Premières Poésies
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Le Saule
***
IV
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Au bord d’une prairie, où la fraîche rosée
Incline au vent du soir la bruyère arrosée,
Le château de Smolen, vénérable manoir,
Découpe son portail sous un ciel triste et noir.
C’est au pied de ces murs que Tiburce s’arrête.
Il écoute. — À travers les humides vitraux,
Il voit passer une ombre et luire des flambeaux :
« À cette heure ! dit-il. Est-ce encore une fête ? »
Puis, avec un murmure, il ajoute plus bas :
« M’aurait-elle trompé ? » Dans ce moment, un pas
Au penchant du coteau semble se faire entendre…
Il est sans armes, seul. — Viendrait-on le surprendre ?
Il hésite — il approche à pas silencieux.
Caché sous le portail, que couvre une ombre épaisse,
Tour à tour près du mur il se penche et se baisse…
Quel spectacle imprévu vient de frapper ses yeux !
Près de l’ardent foyer où le chêne pétille,
Le vieux Smolen, courbé, récite à haute voix
L’oraison qu’après lui répète sa famille.
Comme dans ce guerrier si terrible autrefois
La sainte paix de l’âme efface les années !
Il prie, — et cependant deux femmes inclinées
Pour parler au Seigneur se reposent sur lui.
Tïburce les connaît ; — l’une est âgée — et l’autre…
— Corrupteur, corrupteur, que viens-tu faire ici ?
Vois ! elle est à genoux, mais les chants de l’apôtre
Ne retentissent plus dans le fond de son cœur.
Pourquoi ces mouvements, ces yeux fixés à terre ?
Qui rendra maintenant cette fille à son père ?…
Qui sait si ce vieillard, certain de son honneur,
Tout en priant ainsi, n’a pas de sa parole
Détourné sa pensée, et s’il ne bénit pas
En ce moment, hélas ! l’enfant qui le console,
Et dont l’ange gardien fuit au bruit de tes pas ?
Mais non, non, ce vieillard ne saurait douter d’elle.
Soixante ans de vertu l’ont fait croire au bonheur.
Georgina s’est levée ! Ah ! que cette pâleur
Lui sied bien à tes yeux, Tiburce, et qu’elle est belle !
Courbe-toi, jeune fille, et du pied de l’autel
Viens présenter ton front au baiser paternel.
Presse, en te retirant, sur ta lèvre brûlante
La main de ce vieillard — encor ! — bien ! presse-la !
N’entends-tu pas ton cœur, douce et loyale amante,
Ton cœur qui bat de joie, et te crie : « Il est là ! »
Il est là, miss Smolen, qui t’attend, et qui compte
Les bénédictions d’un père à son enfant,
Il est là, sur le-seuil, qui descend et qui monte,
Comme un larron de nuit que la frayeur surprend.
Hâte-toi, le temps fuit ! l’horizon se colore !
L’astre des nuits bientôt va briller — hâte-toi !
Mais à peine au château quelques clartés encore
S’agitent ça et là. — Le silence — l’effroi. —
Quelques pas, quelques sons traversent la nuit sombre ;
Une porte a gémi dans un long corridor. —
Tiburce attend toujours. — Le ravisseur, dans l’ombre,
N’a-t-il pas des pensers de meurtrier ? — Tout dort.
Oh ! qui n’a pas senti son cœur battre plus vite
À l’heure où sous le ciel l’homme est seul avec Dieu ?
Qui ne s’est retourné, croyant voir à sa suite
Quelque forme glisser — quand des lignes de feu,
Se croisant en tous sens, brillent dans les ténèbres,
Comme les veines d’or du mur d’airain des nuits !…
Lorsque l’homme effrayé, soulevant les tapis
Qui se froissent sur lui, croit que des cris funèbres
De courir à son or sont venus l’avertir…
Malheur ! Quand la nuit vient, l’homme est fait pour dormir.
Il est certain qu’alors l’Effroi sur notre tête
Passe comme le vent sur la cime des bois,
Et lorsqu’à son aspect le cœur manque, il s’arrête,
Et saisit aux cheveux l’homme resté sans voix.
Derrière l’angle épais d’une fenêtre obscure,
Tiburce resté seul avançait à grands pas.
Aux rayons de la lune une blanche figure
Parut à son approche, et glissa dans ses-bras :
« Hélas ! après deux ans ! » dit-elle, et sa pensée
Mourut dans un soupir sur sa lèvre glacée…
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