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Le père Clément

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Les Contes d’Alexandre Dumas

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Le père Clément

L’architecte rentra chez lui et trouva sa pauvre vieille mère qui l’attendait pour souper. Mais il ne voulut pas se mettre à table, et, prenant un crayon et du papier, il commença, sans répondre à ses instances, à essayer de fixer quelques-unes de ces lignes fugitives qu’il avait vues éclore sous la baguette de Satan.

La bonne femme alla se coucher tout en pleurs ; depuis son retour de ses voyages, elle ne reconnaissait plus son fils, tant il était inquiet et tourmenté, et tant cette inquiétude et ce tourment le changeaient à son égard.

L’architecte passa la nuit tout entière à tirer des lignes et à les effacer. Il y avait, dans ce plan mystérieux dont il avait entrevu un angle, un caractère de hardiesse fantastique à laquelle il ne pouvait atteindre. Au jour, accablé de lassitude, il se jeta sur son lit ; mais le sommeil, au lieu d’être pour lui un repos, lui fut un nouveau supplice. Il se réveilla à moitié fou, et courut à l’église de Saint-Géréon, auquel il avait une dévotion toute particulière.

Arrivé en face d’elle, il s’arrêta devant le portail. C’était une petite et lourde basilique romane du XIe siècle, construite par l’archevêque Annon, sur l’emplacement de l’ancien temple de Sainte-Hélène, et qui ressemblait bien plus à un tombeau qu’à une église. Alors il ne put s’empêcher de songer à la différence qu’il y avait entre ces tours élancées, ces flèches aiguës et ces colonnettes hardies qu’il avait vues la veille éclore sous la baguette magique de Satan et la massive bâtisse byzantine qu’il avait devant les yeux. Aussi oublia-t-il complètement qu’il était venu pour prier, et s’en alla-t-il droit devant lui, sans savoir où il allait, préoccupé de sa seule et éternelle pensée.

Il erra ainsi tout le jour ; puis le soir, sans qu’il pût se souvenir des chemins qu’il avait pris, ni se rendre compte comment il se trouvait là, il se retrouva en dehors de la porte des Francs, sur la promenade et près du banc où la veille il s’était assis. La nuit était tombée ; la promenade était solitaire, et un seul homme, ainsi que lui, était resté hors des murs. C’était le petit vieillard. Au premier coup d’œil, l’artiste le reconnut et s’approcha de lui.

Il était debout devant le rempart et, avec une verge d’acier, dessinait sur la muraille. Chacun de ses traits était une ligne de feu, qui s’effaçait petit à petit, de sorte qu’à mesure que le plan magnifique s’avançait, la partie la plus anciennement faite commençait par pâlir et finissait par s’éteindre. Si bien qu’il était impossible à l’œil de suivre les nouvelles lignes, et à la mémoire de se rappeler les anciennes ; l’architecte haletant vit ainsi passer devant lui, dans ses moindres détails, une cathédrale phosphorique qui, au bout d’un instant, se perdit dans l’obscurité, mais dont il lui eût été impossible de reproduire l’ensemble.

Il poussa un profond soupir.

– Ah ! ah ! c’est toi, dit Satan en se retournant. Je t’attendais.

– Me voilà, répondit l’architecte.

– Je savais que nous n’étions pas brouillés, moi. Tiens, j’ai retouché le plan. Que dis-tu de ce portail ?

Et promenant de nouveau sa baguette sur la muraille, il y fit éclore la triple porte d’une basilique de feu.

– Magnifique, dit l’architecte, n’essayant pas même de dissimuler son enthousiasme.

– Et de cette tour ? continua Satan en répétant le même jeu.

– Splendide !

– Et de cette nef ?

– Merveilleuse !

– Eh bien ! tout cela est à toi, si tu veux.

– Et qu’exiges-tu en échange ?

– Ta signature.

– Et tu me donneras ton plan ?

– En toute propriété.

– Je ferai tout ce que tu voudras.

– À demain, minuit.

– À demain, minuit.

Satan disparut sans qu’on pût savoir de quel côté il était parti, et l’architecte rentra dans la ville.

