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Comédie: “L’Âne et le Ruisseau” d’Alfred de Musset

Œuvres posthumes

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L’Âne et le Ruisseau

***

COMÉDIE EN UN ACTE.

PERSONNAGES

LE MARQUIS DE PRÉVANNES.

LE BARON DE VALBRUN.

LA COMTESSE.

MARGUERITE, sa cousine.

La scène est à Paris.

Un salon.

Scène première

LA COMTESSE, MARGUERITE.

Marguerite.

Je ne saurai donc pas ce qui vous afflige ?

La comtesse.

Mais je te dis que ce n’est rien. Ce monde, ce bruit, que sais-je ? Un peu de migraine. J’avais cru me distraire, et je me fatiguais.Elle s’assied.

Marguerite.

Savez-vous, ma bonne cousine, que je ne vous reconnais plus ! Vous qui n’aviez jamais un moment d’ennui, vous qui étiez la bonté même, je vous trouve maintenant…

La comtesse.

Sais-tu, ma chère Marguerite, que tu débutes justement comme une scène de tragédie ! Vous qui étiez jadis… je vous trouve maintenant… Et quoi donc ?

Marguerite.

Eh bien ! comme on dit… triste… languissante…

La comtesse.

Ah ! languissante Parles-tu déjà comme ton bien-aimé M. de Prévannes ?

Marguerite.

Mon bien-aimé ! Cela vous plaît ainsi. Vous vous moquez de moi ; mais vous soupirez, vous êtes inquiète. Je n’y comprends rien, car vous êtes si belle ! et vous êtes jeune, veuve et riche, vous allez épouser le baron.

La comtesse.

Ah ! Marguerite, que dis-tu ?

Marguerite.

Vous voyez bien que vous soupirez. Il est vrai que M. de Valbrun est quelquefois de bien mauvaise humeur ; c’est un caractère singulier. Est-ce que vous avez à vous plaindre de lui ?

La comtesse.

Je n’ai qu’a répondre à tes questions. Quelle grave confidente j’aurais là !

Marguerite.

Grave, non ; mais discrète, au moins. Vous croyez, parce que je ne suis pas… bien vieille… qu’on ne saurait rien me confier. Moi, si j’avais le moindre chagrin… mais je n’en ai pas…

La comtesse.

Grâce à Dieu !

Marguerite.

Je vous le raconterais tout de suite, comme à une amie… je veux dire… comme à une sœur qui aurait remplacé ma mère, car c’est bien ce que vous avez fait ; vous êtes mon seul guide en ce monde, mon seul appui, ma protectrice ; vous avez recueilli l’orpheline ; mon tuteur vous laisse faire tout ce que vous voulez (il a bien raison, le pauvre homme !). Mais je ne suis ni ingrate, ni sotte, ni bavarde, et, si vous avez de la peine, il est injuste de ne pas me le dire.

La comtesse.

Tu n’es certainement ni sotte, ni ingrate ; pour bavarde…

Marguerite.

Oh ! ma chère cousine !

La comtesse.

Oh ! ma chère cousine ! Quelquefois… par hasard… dans ce moment-ci, par exemple, vous avez, mademoiselle, ne vous en déplaise, un peu beaucoup de curiosité. Et pourquoi ? Cela se devine. M. de Prévannes doit vous épouser… ne rougissez pas, c’est chose convenue ; pour ce qui est de ma protection, avec votre petite mine et votre petite fortune, vous vous en passeriez très bien ; mais mon mariage doit précéder le vôtre, c’était du moins ce qu’on avait dit… je ne sais trop pour quelle raison… car je suis libre… je puis disposer de moi… comme je l’entends… rien n’est décidé… tout peut être rompu d’un jour à l’autre… je ne sais trop moi-même… non, en vérité, je ne saurais dire… et voilà d’où viennent vos questions.

Marguerite.

Non, madame, non ; pour cela, je ne suis pas pressée de me marier, mais pas du tout, et ce jeune homme…

La comtesse.

