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Enfance et Adolescence de Léon Tolstoï


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Chapitre XX


RÊVERIES ET DÉSESPOIRS

Aurais-je jamais pu croire, à cet instant, que je survivrais à tous ces malheurs, et qu’un jour je pourrais les évoquer tranquillement?

En me rappelant tous mes méfaits je ne pouvais m’imaginer ce que je deviendrais; cependant j’avais un vague pressentiment que j’étais perdu sans retour.

Au premier abord, un silence absolu régna autour de moi et dans toute la maison; ou, tout au moins, la violence de mes émotions m’empêchait d’entendre quoi que ce fût; peu à peu je commençai à distinguer des bruits divers.

Vassili monta, jeta sur le rebord de la fenêtre de ma prison un objet qui ressemblait à un balai, puis il s’étendit en bâillant sur un coffre.

Ensuite j’entendis en bas un murmure de voix (évidemment on parlait de moi) et ensuite des cris d’enfants, des rires, des courses ici et là; et, quelques minutes plus tard, tout rentrait dans le silence, la maison reprenait son train ordinaire, comme si personne ne savait que j’étais enfermé dans ce réduit obscur, et personne ne se souciait de moi.

Je ne pleurais pas, mais je sentais quelque chose de lourd sur mon cœur, comme une pierre.

Une foule de pensées et d’images passaient plus rapides que l’éclair dans mon imagination troublée; le souvenir de mes malheurs interrompait sans cesse leur chaîne capricieuse, et de nouveau, dans l’ignorance du sort qui m’attendait, en proie au désespoir et à la crainte, je m’égarais dans un labyrinthe sans issue.

Tantôt je me disais que l’antipathie générale, la haine que tout le monde me témoignait, devaient avoir une cause quelconque. (En ce moment j’étais persuadé que tous dans la maison, à commencer par grand’mère et à finir par le cocher Philippe, me détestaient et se délectaient de mes souffrances.) Non, me disais-je, sans doute je ne suis pas le frère de Volodia, je suis un malheureux orphelin qu’on a recueilli par pitié, et cette idée saugrenue, non seulement me procura une triste consolation, mais elle me parut tout à fait vraisemblable.

Il m’était agréable de penser que j’étais malheureux, non par ma propre faute, mais parce que c’était mon sort depuis le jour de ma naissance, comme pour le pauvre Karl Ivanovitch.

«Mais à quoi bon m’en faire un mystère, pensais-je, puisque je suis arrivé à le pénétrer moi-même?… Eh bien! demain j’irai trouver papa, et je lui dirai:

«Papa, il est inutile de vouloir me cacher le secret de ma naissance, je l’ai deviné.»

Et papa répondra:

«Que puis-je faire, mon ami? oui, tôt ou tard tu devais le découvrir,—tu n’es pas mon fils, je t’ai adopté, mais, si tu te montres digne de mon affection, je ne t’abandonnerai jamais.»

Alors je lui dirai:

«Papa, bien que je n’aie pas le droit de t’appeler de ce nom, mais je le prononce pour la dernière fois, je t’ai aimé, et je t’aimerai toujours! Je n’oublierai jamais que tu es mon bienfaiteur! mais je ne puis plus rester chez toi. Ici personne ne m’aime, et Saint-Jérôme a juré de m’exterminer. Un de nous, lui ou moi, nous quitterons ta maison parce que je ne peux plus répondre de moi; je hais cet homme profondément; je me sens capable de tout! Je l’exterminerai. (Oui, je dirai cela): papa, je l’exterminerai!»

Papa me suppliera de n’en rien faire; mais moi, je ferai un grand geste, et je répondrai:

«Non, mon ami, mon bienfaiteur, nous ne pouvons plus vivre ensemble, laissez-moi partir.»

Puis je l’embrasserai, et je lui dirai:

«Oh! mon père! mon bienfaiteur! donne-moi pour la dernière fois ta bénédiction, et que la volonté de Dieu soit faite!»

Et, à cette pensée, je sanglote assis sur un coffre dans l’obscur réduit.

Puis, tout à coup, je me rappelle le honteux châtiment qui m’attend; la réalité apparaît à mes yeux sous son jour véritable, et tous mes rêves s’effacent en un clin d’œil.

Bientôt, pourtant, mes songes recommencent; je me vois déjà en liberté et hors de ma famille. Je me fais hussard et je pars pour la guerre. De tous côtés les ennemis fondent sur moi, je brandis mon sabre, et j’en tue un; encore un coup de sabre, et un second ennemi tombe raide, puis un troisième de même. Enfin, exténué de fatigue, couvert de blessures, je glisse sur la terre et je crie: «Victoire!» Un général à cheval se dirige vers moi et dit: «Où est notre libérateur?» On me désigne, alors il se jette à mon cou en versant des larmes et crie: «Victoire!»….

