Œuvres posthumes
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L’Âne et le Ruisseau
Scène XIII
***
Les Mêmes, LA COMTESSE.
La comtesse, une lettre à la main.
Vous voilà ici, monsieur de Prévannes ? Et je vois Marguerite tout émue.
Marguerite.
Moi, ma cousine ? Pas le moins du monde.
La comtesse.
Est-ce encore quelque nouvelle ruse, quelque épreuve de votre façon ? Elles vous réussissent à merveille !… Tenez, je reçois cette lettre à l’instant.
Prévannes, lisant.
« Il n’était pas nécessaire, madame, de prendre la peine de feindre avec moi. Vous ne me reverrez de ma vie, et vous n’aurez jamais à vous plaindre… »
La comtesse.
Qu’en pensez-vous ?
Marguerite.
Que se passe-t-il donc ?
La comtesse.
Tu le sauras. Eh bien, monsieur ?
Prévannes.
Eh bien, madame, je trouve cela parfait. — « Vous n’aurez jamais à vous plaindre… » C’est tout à fait honnête et modéré.
La comtesse.
Vraiment ! votre sang froid me charme. Avez-vous encore là-dessus quelque théorie à votre usage ? Vous le voyez, M. de Valbrun n’a cru que trop facilement à votre lettre supposée, et, grâce à vos belles roueries, comme vous les appelez, je perds non seulement l’amour, mais l’estime du seul homme que j’aime.
Marguerite, à Prévannes.
Comment ! monsieur, vous me trompiez tout à l’heure ? Rien n’était vrai dans tout ceci ? Vous vous êtes joué de moi comme d’un enfant ?… Allez, c’est une indignité !
Prévannes.
Oui, oui, c’est une indignité ; mais, moyennant cela, vous m’avez avoué…
Marguerite.
Je ne l’ai pas dit.
Prévannes.
Non, mais je l’ai entendu.À la comtesse.
Madame, mademoiselle Marguerite et moi, nous nous sommes enfin expliqués ensemble, et nous sommes parfaitement d’accord.
Marguerite.
Moins que jamais. J’étais tout à l’heure comme le baron ; maintenant je suis comme ma cousine. Jamais je ne vous pardonnerai.
Prévannes.
Vous me pardonnerez plus que vous ne pensez.
La comtesse.
Il n’est plus temps de plaisanter, monsieur de Prévannes ; j’attends de vous une démarche nécessaire. Vous avez causé tout le mal, c’est à vous de le réparer.
Prévannes.
Sûrement, madame, sûrement. Que faut-il faire, s’il vous plaît ?
La comtesse.
Vous le demandez ? M. de Valbrun a le droit de m’accuser de perfidie ; il faut le désabuser avant tout.
Prévannes.
Oui, madame.
Marguerite.
Mais tout de suite.
Prévannes.
Oui, mademoiselle.
La comtesse.
Il faut dire toute la vérité, dût-elle me compromettre moi-même.
Marguerite.
Oui, dût-elle nous compromettre.
Prévannes.
Fort bien, je vous compromettrai.
La comtesse.
Voyez, monsieur, voyez à quels dangers m’expose votre légèreté ! Même en ne me trouvant pas coupable, que va penser de moi M. de Valbrun ? Quelle faute vous m’avez fait commettre ! J’en dois sans doute accuser ma faiblesse ; elle a été bien grande, elle est inexcusable ; mais, sans vos malheureux conseils, Dieu m’est témoin que l’idée du mensonge n’aurait jamais approché de moi.
Prévannes.
J’en suis tout à fait convaincu.
Marguerite.
Voyez, monsieur, à quoi sert de mentir !
Prévannes.
Je suis confondu ; ne m’accablez pas.
La comtesse.
Eh bien ! monsieur, qu’attendez-vous ?
Prévannes.
Pour quoi faire, madame ?
La comtesse.
Quoi ! n’est-ce pas dit ? Aller chez M. de Valbrun.
Prévannes.
C’est inutile, je ne le trouverais pas.
La comtesse.
Pour quelle raison ?
Prévannes.
Parce qu’il va venir.
La comtesse.
Perdez-vous l’esprit ? et cette lettre ?
Prévannes.
C’est justement d’après cette lettre que je l’attends.
La comtesse.
Il me jure qu’il ne me reverra jamais.
Prévannes.
C’est ce que je dis. Il ne peut pas tarder.
La comtesse.
Je vous ai déjà déclaré que vos plaisanteries sont hors de saison.
Prévannes.
Je ne plaisante pas du tout… Ah ! vous vous imaginez, belle dame, qu’on perd une femme comme vous, qu’on s’en éloigne, qu’on l’oublie, qu’on se distrait !… Non pas, non pas, il en coûte plus cher ; cela ne se passe pas ainsi. Vous ne nous connaissez pas, nous autres amoureux ! Pendant que nous sommes ici à causer, savez-vous ce que fait ce pauvre Valbrun ? Il est d’abord rentré chez lui furieux, il a juré de se venger de moi, de vous, de toute la terre ; ensuite, il a pleuré… oh ! il a pleuré. Puis il a marché à grands pas dans sa chambre ; il a pensé à faire un voyage, puis, pour ne pas se déranger, à se brûler la cervelle. Là-dessus, par simple convenance, il a bien vu qu’il ne pouvait pas mourir sans vous voir une dernière fois. Il a bien songé aussi à vous écrire ; mais que peut-on dire, en un volume, qui vaille un regard de l’objet aimé ? Donc il a pris et quitté vingt fois son chapeau, — c’est-à-dire le mien ; — enfin, s’armant de courage, il l’a mis sur sa tête, il est résolument descendu de chez lui ; une fois dans la rue, le trouble, le dépit, une juste fierté, l’ont peut-être retardé en route ; cependant il vient, il approche, déjà il n’est plus temps de revenir sur ses pas ; il est trop près de vous, il est sous le charme ; il ne dépend plus de lui de ne pas vous voir ; son cœur l’entraîne, et… tenez, tenez, le voilà qui entre dans la cour.
La comtesse.
Serait-il vrai ?
Prévannes.
Voyez vous-même.
La comtesse, troublée.
Monsieur de Prévannes… il va venir.
Prévannes.
Eh ! oui, c’est ce que je vous disais. Vous connaissez sa prudence ordinaire dans votre escalier. Mais comme cette fois il est au désespoir, il pourrait bien monter plus vite.
La comtesse.
Monsieur de Prévannes…
Prévannes.
Je vous entends. Vous ne voudriez pas vous montrer tout d’abord, n’est-ce pas ? Je me charge de le recevoir.
La comtesse.
Prenez bien garde, au moins…
Prévannes.
Soyez sans crainte ; retirez-vous un peu ici près, et rappelez-vous ce que je vous ai dit tantôt : ou vous me tiendrez pour le dernier des hommes, ou nous serons tous mariés… quand il vous plaira, si toutefois…
Il salue Marguerite.
Marguerite.
Je n’ai rien dit.
La comtesse.
Viens, Marguerite.
Prévannes.
N’allez pas trop loin, je n’ai que deux mots à lui dire.
La comtesse.
Deux mots ?
Prévannes.
Pas davantage ; ne vous éloignez pas.
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