Histoire et synopsis de  “Gatsby Le Magnifique” de Scott Fitzgerald

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 “Gatsby Le Magnifique”, le troisième roman de F. Scott Fitzgerald est généralement considéré comme son chef-d’œuvre. Il représente une période culturelle aux États-Unis qui est maintenant appelée l’âge du jazz. Aujourd’hui,  “Gatsby Le Magnifique” s’est vendu à plus de 25 millions d’exemplaires et a été traduit dans 42 langues différentes, mais lorsqu’il a été publié en 1925, le roman a été une déception commerciale, se vendant à moins de 20 000 exemplaires, et Scott Fitzgerald est mort en 1940 en se croyant être un échec et son travail oublié. 

 “Gatsby Le Magnifique” fait désormais partie de nos livres bilingues français/anglais

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 “Gatsby Le Magnifique”  dépeint la vie de personnages empêtrés dans la scène sociale de New York, dans des amours dangereuses et une richesse sans fin et reflète divers événements de la jeunesse de Fitzgerald. Fitzgerald, comme le narrateur du roman, Nick, est né dans le Minnesota, et comme Jay Gatsby, il a déménagé à New York pour poursuivre la gloire et la fortune. De plus, sa femme, Zelda, a refusé de l’épouser à moins qu’il ne puisse la soutenir comme l’expérience de Gatsby avec Daisy dans le roman.

Fitzgerald a eu du mal à choisir un titre pour son roman et a finalement opté pour   “Gatsby Le Magnifique” , inspiré du  “Grand Meaulnes” d’Alain-Fournier .

Fitzgerald était tellement amoureux des illustrations de la première édition de   “Gatsby Le Magnifique”  qu’il a dit plus tard à l’éditeur Max Perkins qu’il avait incorporé les images de Cugat dans le roman. La dernière couverture de Cugat a été saluée comme un chef-d’œuvre et c’était la seule couverture de livre qu’il ait jamais conçue.

 “Gatsby Le Magnifique”  a reçu des critiques généralement favorables de la part des critiques littéraires de l’époque, mais plusieurs critiques ont estimé que le roman laissait beaucoup à désirer après les œuvres précédentes de Fitzgerald et l’ont critiqué en conséquence. Fitzgerald pensait que de nombreux critiques avaient mal compris le roman et désespéraient qu’ils n’aient pas compris qu’il n’avait jamais voulu que l’histoire soit réaliste, mais avait conçu l’œuvre pour qu’elle soit une représentation romancée largement scénique et symbolique. 

À la grande déception de Fitzgerald,  “Gatsby”  était un échec commercial par rapport à ses efforts précédents. En octobre, le livre s’était vendu à moins de 20 000 exemplaires.

 Avec le début de la Grande Dépression,   “Gatsby Le Magnifique”  était considéré comme un peu plus qu’une pièce d’époque nostalgique. Le roman a connu une brusque montée en popularité lorsque le “Council on Books in Wartime” a distribué des exemplaires gratuits aux soldats américains servant outre-mer pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette nouvelle popularité a lancé un réexamen critique et scientifique, et le travail est rapidement devenu un élément central de la plupart des programmes d’études secondaires américains et une partie de la culture populaire américaine. De nombreuses adaptations scéniques et cinématographiques ont suivi dans les décennies suivantes.

 Le roman de Fitzgerald montre qu’une permanence de classe persiste malgré l’économie capitaliste du pays qui valorise l’innovation et l’adaptabilité. En plus d’explorer les difficultés de la réalisation du rêve américain,   “Gatsby Le Magnifique”  explore les attentes de la société en matière de genre à l’ère du jazz. En tant que femme blanche de la classe supérieure vivant à East Egg pendant cette période, Daisy doit adhérer aux attentes de la société et aux normes de genre telles que remplir activement les rôles d’épouse dévouée, de mère nourricière et de charmante mondaine. Le roman aborde également le traitement de la race et du déplacement ; en particulier, une menace perçue posée par les nouveaux immigrants aux Américains plus âgés, déclenchant des inquiétudes quant à une perte de statut socio-économique. En raison de tels thèmes,  “Gatsby Le Magnifique” capture l’expérience américaine pérenne car il s’agit d’une histoire sur le changement et ceux qui y résistent, que ce changement se présente sous la forme d’une nouvelle vague d’immigrants, de  nouveaux riches ou de minorités prospères.

