prit la vraie et la remplaça par la fausse tandis que le paysan dormait.
Le lendemain ce dernier demandait sa route et retournait dans son pays natal. Il marcha bien longtemps sans trouver âme qui vive, enfin il arriva dans une hôtellerie.
« Femme, dit-il à l’aubergiste, servez-moi vite un bon dîner. »
On le lui servit, mais quand il fut pour payer, il eut beau chercher dans sa bourse, il n’y trouva que cinq francs. On lui demandait un écu de six livres et, ne pouvant solder son écot en entier, on le, chassa comme un voleur.
* La maudite reine m’a volé ma bourse, pensa le voyageur- Comment pourrai-je jamais la recouvrer: »
Et, tout en songeant, il passa près d’un gros figuier. Comme il avait soif, il grimpa le long de l’arbre et se mit à manger des fruits.
Il en avait remarqué de deux sortes, de gros et de petits.
Naturellement, il prit les plus gros. Tout à coup, il se sentit embarrassé dans les branches du figuier; il se retourna et se vit porteur d’une queue énorme qui descendait jusque sur le sol et qui allait s’allongeant à mesure qu’il mangeait
des figues.
« Me voilà comme les singes, se dit-il. Comment oserai- je jamais retourner dans mon pays? On m’appellera l’homme à la queue!…
Voyons, ces fruits ne seraient-ils pas la cause de tout ceci?
Je vais manger des plus petits pour en voir reflet. »
Et il se mit à manger des figues les plus petites et sa queue alla se raccourcissant jusqu’au moment où elle disparut entièrement.
« Je vais prendre de ces fruits, pensa le paysan, et j’irai les vendre à la reine. Je la forcerai bien à me rendre ma bourse merveilleuse. »
Il prit des figues de l’arbre en même quantité, des grosses et des petites, et il retourna au château. Mais la reine avait placé des gardes pour l’empêcher d’entrer et il dut s’en aller sans vengeance.
Le jeune homme retourna au carrefour des trois chemins et prit la route que son frère aîné avait dû suivre.
Il arriva au bord de la mer et s’embarqua pour l’Europe.
Dans une grande ville où il débarqua, il apprit que son frère était devenu le tailleur du roi et que son habileté était renommée par tout le pays.
S’étant fait indiquer la demeure du tailleur, il y arriva bientôt.
Les deux frères furent bien heureux de se revoir et ils s’embrassèrent cordialement.
Le cadet raconta ses aventures et demanda à son aîné ce qu’il fallait faire.
« Cest très simple ; je vais te donner un manteau merveilleux avec lequel tu pourras arriver jusque dans la chambre de la reine. Tu lui vendras de tes figues et tu t’arrangeras ensuite pour le mieux.
— Quel est donc le pouvoir de ce manteau !
— Il a ceci de particulier qu’il rend invisible celui qui le porte, et qu’il permet de traverser un régiment sans être vu tout en voyant tout le monde.
— Cest juste ce qu’il me faut. Après avoir dîné je retournerai en Amérique dans le pays de la reine voleuse. »
Quinze jours plus tard, l’aventurier était arrivé devant le palais de la reine. Il se couvrit du manteau magique et traversa les portes, les escaliers, les corridors au nez des gardes qui ne pouvaient l’apercevoir, mais qui l’entendaient se moquant de leur faible vue. IL entra dans la chambre de la reine et se mit à crier :
« Qui veut de bonnes figues ? Qui veut de bonnes figues? » Comme il s’était grimé et qu’il contrefaisait sa voix, la reine ne put le reconnaître.
« Sont-elles bonnes tes figues, demanda-t-elle?
— Délicieuses, madame la reine, délicieuses; vous pouvez en goûter.
— En effet, elles sont exquises ; mais je ne veux pas de ces petites, donne-m’en pour vingt sous de ces grosses. »
C’était ce que voulait le marchand. La reine et sa suivante mangèrent les figues, mais tout à coup :
« Oh! Marie, vois donc quelle queue tu portes!
— Oh ! madame, voyez donc la vôtre ! »
La reine et la servante étaient furieuses.
« Voyons, marchand, la faute en est à tes figues; fais disparaître cette queue incommode.
— Madame, j’ai bien ce pouvoir, mais je ne le ferai que lorsque vous m’aurez rendu ma bourse inépuisable. Car je suis celui que vous avez volé l’autre jour.
— Je vais appeler mes gardes et te faire pendre.
— Ce n’est pas nécessaire; voyez, je vais disparaître. »
Le jeune homme devint invisible. Puis reprenant sa forme, il donna une figue à la servante et aussitôt la queue de la jeune fille disparut.
« Puisqu’il en est ainsi, voilà ta bourse, débarrasse-moi de cette queue.
— Vous m’avez volé autrefois, madame la reine, je vous laisse votre queue, au revoir! »
Le coureur d’aventures disparut avec la bourse magique, et au jour fixé retrouva ses deux frères au carrefour des trois routes.
Riches désormais, ils vécurent heureux de longues années avec les femmes qu’ils épousèrent et les nombreux enfants que celles-ci leur donnèrent.
Quant à la reine, on ne l’appela plus dans son pays que la reine Longue-Queue, nom qui lui resta, car jamais on ne put lui enlever cette queue extraordinaire.
{Dit en 1883, par M. G Charpentier, qui tient ce conte d’un jeune Canadien de ses amis.)

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