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Comédie: “L’Âne et le Ruisseau” d’Alfred de Musset

Œuvres posthumes

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L’Âne et le Ruisseau

Scène XI

***

VALBRUN, MARGUERITE.

Valbrun.

C’est vous, mademoiselle Marguerite ! Venez, c’est le ciel qui vous envoie.

Marguerite.

Comment, le ciel ? c’est ma cousine. Est-ce que M. de Prévannes est parti ?

Valbrun.

Oui, il vient de partir… ah ! qu’il est heureux !… vous ne songez qu’à lui… vous l’aimez… Eh bien ! sachez donc…

Marguerite.

Oh ! je l’aime, je l’aime… halte-là ! Vous décidez bien vite des choses. Mais qu’avez vous, bon Dieu ? Vous me feriez peur.

Valbrun.

Sachez qu’on nous trahit tous deux.

Marguerite.

Qui, tous deux ?

Valbrun.

Vous et moi.

Marguerite.

Et qui est le traître ?

Valbrun.

C’est mon perfide ami, votre indigne amant !

Marguerite.

Oh !… oh !… voilà des expressions !… C’est encore M. de Prévannes que vous baptisez de cette façon-là ?

Valbrun.

Oui, lui-même.

Marguerite.

Vous voulez rire.

Valbrun.

Non pas, je n’en ai nulle envie.

Marguerite.

Et quelle est cette trahison ?

Valbrun.

Tenez, mademoiselle, lisez ce billet.

Marguerite, lisant.

« Si je veux vous en croire, madame… »

Valbrun.

Voyez, je vous prie, voyez, mademoiselle, s’il était possible de s’attendre…

Marguerite, lisant.

« Que rien ne retarde plus mon bonheur… »

Valbrun.

Qu’en pensez-vous ? À quelle femme ose-t-on écrire d’un pareil style ? Y a-t-il rien au monde de plus impertinent, de plus insolent ?

Marguerite.

À dire vrai…

Valbrun.

N’est-il pas visible que, pour écrire ainsi à une femme, il faut s’en supposer le droit ? et encore peut-on l’avoir jamais ? Et la comtesse tolère un pareil langage ! Mademoiselle, il faut nous venger !

Marguerite, lisant toujours.

« Mais est-ce assez de me le dire !… »

Valbrun.

Vous lisez attentivement.

Marguerite.

Oui, je m’écoute lire. Et vous voulez que nous nous vengions ? Comment cela ?

Valbrun.

En les abandonnant, en rompant sans mesure avec eux. Ils nous trompent et se jouent de nous. — Si vous ressentez comme moi un tel outrage, oublions deux ingrats. Acceptez ma main.

Marguerite, avec distraction.

Votre main ?

Valbrun.

Oui, j’ose vous l’offrir, et, si vous daignez l’accepter, je veux consacrer ma vie entière à effacer le souvenir odieux d’une trahison qui doit vous révolter.

Marguerite, lisant toujours.

Vous me consacrez votre vie entière ?…

Valbrun.

Oui, je vous le jure, et quand je donne ma parole, moi…

Marguerite.

Où avez-vous trouvé cette lettre ?

Dans mon chapeau ; c’est-à-dire non ; dans le sien, car il s’est trahi par maladresse.

Marguerite.

Dans son chapeau !

Valbrun.

Oui, là, sur cette chaise.

Marguerite.

Monsieur de Valbrun, on s’est moqué de vous.

Valbrun.

Que voulez-vous dire ? Cette lettre…

Marguerite.

Cette lettre ne peut être qu’une plaisanterie.

Valbrun.

Une plaisanterie ! Elle serait étrange ! Et qui vous le fait supposer ? Est-ce un complot, un piège qu’on me tend ? Parlez, en êtes-vous instruite ?

Marguerite.

Pas le moins du monde ; mais c’est clair comme le jour.

Valbrun.

Comment ! Expliquez-vous, de grâce. Si c’est un piège, et si vous le savez…

Marguerite.

Non, je ne sais rien, mais j’en suis sûre.Relisant la lettre.

« Si je veux vous en croire, madame… » Ah ! ah ! ah !Elle rit.

Et vous prenez cela, ah ! ah !… pour argent comptant !… Ah ! ah ! mon Dieu, quelle folie !… Et vous croyez que ma cousine… que M. de Prévannes… ah ! ciel !… et vous ne voyez pas que c’est impossible !… ah ! ah !

Valbrun.

En vérité, je ne vois pas…

Marguerite, riant toujours.

Ah ! ah ! ah ! ce pauvre baron… qui ne voit pas… qui ne s’aperçoit pas… Ah ! ah ! à cause de cela… Votre sérieux me fera mourir de rire. Et vous voulez m’épouser, ah ! ah !… je vous demande pardon, mais c’est malgré moi… Ah ! ah ! mais c’est impossible !… Cela n’a pas le sens !… commun ah ! ah !

Valbrun.

Ma foi, mademoiselle, en vous montrant cette lettre, je ne croyais pas tant vous égayer. Mais qu’il y ait un piège ou non là-dessous…

Marguerite.

Puisque je vous dis que je n’en sais rien.

Valbrun.

Et je sais, moi, ce que j’ai à faire. Adieu, mademoiselle Marguerite.

Marguerite.

Où allez-vous ? Venez avec moi, chez ma cousine, tout s’éclaircira.

Valbrun.

Votre cousine, je ne la reverrai de mes jours… ni vous non plus… ni aucune personne… excepté une… Riez, si vous voulez !… Je souhaite que vous n’appreniez jamais ce qu’une trahison peut nous faire souffrir !… Ah !… je suis navré ! désespéré !… Malheur à lui ! malheur à moi !… Adieu, adieu, mademoiselle !

Marguerite.

Écoutez donc.

Valbrun.

Adieu, adieu !



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George Sand. Portrait by A. de Musset. 1833

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