 “Gatsby Le Magnifique”  a été accusé d’antisémitisme en raison de son utilisation de stéréotypes juifs, cependant, il a été soutenu que les stéréotypes juifs affichés par Wolfsheim étaient typiques de l’époque où le roman a été écrit et que l’utilisation par Fitzgerald de caricatures juives n’était pas motivée par la malveillance. et reflétait simplement les croyances courantes de son temps.

 “Gatsby Le Magnifique”  a été adapté pour la scène plusieurs fois depuis sa publication. La première adaptation scénique connue a été celle du dramaturge américain Owen Davis, qui est devenue la version cinématographique de 1926. Le roman a également été adapté pour des spectacles de ballet, en 2009, il a été joué au Capitol Theatre de Columbus, Ohio et en 2010 au Kennedy Center. En 1926, la première version cinématographique du roman a été réalisée, que Fitzgerald n’a pas aimé. Il y a eu d’autres films tournés en 1974,  et en 2013. En 2021, il a été décidé de produire une adaptation animée et cinématographique du roman réalisé par William Joyce et écrit par Brian Selznick.  “Gatsby” : a été rejoué plusieurs fois en court métrage télévisé. Le premier était en 1955 en tant qu’épisode NBC. Le roman a également été adapté en trois romans graphiques et en séries d’épisodes radio. Le premier épisode radio était une adaptation d’une demi-heure de 1950 pour Family Hour of Stars de CBS. À partir de 2010,  “Gatsby Le Magnifique” a également été fait dans les jeux vidéo.

Lire: “Gatsby Le Magnifique” en anglaisLire:  “Gatsby Le Magnifique” bilingue français/anglais

Début du livre

Quand j’étais plus jeune, ce qui veut dire plus vulnérable, mon père me donna un conseil que je ne cesse de retourner dans mon esprit :

– Quand tu auras envie de critiquer quelqu’un, songe que tout le monde n’a pas joui des mêmes avantages que toi.

Il n’en dit pas davantage, mais comme lui et moi avons toujours été exceptionnellement communicatifs tout en y mettant beaucoup de réserve, je compris que la phrase impliquait beaucoup plus de choses qu’elle n’en exprimait. En conséquence, je suis porté à réserver mes jugements, habitude qui m’a ouvert bien des natures curieuses, non sans me rendre victime de pas mal de raseurs invétérés. Un esprit anormal est prompt à découvrir cette qualité et à s’y attacher, quand elle se montre chez quelqu’un de normal ; voilà pourquoi, à l’Université, on m’a injustement accusé de politicailler parce que j’étais le confident des chagrins secrets de garçons déréglés et inconnus. La plupart de ces confidences, je ne les avais pas recherchées – j’ai souvent feint le sommeil, la préoccupation ou une hostile légèreté quand, à un de ces signes qui ne trompent jamais, je reconnaissais qu’une révélation d’ordre intime pointait à l’horizon ; car d’habitude les révélations intimes des jeunes hommes, ou tout au moins les termes dans lesquels ils les expriment, sont entachées de plagiat et gâtées par de manifestes suppressions. Réserver son jugement implique un espoir infini. J’aurais encore un peu peur de rater quelque chose si j’oubliais, comme le suggérait mon père avec snobisme et comme avec snobisme je le répète ici, que le sentiment des décences fondamentales nous est réparti en naissant d’une manière inégale.

