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Poème: “À Monseigneur Monseigneur l’éminentissime cardinal Mazarin. Remercîment” de Pierre Corneille

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À Monseigneur Monseigneur l’éminentissime cardinal Mazarin. Remercîment

***

Non, tu n’es point ingrate, ô maîtresse du monde,
Qui de ce grand pouvoir sur la terre et sur l’onde,
Malgré l’effort des temps, retiens sur nos autels
Le souverain empire et des droits immortels.
Si de tes vieux héros j’anime la mémoire,
Tu relèves mon nom sur l’aile de leur gloire ;
Et ton noble génie, en mes vers mal tracé,
Par ton nouveau héros m’en a récompensé.
C’est toi, grand cardinal, âme au-dessus de l’homme,
Rare don qu’à la France ont fait le ciel et Rome,
C’est toi, dis-je, ô héros, ô cœur vraiment romain,
Dont Rome en ma faveur vient d’emprunter la main.
Mon bonheur n’a point eu de douteuse apparence :
Tes dons ont devancé même mon espérance ;
Et ton cœur généreux m’a surpris d’un bienfait
Qui ne m’a pas coûté seulement un souhait.
La grâce en affoiblit quand il faut qu’on l’attende :
Tel pense l’acheter alors qu’il la demande ;
Et c’est je ne sais quoi d’abaissement secret
Où quiconque a du cœur ne consent qu’à regret.
C’est un terme honteux que celui de prière :
Tu me l’as épargné, tu m’as fait grâce entière.
Ainsi l’honneur se mêle au bien que je reçois.
Qui donne comme toi donne plus d’une fois.
Son don marque une estime et plus pure et plus pleine,
Il attache les cœurs d’une plus forte chaîne :
Et prenant nouveau prix de la main qui le fait,
Sa façon de bien faire est un second bienfait.
Ainsi le grand Auguste autrefois dans ta ville
Aimoit à prévenir l’attente de Virgile :
Lui que j’ai fait revivre, et qui revit en toi,
En usoit envers lui comme tu fais vers moi.
Certes, dans la chaleur que le ciel nous inspire,
Nos vers disent souvent plus qu’ils ne pensent dire ;
Et ce feu qui sans nous pousse les plus heureux
Ne nous explique pas tout ce qu’il fait par eux.
Quand j’ai peint un Horace, un Auguste, un Pompée,
Assez heureusement ma muse s’est trompée,
Puisque, sans le savoir, avecque leur portrait
Elle tiroit du tien un admirable trait.
Leurs plus hautes vertus qu’étale mon ouvrage
N’y font que prendre un rang pour former ton image.
Quand j’aurai peint encor tous ces vieux conquérants,
Les Scipions vainqueurs, et les Catons mourants,
Les Pauls, les Fabiens, alors de tous ensemble
On en verra sortir un tout qui te ressemble ;
Et l’on rassemblera de leur pompeux débris
Ton âme et ton courage, épars dans mes écrits.
Souffre donc que pour guide au travail qui me reste
J’ajoute ton exemple à cette ardeur céleste,
Et que de tes vertus le portrait sans égal
S’achève de ma main sur son original ;
Que j’étudie en toi ces sentiments illustres
Qu’a conservés ton sang à travers tant de lustres,
Et que le ciel propice et les destins amis
De tes fameux Romains en ton âme ont transmis.
Alors de tes couleurs peignant leurs aventures,
J’en porterai si haut les brillantes peintures.
Que ta Rome elle-même, admirant mes travaux,
N’en reconnoîtra plus les vieux originaux,
Et se plaindra de moi de voir sur eux gravées
Les vertus qu’à toi seul elle avoit réservées,
Cependant qu’à l’éclat de tes propres clartés
Tu te reconnoîtras sous des noms empruntés.
Mais ne te lasse point d’illuminer mon âme,
Ni de prêter ta vie à conduire ma flamme ;
Et de ces grands soucis que tu prends pour mon roi,
Daigne encor quelquefois descendre jusqu’à moi.
Délasse en mes écrits ta noble inquiétude ;
Et tandis que sur elle appliquant mon étude,
J’emploierai pour te peindre et pour te divertir
Les talents que le ciel ma voulu départir,
Reçois, avec les vœux de mon obéissance,
Ces vers précipités par ma reconnoissance.
L’impatient transport de mon ressentiment
N’a pu pour les polir m’accorder un moment.
S’ils ont moins de douceur, ils en ont plus de zèle :
Leur rudesse est le sceau d’une ardeur plus fidèle ;
Et ta bonté verra dans leur témérité,
Avec moins d’ornement, plus de sincérité.



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