Me voilà remis de mes blessures, et je me promène sur le boulevard de Tver, à Moscou, le bras en écharpe soutenu par un mouchoir de couleur noire. Je suis général! Le Tzar vient au-devant de moi et demande qui est ce jeune homme couvert de blessures? On lui répond que c’est le célèbre héros Nicolas!—Le Tzar s’approche de moi et me dit: «Je te remercie, et je t’accorde tout ce que tu me demanderas!»

Je salue respectueusement le Tzar, et, m’appuyant sur mon sabre, je lui dis:

«Je suis heureux, grand Tzar, d’avoir pu verser mon sang pour ma patrie, et j’aurais voulu mourir pour elle; mais, puisque tu me fais la grâce de souffrir que je t’adresse une prière, je te supplie de permettre que j’extermine mon ennemi, l’étranger, Saint-Jérôme. Je veux exterminer mon ennemi Saint-Jérôme.»

Alors je me tourne vers Saint-Jérôme, et je lui dis d’un ton sévère: «Tu as fait mon malheur, à genoux!»

Mais, hélas! juste à cet heureux moment, je me rappelle qu’à chaque instant le véritable Saint-Jérôme peut entrer avec la verge, et je ne suis plus un général qui sauve son pays, mais l’être le plus misérable et le plus piteux de toute la terre.

Ou bien encore je me figurais que j’étais mort de chagrin, et je me représentais sous de vives couleurs le saisissement de Saint-Jérôme en trouvant à ma place un corps privé de vie.

Puis je me rappelais ce que Nathalia Savichna m’avait dit, que l’âme d’un mort hante la maison pendant quarante jours. Et je me voyais, invisible à tous, errant après ma mort dans les différentes pièces de la maison; j’entendais les larmes sincères de Lioubotchka, les regrets de grand’mère et les reproches que mon père adressait à Saint-Jérôme.

Papa disait, les larmes aux yeux:

«C’était un brave garçon!

—Oui, répondait Saint-Jérôme, mais un très grand polisson….

—Vous devriez avoir plus de respect pour les morts, interrompait papa, c’est vous qui l’avez fait mourir de peur; il n’a pas eu la force de supporter l’humiliation que vous lui réserviez…. Je vous chasse, scélérat!…»

Et Saint-Jérôme courbe le front et implore le pardon de mon père.

Après quarante jours, mon âme s’envole au ciel, et là je distingue une forme blanche, transparente et longue, et j’ai le sentiment que c’est ma mère. Cette forme blanche m’enveloppe, me caresse; cependant j’éprouve une inquiétude, je ne la reconnais pas entièrement.

«Si c’est toi, lui dis-je, découvre-moi ton visage que je puisse t’embrasser.

Et sa voix me répond: «Ici nous sommes tous ainsi, et il n’est pas en mon pouvoir de t’embrasser plus fort. Est-ce que tu ne te trouves pas bien ici?

—Oui, je suis très bien … mais tu ne peux plus me caresser, et je ne peux pas baiser tes mains.

—Ce n’est pas nécessaire,» répond maman.

Et je sens qu’elle a raison et qu’on est très bien comme cela; puis, il me semble que nous nous envolons ensemble dans les airs, plus haut, toujours plus haut.

A ce moment, je me réveille, et je me retrouve sur le coffre, dans le cabinet noir, avec des joues humides de larmes, sans une idée quelconque, et me répétant: «Et nous nous envolons ensemble dans les airs, plus haut, toujours plus haut.»

Je me donne beaucoup de peine pour m’expliquer ma situation; mais je ne vois autour de moi que des ténèbres et un avenir encore plus noir. Je m’efforce d’évoquer de nouveau mes beaux rêves joyeux que la conscience de la réalité a mis en fuite; mais, à ma grande surprise, à mesure que j’essaie de rentrer dans la voie des songes envolés, je découvre qu’il m’est impossible de les continuer, et, ce qui m’étonne encore davantage, ils ne me procurent plus aucun plaisir.

J’ai passé la nuit dans mon cachot, et personne n’est venu me voir; ce n’est que le lendemain, qui était un dimanche, qu’on me transporta dans une petite chambre à côté de la salle d’étude, où l’on m’enferma de nouveau.

