Premières Poésies
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À quoi rêvent les jeunes filles
Acte premier
Scène IV
***
NINETTE, restée seule, FLORA.
Ninette.
Où cours-tu donc, Flora ? Mon Dieu ! la belle chaîne !
Voyez donc ! — les beaux glands ! Qui t’a donné cela ?
Ninon, accourant.
Voyons ! laisse-moi voir. — Ah ! je suis hors d’haleine.
Quel sot que cet Irus ! — Tu l’as trouvé, Flora ?
Le beau collier, ma foi ! Vraiment, comme elle est fière !
Flora, à Ninon.
Je voudrais vous parler.
(Elle l’entraîne dans un coin.)
Ninette.
Quoi donc ? c’est un mystère ?
Flora, à Ninon.
Rentrez dans votre chambre, et lisez ce billet.
Ninon.
Un billet ? d’où vient-il ?
Flora.
Mettez-le, s’il vous plaît,
Dans ce petit coin-là, sur votre cœur, ma belle.
(Elle le lui met dans son sein.)
Ninon.
Tu sais donc ce que c’est ?
Flora.
Moi, non, je n’en sais rien.
(Ninon sort en courant.)
Ninette.
Qu’as-tu dit à ma sœur, et pourquoi s’en va-t-elle ?
Flora, tirant un autre billet.
Tenez, lisez ceci.
Ninette.
Pourquoi ? Je le veux bien.
Mais qu’est-ce que c’est donc ?
Flora.
Lisez toujours, ma chère.
Mais prenez garde à vous. — J’aperçois votre père ;
Allez vous enfermer dans votre appartement.
Ninette.
Pourquoi ?
Flora.
Vous lirez mieux, et plus commodément.
(Elles sortent. Entrent Laërte et Silvio.)
Silvio.
Je crois que notre abord met ces dames en fuite.
Ah ! monseigneur, j’ai peur de leur avoir déplu.
Laërte.
Bon, bon, laissez-les fuir ; vous leur plairez bien vite.
Dites-moi, mon ami, dans votre temps perdu
N’avez-vous jamais fait la cour à quelques belles ?
Quel moyen preniez-vous pour dompter les cruelles ?
Silvio.
Père, ne raillez pas, je me défendrais mal.
Bien que je sois sorti d’un sang méridional,
Jamais les imbroglios, ni les galanteries,
Ni l’art mystérieux des douces flatteries,
Ce bel art d’être aimé, ne m’ont appartenu.
Je vivrai sous le ciel comme j’y suis venu.
Un serrement de main, un regard de clémence,
Une larme, un soupir, voilà pour moi l’amour ;
Et j’aimerai dix ans comme le premier jour.
J’ai de la passion, et n’ai point d’éloquence.
Mes rivaux, sous mes yeux, sauront plaire et charmer.
Je resterai muet ; — moi, je ne sais qu’aimer.
Laërte.
Les femmes cependant demandent autre chose.
Bien plus, sans les aimer, du moment que l’on ose,
On leur plaît. La faiblesse est si chère à leur cœur,
Qu’il leur faut un combat pour avoir un vainqueur.
Croyez-moi, j’ai connu ces êtres variables.
Il n’existe, dit-on, ni deux feuilles semblables,
Ni deux cœurs faits de même, et moi, je vous promets
Qu’en en séduisant une on séduit tout un monde.
L’une aura les pieds plats, l’autre la jambe ronde,
Mais la communauté ne changera jamais.
Avez-vous jamais vu les courses d’Angleterre ?
On prend quatre coureurs, — quatre chevaux sellés ;
On leur montre un clocher, puis on leur dit : Allez !
Il s’agit d’arriver, — n’importe la manière.
L’un choisit un ravin, — l’autre un chemin battu.
Celui-ci gagnera, s’il ne rencontre un fleuve,
Celui-là fera mieux, s’il n’a le cou rompu.
Tel est l’amour, Silvio ; — l’amour est une épreuve ;
Il faut aller au but, — la femme est le clocher.
Prenez garde au torrent, prenez garde au rocher ;
Faites ce qui vous plaît, le but est immobile.
Mais croyez que c’est prendre une peine inutile
Que de rester en place et de crier bien fort :
Clocher ! clocher ! je t’aime, arrive, ou je suis mort.
Silvio.
Je sens la vérité de votre parabole,
Mais si je ne puis rien trouver, même en parole,
Que pourrai-je valoir, seigneur, en action ?
Tout le réel pour moi n’est qu’une fiction ;
Je suis dans un salon comme une mandoline
Oubliée en passant sur le bord d’un coussin.
Elle renferme en elle une langue divine ;
Mais si son maître dort, tout reste dans son sein.
Laërte.
Écoutez donc alors ce qu’il vous faudra faire.
Recevoir un mari de la main de son père,
Pour une jeune fille est un pauvre régal.
C’est un serpent doré qu’un anneau conjugal.
C’est dans les nuits d’été, sur une mince échelle,
Une épée à la main, un manteau sur les yeux,
Qu’une enfant de quinze ans rêve ses amoureux.
Avant de se montrer, il faut leur apparaître.
Le père ouvre la porte au matériel époux,
Mais toujours l’idéal entre par la fenêtre.
Voilà, mon cher Silvio, ce que j’attends de vous.
Connaissez-vous l’escrime ?
Silvio.
Oui, je tire l’épée.
Laërte.
Et pour le pistolet, vous tuez la poupée,
N’est-ce pas ? C’est très bien ; vous tuerez mes valets.