Sa vieille mère l’attendait comme la veille ; elle non plus, n’avait point mangé. L’architecte se mit à table, et d’abord cette démonstration rassura quelque peu la pauvre femme ; mais bientôt elle s’aperçut que son fils obéissait purement et simplement à un besoin physique, mais que son esprit était si loin de son corps, que l’un n’était pour rien dans ce que l’autre faisait.

De plus en plus préoccupé, l’architecte se leva de table et se retira dans sa chambre ; sa mère n’osa l’y suivre, mais elle s’assit sur le seuil, afin d’être à sa portée s’il avait besoin de quelque chose.

Pendant quelque temps, elle l’entendit soupirer et prier ; mais comme il n’y avait encore rien là d’inquiétant, elle se garda bien d’entrer. Puis il se coucha. Longtemps encore elle l’entendit se tourner et se retourner dans son lit ; puis il se fit un instant de repos, auquel succédèrent des plaintes et des gémissements. Enfin, il lui parut qu’on se disputait dans la chambre ; un bruit se fit entendre, pareil à celui d’une lutte ; cette lutte amena des cris étouffés. Il lui sembla que son fils appelait au secours. Alors elle entra, croyant le trouver aux prises avec quelque assassin. Il était seul et rêvait, criant de toute sa force :

– Non, non, Satan ! tu n’auras pas mon âme !

À ce nom redouté, la pauvre mère fit le signe de la croix sur le front même du dormeur, ce qui parut quelque peu le calmer ; puis elle se mit en prières, au pied du lit, devant une belle madone aux vives couleurs, qu’avait donnée à son fils un pèlerin qui arrivait de Constantinople. À mesure que la prière avançait, le sommeil de l’architecte redevenait plus tranquille ; enfin, quand elle fut finie, sa respiration était pure et douce comme celle d’un enfant.

Le lendemain il se leva assez calme, et s’étant mis à la fenêtre pour respirer l’air du matin, il vit sortir sa mère vêtue de deuil ; elle l’aperçut et vint à lui.

– Où allez-vous ainsi, ma mère ? demanda-t-il, et pourquoi êtes-vous tout en noir ?

– Parce que c’est aujourd’hui l’anniversaire de la mort de ton père, et que je vais à Saint-Géréon demander au curé une messe pour les âmes du purgatoire.

– Hélas ! hélas ! murmura l’architecte, il n’y aura ni messe ni prière qui pourra tirer mon âme de l’abîme où elle sera.

– Ne veux-tu pas venir avec moi ? demande la bonne femme.

– Non, ma mère ; seulement si vous rencontrez le vieux père Clément, envoyez-le-moi : c’est un saint homme, et je serais bien aise de le consulter sur un cas de conscience qui me tourmente.

– Dieu te conserve dans ces saintes intentions, mon fils ; car, ou je me trompe bien, ou l’ennemi des hommes tourne autour de toi.

– Allez, ma mère, dit l’architecte.

La bonne femme s’éloigna, et l’artiste resta pensif à sa fenêtre. Au bout d’un instant, il vit le vieux père Clément qui tournait le coin de la rue, et qui s’avançait vers la maison. Il referma la fenêtre et l’attendit.

Le vieux moine entra : c’était, comme l’avait dit l’architecte, non seulement un saint homme, mais encore un savant homme qui avait tiré des griffes de Satan nombre d’âmes prêtes à se perdre. Mais comme il vivait dans un éternel état d’innocence et de pureté, quelque envie qu’eût le diable de lui rendre le mal qu’il lui faisait, la chose avait toujours été impossible ; et si violentes qu’eussent été les différentes luttes qu’il avait eu à soutenir avec lui, il en était toujours sorti vainqueur : de sorte que Satan s’était si souvent brûlé les griffes à l’endroit du saint homme, que depuis longtemps il ne s’y frottait plus, et lui laissait tranquillement gagner le paradis.

Aussi était-il si expert en ces sortes de matières, qu’à peine eut-il jeté les yeux sur l’architecte, qu’en voyant ses traits fatigués et défaits, il jugea de l’âme par le visage, et s’écria :

– Ô mon fils ! vous avez de mauvaises pensées.