Vrai, pas du tout ! tu n’aimes pas ce jeune homme ? Tu n’as pas fait cent fois son éloge ?

Marguerite.

Je conviens que je le trouve… assez bien.

La comtesse.

Quoi ! tu n’as pas dit que tu le trouvais charmant ?

Marguerite.

Oh ! charmant ! Il a de bonnes manières, mais il est quelquefois d’une impertinence…

La comtesse.

Que personne n’avait autant d’esprit que lui ?

Marguerite.

Oui, de l’esprit, il en a, si l’on veut ; mais je n’ai pas dit que personne…

La comtesse.

Autant de grâce, de délicatesse…

Marguerite.

Pour de la délicatesse, c’est possible, mais de la grâce, fi donc ! Est-ce qu’un homme a de la grâce ?

La comtesse.

Enfin, que tu ne demandais pas mieux…

Marguerite.

C’est possible, il ne me déplaît pas ; mais pour ce qui est de l’amour… il est si étourdi, si léger !…

La comtesse.

Et mademoiselle Marguerite n’est ni légère, ni étourdie ! Eh bien donc ! tu le rendras sage, tu en feras un homme sérieux, un philosophe, et il te fera marquise… La gentille marquise que je vois d’ici ! Vous babillerez, d’abord, tout le jour, vous vous disputerez, c’est votre habitude…

Marguerite.

Puisque vous dites qu’on doit nous marier.

La comtesse.

C’est pour cela que vous êtes en guerre ?

Marguerite.

On dit que, dans un bon ménage, on se querelle toujours de temps en temps. Puisque je dois l’épouser, j’essaye.

La comtesse.

Voyez le beau raisonnement ! Est-ce à ta pension qu’on t’a appris cela ? Une femme qui aime son mari…

Marguerite.

Mais je vous dis que je ne l’aime pas.

La comtesse.

Et tu l’épouses ?

Marguerite.

Oui, puisqu’on le veut, puisque mes parents l’avaient décidé, puisque mon tuteur me le conseille, puisque vous le désirez vous-même…

La comtesse.

Tu te résignes ?

Marguerite.

J’obéis… Je fais un mariage de raison.

La comtesse.

Quelle sagesse ! quelle obéissance ! Tu me ferais rire, malgré que j’en aie… Eh bien, ma chère, tu ne l’aimes pas, tu ne l’aimeras même jamais, si tu veux, j’y consens mais il ne te déplaît, pas, et il te plaira.Tristement.

Va, tu seras heureuse !

Marguerite.

Je n’en sais rien.

La comtesse.

Moi, je le sais, et avec sa légèreté, je ne te donnerais pas à lui, si j’en connaissais un plus digne. Je ne dirai pas comme toi que je le trouve incomparable…

Marguerite.

Vous me désolez.

La comtesse.

Non, non ; mais ce que je sais fort bien, c’est que, malgré cette apparence d’étourderie et de frivolité, M. de Prévannes est un ami sûr, un homme de cœur, tout à fait capable de servir de guide, dans ses premiers pas, à une enfant qui, ne t’en déplaise…

Marguerite.

Lui, me servir de guide !… Ah ! je prétends bien… pour cela, nous verrons.

La comtesse.

Sans doute, tu prétends bien…

Marguerite.

Oui, je prétends, s’il a du cœur et de l’honneur, en avoir tout autant que lui ; je prétends savoir me conduire ; je prétends qu’on ne me guide pas ; je ne souffrirai pas qu’on me guide ; je sais ce que j’ai à faire, apparemment ; je prétends être maîtresse chez moi. Et s’il a de ces ambitions-là…

La comtesse.

Eh bien ?

Marguerite.

Eh bien ! qu’il ose me le dire en face, je lui apprendrai !… qu’il se montre !… Ah monsieur de Prévannes, vous vous imaginez…



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George Sand. Portrait by A. de Musset. 1833

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