Mes filles tout à l’heure ont reçu deux billets ;
Ne cherchez pas, — c’est moi qui les ai fait remettre.
Ah ! si vous compreniez ce que c’est qu’une lettre !
Une lettre d’amour lorsque l’on a quinze ans !
Quelle charmante place elle occupe long-temps !
D’abord auprès du cœur, ensuite à la ceinture.
La poche vient après, le tiroir vient enfin.
Mais comme on la promène, en traîneaux, en voiture !
Comme on la mène au bal ! que de fois en chemin
Dans le fond de la poche on la presse, on la serre !
Et comme on rit tout bas du bonhomme de père,
Qui ne voit jamais rien, de temps immémorial !
Quel travail il se fait dans ces petites têtes !
Voulez-vous, mon ami, savoir ce que vous êtes,
Vous, à l’heure qu’il est ? — Vous êtes l’idéal,
Le prince Galaor, le berger d’Arcadie ;
Vous êtes un Lara ; — j’ai signé votre nom.
Le vieux duc vous prenait pour son gendre, — mais non,
Non ! Vous tombez du ciel comme une tragédie ;
Vous rossez mes valets ; vous forcez mes verrous ;
Vous caressez le chien ; vous séduisez la fille ;
Vous faites le malheur de toute la famille,
Voilà ce que l’on veut trouver dans un époux.
Silvio.
Quelle mélancolique et déchirante idée !
Elle est juste pourtant ; — qu’elle me fait de mal !
Laërte.
Ah ! jeune homme, avez-vous aussi votre idéal ?
Silvio.
Pourquoi pas comme tous ? Leur étoile est guidée
Vers un astre inconnu qu’ils ont toujours rêvé :
Et la plupart de nous meurt sans l’avoir trouvé.
Laërte.
Attachez-vous du prix à des enfantillages ?
Cela n’empêche pas les femmes d’être sages,
Bonnes, franches de cœur ; c’est un goût seulement ;
Cela leur va, leur plaît, — tout cela, c’est charmant.
Écoutez-moi, Silvio : — ce soir, à la veillée,
Vous vous cuirasserez d’un large manteau noir.
Flora dormira bien, c’est moi qui l’ai payée.
Ces dames, pour leur part, descendront en peignoir.
Or, vous vous doutez bien, par cette double lettre,
Que ce que vous vouliez, c’était un rendez-vous ;
Car, excepté cela, que veut un billet doux ?
Vous pénétrerez donc par la chère fenêtre.
On vous introduira comme un conspirateur.
Que ferez-vous alors, vous, double séducteur ?
Vous entendrez des cris. — C’est alors que le père,
Semblable au commandeur dans le Festin de Pierre,
Dans sa robe de chambre apparaîtra soudain.
Il vous provoquera, sa chandelle à la main.
Vous la lui soufflerez du vent de votre épée.
S’il ne reste par terre une tête coupée,
Il y pourra du moins rester un grand seau d’eau,
Que Flora lestement nous versera d’en haut.
Ce sera tout le sang que nous devrons répandre.
Les valets aussitôt le couvriront de cendre ;
On ne saura jamais où vous serez passé,
Et mes filles crieront : — Ô ciel ! il est blessé !
Silvio.
Je n’achèverai pas cette plaisanterie.
Calculez, mon cher duc, où cela mènera.
Savez-vous, puisqu’il faut enfin qu’on nous marie,
Si je me fais aimer, laquelle m’aimera ?
Laërte.
Peut-être toutes deux, n’est-il pas vrai, mon gendre ?
Si je le trouve bon, qu’avez-vous à reprendre ?
Ô mon fils bien-aimé ! laissons parler les sots.
Silvio.
On a bouleversé la terre avec des mots.
Laërte.
Eh ! que m’importe à moi ! — Je n’ai que vous au monde
Après mes deux enfants. Que me fait un brocard ?
Vous êtes assez mûr sous votre tête blonde
Pour porter du respect à l’honneur d’un vieillard.
Silvio.
Ah ! je mourrais plutôt. Ce n’est pas ma pensée.
Laërte.
Supposons que des deux vous vous fassiez aimer ;
Celle qui restera voudra vous pardonner.
Votre image, Silvio, sera bientôt chassée
Par un rêve nouveau, par le premier venu.
Croyez-moi, les enfants n’aiment que l’inconnu.
Dès que vous deviendrez le bourgeois respectable
Qui viendra tous les jours s’asseoir à déjeuner,
Qu’on verra se lever, aller et retourner,
Mettre après le café ses coudes sur la table,
On ne cherchera plus l’être mystérieux.
On aimera le frère et c’est ce que je veux.
Si mon sot de neveu parle de mariage,
On l’en détestera quatre fois davantage.
C’est encor mon souhait. Mes enfants ont du cœur ;
L’une soit votre femme, et l’autre votre sœur.
Je me confie à vous, — à vous, fils de mon frère.
Qui serez le mari d’une de mes enfants,
Qui ne souillerez pas la maison de leur père,
Et qui ne jouerez pas avec ses cheveux blancs.
Qui sait ! peut-être un jour ma pauvre délaissée
Trouvera quelque part le mari qu’il lui faut.
Mais l’importante affaire est d’éviter ce sot.
(Irus entre.)
Irus.
À souper ? à souper ! messieurs, l’heure est passée.
Laërte.
Vous avez, Dieu me damne, encor changé d’habit.
Irus.
Oui, celui-là va mieux ; l’autre était trop petit.
(Exeunt.)
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