Or, ayant fait ainsi étalage de tolérance, j’en viens à l’aveu que la mienne a ses limites. Notre conduite peut avoir pour fondation un roc dur ou de fluides marécages, mais passé un certain point, peu me chaut sur quoi elle est fondée. Quand je rentrai de New-York, l’automne dernier, j’aurais voulu que le monde entier portât un uniforme et se tînt figé dans une sorte de garde à vous moral ; je ne souhaitais plus d’excursions tumultueuses avec coups d’œil privilégiés dans le cœur humain. De cette réaction, je n’excluais que Gatsby, l’homme qui donne son nom à ce livre. Gatsby représentait pourtant tout ce à quoi je porte un mépris dénué d’affectation. S’il est vrai que la personnalité est une suite ininterrompue de gestes réussis, il y avait en cet homme quelque chose de magnifique, je ne sais quelle sensibilité exacerbée aux promesses de la vie, comme s’il s’apparentait à une de ces machines compliquées qui enregistrent les tremblements de terre à dix milles de distance. Une telle promptitude à réagir ne présentait rien de commun avec cette mollasse impressionnabilité qu’on dignifie du nom de « tempérament créatif » – c’était un don d’espoir extraordinaire, un romanesque état de préparation aux événements comme jamais je n’en avais trouvé de pareil chez un être humain et comme il n’est guère probable que j’en rencontre de nouveau. Non – en fin de compte, Gatsby se révéla sympathique ; c’est ce qui le rongeait, la poussière empoisonnée qui se levait derrière ses rêves, qui avait pour un temps fermé mon intérêt aux chagrins abortifs et aux joies à courte haleine de l’humanité.

Ma famille se compose de gens connus et à leur aise, établis depuis trois générations dans cette ville du Middle West. Les Carraway forment en quelque sorte un clan et la tradition veut que nous descendions des ducs de Buccleuch, mais le véritable fondateur de la lignée à laquelle j’appartiens fut le frère de mon grand-père, lequel vint ici en mil huit cent cinquante et un, se fit remplacer pendant la Guerre de Sécession et inaugura le commerce de quincaillerie en gros que mon père continue à diriger.

Je n’ai jamais vu ce grand-oncle, mais il paraît que je lui ressemble – si l’on en croit surtout le portrait à l’huile pendu dans le bureau de papa où il apparaît sous un aspect inflexible et sceptique. J’obtins mes diplômes à Yale en 1915, tout juste un quart de siècle après mon père, et un peu plus tard affrontai cette émigration teutonique qu’on réussit à endiguer, temporairement du moins, et qu’on a nommée la Grande Guerre. Je pris tant de plaisir au contre-raid que j’en revins fort agité. Le Middle West, où je m’attendais à retrouver le centre brûlant du monde, me fit l’effet de n’être que sa lisière effilochée – à telles enseignes que je pris la décision d’aller à New-York pour y faire mon apprentissage dans une banque d’émission. Tous les jeunes gens que je connaissais travaillaient dans des banques d’émission, ce qui m’autorisa à supposer que le métier pouvait nourrir un célibataire de plus. Mes tantes et mes oncles assemblés au complet débattirent la question, comme s’il s’était agi de me choisir une école enfantine et firent en fin de compte : « Après tout, pourquoi pas », avec des visages fort graves et dubitatifs. Mon père consentit à m’entretenir pendant une année et, après divers retards, je me rendis dans l’Est pour toujours, du moins je le croyais, au printemps de l’an 1922.

Le bon sens aurait voulu que je cherchasse un logement à New-York, mais la saison était chaude et je venais de quitter une ville pleine de larges pelouses et d’arbres fraternels. Aussi, lorsqu’un de mes jeunes camarades de bureau suggéra que nous prissions ensemble une maison dans la banlieue, la proposition me sembla-t-elle géniale. Il trouva la maison, un bungalow en carton-pâte fatigué par les intempéries, d’un loyer de quatre-vingts dollars par mois, mais à la dernière minute, la firme l’envoya à Washington et j’allai à la campagne tout seul. J’avais un chien – du moins je l’eus pendant quelques jours jusqu’à ce qu’il prît la clef des champs – une vieille auto Dodge et une Finlandaise qui faisait mon lit, préparait mon petit déjeuner et marmottait des proverbes finnois, en s’affairant devant le fourneau électrique.

Je me sentis assez dépaysé pendant un jour ou deux, jusqu’à ce qu’un matin, un homme plus récemment arrivé que moi m’arrêta sur la route.

– Le village de West-Egg, je vous prie ? me demanda-t-il, désorienté.

Je le renseignai. Et, continuant mon chemin, je ne me sentis plus dépaysé. J’étais un guide, un indicateur de routes, un des premiers colons. Sans s’en douter, cet homme m’avait conféré le droit de cité dans le patelin.

Si bien qu’avec le soleil et les grandes poussées de feuilles qui croissaient sur les arbres à l’allure dont grandissent les choses dans les films à mouvement accéléré, je ressentis cette conviction bien connue que la vie recommençait à neuf avec l’été.

