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Poème: “Ballade XXXV” de Charles d’Orléans

Poésies complètes, Flammarion, 1915

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Ballades I à LXXI

Ballade XXXV

***

     J’ay ou trésor de ma pensée
Un mirouer qu’ay acheté.
Amour, en l’année passée,
Le me vendy, de sa bonté ;
Ou quel voy tousjours la beauté
De celle que l’en doit nommer.
Par droit, la plus belle de France.
Grant bien me fait à m’y mirer,
En attendant Bonne Esperance.
     Je n’ay chose qui tant m’agrée,
Ne dont tiengne si grant chierté,
Car, en ma dure destinée,
Maintesfoiz m’a reconforté ;
Ne mon cueur n’a jamais santé,
Fors quant il y peut regarder
Des yeulx de Joyeuse Plaisance ;
Il s’y esbat pour temps passer,
En attendant Bonne Espérance.
     Advis m’est, chascune journée
Que m’y mire, qu’en vérité
Toute doleur si m’est ostée ;
Pource, de bonne voulenté,
Par le conseil de Leauté,
Mettre le vueil et enfermer
Ou coffre de ma souvenance,
Pour plus seurement le garder,
En attendant Bonne Espérance.



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