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Poème: “Lever” de Louis Aragon

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Lever

***

à Pierre Reverdy.

Exténué de nuit
 Rompu par le sommeil
 Comment ouvrir les yeux
Réveil-matin.
Le corps fuit dans les draps mystérieux du rêve
Toute la fatigue du monde
 Le regret du roman de l’ombre
Le songe
où je mordais Pastèque interrompue
 Mille raisons de faire le sourd
La pendule annonce le jour d’une voix blanche
Deuil d’enfant paresser encore
 Lycéen j’avais le dimanche
 comme un ballon dans les deux mains
 Le jour du cirque et des amis
Les amis
 Des pommes des pêches
 sous leurs casquettes genre anglais
Mollets nus et nos lavalières
Au printemps
 On voit des lavoirs sur la Seine
 des baleines couleur de nuée
L’hiver
 On souffle en l’air Buée
 À qui en fera le plus
Pivoine de Mars Camarades
 Vos cache-nez volent au vent
 par élégance
L’âge ingrat sortes de mascarades
 Drôles de voix hors des faux-cols
On rit trop fort pour être gais
Je me sens gauche rouge Craintes
Mes manches courtes
Toutes les femmes sont trop peintes
et portent des jupons trop propres
CHAMBRES GARNIES
Quand y va-t-on
 HOTEL MEUBLÉ
Boutonné jusqu’au menton
 J’essaierai à la mi-carême
Aux vacances de Pâques
 on balance encore
Les jours semblent longs et si pâles
Il vaut mieux attendre l’été
les grandes chaleurs
 la paille des granges
le pré libre et large
 au bout de l’année scolaire
la campagne en marge du temps
les costumes de toile clairs
On me donnerait dix-sept ans
Avec mon canotier
 mon auréole
Elle tombe et roule
sur le plancher des stations balnéaires
Le sable qu’on boit dans la brise
 Eau-de-vie à paillettes d’or
La saison me grise.
 Mais surtout
Ce qui va droit au cœur
 Ce qui parle.
 La mer
La perfidie amère des marées
Les cheveux longs du flot
Les algues s’enroulent au bras du nageur
 Parfois la vague
Musique du sol et de l’eau
 me soulève comme une plume
 En haut
 L’écume danse le soleil
Alors
 l’émoi me prend par la taille
Descente à pic
 Jusqu’à l’orteil
un frisson court Oiseau des îles
Le désir me perd par les membres
 Tout retourne à son élément
 Mensonge
Ici le dormeur fait gémir le sommier
Les cartes brouillées
 Les cartes d’images

Dans le Hall de la galerie des Machines les mains fardées pour l’amour les mannequins passent d’un air prétentieux comme pendant un steeple-chase Les pianos de l’Æolian Company assurent le succès de la fête Les mendiants apportent tout leur or pour assister au spectacle On a dépensé sans compter et personne ne songe plus au lendemain Personne excepté l’ibis lumineux suspendu par erreur au plafond en guise de lustre

La lumière tombe d’aplomb sur les paupières
Dans la chambre nue à dessein
DEBOUT
 L’ombre recule et le dessin du papier
sur les murs
se met à grimacer des visages bourgeois
La vie
 le repas froid commence
Le plus dur  les pieds sur les planches
et la glace renvoie une figure longue
Un miracle d’éponge et de bleu de lessive
La cuvette et le jour
 Ellipse
qu’on ferme d’une main malhabile
Les objets de toilette
Je ne sais plus leur noms
trop tendres à mes lèvres
Le pot à eau si lourd
La houppe charmante
Le prestige inouï de l’alcool de menthe
Le souffle odorant de l’amour
Le miroir ce matin me résume le monde
Pièce ébauchée
 Le regard monte
et suit le geste des bras qui s’achève en linge
en pitié
 Mon portrait me fixe et dit Songe
 sans en mourir au gagne-pain
 au travail tout le long du jour
L’habitude
Le pli pris
L’habit gris
Servitude
 Une fois par hasard
 regarde le soleil en face
Fais crouler les murs les devoirs
Que sais-tu si j’envie être libre et sans place
simple reflet peint sur le verre
Donc écris
À l’étude
Faux Latude
Et souris
que les châles
les yeux morts
les fards pâles
et les corps
n’appartiennent
qu’aux riches
Le tapis déchiré par endroits
Le plafond trop voisin
Que la vie est étroite
 Tout de même j’en ai assez
Sortira-t-on  Je suis à bout
Casser cet univers sur le genou ployé
Bois sec dont on ferait des flammes singulières
Ah taper sur la table à midi
que le vin se renverse
qu’il submerge
les hommes à la mâchoire carrée
marteaux pilons
Alors se lèveront les poneys
les jeunes gens
en bande par la main par les villes
en promenade
pour chanter
à bride abattue à gorge déployée
comme un drapeau
la beauté la seule vertu
qui tende encore ses mains pures



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