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Poème: “Au Sommeil” de Pierre Jules Théophile Gautier

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Au Sommeil

Hymne Antique

***

Sommeil, fils de la nuit et frère de la mort,
Écoute-moi, Sommeil: lasse de sa veillée,
La lune, au fond du ciel, ferme l’œil et s’endort,
Et son dernier rayon, à travers la feuillée,
Comme un baiser d’adieu glisse amoureusement
Sur le front endormi de son bleuâtre amant.
Par la porte d’ivoire et la porte de corne,
Les songes vrais ou faux de l’Érèbe envolés
Peuplent seuls l’univers silencieux et morne;
Les cheveux de la nuit, d’étoiles d’or mêlés,
Au long de son dos brun pendent tout débouclés;
Le vent même retient son haleine, et les mondes,
Fatigués de tourner sur leurs muets pivots,
S’arrêtent assoupis et suspendent leurs rondes.
O jeune homme charmant, couronné de pavots,
Qui, tenant sur la main une patère noire,
Pleine d’eau du Léthé, chaque nuit nous fait boire,
Mieux que le doux Bacchus, l’oubli de nos travaux;
Enfant mystérieux, hermaphrodite étrange,
Où la vie au trépas s’unit et se mélange,
Et qui n’a de tous deux que ce qu’ils ont de beau;
Douce transition de la lumière à l’ombre,
Du repos à la mort et du lit au tombeau;
Sous les épais rideaux de ton alcôve sombre,
Du fond de ta caverne inconnue au soleil,
Je t’implore à genoux, écoute-moi, Sommeil!
Je t’aime, ô doux Sommeil! et je veux à ta gloire,
Avec l’archet d’argent, sur la lyre d’ivoire,
Chanter des vers plus doux que le miel de l’Hybla;
Pour t’apaiser je veux tuer le chien obscène,
Dont le rauque aboîment si souvent te troubla,
Et verser l’opium sur ton autel d’ébène.
Je te donne le pas sur Phœbus-Apollon,
Et pourtant c’est un dieu jeune, sans barbe et blond,
Un dieu tout rayonnant aussi beau qu’une fille.
Je te préfère même à la blanche Vénus,
Lorsque, sortant des eaux, le pied sur sa coquille,
Elle fait au grand air baiser ses beaux seins nus,
Et laisse aux blonds anneaux de ses cheveux de soie
Se suspendre l’essaim des zéphyrs ingénus;
Même au jeune Iacchus, le doux père de joie,
A l’ivresse, à l’amour, à tout, divin Sommeil.

Tu seras bienvenu, soit que l’aurore blonde
Lève du doigt le pan de son rideau vermeil,
Soit que les chevaux blancs qui traînent le soleil
Enfoncent leurs naseaux et leur poitrail dans l’onde,
Soit que la nuit dans l’air peigne ses noirs cheveux.
Sous les arceaux muets de la grotte profonde,
Où les songes légers mènent sans bruit leur ronde,
Reçois bénignement mon encens et mes vœux,
Sommeil, dieu triste et doux, consolateur du monde!


Illustration de Mademoiselle de Maupin


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