En premier lieu, il y avait tant de livres à lire, tant de belle santé à cueillir aux branches de l’air jeunet et dispensateur de souffle. J’achetai une dizaine de tomes traitant des affaires bancaires, de crédits, de placements, qui s’alignèrent en rouge et or, sur une planchette, comme du numéraire frais émoulu de la Monnaie, promettant de me révéler de reluisants secrets exclusivement connus de Midas, Morgan et Mécène. D’ailleurs je nourrissais sérieusement l’intention de lire bien d’autres livres encore. Au collège j’avais été assez féru de littérature – une année entière j’avais écrit pour le Yale News une série d’articles de fond, fort solennels et totalement dépourvus de subtilité – et maintenant j’allais réincorporer à ma vie toutes les choses de cet ordre et redevenir un de ces si rares spécialistes : « l’homme d’un talent universel. » Ceci n’est pas qu’une épigramme – après tout on obtient beaucoup plus de succès quand on regarde la vie par une seule fenêtre.

C’est tout à fait par hasard que la maison que j’avais louée se trouvait située dans une des plus étranges communautés de l’Amérique du Nord. Elle s’élevait sur cette île mince et turbulente qui s’allonge à l’est de New-York – et où, entre autres curiosités naturelles, on remarque deux formations de terrain peu ordinaires. À vingt milles de la grande cité, une paire d’œufs énormes, identiques quant au contour et séparés seulement par une baie, ainsi nommée par pure courtoisie, s’avancent dans la nappe d’eau salée la plus apprivoisée de l’hémisphère occidental, cette vaste basse-cour humide qu’on appelle le détroit de Long-Island. Il ne s’agit point d’ovales parfaits – comme l’œuf de Christophe Colomb, ils sont tous deux aplatis au bout de contact – mais leur ressemblance physique doit être une source de confusion perpétuelle pour les mouettes qui volent au-dessus d’eux. Pour les êtres sans ailes, un phénomène plus intéressant est leur dissemblance en tout ce qui n’est point forme et grandeur.

Je demeurais à West-Egg – l’œuf occidental – qui est, avouons-le, le moins chic des deux, bien que ce soit là une étiquette des plus superficielles pour exprimer le contraste bizarre et assez sinistre qui existe entre eux. Ma maison se trouvait à la pointe extrême de l’œuf, à cinquante yards à peine du détroit, et resserrée entre deux énormes bâtisses qu’on louait douze ou quinze mille dollars pour la saison. Celle que j’avais à ma droite était un monument colossal, quel que soit l’étalon d’après lequel on veuille la juger – de fait, c’était une copie de je ne sais quel hôtel de ville normand avec une tour à un de ses angles, d’une jeunesse saisissante sous sa barbe de lierre cru, une piscine de marbre et plus de vingt hectares de pelouses et de jardins. C’était le château de Gatsby. Ou, pour mieux dire, étant donné que je ne connaissais point M. Gatsby, c’était un château habité par un gentleman de ce nom. Quant à ma maison, elle offensait la vue, mais en petit, et on l’avait oubliée là, de sorte que j’avais vue sur la mer, vue en partie sur la pelouse de mon voisin et la consolante proximité de millionnaires – le tout pour quatre-vingts dollars par mois.

De l’autre côté de la petite baie, les blancs palais du fashionable East-Egg étincelaient au bord de l’eau, et l’historique de cet été commence réellement le soir où je pris le volant pour y aller dîner avec les Tom Buchanan. Daisy était ma cousine éloignée, j’avais connu Tom à l’Université, et, tout de suite après la guerre, j’avais passé deux jours avec eux à Chicago.

Parmi d’autres prouesses d’ordre physique, le mari avait été un des plus puissants athlètes qui eussent jamais joué au rugby à Yale – un personnage jouissant en quelque sorte d’une renommée nationale, un de ces hommes qui, à 21 ans, atteignent à un degré d’excellence si aigu, quoique d’un ordre limité, que tout ce qu’ils font par la suite a la saveur d’un contre-effet. Sa famille était fabuleusement riche – même au collège sa prodigalité était un sujet de reproche – mais maintenant il avait quitté Chicago et était venu à New-York dans un équipage à couper la respiration. Un exemple : il avait apporté de Lake-Forest toute une écurie de poneys pour jouer au polo. On avait peine à se convaincre qu’un homme de son âge pouvait être assez riche pour s’offrir un luxe pareil.