J’eus une lueur d’espoir: mon châtiment se bornerait peut-être à la prison…. Un brillant soleil dansait sur les vitres, la rue avait repris son mouvement accoutumé, et bientôt un doux sommeil vint me réconforter. Sous ces diverses influences, mon esprit s’apaisa quelque peu. Mais la solitude est toujours dure à supporter; j’avais envie de bouger, d’épancher dans une âme compatissante tout ce que j’avais sur le cœur; hélas! pas un être vivant ne m’approchait. Ce qui rendait ma situation plus intolérable, c’est que j’entendais dans la salle voisine le pas régulier de Saint-Jérôme. Il sifflait des refrains joyeux. J’étais certain qu’il n’avait nulle envie de chanter, et qu’il ne le faisait que pour me tourmenter.

A deux heures, Saint-Jérôme et Volodia descendirent chez grand’mère, et Nicolas apporta mon dîner. Je le retins pour lui avouer tous mes méfaits et l’entretenir de mes appréhensions.

«Eh! monsieur, me dit-il, «à force d’aller mal tout ira bien»….

Cet adage m’a souvent soutenu dans la suite, et, dans cette circonstance, il m’aurait un peu consolé si je n’avais eu un autre sujet d’inquiétude: on m’avait envoyé un dîner complet, rien n’y manquait, pas même du gâteau, et je me dis que, si j’étais en punition, on ne m’aurait envoyé que du pain et de l’eau; je devais comprendre par là que mon châtiment n’avait pas encore commencé, et qu’on se contentait de me séquestrer comme un être nuisible.

Pendant que j’étais plongé dans la solution de ce problème, la clé tourna dans la serrure de ma chambre, et Saint-Jérôme, le visage sévère et officiel, entra chez moi: «Venez chez votre grand’mère,» dit-il sans me regarder.

Avant de sortir, je voulus brosser ma manche que j’avais frottée contre de la craie; mais mon gouverneur me dit que c’était tout à fait superflu. Il me considérait donc comme un être si dégradé, qu’il ne valait plus la peine de s’inquiéter de son apparence.

Quand je traversai la salle d’étude, Katienka, Lioubotchka et Volodia me regardèrent exactement comme nous regardions les prisonniers qu’on menait tous les lundis sous nos fenêtres; l’expression était tout à fait la même.

Grand’mère était assise dans son fauteuil; quand je m’approchai d’elle pour lui baiser la main, elle la retira sous sa mantille en détournant la tête.

Il y eut un assez long silence, durant lequel grand’mère m’examina de la tête aux pieds, en fixant sur moi un regard si scrutateur, que je ne savais où mettre mes yeux, ni que faire de mes bras. Enfin elle prit la parole:

«Oui, mon cher, je peux dire que vous vous montrez sensible à mon amour et que vous êtes pour moi une véritable consolation; monsieur Saint-Jérôme, qui, à ma demande—continua-t-elle en traînant sur chaque mot,—a bien voulu se charger de votre éducation, ne veut plus rester dans ma maison. Pourquoi? A cause de vous, mon cher.»

Il y eut une pause très courte, et elle reprit d’un ton qui ne permettait pas de douter que ce speech n’eût été préparé d’avance:

«J’avais espéré que vous lui seriez reconnaissant pour ses soins et ses peines, et que vous sauriez apprécier ses services, mais vous! un gamin! vous avez osé lever la main sur lui…. Très bien! Fort beau! Je commence à croire aussi que vous n’êtes pas capable d’apprécier les bonnes manières et que, pour vous, il faut avoir recours à d’autres procédés plus humiliants…. Demande pardon, tout de suite, dit-elle d’une voix sévère et impérieuse, en indiquant Saint-Jérôme:—Tu entends ce que je te dis?»

Je suivis des yeux la direction que prenait la main de grand’mère, et, ayant aperçu la redingote de Saint-Jérôme, je me détournai sans bouger de ma place. Je sentais mon cœur défaillir.

«Eh bien! vous n’entendez pas ce que je dis?»

Je tremblais de tout mon corps, mais je ne fis pas un mouvement.

«Colas! dit grand’mère, qui avait évidemment deviné mes souffrances intérieures,—Colas! répétà-t-elle d’une voix plutôt tendre qu’impérative. Est-ce bien toi?

—Grand’mère! Je ne demanderai pas pardon, pour rien au monde!» m’écriai-je; et je demeurai interdit.

Je sentais que, si je prononçais encore un mot, je ne pourrais plus retenir les larmes qui m’étoufffaient.

«Je te l’ordonne … je t’en prie…. Eh bien!

—Je … je … ne … veux … je ne peux … dis-je avec effort, et les sanglots refoulés brisèrent leurs digues et débordèrent de ma poitrine dans un flot désespéré.

—C’est ainsi que vous obéissez à votre seconde mère?… C’est ainsi que vous reconnaissez ses bontés? dit Saint-Jérôme d’un ton tragique; à genoux!