– Oui, oui, murmura l’architecte, oui, de bien mauvaises pensées, mon père ; aussi vous ai-je fait appeler pour m’aider à les combattre.

– Contez-moi cela, mon fils, dit le moine en s’asseyant.

– Mon père, vous savez que je suis chargé par monseigneur l’archevêque Conrad de bâtir la cathédrale.

– Oui je le sais, et il ne pouvait s’adresser à un plus digne architecte.

– Voilà qui vous trompe, mon père, répondit l’artiste en baissant la voix comme s’il était honteux de l’aveu humiliant que la vérité le forçait à faire ; j’ai composé plans sur plans, et peut-être y en avait-il parmi tous quelques-uns qui eussent été dignes de quelques villes secondaires comme Vorms, Dusseldorf ou Coblentz ; mais celui qui a composé un plan digne de notre ville de Cologne, continua l’architecte avec un soupir, c’est un autre que moi, mon père.

– Ah ! ah ! fit le moine ; et n’y a-t-il donc pas moyen de le lui acheter pour de l’or ?

– Je lui ai offert tout ce que j’en avais, et il m’a répondu en me montrant une bourse pleine de diamants.

– N’y a-t-il donc pas moyen de le lui prendre de force ? dit le moine qui, dans son désir de voir Cologne devenir la reine du Rhin, se laissait malgré lui entraîner un peu au-delà des bornes de la charité chrétienne.

– J’ai voulu le lui prendre de force, mon père ; mais il m’a terrassé comme un enfant, et m’a mis mon propre poignard sur la poitrine.

– Alors il ne le veut céder à aucune condition ?

– Si fait ; mais à une seule, mon père.

– Laquelle ?

– C’est que je lui engagerai mon âme.

– Mais cet autre architecte, c’est donc Satan ?

– C’est Satan.

– Et tu dis, répondit le moine sans paraître autrement effrayé du nom terrible que venait de prononcer l’artiste, que cette cathédrale ferait de Cologne la merveille de l’Allemagne.

– Elle en ferait la reine du monde, mon père.

– Jésus ! s’écria le saint homme enjoignant les mains et en levant les yeux au ciel.

Puis se retournant du côté de l’architecte :

– Est-ce que tu tiens beaucoup à ton âme ? lui demanda-t-il.

L’architecte regarda le moine sans étonnement, car il comprenait, lui qui était prêt à vendre son éternité, combien l’éternité d’un autre devait être peu de chose aux yeux d’un homme qui voyait, au prix de cette éternité, sa ville devenir la plus belle de la terre.

– Mon père, lui dit-il, sans doute j’y tiens comme à un don qui vient de Dieu et que j’aurais voulu rendre à Dieu ; mais cependant je suis prêt à la sacrifier, si ce sacrifice peut faire de moi le premier architecte du monde.

– J’aimerais mieux, dit le moine, te voir faire ce sacrifice à Dieu qu’à toi-même. Mais, quel que soit le motif qui te pousse, comme c’est la religion qui doit en profiter, je viendrai à ton aide. Cependant prends garde à l’orgueil, car c’est l’orgueil qui te perdra.

– Eh quoi ! s’écria l’architecte, je pourrais avoir le plan sans être damné ?

– Peut-être.

– Comment cela, mon père ? dites vite.

– Tu as essayé de la corruption et de la force : il te reste la ruse.

– La ruse, mon père. Oubliez-vous que l’Écriture appelle Satan le Rusé ?

– Oh ! oh ! si fin qu’il soit, dit le moine, ce n’est pas la première fois qu’avec l’aide de Dieu, un pauvre moine l’emportera sur lui. Saint Antoine, qui a eu toute sa vie affaire à lui, n’a-t-il pas fini par en triompher ? Saint Barnabé ne lui a-t-il pas pris le nez avec des pincettes rouges ? Enfin, les magistrats d’Aix-la-Chapelle ne lui ont-ils pas donné l’âme d’un loup au lieu de celle d’un homme ?

– C’est vrai, dit l’architecte.

