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Conte Oriental: “Namouna” d’Alfred de Musset

Premières Poésies

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Chant premier I – X , XI – XX , XXI – XXX , XXXI – XL , XLI – L , LI – LX , LXI – LXX , LXXI – LXXVIII , Chant deuxième I – X , XI – XX , XXI – XXX , XXXI – XL , XLI – L , LI – LV , Chant troisième I – XIV


Namouna

***

XLI

Le dégoût, c’est la haine : — et quel motif de haine
Pourrais-je soulever ? — pourquoi m’en voudrait-on ?
Une femme dira qu’elle pleure : — et moi donc !
Je pleure horriblement ; je me soutiens à peine ;
Que dis-je, malheureux ! il faut qu’on me soutienne.
Je n’ose même pas demander mon pardon.

XLII

Je me prive du corps, mais je conserve l’âme.
Il est vrai, dira-t-on, qu’il est plus d’une femme
Près de qui l’on ne fait, avec un tel moyen,
Que se priver de tout et ne conserver rien.
Mais c’est un pur mensonge, un calembour infâme,
Qui ne mordra jamais sur un homme de bien.

XLIII

Voilà ce que disait Hassan pour sa défense.
Bien entendu qu’alors tout se passait en France,
Du temps que sur l’oreille il avait ce bonnet
Qui fit à son départ une si belle danse
Par-dessus les moulins. Du reste, s’il tenait
À son raisonnement, c’est qu’il le comprenait.

XLIV

Bien qu’il traitât l’amour d’après un catéchisme,
Et qu’il mît tous ses soins à dorer son sophisme,
Hassan avait des nerfs qu’il ne pouvait railler.
Chez lui la jouissance était un paroxisme
Vraiment inconcevable, et fait pour effrayer :
Non pas qu’on l’entendît ni pleurer ni crier, —

XLV

Un léger tremblement, une pâleur extrême, —
Une convulsion de la gorge, un blasphème, —
Quelques mots sans raison balbutiés tout bas,
C’est tout ce qu’on voyait ; — sa maîtresse elle-même
N’en sentait rien, sinon qu’il restait dans ses bras
Sans haleine et sans force, et ne répondait pas.

XLVI

Mais à cette bizarre et ridicule ivresse
Succédait d’ordinaire un tel enchantement,
Qu’il commençait d’abord par faire à sa maîtresse
Mille et un madrigaux, le tout très-lourdement.
Il devenait tout miel, tout sucre, et tout caresse.
Il eût communié dans un pareil moment.

XLVII

Il n’existait alors secret ni confidence
Qui pût y résister. — Tout partait, tout roulait ;
Tous les épanchements du monde entraient en danse,
Illusions, soucis, gloire, amour, espérance ;
Jamais confessional ne vit de chapelet
Comparable en longueur à ceux qu’il défilait.

XLVIII

Ah ! c’est un grand malheur, quand on a le cœur tendre,
Que ce lien de fer que la nature a mis
Entre l’âme et le corps, ces frères ennemis !
Ce qui m’étonne, moi, c’est que Dieu l’ait permis.
Voilà le nœud gordien qu’il fallait qu’Alexandre
Rompît de son épée et réduisit en cendre.

XLIX

L’âme et le corps, hélas ! ils iront deux à deux,
Tant que le monde ira, — pas à pas, côte à côte, —
Comme s’en vont les vers classiques et les bœufs.
L’un disant : « Tu fais mal ! » et l’autre : « C’est ta faute ! »
Ah ! misérable hôtesse, et plus misérable hôte !
Ce n’est vraiment pas vrai que tout soit pour le mieux.

L

Et la preuve, lecteur, la preuve irrécusable
Que ce monde est mauvais, c’est que pour y rester
Il a fallu s’en faire un autre, et l’inventer.
Un autre ! — monde étrange, absurde, inhabitable,
Et qui, pour valoir mieux que le seul véritable,
N’a pas même un instant eu besoin d’exister.



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George Sand. Portrait by A. de Musset. 1833

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