J’ignore pourquoi les Buchanan étaient venus dans l’Est. Ils avaient passé une année en France sans motif défini ; puis ils avaient erré de-ci de-là, irrésolument, partout où des gens jouaient au polo et étaient riches ensemble. Daisy m’avait dit par téléphone qu’ils s’étaient installés à East-Egg de façon permanente, mais je n’en crus rien – j’ignorais tout des dispositions de Daisy, mais je sentais que Tom vagabonderait indéfiniment, cherchant, avec un peu de nostalgie, la turbulence dramatique de quelque partie de ballon, à laquelle il ne devait jamais prendre part.

C’est ainsi que par une chaude et venteuse fin d’après-midi j’allai à East-Egg voir deux vieux amis que je connaissais à peine. La somptuosité de leur logis dépassa mon attente – c’était une demeure de l’époque coloniale, blanche et rouge, très gaie, qui dominait la baie. La pelouse naissait sur la plage même et courait, pendant un quart de mille, vers la porte d’entrée, sautant par-dessus cadrans solaires, sentiers pavés de briques et jardins flamboyants, pour se briser enfin contre le mur en éclatantes gerbes de vigne vierge, comme emportée par son élan. La monotonie de la façade était rompue par une rangée de portes-fenêtres, étincelantes à cette heure de l’or qu’elles reflétaient et grandes ouvertes au vent du chaud après-midi. En habit de cheval, Tom Buchanan était planté, les jambes écartées, sur le perron.

Il avait changé depuis Yale. C’était à présent un robuste garçon de trente ans, aux cheveux paille, avec une bouche assez dure et des manières hautaines. Brillants d’arrogance, ses yeux occupaient à présent une place prépondérante dans sa physionomie ; ils lui donnaient l’air de toujours se pencher en avant d’un air agressif. Le chic efféminé de son costume ne parvenait pas à dissimuler l’énorme puissance de ce corps : il semblait gonfler ses bottes brillantes à en faire craquer les boucles et l’on voyait bouger de grosses boules de muscles chaque fois que son épaule remuait sous son mince veston. C’était un corps capable, comme on dit en langage de mécanique, d’un « moment » formidable – un corps cruel.

Quand il parlait, sa voix, qui était celle d’un aigre ténorino enroué, accentuait encore l’impression de combativité qu’il dégageait. Il y avait en elle un soupçon de condescendance paternelle, même envers les gens qui lui étaient sympathiques – et certains à Yale l’avaient exécré jusqu’à la moelle.

– Allons, allons, semblait-il dire, n’allez pas croire que mon opinion soit sans appel parce que je suis plus fort et plus viril que vous.

Nous appartenions à la même société d’anciens élèves et bien que nous ne fussions jamais devenus intimes, j’avais toujours senti qu’il avait bonne opinion de moi et qu’avec je ne sais quelle douceur chargée d’âpreté et de bravade, qui lui était particulière, il aurait voulu se faire aimer de moi. Nous causâmes quelques minutes sous le portique ensoleillé.

– C’est une gentille propriété que j’ai là, fit-il, tandis que son regard faisait le tour de l’horizon, par éclats vifs et courts.

Me forçant à pivoter en me tirant par le bras, il tendit une large main plate pour me montrer le panorama, ramassant, comme dans un coup de balai, un jardin creux à l’italienne, un quart d’hectare de roses au parfum profond et pénétrant, et un canot automobile au nez épaté qui, au large, chevauchait la marée.

– Elle appartenait à Demaine, l’homme au pétrole.

Il me fit tourner à nouveau, avec politesse, mais brusquerie :

– Entrons.

Nous pénétrâmes par une haute galerie dans une pièce claire, couleur de rose, qu’aux deux bouts des portes-fenêtres rattachaient fragilement à la maison ; elles étaient entrouvertes et étincelaient de blancheur contre le frais gazon qui avait l’air de pousser jusque dans la villa. Une brise souffla dans la pièce, tendit les rideaux en dehors à l’un des bouts et en dedans à l’autre, comme de pâles drapeaux, pour les tordre ensuite et les lancer vers le gâteau de noces saupoudré de sucre glacé, le plafond. Puis elle rida le tapis lie de vin, en faisant une ombre dessus, comme le vent sur la mer.

