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Littérature française – Livres bilingues – Contes de fées et Livres d’enfants – Poésie Française – Pierre Corneille – Poèmes de Pierre Corneille
< < < Au Roi, pour le retardement du payement de sa pension
Au R. P. Defidel, de la Compagnie de Jésus, sur son traité de la Théologie des saints > > >
Au Roi, sur son retour de Flandre
***
Tu reviens, ô mon Roi, tout couvert de lauriers ;
Les palmes à la main tu nous rends nos guerriers ;
Et tes peuples, surpris et charmés de leur gloire,
Mêlent un peu d’envie à leurs chants de victoire.
Ils voudroient avoir vu comme eux aux champs de Mars
Ton auguste fierté guider tes étendards ;
Avoir dompté comme eux l’Espagne en sa milice,
Réduit comme eux la Flandre à te faire justice ;
Et su mieux prendre part à tant de murs forcés
Que par des feux de joie et des vœux exaucés.
Nos muses à leur tour, de même ardeur saisies,
Vont redoubler pour toi leurs nobles jalousies,
Et ta France en va voir les merveilleux efforts
Déployer à l’envi leurs plus rares trésors.
Elles diront quels soins, quels rudes exercices,
Quels travaux assidus étoient lors tes délices,
Quels secours aux blessés prodiguoit ta bonté,
Quels exemples donnoit ton intrépidité,
Quels rapides succès ont accru ton empire,
Et le diront bien mieux que je ne le puis dire.
C’est à moi de m’en taire, et ne pas avilir
L’honneur de ces lauriers que tu viens de cueillir
De mon génie usé la chaleur amortie
À leur gloire immortelle est trop mal assortie,
Et défigureroit tes grandes actions
Par l’indigne attentat de ses expressions.
Que ne peuvent, grand Roi, tes hautes destinées
Me rendre la vigueur de mes jeunes années !
Qu’ainsi qu’au temps du Cid je ferois de jaloux !
Mais j’ai beau rappeler un souvenir si doux,
Ma veine, qui charmoit alors tant de balustres,
N’est plus qu’un vieux torrent qu’ont tari douze lustres ;
Et ce seroit en vain qu’aux miracles du temps
Je voudrois opposer l’acquis de quarante ans.
Au bout d’une carrière et si longue et si rude,
On a trop peu d’haleine et trop de lassitude :
À force de vieillir un auteur perd son rang ;
On croit ses vers glacés par la froideur du sang ;
Leur dureté rebute, et leur poids incommode,
Et la seule tendresse est toujours à la mode.
Ce dégoût toutefois ni ma propre langueur
Ne me font pas encor tout à fait perdre cœur ;
Et dès que je vois jour sur la scène à te peindre,
Il rallume aussitôt ce feu prêt à s’éteindre.
Mais comme au vif éclat de tes faits inouïs
Soudain mes foibles yeux demeurent éblouis,
J’y porte, au lieu de toi, ces héros dont la gloire
Semble épuiser la fable et confondre l’histoire ;
Et m’en faisant un voile entre la tienne et moi,
J’assure mes regards pour aller jusqu’à toi.
Ainsi de ta splendeur mon idée enrichie
En applique à leur front la clarté réfléchie,
Et forme tous leurs traits sur les moindres des tiens,
Quand je veux faire honneur aux siècles anciens.
Sur mon théâtre ainsi tes vertus ébauchées
Sèment ton grand portrait par pièces détachées ;
Les plus sages des rois, comme les plus vaillants,
Y reçoivent de toi leurs plus dignes brillants.
J’emprunte, pour en faire une pompeuse image,
Un peu de ta conduite, un peu de ton courage,
Et j’étudie en toi ce grand art de régner,
Qu’à la postérité je leur fais enseigner.
C’est tout ce que des ans me peut souffrir la glace ;
Mais j’ai d’autres moi-même à servir en ma place :
Deux fils dans ton armée, et dont l’unique emploi
Est d’y porter du sang à répandre pour toi.
Tous deux ils tâcheront, dans l’ardeur de te plaire,
D’aller plus loin pour toi que le nom de leur père ;
Tous deux, impatients de le mieux signaler,
Ils brûleront d’agir, quand je tremble à parler ;
Et ce feu qui sans cesse eux et moi nous consume
Suppléera par l’épée au défaut de ma plume.
Pardonne, grand vainqueur, à cet emportement :
Le sang prend malgré nous quelquefois son moment ;
D’un père pour ses fils l’amour est légitime ;
Et j’ai droit pour les miens de garder quelque estime,
Après qu’en leur faveur toi-même as bien voulu
M’assurer que l’abord ne t’en a point déplu.
Le plus jeune a trop tôt reçu d’heureuses marques
D’avoir suivi les pas du plus grand des monarques ;
Mais s’il a peu servi, si le feu des mousquets
Arrêta dès Douai ses plus ardents souhaits,
Il fait gloire du lieu que perça leur tempête :
Ceux qu’elle atteint au pied ne cachent pas leur tête ;
Sur eux à ta fortune ils laissent tout pouvoir,
Et s’offrent tous entiers aux hasards du devoir.
De nouveau je m’emporte. Encore un coup, pardonne
Ce doux égarement que le sang me redonne ;
Sa flatteuse surprise aisément nous séduit :
La pente est naturelle, avec joie on la suit :
Elle fait une aimable et prompte violence,
Dont pour me garantir je n’ai que le silence.
Grand Roi, qui vois assez combien j’en suis confus,
Souffre que je t’admire, et ne te parle plus.
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Au R. P. Defidel, de la Compagnie de Jésus, sur son traité de la Théologie des saints > > >
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