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Poème: “J’ai vu l’Inde ; je plains le morne tchandâla” de Victor Hugo

La Pitié suprême

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J’ai vu l’Inde ; je plains le morne tchandâla

***

J’ai vu l’Inde ; je plains le morne tchandâla ;
Un homme fraternel jamais ne lui parla ;
Sa soif ternit le fleuve ; et devant son martyre
La cabane se ferme et la main se retire ;
Il est le réprouvé de l’eau, du pain, du seuil ;
On dirait que le feu, l’air et la terre en deuil
Le chassent, que le champ le hait, que la matière
Le repousse et se tient hors de lui tout entière ;
Il est celui que nul n’abrite et ne reçoit.
Mais du moins, tel qu’il est, hélas, et, quel qu’il soit,
Il voit le jour de tous et son âme lui reste ;
Et, quoiqu’on ait jeté sur sa tête funeste
La lèpre et son dégoût, la peste et son charbon,
Non, il n’est pas maudit, puisqu’il peut être bon.

Et maintenant voyez celui-ci. La justice
Resplendit ; non pour lui. Que l’erreur l’abrutisse !
Il est roi. Le progrès, lumineux et vivant,
Pour tout le genre humain éclôt, soleil levant ;
Lui, ne le verra pas. Chacun peut dans sa course
Boire à la vérité, la grande et chaste source ;
Lui seul, sombre altéré, n’en approchera point.
Le mot qu’on dit, le pas qu’on fait, le jour qui point,
N’existent pas pour lui ; son oreille est de pierre ;
Pas un rayon réel n’avertit sa paupière ;
Il semble que le sort n’ait pas d’autre intérêt
Que de le perdre ainsi qu’une horrible forêt ;
On lui crée, en dehors de tous les autres hommes,
L’impossibilité d’être ce que nous sommes ;
Sans guide en son désert, et n’ayant à choisir
Que du crime en cette ombre où rampe son désir,
Ame aux vils appétits du ventre coutumière,
Hors de toute science et de toute lumière,
Banni de la raison et de la vérité,
Dans la prodigieuse et folle obscurité
Qu’il rend en y passant plus lamentable encore,
Il erre, paria sinistre de l’aurore.

Et de ces deux damnés, dis, lequel plaindras-tu ?
L’un est hors du bonheur, l’autre, de la vertu.
Quel est le plus fatal et le plus solitaire,
Dis, l’homme qui n’a pas sa part de pain sur terre,
Ou l’homme qui n’a pas sa part de vérité ?

Ah ! pleurons sur le roi, ce grand déshérité !


La tour des rats de Victor Hugo - 1847
La tour des rats de Victor Hugo – 1847


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