—Mon Dieu! si elle le voyait en ce moment! s’écria grand’mère, et elle se détourna pour essuyer ses larmes.—Si elle le voyait?… Non, elle n’aurait pas eu la force de supporter cette épreuve!»

Et grand’mère pleurait toujours avec violence.

Je pleurais aussi fort, mais j’étais bien décidé à ne pas demander pardon.

«Tranquillisez vous, au nom du ciel! Madame la Comtesse,» disait Saint-Jérôme.

Mais grand’mère ne l’entendait plus; elle enfouit son visage dans ses deux mains, et ses sanglots se transformèrent bientôt en une crise de nerfs.

Gacha et Mimi accoururent dans la chambre, l’air terrifié, et bientôt toute la maison fut’sens dessus dessous.

«Admirez votre ouvrage, me dit Saint-Jérôme en me reconduisant en haut.

—Mon Dieu! qu’ai-je fait! Quel criminel je suis!» me disais-je avec horreur.

Saint-Jérôme m’ordonna de rentrer dans ma chambre, et il retourna auprès de grand’mère. A peine m’eut-il quitté que je m’élançai, sans réfléchir à ce que je faisais, sur le grand escalier qui conduisait à la rue.

Avais-je vraiment l’intention de me sauver, de me noyer?… je ne me le rappelle pas, je sais seulement que je courais en bas de l’escalier en me cachant le visage pour ne voir personne.

«Où vas-tu? cria tout à coup une voix familière,… justement, c’est toi que je cherche.»

Une main s’avançait vers moi, je voulus lui échapper; mais mon père me saisit le bras en disant sévèrement:

«Viens avec moi, mon cher!—Comment as-tu osé toucher le portefeuille dans mon cabinet? dit-il en me traînant dans la petite chambre aux divans.

«Ah! tu ne réponds pas! Eh? ajouta-t-il en me pinçant l’oreille.

—Pardonne-moi, répondis-je: je ne sais pas moi-même ce qui m’a pris….

—Ah! tu ne sais pas ce qui t’a pris? Tu ne sais pas?… tu ne sais pas … tu ne sais pas!… répétait-il en me tirant l’oreille à chaque mot: Tu apprendras à l’avenir à fourrer ton nez où il n’a rien à faire? Tu apprendras … tu apprendras….»

Bien que je ressentisse une vive cuisson à l’oreille, je ne pleurais pas, j’éprouvais même un sentiment de bien-être moral. A peine eut-il lâché mon oreille, que je saisis sa main et je la couvris de baisers en fondant en larmes.

«Frappe-moi encore, dis-je à travers mes sanglots, encore plus fort, que cela me fasse encore plus mal, je suis un vaurien, un vilain, un malheureux….

—Qu’as-tu? me dit-il en me repoussant avec douceur.

—Non, je ne m’en irai pas, pour rien au monde, dis-je en m’accrochant à sa redingote; tout le monde me hait, je le sais; mais, pour l’amour de Dieu! écoute-moi, défends-moi ou chasse-le! Je ne peux pas vivre avec lui, il s’ingénie de toutes manières pour m’humilier; il m’ordonne de me mettre à genoux devant lui, il veut me fustiger. Je ne peux pas supporter cela; je ne suis plus un tout petit garçon, je ne le supporterai pas, je mourrai…. Il a dit à grand’mère que je suis un vaurien, et maintenant elle est malade … elle mourra à cause de moi … je t’en prie … fais-moi donner le fouet … mais,—qu’on ne me … tourmente … plus….»

Les larmes m’étouffaient. Je me laissai tomber sur le divan, n’ayant plus la force de parler, et ma tête se renversa sur les genoux de mon père; il me semblait que j’allais mourir.

«Mais d’où vient tout ce désespoir, mon gros joufflu? dit mon père d’un ton compatissant et en se penchant sur moi.

—Il est mon tyran,… il me tourmente … j’en mourrai … personne ne m’aime!» eus-je à peine la force de dire. Les derniers mots se perdirent dans des convulsions.

Papa me prit dans ses bras et me porta dans ma chambre à coucher.

Je tombai dans un profond sommeil.

Quand je me réveillai, la soirée était déjà très avancée; une bougie était placée près de mon lit, et dans l’autre chambre j’entrevis notre médecin, Mimi et Lioubotchka. On pouvait lire sur leur visage qu’ils étaient très inquiets de ma santé. Moi, au contraire, je m’éveillais, après un sommeil de douze heures, si frais et si dispos, que j’aurais volontiers sauté hors du lit, si je n’avais pas eu du plaisir à laisser croire aux autres que j’étais réellement malade.

QUAND JE TRAVERSAI LA SALLE D’ÉTUDE.

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