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Poème “L’âge De La Vie” de Paul Éluard

Ajouts De L’édition De 1946

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L’âge De La Vie

***

à René Char.

I
 

Matin d’hiver matin d’été
Lèvres fermées et roses mûres

Déchirante étendue où la vue nous entraîne
Où la mer est en fuite où la plage est entière

Soir d’été ramassé dans la voix du tonnerre
La plaine brûle et meurt et renaît dans la nuit

Soir d’hiver aspiré par la glace implacable
La forêt nue est inondée de feuilles mortes

Balance des saisons insensible et vivante
Balance des saisons équilibrée par l’âge

II
 

Nous avons eu huit ans nous avons eu quinze ans
Et nous avons vieilli noirci l’aube et la vie

Les hommes et les femmes que nous n’aimions pas
Nous n’y pensions jamais ils ne faisaient pas d’ombre

Mais nous avons vieilli le gouffre s’est peuplé
Nous avons reproduit un avenir d’adultes

III
 

Pourtant ce tout petit miroir
Pour y voir en riant les deux yeux œil par œil
Et le nez sans rien d’autre
Et le bout de l’oreille et le temps de bouder
Ce miroir sans limites
Où nous ne faisions qu’un avec notre univers

Ce tout petit miroir où jouaient avec nous
Une par une mille filles
Mille promesses définies

IV
 

De la douce et de l’extrême
Nous confondions les couleurs

Toutes étaient inutiles
Et nous à quoi servions-nous

Tous et toutes grains de sable
Impalpables dans le vent

Tous et toutes étincelles
Sous une ombrelle de feu

Sommes-nous hommes et femmes
De ces enfants que nous fûmes

Le vent s’est désorienté
La lumière s’est brouillée

Un rien nous tient immobiles
Réfléchissant dans le noir

V
 

Les jouets et les jeux sont changés en outils
En travaux en objets capitaux en soucis

Il nous faut nous cacher pour simuler l’enfance
Il nous est interdit de rire sans raison

Sur la courbe du jour le soleil de la mort
Tisse un épais vitrail de beautés bien vêtues
Nous n’avons que deux mains nous n’avons qu’une tête
Car nous avons appris à compter à réduire

Nuages de santé brumes de jouissance
À mi-chemin de tout murmure du plaisir
Le printemps diminue l’hiver est supportable
Combien de nuits encore à rêver d’innocence

VI
 

D’innocence et de force sur les tremplins
De l’espoir et de la confiance

De force et de faiblesse mon ami massif
Violent et subtil
Juste et vivant depuis longtemps

Depuis aussi longtemps que moi
Puisque nous avons été jeunes
En des saisons si différentes

Mais jeunes comme on ne l’est pas
À chercher sur tous les chemins
Les traces de notre durée

Nous n’aurons pas toujours cent ans

L’espoir un jour ira comme la foudre
Fera lever les moissons abattues
Et rayonner le plomb de nos désastres

La vieillesse est déjà d’hier

VII
 

En dépit des pierres
À figure d’homme
Nous rirons encore

En dépit des cœurs
Noués et mortels
Nous vivons d’espoir

Rien ne nous réduit
À dormir sans rêves
À supporter l’ombre

Il n’y a sur l’heure
Doute ni soupçon
D’une heure semblable

À jamais sur terre
Tout remue et chante
Change et prend plaisir



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