Le seul objet qui restât tout à fait immobile dans cette pièce était un énorme divan sur lequel deux jeunes femmes étaient perchées comme dans la nacelle d’un ballon amarré. Toutes deux étaient en blanc ; leurs robes ondulaient, palpitaient comme si elles venaient d’être ramenées par la brise à leur point de départ après avoir fait le tour de la maison en voletant. Il me semble que je restai planté là un bon moment, à écouter les coups de fouet des rideaux et le grincement d’un tableau contre le mur. Puis il y eut un « boum ! » quand Tom Buchanan ferma les fenêtres de derrière. Prisonnier, le vent se coucha dans la chambre, et les rideaux, les tapis et les deux jeunes femmes descendirent lentement vers le plancher.

La plus jeune des deux m’était inconnue. Étendue tout de son long à l’une des extrémités du divan, elle restait parfaitement immobile, le menton soulevé, comme si elle portait dessus en équilibre quelque chose qui risquait de tomber. Si elle me voyait du coin de l’œil, elle n’en laissait rien paraître – de sorte que je faillis lui présenter des excuses pour l’avoir dérangée en entrant.

L’autre femme, Daisy, fit mine de se lever – elle se pencha légèrement en avant avec une expression tendue, puis rit d’un petit rire absurde et délicieux. Je ris aussi et m’avançai dans la pièce.

– Je suis paralysée de bonheur.

Elle rit de nouveau comme si elle avait dit quelque chose de très spirituel, et garda un instant ma main dans la sienne, les yeux levés vers ma figure, comme si j’étais l’être qu’elle désirait le plus revoir. C’était un genre qu’elle avait. Elle donna à entendre dans un murmure que le nom de famille de la jeune équilibriste était Baker. (J’ai ouï dire que Daisy ne murmurait de la sorte que pour forcer les gens à se pencher vers elle ; critique déplacée qui ne lui ôtait rien de son charme.)

Quoi qu’il en fût de cela, les lèvres de miss Baker frissonnèrent ; elle hocha presque imperceptiblement la tête dans ma direction, puis très vite la rejeta en arrière – sans doute l’objet qu’elle portait en équilibre avait failli tomber à sa grande terreur. De nouveau, une sorte de justification me monta aux lèvres. N’importe quelle exhibition d’assurance m’extorque un tribut étonné.

Je regardai ma cousine qui se mit à me poser des questions de sa voix basse et émouvante. C’était une de ces voix que l’oreille suit dans ses modulations comme si chaque phrase était un arrangement de notes qui ne doit plus jamais être répété. Son visage était triste et charmant, plein de choses luisantes, des yeux luisants, une bouche luisante et passionnée ; mais sa voix était un excitant que les hommes qui l’avaient aimée trouvaient difficile d’oublier : une compulsion chantante, un murmure (« Écoutez-moi donc ! »), l’affirmation qu’elle venait de faire des choses gaies et passionnantes et que des choses gaies et passionnantes planaient dans l’heure qui allait venir.

Je lui dis que je m’étais arrêté une journée à Chicago en venant à New-York et qu’une douzaine de personnes m’avaient chargé pour elle de leurs affectueuses salutations.

– On me regrette donc ? s’écria-t-elle d’une voix extasiée.

– La ville est plongée dans la désolation. Toutes les autos ont la roue gauche arrière peinte en noir comme une couronne funèbre. On entend toute la nuit le long du lac se traîner de longs gémissements.

– C’est magnifique ! Retournons là-bas, Tom, dès demain ! Puis elle ajouta, hors de propos : Je voudrais te montrer ma petite.

– J’en serais…

– Elle dort. Elle a trois ans. Tu ne l’as jamais vue ?

– Jamais.

– Eh bien, attends de l’avoir vue. Elle est…

Tom Buchanan, qui durant cette conversation avait arpenté fébrilement la pièce, fit halte et posa la main sur mon épaule.

– Qu’est-ce que tu fais, Nick ?

– Je travaille dans une banque d’émission.

