Œuvres posthumes
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Faustine
ACTE PREMIER
Scène II
***
Les Précédents, LORÉDAN.
Lorédan.
Déjà levés tous deux, mes enfants ! Voilà qui est bien… pour Michel, s’entend.À Fabrice.
Car, pour toi, je sais tes allures ; tu n’as pas grand mérite à être debout maintenant. Tu fais de la nuit le jour, tu cours les mascarades…
Fabrice.
Mon père…
Lorédan.
Oui, tu dissipes le bien de ta mère ; cela te divertit, mais gare l’avenir ! Tout vieux que je suis, je puis te faire encore attendre !
Fabrice.
Eh ! mon père, quelle triste opinion auriez-vous bien pu concevoir…
Lorédan.
C’est bien, c’est bon, je connais ton cœur ; mais, quand je te vois ainsi emplumé, couvert de ces brillants hochets… Tu te ris de nos lois somptuaires !… Nous te confierons quelque jour à messer Grande… Allons, trêve de gronderie, je veux être gai aujourd’hui, car j’ai en poche de bonnes nouvelles… Mais qu’as-tu donc, Michel ? Tu es bien pensif.
Michel.
Pardon, seigneur. Comment va votre santé ? Vous êtes bien matinal aujourd’hui.
Lorédan.
Vieille habitude, mon cher ami, vieille habitude de commerçant ; car, bien que je ne puisse plus faire profession de l’être, grâce à leur ridicule défense, je le suis et le serai toujours… Sotte et inutile chimère de vouloir nous en empêcher !… Et c’est à cette heure-ci qu’on reçoit ses lettres, qu’on y répond, qu’on règle ses comptes.
Fabrice.
Ainsi, vous-même, vous bravez les lois ?
Lorédan.
Ah ! ah ! garçon, cela te fait rire ? Si je les brave, du moins ce n’est pas pour jouer aux dés. Certes, personne dans Venise n’est plus fier que moi de son nom ; personne, j’ose le dire, ne l’est à plus juste titre. Mais est-ce à dire pour cela qu’un honnête homme, de quelque rang qu’il soit, ne puisse travailler à sa fortune ? On ne m’en guérira jamais. Je suis patricien jusqu’à la moelle des os, mais je suis banquier au fond du cœur, et comme j’ai vécu je mourrai… Votre sœur Faustine n’est pas levée ?
Fabrice.
Nous ne l’avons pas vue, seigneur.Bas, à Michel.
Je tremble encore qu’elle ne paraisse.
Michel, de même.
N’y songe plus… Il est trop tard. Si elle doit revenir, sa fable est préparée
Lorédan.
C’est que la nouvelle dont je vous parlais l’intéresse principalement. Vous n’ignorez pas, mes enfants, que le marquis Galéas Visconti va venir ici pour être mon gendre. Il vient de Milan. Il s’est arrêté quelques jours à Vérone, pour en prendre possession au nom de son cousin, et je l’attends d’un moment à l’autre, car je ne veux pas qu’il prenne d’autre logis que ce palais. Or savez-vous ce qui arrive ? Ce n’est pas une petite affaire, pour une maison telle que la nôtre, que de se voir l’alliée du duc de Milan, et la sérénissime Seigneurie se montre fort ombrageuse en telles occasions. Elle n’aime pas à voir une famille s’élever ainsi, dans son sein, au-dessus des plus hautes têtes, par l’appui d’un prince étranger. Elle craint que cette vieille colonne, en grandissant, n’ébranle l’édifice, — et c’est pourquoi on s’en est inquiété dans le Sénat.
Michel.
Eh bien, seigneur, qu’ont-ils résolu ?
Lorédan.
Eh bien, mon fils, ils ont résolu, — après mûre délibération, — que la République adopte ma fille et la donne, comme princesse, avec une dot considérable, à ce digne et charmant marquis.
Fabrice.
En vérité !
Lorédan.
La chose est faite ; j’ai là un mot de l’ami Cornaro, qui a voulu le premier m’annoncer cela. Je ne sais pas encore pertinemment quelle est la dot, mais le mot est écrit : « considérable ». Que la République y trouve son compte, cela n’est pas douteux. Elle est bonne mère, mais bonne ménagère. Je crois qu’il y a sous main, entre nous soit dit, quelque projet de traité avec Milan, aux dépens du sieur de Padoue ; et les clefs de quelques petites villes de par la Marche trévisane pourraient bien se glisser dans la corbeille de noces… Eh ! eh ! ces fiers Morosini, avec leur princesse de Hongrie, ils ne seront donc plus les seuls dont la fille ait été ainsi adoptée.
Michel.
Je ne suis jamais sans inquiétude lorsque j’entends mon noble père parler ainsi des affaires d’État.
Lorédan.
Bon ! te voilà avec tes scrupules. Un soldat ! cela te sied bien ! Est-ce Charles Zéno, ton capitaine, qui t’enseigne cette prudence ?
Michel.
C’est parce que je suis un soldat qu’on m’a appris qu’il valait mieux agir…
Lorédan.
Que de parler ? C’est ce qu’ils m’ont dit aussi quand je suis sorti du conseil intime. Je connais de reste Venise, et je sais que les murailles y ont des oreilles…
Fabrice.
Non pas ici, mon père, mais…
Lorédan.
Partout, partout !… J’ai vu à l’œuvre les gens que le peuple appelle ceux de là-haut. Venise est le pays du silence. Il s’y promène dans les rues, avec la trahison par derrière, qui le suit en guise de laquais. Je sais tout cela, je lui ai payé ma dette ; je me suis tu soixante-cinq ans ; mais je suis vieux, je suis las, cela m’ennuie. Je ne divulgue point les secrets de l’État, par la fort bonne raison que je les ignore ; mais j’ai été sénateur, correcteur des lois, conseiller, sage de la terre ferme ; il est bien temps que je sois moi-même, et si je radote dans ma barbe grise…
Michel.
La trahison ne vieillit pas.
Lorédan.
À mon âge, monsieur, on ne craint plus que Dieu… Mais qui vient là ? quel est ce bruit ?
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