Premières Poésies
| Télécharger PDF |
Littérature française – Livres bilingues – Contes de fées et Livres d’enfants – Poésie Française – Alfred de Musset – Poèmes d’Alfred de Musset
< < < Scène VII
Scène IX > > >
Prologue – Scène première – Scène II – Scène III – Scène IV – Scène V – Scène VI – Scène VII – Scène VIII – Scène IX
Scène VIII
***
Une rue au bord de la mer.
RAFAEL descend le long d’un treillis ; ANNIBAL passe dans le fond.
Rafael.
Peste soit des barreaux ! Hé ! rendez-moi ma veste,
Mon camarade ! Où donc vous sauvez-vous si preste ?
Eh bien, et vos amours — que font-ils ?
L’abbé.
Le voilà !
Rafael.
On me poursuit, mon cher. — Je vous dirai cela !
Mais rendez-moi l’habit.
L’abbé.
On crie. — On vous appelle !
Têtebleu ! qu’est-ce donc ?
Rafael.
Bon ! une bagatelle.
Je crois que j’ai tué quelqu’un là-bas.
L’abbé.
Vraiment ?
Rafael.
Je vous dirai cela ; mais l’habit seulement.
L’abbé.
L’habit ? non de par Dieu ! je ne veux pas du vôtre.
Les sergents me prendraient pour vous.
Rafael.
Le bon apôtre !
Plusieurs gens traversent le théâtre.
Attendez. — Donnez-moi ce manteau. — Bon. — Je vais
Dire à ces gredins-là deux petits mots.
L’abbé.
Jamais
Je n’oserai tuer cet homme.
Il s’assoit sur une pierre.
Le sergent.
Holà ! je cherche
Le seigneur Rafael.
Rafael.
À moins qu’il ne se perche
Sur quelque cheminée en manière d’oiseau,
Qu’il n’entre dans la terre, ou qu’il ne saute à l’eau,
Vous l’aurez à coup sûr. Le connaissez-vous ?
Le sergent.
Certe.
J’ai son signalement. — C’est une plume verte
Avec des bas orange.
Rafael.
En vérité ! — Parbleu !
Vous n’aurez point de peine, et vous jouez beau jeu.
Combien vous donne-t-on ?
Le sergent.
Hai…
Rafael.
Trouvez-vous qu’en somme,
Votre prévôt vous ait assez payé votre homme ?
Le bon sire est-il doux ou dur sur les écus ?
Le sergent.
Mais il n’en mourrait pas pour donner un peu plus.
Mais je n’y pense pas. — Le ventre à la besogne,
Et non le dos. — Mieux vaut la hart que la vergogne.
Et puis, l’homme pendu, nous avons le pourpoint.
Rafael.
Sans compter les revers, s’il met l’épée au poing.
Le sergent.
J’ai de bons pistolets.
Rafael.
Voyons. — Et puis ?
Le sergent.
Ma canne
De sergent.
Rafael.
Bon. — Et puis ?
Le sergent.
Ce poignard de Toscane.
Rafael.
Très-excellent. — Et puis ?
Le sergent.
J’ai cette épée.
Rafael.
Et puis ?
Le sergent.
Et puis ! je n’ai plus rien.
Rafael, le rossant.
Tiens, voilà pour tes cris,
Et pour tes pistolets.
Le sergent.
Aïe ! aïe !
Rafael.
Et pour ta canne,
Et pour ton fin poignard en acier de Toscane.
Le sergent.
Aïe ! aïe ! je suis mort !
Rafael.
Le seigneur Garuci
Est sans doute au logis : — On y va par ici.
Il le chasse.
C’est du don Juan, ceci.
Revenant.
Que dis-tu du bonhomme ?
Sauvons-nous maintenant. — Moi, je retourne à Rome.
L’abbé va à lui, et lui met son poignard dans la gorge.
Êtes-vous fou l’abbé ? — L’abbé !
Il tombe.
Je n’y suis pas.
Ah ! malédiction ! Mais tu me le paieras !
Il veut se relever.
Mon coup de grâce, abbé ! Je suffoque ! Ah ! misère !
Mon coup, mon dernier coup, mon cher abbé. La terre
Se roule autour de moi ; — miserere ! — Le ciel
Tourne. Ah ! chien d’abbé, va ! par le Père Éternel !…
Qu’attends-tu donc là, toi, fantôme, qui demeures
Avec ces yeux ouverts ?
L’abbé.
Moi ? j’attends que tu meures.
Rafael.
Damnation ! Tu vas me laisser là crever
Comme un païen, gredin, et ne pas m’achever !
Je ne te ferai rien ; viens m’achever. — Un verre
D’eau, pour l’amour de Dieu ! — Tu diras à ma mère
Que je donne mes biens à mon bouffon Pippo.
Il meurt.
L’abbé.
Va, ta mort est ma vie, insensé ! Ton tombeau
Est le lit nuptial où va ma fiancée
S’étendre sous le dais de cette nuit glacée !
Maintenant le hibou tourne autour des falots ;
L’esturgeon monstrueux soulève de son dos
Le manteau bleu des mers, et regarde en silence
Passer l’astre des nuits sur leur miroir immense ;
La sorcière, accroupie et murmurant tout bas
Des paroles de sang, lave pour les sabbats
La jeune fille nue ; Hécate aux trois visages
Froisse sa robe blanche aux joncs des marécages.
Écoutez. — L’heure sonne ! et par elle est compté
Chaque pas que le temps fait vers l’éternité.
Va dormir dans la mer, cendre ! et que ta mémoire
S’enfonce avec ta vie au cœur de cette eau noire !
Il jette le cadavre dans la mer.
Vous, nuages, crevez ! essuyez ce chemin :
Que le pied, sans glisser, puisse y passer demain.

Littérature française – Livres bilingues – Contes de fées et Livres d’enfants – Poésie Française – Alfred de Musset – Poèmes d’Alfred de Musset
Détenteurs de droits d’auteur – Domaine public
| Si vous avez aimé ce poème, abonnez-vous, mettez des likes, écrivez des commentaires! Partager sur les réseaux sociaux Trouvez-nous sur Facebook ou Twitter |
| Consultez Nos Derniers Articles |
- Poèmes et peinture, semaine du 14 décembre 2025
- Poems and painting, Week of December 14, 2025
- Poèmes et peinture, semaine du 7 décembre 2025
- Poems and painting, Week of December 7, 2025
- Poèmes et peinture, semaine du 30 novembre 2025
- Poems and painting, Week of November 30, 2025
© 2024 Akirill.com – All Rights Reserved
