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Poème “À L’échelle Animale” de Paul Éluard

Ajouts De L’édition De 1946

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À L’échelle Animale

***

I


Cette petite tache de lumière dans la campagne
Ce feu du soir est un serpent à la tête froide
La tache de la bête dans un paysage humain
Où tous les animaux sont les mouvements
De la terre bien réelle
Du soleil maigre et pâle
Du soleil gros et rouge
Et de la lune sans passé
Et de la lune à souvenirs

Cette petite tache de lumière cette fenêtre
Éclaire les épaules adorables d’un ours
Et d’un loup de Paris vieux de mille ans
Et d’un furieux sanglier d’aujourd’hui
Et d’un lièvre qui fuit comme un innocent

La forêt voilà la forêt
Malgré la nuit je la vois
Je la touche je la connais
Je fais la chasse à la forêt
Elle s’éclaire d’elle-même
Par ses frissons et par ses voix

Chaque arbre d’ombre et de reflets
Est un miroir pour les oiseaux
Et la rivière la rivière
Dont les poissons sont les bergers
Quelle rivière bien dressée

Voir clair dans l’œil droit des hiboux
Voir clair dans les gouttes de houx
Dans le terrier fourré d’obscurité fondante
Voir clair dans la main des taupes
Dans l’aile étendue très haut
Dans le gui des philosophes
Dans le tout cela des savants
Monde connu et naturel

Voir clair et se reconnaître
Sur la prairie bleue et verte
Où vont chevaux et perdreaux
Sur la plaine blanche et noire
Où vont corbeaux et renards
Voir clair dans le chant des crapauds
Dans le désordre des insectes
Dans les astres de la rosée
Dans les astres des œufs couvés
Dans la chaleur réglée et pure
Dans le vent dur du vieil hiver
Dans un monde mort et vivant

II
 

Le poids d’un chien sortant de l’eau
Comme un sourire ému d’une brouille d’amis
Miroirs brisés miroirs entiers

Le poids toujours nouveau
D’une chatte duvet
Les griffes sous la mousse

Et le poids flamboyant
D’une chatte écorchée
Par un fourreau d’aiguilles

Le poids du jour qui réfléchit
Et qui s’arrête comme un âne
À chaque pas

Et je ramasse avec lui
Les miettes de son effort
Sempiternel

D’où sommes-nous sinon d’ici
Et d’ailleurs toujours en butte
À ce compte monotone
D’armées et de solitaires

Bain d’abeilles paravent
De la poussière immuable
Balance des hirondelles
Dans une poitrine vide

Âne chèvre jusqu’à l’herbe
Rat de la poupe à la proue
Rossignol jusqu’au déluge
Jusqu’aux étoiles éteintes

Sont pesants les rongeurs
Pesants comme une horloge
Et les poissons pêchés
Et l’hermine par sa blancheur
Et le lièvre par son repos

Je suis avec toutes les bêtes
Pour m’oublier parmi les hommes



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