– Eh bien ! dit le moine, viens te confesser et communier dans l’église de Saint-Géréon, et, quand tu seras en état de grâce, je te dirai ce que tu as à faire.

L’architecte suivit le père Clément, se confessa et communia. Puis, après qu’il eut reçu le corps de notre Seigneur Jésus-Christ, le moine, l’emmenant dans sa cellule, lui remit une relique dont la sainteté et la puissance lui avaient été démontrées par une quantité d’expériences qu’il avait faites avec elle.

– Tenez, mon fils, lui dit-il, prenez cette relique, et ce soir, quand Satan vous montrera le plan diabolique, prenez-le d’une main comme pour l’examiner à votre aise, tandis que lui le tiendra de l’autre : alors touchez-lui la main avec cette relique, et, quelque envie qu’il ait de le retenir, je vous réponds qu’il le lâchera. Alors, ne vous effrayez de rien, il hurlera, il menacera, il tournera autour de vous, faites-lui toujours face avec la relique, et ne craignez rien. Dieu est plus fort que Satan, et Satan se lassera le premier.

– Mais, mon père, dit l’architecte, quand je n’aurai plus la relique, n’y a-t-il point de danger que Satan revienne, et me torde le cou ?

– Non, tant que vous serez en état de grâce ; mais gare au péché mortel.

– Alors, s’écria l’architecte, je suis sauvé, mon père, car je ne suis ni gourmand, ni envieux, ni avare, ni paresseux, ni colère, ni luxurieux.

– Vous avez oublié l’orgueil, mon fils ; prenez garde à l’orgueil : c’est celui-là qui a perdu le plus beau des anges, et il peut vous perdre à votre tour.

– Je veillerai sur moi, dit l’architecte ; d’ailleurs, j’aurai recours à vous, mon père.

– Que le Seigneur te conduise, mon enfant ! murmura le vieillard en lui donnant sa bénédiction.

– Amen ! dit l’architecte, et il se retira chez lui, où il passa le reste de la journée en prières.

À l’heure convenue, il se rendit à l’endroit indiqué par le diable : mais la promenade était solitaire ; il n’y avait nulle part ni vieillard, ni homme, ni enfant. L’artiste se promena un instant seul, craignant que le diable ne manquât à sa parole. Sur ces entrefaites, minuit sonna. Au dernier coup du battant de la cloche :

– Me voilà, dit une voix pleine et forte qui parlait derrière l’architecte.

Celui-ci se retourna en tressaillant, car il ne reconnaissait point là la voix qui lui était familière. En effet, non seulement Satan avait changé de voix, mais encore de forme. Ce n’était plus le petit vieillard aux yeux ardents, à la barbe pointue et au pourpoint noir ; c’était un beau jeune homme de vingt à vingt-cinq ans, aux formes merveilleuses, à la figure hautaine, au front large et pâle, tout sillonné encore de la foudre du ciel. Il tenait d’une main le plan et de l’autre le pacte. L’artiste recula d’un pas, ébloui qu’il était de cette infernale beauté.

– Ah ! cette fois, je te reconnais, lui dit-il, et tu n’as pas besoin de me dire ton nom : tu es le démon de l’orgueil.

– Eh bien ! lui dit Satan, tu vois que je ne t’ai pas trompé ; es-tu prêt ?

– Oui, dit l’architecte ; mais, avant de signer, montre-moi le plan ; je te paie assez cher pour savoir ce que j’achète.

– C’est juste, dit Satan, regarde.

Et, déroulant le plan, il le lui présenta sans le lâcher.

L’architecte fit alors ce que le moine lui avait dit de faire. Sous prétexte de le voir de plus près, il prit le parchemin par le bas de la feuille, tandis que Satan le tenait par en haut ; et, pendant qu’au clair de la lune, il le dévorait du regard, il glissa son autre bras en dessous, et toucha avec la relique sainte la main dont le diable tenait le plan.

Celui-ci, brûlé jusqu’aux os, fit un bond en arrière en jetant un grand cri, laissant le précieux papier aux mains de l’architecte.

– Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit, s’écria l’artiste en faisant le signe de la croix avec la relique, retire-toi, Satan.

Celui-ci poussa un rugissement terrible.