– Laquelle ?

Je lui dis le nom.

– Jamais entendu parler de ça, fit-il, d’un ton tranchant.

Cela m’irrita.

– Ça viendra, répondis-je d’une voix brève. Ça viendra si tu restes dans l’Est.

– Ne t’en fais pas – je resterai dans l’Est, fit-il, jetant un coup d’œil vers Daisy, puis un autre vers moi, comme s’il s’attendait à de nouvelles reparties, et il ajouta :

– Je serais un sacré imbécile d’aller vivre ailleurs.

À ce moment miss Baker fit : « Absolument ! » avec une telle soudaineté que je sursautai. C’était la première parole qu’elle prononçait depuis mon entrée. Elle-même n’en fut pas moins surprise que moi, car elle bâilla et, à la suite d’une série de mouvements habiles et rapides, elle fut debout sur le plancher.

– Je suis toute ankylosée, se plaignit-elle. J’étais couchée depuis une éternité sur ce divan.

– Ne me regarde pas, riposta Daisy. J’ai essayé tout l’après-midi de t’emmener à New-York.

– Non, merci, fit miss Baker aux quatre cocktails qui arrivaient de l’office. Je m’entraîne avec la dernière rigueur.

Son hôte la regarda avec incrédulité.

– Ah oui ? Il avala son cocktail comme si celui-ci n’avait été qu’une goutte au fond du verre. Que vous arriviez jamais à faire quoi que ce soit, voilà qui me dépasse.

Je regardai miss Baker, me demandant ce qu’elle pouvait bien « arriver à faire ». J’éprouvais du plaisir à la regarder. C’était une fille mince, à seins petits, qui se tenait toute droite et accentuait cette raideur en rejetant le corps en arrière aux épaules comme un jeune élève officier. Ses yeux gris, fatigués par l’éclat du soleil, me rendaient mon regard avec la réciprocité d’une curiosité polie, dans un visage las, charmant et mécontent. Il me vint à l’esprit que je l’avais déjà vue, elle ou sa photo, quelque part.

– Vous demeurez à West-Egg, dit-elle d’un air méprisant. J’y connais quelqu’un.

– Moi, je n’y connais personne.

– Pas même Gatsby ?

– Gatsby ? fit Daisy. Quel Gatsby ?

Avant que j’eusse pu répondre que c’était mon voisin, on annonça que Madame était servie. Coinçant impérieusement son bras sous le mien, Tom Buchanan me fit sortir comme il aurait poussé un pion sur un damier.

Minces et languissantes, les mains légèrement posées sur les hanches, les deux jeunes femmes nous précédèrent sur une véranda colorée de rose, ouverte vers le soleil couchant, où les flammes de quatre bougies vacillaient sur la table au vent qui avait faibli.

– Pourquoi des bougies ? protesta Daisy en fronçant les sourcils. Elle les éteignit avec les doigts.

– Dans deux semaines, reprit-elle, ce sera le jour le plus long de l’année. Elle nous regarda, radieuse : Est-ce que vous n’attendez pas toujours le jour le plus long de l’année et le ratez quand il arrive ? Moi j’attends toujours le jour le plus long de l’année, et quand il arrive, je le rate.

– Nous devrions nous concerter pour faire quelque chose, bâilla miss Baker en s’asseyant comme si elle se mettait au lit.

– C’est ça, fit Daisy. Mais quoi ?

Elle se tourna vers moi, tout indécise.

– Qu’est-ce qu’ils font, les autres gens ?

Avant que j’eusse pu répondre, ses yeux se fixèrent sur son petit doigt avec une expression de terreur.

– Regardez ! se plaignit-elle, j’ai mal au doigt !

Nous regardâmes – une phalange était noire et bleue.

– Tom, c’est toi qui m’as fait ça, dit-elle, accusatrice. Je sais bien que tu ne l’as pas fait exprès, mais c’est toi. C’est ma faute pour avoir épousé une brute d’homme, une grande, énorme carcasse d’…

– Je déteste le mot carcasse, même par taquinerie, riposta Tom de mauvaise humeur.

– Carcasse ! insista Daisy.

