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Poème: “Ballade LVIII” de Charles d’Orléans

Poésies complètes, Flammarion, 1915

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Ballades I à LXXI

Ballade LVIII

***

     J’ay aux eschés joué devant Amours,
Pour passer temps, avecques faulx Dangier,
Et eurement me suy gardé tousjours.
Sans riens perdre jusques au derrenier
Que Fortune lui est venu aidier.
Et par meschief, que maudite soit elle !
À ma Dame prise soudainement ;
Par quoy suy mat, je le voy clerement,
Se je ne fais une Dame nouvelle.
     En ma Dame j’avoye mon secours,
Plus qu’en autre, car souvent d’encombrier
Me delivroit, quant venoit à son cours,
Et en gardes taisoit mon jeu lier ;
Je n’avoye Pion, ne Chevalier.
Autlin, ne Rocq qui peussent ma querelle
Si bien aidier. Il y pert vrayement,
Car j’ay perdu mon jeu entièrement,
Se je ne tais une Dame nouvelle.
     Je ne me sçay jamais garder des tours
De Fortune, qui maintes foiz changier
A fait mon jeu et tourner à rebours ;
Mon dommage scet bien tost espier,
Elle m’assault sans point me deffier.
Par mon serment, oncques ne congneu telle.
En jeu party suy si estrangement
Que je me rens et n’y voy sauvement,
Se je ne fais une Dame nouvelle.



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