– C’est un prêtre qui t’a conseillé ; c’est une ruse d’Église, c’est encore quelque nouveau tour de ce misérable moine.

– Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit, continua l’architecte en redoublant ses signes de croix.

– Attends, attends, dit le démon, tout n’est pas fini.

Au même instant l’architecte vit devant lui un lion énorme qui se battait les flancs avec sa queue, et qui, la gueule béante et les dents découvertes, s’apprêtait à le dévorer.

Mais il ne se laissa point intimider par le lion ; l’animal furieux eut beau secouer sa crinière, tourner autour de lui et bondir, il lui présenta sans cesse la sainte relique ; de sorte que, constamment repoussé, le lion finit par reculer. L’architecte profita de ce moment pour faire le signe de la croix. Le monstre poussa un rugissement et disparut.

Au même moment l’architecte entendit un grand bruit d’ailes au-dessus de sa tête. Un aigle immense fondait sur lui des profondeurs du ciel, et la lune était voilée par sa puissante envergure ; mais il se douta bien que c’était Satan qui venait l’attaquer sous une nouvelle arme, et serrant toujours son plan d’une main sur sa poitrine, de l’autre il présenta au roi de l’air la relique bénie.

Alors il en fut de l’aigle comme du lion. Après avoir volé tout autour de lui, avoir essayé de l’assommer à coups d’ailes, de l’étreindre dans ses serres, de le déchirer avec son bec, Satan comprit qu’il n’y avait rien encore à faire sous cette nouvelle forme. L’oiseau gigantesque poussa un cri et disparut.

L’architecte croyait être quitte enfin de son ennemi, lorsqu’il vit une masse qui se mouvait dans l’ombre : c’était un serpent colossal qui déroulait ses mille anneaux et s’approchait en sifflant ; trois fois il s’enroula sur lui-même autour de l’architecte, l’enfermant dans un triple cercle d’écailles, tandis que, dressant sa tête vacillante, il cherchait de ses yeux ardents la place où plonger la flamme bisaiguë qui lui sortait de la gueule ; mais ses combats précédents avaient déjà familiarisé l’artiste avec ces luttes fantastiques, et le talisman sacré, après l’avoir préservé du lion et de l’aigle, le préserva du serpent, qui poussa un long sifflement et disparut à son tour.

Alors Satan se retrouva devant l’architecte sous sa première forme.

– C’est bien, lui dit-il, je suis vaincu, et tu triomphes, grâce à ton Dieu, à tes prêtres et à tes religieux. Mais cette église que tu m’as volée ne s’achèvera pas, et ton nom, que tu veux rendre immortel, sera oublié et inconnu. Adieu, prends garde que je te surprenne en péché mortel.

À ces mots, Satan bondit de l’endroit où il était jusque dans le Rhin, où il s’enfonça et disparut avec un frémissement pareil à celui qu’eût produit un fer rougi.

L’architecte, tout joyeux, rentra dans la ville et regagna sa maison, où il trouva sa mère et le père Clément en prières. Il leur raconta tout ce qui s’était passé. La pauvre femme pleurait et faisait le signe de la croix ; le bon moine se frottait les mains et applaudissait à sa ruse. L’artiste lui dit quels avaient été les adieux de Satan.

– Eh bien ! dit le moine, le diable est encore plus loyal que je ne croyais, puisqu’il t’a prévenu ; maintenant, c’est à toi de te tenir sur tes gardes, et d’écarter de toi tout péché mortel. Une dernière fois, défie-toi de l’orgueil.

L’architecte promit qu’il veillerait sur lui, et le moine sortit pour regagner son couvent, le laissant l’homme le plus heureux de la terre. La mère se retira à son tour, ne comprenant qu’à demi tout ce qui s’était passé, mais heureuse parce que son fils était heureux.

Resté seul, l’artiste, sans quitter le plan qu’il avait failli payer au prix de son âme, s’agenouilla, et fit une longue prière pour remercier Dieu de l’aide qu’il lui avait donnée ; puis il se coucha après avoir roulé le plan sous son oreiller, s’endormit, et vit sa cathédrale en rêve.

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