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Poème: “Éviradnus” de Victor Hugo

La Légende des siècles
Éviradnus

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Éviradnus

***

Éviradnus,
Vieux, commence à sentir le poids des ans chenus ;
Mais c’est toujours celui qu’entre tous on renomme,
Le preux que nul n’a vu de son sang économe ;
Chasseur du crime, il est nuit et jour à l’affût ;
De sa vie il n’a fait d’action qui ne fût
Sainte, blanche et loyale, et la grande pucelle,
L’épée, en sa main pure et sans tache, étincelle.
C’est le Samson chrétien qui, survenant à point,
N’ayant pour enfoncer la porte que son poing,
Entra, pour la sauver, dans Sickingen en flamme ;
Qui, s’indignant de voir honorer un infâme,
Fit, sous son dur talon, un tas d’arceaux rompus
Du monument bâti pour l’affreux duc Lupus,
Arracha la statue, et porta la colonne
Du munster de Strasbourg au pont de Wasselonne,
Et là, fier, la jeta dans les étangs profonds ;
On vante Éviradnus d’Altorf à Chaux-de-Fonds ;
Quand il songe et s’accoude, on dirait Charlemagne ;
Rôdant, tout hérissé, du bois à la montagne,
Velu, fauve, il a l’air d’un loup qui serait bon ;
Il a sept pieds de haut comme Jean de Bourbon ;
Tout entier au devoir qu’en sa pensée il couve,
Il ne se plaint de rien, mais seulement il trouve
Que les hommes sont bas et que les lits sont courts ;
Il écoute partout si l’on crie au secours ;
Quand les rois courbent trop le peuple, il le redresse
Avec une intrépide et superbe tendresse ;
Il défendit Alix comme Diègue Urraca ;
Il est le fort ami du faible ; il attaqua
Dans leurs antres les rois du Rhin, et dans leurs bauges
Les barons effrayants et difformes des Vosges ;
De tout peuple orphelin il se faisait l’aïeul ;
Il mit en liberté les villes ; il vint seul
De Hugo Tête-d’Aigle affronter la caverne ;
Bon, terrible, il brisa le carcan de Saverne,
La ceinture de fer de Schelestadt, l’anneau
De Colmar, et la chaîne au pied de Haguenau.
Tel fut Éviradnus. Dans l’horrible balance
Où les princes jetaient le dol, la violence,
L’iniquité, l’horreur, le mal, le sang, le feu,
Sa grande épée était le contre-poids de Dieu.
Il est toujours en marche, attendu qu’on moleste
Bien des infortunés sous la voûte céleste,
Et qu’on voit dans la nuit bien des mains supplier ;
Sa lance n’aime pas moisir au râtelier ;
Sa hache de bataille aisément se décroche ;
Malheur à l’action mauvaise qui s’approche
Trop près d’Éviradnus, le champion d’acier !
La mort tombe de lui comme l’eau du glacier.
Il est héros ; il a pour cousine la race
Des Amadis de France et des Pyrrhus de Thrace ;
Il rit des ans. Cet homme à qui le monde entier
N’eût pas fait dire grâce ! et demander quartier,
Ira-t-il pas crier au temps : Miséricorde !
Il s’est, comme Baudoin, ceint les reins d’une corde ;
Tout vieux qu’il est, il est de la grande tribu ;
Le moins fier des oiseaux n’est pas l’aigle barbu.

Qu’importe l’âge ! il lutte. Il vient de Palestine,
Il n’est point las. Les ans s’acharnent ; il s’obstine.


La tour des rats de Victor Hugo - 1847
La tour des rats de Victor Hugo – 1847


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