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Comédie: “L’Âne et le Ruisseau” d’Alfred de Musset

Œuvres posthumes

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L’Âne et le Ruisseau

Scène III

***

LES MÊMES, PRÉVANNES.

Prévannes.

Bonjour, mesdames. Je ne vous demande pas comment vous allez ce matin, je vous ai vues tout à l’heure aux courses, et vous étiez éblouissantes.

La comtesse.

Vous vous serez trompé de visage.

Prévannes.

Non, vraiment ; mais qu’avez-vous donc ? Il me semble en effet voir un air de mélancolie… Je vous annonce le baron… plus sombre et plus noir que jamais.

Marguerite.

Il nous manquait cela ! Je m’enfuis.

Prévannes.

Laissez, laissez, vous avez le temps. Je l’ai rencontré dans les Tuileries, qui se promenait d’un air funèbre, au fond d’une allée solitaire. Il s’arrêtait de temps en temps avec des attitudes de méditation. Quelqu’un qui ne le connaîtrait pas aurait cru qu’il faisait des vers.

Marguerite.

Et monsieur le marquis n’admet pas qu’on puisse avoir un goût qui lui manque ?

Prévannes.

Ah ! ah ! je n’y prenais pas garde ; j’arrive ici comme Mascarille, sans songer à mal, et je ne pense pas qu’il faut me tenir sur le qui-vive. Eh bien ! ma charmante ennemie, que dites-vous ce matin, mademoiselle Margot ?

Marguerite.

D’abord, je vous ai défendu de m’appeler de cet affreux nom-là.

Prévannes.

Défendu ! ah ! c’est mal parler ; vous voulez dire que cela vous contrarie. Vous avez raison ; cela choque ce qu’il y a en vous de majestueux.À la comtesse.

Décidément, vous êtes préoccupée.

La comtesse.

Oui, je vous parlerai tout à l’heure.

Marguerite.

Je suis de trop ici.

La comtesse.

Non, ma chère.

Prévannes.

Si fait, si fait. Point de cérémonie ; entre mari et femme, on se dit ces choses-là.

Marguerite.

Et c’est pourquoi j’espère bien ne jamais les entendre de votre bouche.

Prévannes.

Fi ! ce n’est pas d’une belle âme de déguiser ce qu’on désire le plus et de renier ses plus tendres sentiments.

Marguerite.

Ah ! que cela est bien tourné ! On voit que le beau langage vous vient de famille, et que votre bisaïeul avait de l’esprit. Il y a dans vos propos un parfum de l’autre monde. Je vous enverrai un de ces jours une perruque.

Prévannes.

Et je vous ferai cadeau d’un bonnet carré, afin de vous donner plus de poids et l’air plus respectable encore. — Mais dites-moi donc, avant de vous en aller, je voudrais savoir, là franchement, quelle est, parmi mes mauvaises qualités, celle qui vous a rendue amoureuse de moi.

Marguerite.

Toutes ensemble, apparemment, car, dans le nombre, le choix serait trop difficile.

Prévannes.

Cet aveu-là n’est pas sincère. Dans le plus parfait assemblage, il y a toujours quelque chose qui l’emporte, qui prime, cela ne peut échapper. Vous, par exemple, tenez, mademoiselle Margot… non… Marguerite… il suffit de vous connaître pour s’apercevoir clairement que votre mérite particulier, c’est un grand fonds de modestie.

Marguerite.

Oui, si j’en ai la moitié autant que vous possédez de vanité.

Prévannes.

Ma vanité est toute naturelle ; elle me vient de vous. Que voulez-vous que j’y fasse ? Lorsqu’on se voit distingué tout à coup par une si charmante personne…

Marguerite.

Oh ! très distingué, en effet ; je suis bien loin de vous confondre avec le reste des mortels, qui ont le malheur vulgaire d’avoir le sens commun.

Prévannes.

Bon ! voilà encore qui n’est pas poli. Mais je vois bien ce que c’est et je vous pardonne. Vous ne querellez que pour faire la paix. Et quelle jolie paix nous avons à faire ! Allons, donnez-moi votre petite main.

Il veut lui baiser la main.

Marguerite.

Je vous déteste. — Adieu, monsieur.

Prévannes.

Adieu, cruelle.



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George Sand. Portrait by A. de Musset. 1833

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