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Comédie: “L’Âne et le Ruisseau” d’Alfred de Musset

Œuvres posthumes

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L’Âne et le Ruisseau

Scène XII

***

MARGUERITE, seule ; puis PRÉVANNES.

Marguerite.

Il s’en va tout de bon, comme un furieux. Pauvre baron de Valbrun ! Il est peut-être à plaindre… Mais il est trop comique avec son désespoir… et ses offres… Ah ! c’est incroyable !

Prévannes, à part.

Voilà donc cette petite rebelle, qui s’avise aussi d’hésiter, dit-on. Elle est bien gaie, à ce qu’il me semble… Parbleu, il faudra qu’elle parle aussi.Haut.

Qu’est-ce donc ? qu’est-ce qui se passe ? Vous êtes bien joyeuse, mademoiselle… Marguerite, que vous riez ainsi toute seule.

Marguerite.

« Que vous riez ainsi… » Voilà encore de vos tournures de phrase à aile de pigeon. Quand apprendrez-vous l’orthographe ?… Quand donc vous démarquiserez-vous ?

Prévannes.

Je ne peux pas, c’est la faute de mon père ; mais vous, petite marquise future, en bon gaulois Margot, de quoi vous gaussez-vous ?

Marguerite.

Je ne peux pas me fâcher, j’ai encore trop envie de rire. C’est M. de Valbrun qui sort d’ici…

Prévannes.

Eh bien ?

Marguerite.

Il m’a montré une lettre…

Prévannes.

Une lettre ?

Marguerite.

Signée de votre nom… fort malhonnête, cela va sans dire… une lettre écrite à ma cousine…

Prévannes.

Eh bien ?À part.

Voyons un peu cela.Haut.

Je ne sais ce que vous voulez dire.

Marguerite.

Jouez donc l’ignorance à votre tour !… Vous ne m’aviez pas prévenue, c’est mal ; mais ce n’en est que plus drôle ; votre plaisanterie a réussi… on ne peut pas mieux… elle est cruelle… mais je comprends… Figurez-vous qu’il est… exaspéré !

Prévannes.

Véritablement ?

Marguerite.

Oui, il vous cherche… Oh ! il faudra que vous lui rendiez raison !

Prévannes.

Est-ce tout ?

Marguerite.

Bon ! c’est bien autre chose encore. Vous êtes à ses yeux le plus déloyal des marquis, et ma belle cousine, la plus perfide des comtesses ! Il renonce à tout, il nous abandonne… Il veut vous tuer, et m’épouser.

Prévannes.

Vous épouser… lui-même ?

Marguerite.

Oui, monsieur.

Prévannes.

Il faut qu’il soit bien en colère !… Et qu’avez-vous répondu à cela ?

Marguerite.

Je n’ai fait que rire… je n’y tenais plus.

Prévannes.

Je ne vois rien là de si gai.

Marguerite.

Qu’est-ce que vous dites ?

Prévannes.

Il est fâcheux qu’il vous ait montré cette lettre. Mais, puisque tout est découvert… si le mal est fait…

Marguerite.

Quoi donc ?

Prévannes.

Il me tuera, s’il peut, et il vous épousera, s’il veut.

Marguerite.

Ah ! c’est là votre sentiment ?

Prévannes.

Que voulez-vous ? si j’aime votre cousine, ce n’est pas ma faute ; c’était un secret. Vous ne m’aimez pas…

Marguerite.

Et vous ?

Prévannes.

Moi, cela me regarde. Tout cela est fâcheux, très fâcheux.

Marguerite.

Ah ça ! parlez-vous sérieusement ou continuez-vous votre méchante plaisanterie ?

Prévannes.

Je la continue… sérieusement.

Marguerite.

Vous aimez ma cousine ?

Prévannes.

Oui, de tout mon cœur.

Marguerite.

Vous voulez l’épouser ?

Prévannes.

Pourquoi pas ?

Marguerite.

Eh bien, monsieur, je suis fâchée de vous le dire, mais…

Prévannes.

Qu’est-ce donc ?

Marguerite.

Je n’en crois rien.

Prévannes.

Vous n’en croyez rien ?

Marguerite.

Non ; vous n’êtes pas aussi féroce que vous le dites.

Prévannes.

J’admire combien les petites filles…

Marguerite.

Monsieur !

Prévannes.

Combien les jeunes personnes, veux-je dire, se croient aisément sûres de nous. Elles le sont, vraiment, plus que d’elles-mêmes.

Marguerite.

Plus que d’elles-mêmes ?

Prévannes.

Eh ! sans doute. On les prendrait, à les entendre, pour des prodiges de pénétration, et, pour trois mots de politesse, les voilà qui perdent la tête.

Marguerite.

Si vous ne voulez que m’impatienter, vous commencez à réussir.

Prévannes.

J’en serais désolé, mademoiselle, et, de peur que cela n’arrive, je me retire.Il feint de s’en aller.

Marguerite, à part.

Est-ce qu’il parlerait tout de bon ?Haut.

Monsieur de Prévannes !

Prévannes.

Mademoiselle !

Marguerite.

Vous épousez… sérieusement… ma cousine ?

Prévannes.

Oui, mademoiselle.

Marguerite.

Croyez-vous que je m’en soucie ?

Prévannes.

Je ne dis pas cela.

Marguerite.

Je m’en moque fort.

Prévannes.

Je n’en doute pas.

Marguerite.

Non ; vous supposiez que cette nouvelle allait me désoler.

Prévannes.

Point du tout.

Marguerite.

Que je vous ferais des reproches.

Prévannes.

En aucune façon.

Marguerite.

Que je vous regretterais… que je m’affligerais…Près de pleurer.

Que je pleurerais peut-être.

Prévannes, à part.

Ô ciel !…Haut.

Ma chère Marguerite…

Marguerite.

Il n’y a plus de Marguerite ni de Margot… Oui, vous le croyiez… vous l’espériez.Prévannes veut lui prendre la main ; elle la retire brusquement.

Non, je ne vous dirai rien, je ne vous reprocherai rien, mais c’est une infamie !

Prévannes.

Mademoiselle…

Marguerite.

C’est une lâcheté ! Ou vous mentez en ce moment, ou vous m’avez toujours trompée. Vous dites que je ne vous aime pas. Qu’en savez-vous ? Je vous trouve plaisant d’oser décider là-dessus !

Prévannes.

Écoutez-moi.

Marguerite.

Je ne veux rien entendre. Mais, s’il vous reste encore dans l’âme une apparence d’honnêteté, vous aurez plus de regrets que moi ; car vous saurez que vous m’avez mal jugée, que vous vous trompiez gauchement en me croyant indifférente, que je suis loin de l’être, et que je…



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George Sand. Portrait by A. de Musset. 1833

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