Jocelyn
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Suite de la lettre à sa sœur
***
Valneige, 3 mai 1798.
Une cour le précède, enclose d’une haie
Que ferme sans serrure une porte de claie.
Des poules, des pigeons, deux chèvres, et mon chien,
Portier d’un seuil ouvert et qui n’y garde rien,
Qui jamais ne repousse et qui jamais n’aboie,
Mais qui flaire le pauvre et l’accueille avec joie ;
Des passereaux montant et descendant du toit,
L’hirondelle rasant l’auge où le cygne boit ;
Tous ces hôtes, amis du seuil qui les rassemble,
Famille de l’ermite, y sont en paix ensemble ;
Les uns couchés à l’ombre en un coin du gazon,
D’autres se réchauffant contre un mur au rayon ;
Ceux-ci léchant le sel le long de la muraille,
Et ceux-là becquetant ailleurs l’herbe ou la paille ;
Trois ruches au midi sous leurs tuiles ; et puis
Dans l’angle, sous un arbre, au nord, un large puits
Dont la chaîne rouillée a poli la margelle,
Et qu’une vigne étreint de sa verte dentelle :
Voilà tout le tableau. Sept marches d’escalier
Sonore, chancelant, conduisent au palier,
Qu’un avant-toit défend du vent et de la neige,
Et que de ses réseaux un vieux lierre protége ;
Là, suspendus le jour au clou de mon foyer,
Mes oiseaux familiers chantent pour m’égayer.
Jusqu’ici, grâce aux lieux, au ciel, à la nature,
Ton doux regard de sœur sourit à ma peinture ;
Ta tendre illusion dure encor : mais, hélas !
Si tu veux la garder, ô ma sœur, n’entre pas !…
Mais non, pour vos deux cœurs je n’ai point de mystère :
Pourrais-je devant vous rougir de ma misère ?
Entrez, ne plaignez pas ma riche pauvreté :
Ces murs ne sentent pas leur froide nudité !
Des travaux journaliers voilà d’abord l’asile,
Où le feu du foyer s’allume, où Marthe file ;
Marthe, meuble vivant de la sainte maison,
Qui suivit dans le temps son vieux maître en prison,
Pauvre fille, à ces murs trente ans enracinée,
Partageant leur prospère ou triste destinée,
Me servant sans salaire et pour l’honneur de Dieu,
Surveillant à la fois la cure et le saint lieu,
Et qui, voyant de Dieu l’image dans son maître,
Croit s’approcher du ciel en vivant près du prêtre ;
Quelques vases de terre, ou de bois, ou d’étain,
Où de Marthe attentive on voit briller la main ;
Sur la table un pain noir sous une nappe blanche,
Dont chaque mendiant vient dîmer une tranche.
Des grappes de raisin que Marthe fait sécher,
De leur pampre encor vert décorent le plancher ;
La séve en hiver même y jaunit leurs grains d’ambre.
De ce salon rustique on passe dans ma chambre ;
C’est celle dont le mur s’éclaire du couchant.
Tu sais que pour le soir j’eus toujours du penchant,
Que mon âme un peu triste a besoin de lumière,
Que le jour dans mon cœur entre par ma paupière,
Et que j’aimais tout jeune à boire avec les yeux
Ces dernières lueurs qui s’éteignent aux cieux.
La chaise où je m’assieds, la natte où je me couche,
La table où je t’écris, l’âtre où fume une souche,
Mon bréviaire vêtu de sa robe de peau,
Mes gros souliers ferrés, mon bâton, mon chapeau,
Mes livres pêle-mêle entassés sur leur planche,
Et les fleurs dont l’autel se pare le dimanche,
De cet espace étroit sont tout l’ameublement.
Tout ! oh non ! j’oubliais son divin ornement,
Qui surmonte tout seul mon humble cheminée,
Ce Christ, les bras ouverts et la tête inclinée,
Cette image de bois du Maître que je sers,
Céleste ami, qui seul me peuple ces déserts ;
Qui, lorsque mon regard le visite à toute heure,
Me dit ce que j’attends dans cette âpre demeure,
Et, recevant souvent mes larmes sur ses piés,
Fait resplendir sa paix dans mes yeux essuyés.
Ce Christ ! tu le connais ; c’est celui que ma mère
Colla dans l’agonie aux lèvres de mon père ;
C’est celui que, plus tard, moi-même en un grand jour
Au pur sang d’un martyr je teignis à mon tour.
D’autres lèvres encore il conserve la trace,
Et Dieu sait de combien de pitié je l’embrasse !…
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