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Poème: “Au Roi, sur la paix de 1678” de Pierre Corneille

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Au Roi, sur la paix de 1678

***

Ce n’étoit pas assez, grand Roi, que la victoire
À te suivre en tous lieux mît sa plus haute gloire :
Il falloit, pour fermer ces grands événements,
Que la paix se tînt prête à tes commandements.
À peine parles-tu, que son obéissance
Convainc tout l’univers de ta toute-puissance,
Et le soumet si bien à tout ce qu’il te plaît,
Qu’au plus fort de l’orage un plein calme renaît.
Une ligue obstinée aux fureurs de la guerre
Mutinoit contre toi jusques à l’Angleterre :
Ses projets tout à coup se sont évanouis ;
Et pour toute raison, ainsi le veut Louis.
Ce n’est point une paix que l’impuissance arrache,
Et dont l’indignité sous de faux jours se cache :
Pour la donner à tous ne consulter que toi,
C’est la résoudre en maître, et l’imposer en roi ;
Et c’est comme un tribut que tes vaincus te rendent,
Sitôt que par pitié tes bontés le commandent.
Prodige ! ton seul ordre achève en un moment
Ce qu’en sept ans Nimègue a tenté vainement :
Ce que des députés la fameuse assemblée,
D’intérêts opposés trop souvent accablée,
Ce que n’espéroit plus aucun médiateur,
Tu le fais par toi-même, et le fais de hauteur.
On l’admire avec joie, et loin de t’en dédire,
Tes plus fiers ennemis s’empressent d’y souscrire :
Un zèle impatient de t’avoir pour soutien
Réduit leur politique à ne contester rien.
Ils ont vu tout possible à tes ardeurs guerrières,
Et sûrs que ta justice y mettra des barrières,
Qu’elle se défendra de rien garder du leur,
Ils la font seule arbitre entre eux et ta valeur.
Qu’il t’épargne de sang, Espagne ! il te veut rendre
Des villes qu’il faudroit tout un siècle à reprendre :
Il en est en Hainaut, en Flandre, que son choix,
En t’imposant la paix, remettra sous tes lois ;
Mais au commun repos s’il fait ce sacrifice,
En tous tes alliés il veut même justice,
Et qu’aux lois qu’il se fait leurs intérêts soumis
Ne laissent aucun lieu de plainte à ses amis.
O vous qu’il menaçoit, et qui vous teniez prêtes
À l’infaillible honneur d’être de ses conquêtes,
Places dignes de lui, Mons, Namur, plaignez-vous :
La paix vous ôte un maître à préférer à tous ;
Et Louis au vieux joug vous laisse condamnées,
Quand vous vous promettiez nos bonnes destinées.
Heureux, au prix de vous, Ypres et Saint-Omer !
Ils ont eu comme vous de quoi les alarmer ;
Ils ont vu comme vous leur campagne fumante
Faire passer chez eux la faim et l’épouvante ;
Mais pour cinq ou six jours que ces maux ont duré,
Ils ont mon roi pour maître, et tout est réparé.
Ainsi fait le bonheur de l’Égypte inondée
Du Nil impétueux la fureur débordée ;
Ainsi les mêmes flots qu’elle fait regorger
Enrichissent les champs qu’il vient de ravager.
Consolez-vous pourtant, places qu’il abandonne,
Qu’il semble dédaigner d’unir à sa couronne :
Charles[8], dont vous aurez à recevoir les lois,
Voudra d’un si grand maître apprendre l’art des rois,
Et vous verrez l’effort de sa plus noble étude
S’attacher à le suivre avec exactitude.
Magnanime Dauphin, n’en soyez point jaloux
Si jamais on le voit s’élever jusqu’à vous.
Il pourra faire un jour ce que déjà vous faites,
Être un jour en vertus ce que déjà vous êtes ;
Mais exprimer au vif ce grand roi tout entier,
C’est ce qu’on ne verra qu’en son digne héritier :
Le privilège est grand, et vous serez l’unique
À qui du juste ciel le choix le communique.
J’allois vous oublier, Bataves généreux,
Vous qui sans liberté ne sauriez vivre heureux,
Et que l’illustre horreur d’un avenir funeste
A fait de l’alliance ébranler tout le reste.
En ce grand coup d’État si longtemps balancé,
Si tout ce reste suit, vous avez commencé;
Et Louis, qui jamais n’en perdra la mémoire,
Se promet de vous rendre à toute votre gloire ;
De rétablir chez vous l’entière liberté,
Mais ferme, mais durable à la postérité,
Et telle qu’en dépit de leurs destins sévères
Vos aïeux opprimés l’acquirent à vos pères.
M’en désavoueras-tu, grand Roi, si je le dis ?
Me pardonneras-tu si par là je finis ?
Mille autres te diront que pour ce bien suprême,
Vainqueur de toutes parts, tu t’es vaincu toi-même ;
Ils diront à l’envi les bonheurs que la paix
Va faire à gros ruisseaux pleuvoir sur tes sujets ;
Ils diront les vertus que vont faire renaître
L’observance des lois et l’exemple du maître ;
Le rétablissement du commerce en tous lieux,
L’abondance partout répandue à nos yeux,
Le nouveau siècle d’or qu’assure ton empire,
Et le diront bien mieux que je ne le puis dire.
Moi, pour qui ce beau siècle est arrivé si tard
Que je n’y dois prétendre ou point ou peu de part ;
Moi, qui ne le puis voir qu’avec un œil d’envie
Quand il faut que je songe à sortir de la vie,
Je n’ose en ébaucher le merveilleux portrait,
De crainte d’en sortir avec trop de regret.



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