Parfois elle et miss Baker parlaient à la fois, avec discrétion et une inconséquence badine qui jamais n’était précisément du bavardage, qui était aussi fraîche que leurs robes blanches et leurs yeux impersonnels, en l’absence de tout désir. Elles étaient là, elles nous acceptaient, Tom et moi, ne faisant qu’un effort courtois et aimable pour nous divertir et se laisser divertir par nous. Elles savaient que le dîner s’achèverait bientôt, qu’un peu plus tard la soirée s’achèverait de même et qu’on la mettrait de côté sans y faire attention. Les choses se passaient autrement dans l’Ouest : on y poussait chaque soirée vers sa fin, de phase en phase, dans une attente toujours déçue, ou bien dans une véritable terreur nerveuse du moment même.

J’avouai, ayant bu mon deuxième verre de vin, un bordeaux rouge qui sentait le bouchon, mais qui, par ces temps de prohibition, n’en était pas moins assez impressionnant :

– Daisy, près de toi je me fais l’effet d’un être pas civilisé du tout. Ne peux-tu pas parler de marchands de cochons ou d’autre chose du même genre ?

N’attribuant aucune signification particulière à cette remarque, je ne m’attendais pas à la façon dont on la releva.

– La civilisation s’en va par morceaux, éclata Tom avec violence. Je suis devenu terriblement pessimiste. As-tu lu l’Ascension des Empires de gens de couleur, par un type nommé Goddard ?

– Ma foi, non, répondis-je, assez surpris du ton dont il avait parlé.

– Eh bien, c’est un bouquin très fort que tout le monde devrait lire. L’idée qu’il y développe est que si nous ne faisons pas attention, la race blanche finira par être com-plè-te-ment submergée. C’est de la science. La chose a été prouvée.

– Tom devient très profond, fit Daisy avec une expression de tristesse irréfléchie. Il lit des bouquins graves et farcis de mots longs comme ça. Quel était déjà le mot que nous…

– Mais ces livres, c’est de la science, insista Tom, en lui jetant un regard d’impatience. Ce type-là, il a étudié le sujet à fond. C’est à nous, qui sommes la race dominante, à nous méfier, sinon les autres races prendront la tête.

– Il faut les battre, chuchota Daisy, en clignant férocement l’œil vers le fervent soleil.

– C’est en Californie que vous devriez vivre, où les Japonais… commença miss Baker, mais Tom l’interrompit en se tournant pesamment sur sa chaise.

– L’idée de l’auteur est que nous sommes des Nordiques. Moi, vous, toi, et… (après une infinitésimale hésitation il comprit Daisy dans le dénombrement par une légère inclination de tête ; ma cousine cligna l’œil de nouveau à mon intention.) Et c’est nous qui avons produit tout ce qui fait la civilisation – oh ! la science, et l’art, tout cela, quoi. Vous comprenez ?

L’effort qu’il faisait pour penser comportait un élément pathétique, comme si sa fatuité, plus aiguë qu’autrefois, ne lui suffisait plus.

Quand presque au même instant, le téléphone ayant sonné dans la maison, le maître d’hôtel sortit de la véranda, Daisy en profita pour se pencher vers moi.

– Je vais te révéler un secret de famille, murmura-t-elle, débordante d’enthousiasme. Il s’agit du nez du maître d’hôtel. Tu veux savoir ce qui est arrivé au nez du maître d’hôtel ?

– Je ne suis pas venu pour autre chose.

– Eh bien, il n’a pas toujours été maître d’hôtel. Il était fourbisseur chez des gens à New-York qui avaient un service d’argenterie pour deux cents personnes. Il fourbissait du matin au soir. Ça a fini par lui attaquer son nez…

– Les choses allèrent de mal en pis, lui souffla miss Baker.

– C’est ça. Les choses allèrent de mal en pis, si bien qu’il lui fallut abandonner le métier.

Un instant le dernier rayon du soleil se posa avec une affection romantique sur son visage resplendissant ; sa voix me forçait à me pencher vers elle en retenant ma respiration – puis le rayon s’effaça ; sa lueur l’abandonna comme à regret, tels des enfants qui s’éloignent d’une vue plaisante, au crépuscule.

Le maître d’hôtel revint et murmura quelques mots à l’oreille de Tom. Tom fronça les sourcils, repoussa sa chaise et, sans mot dire, entra dans la maison. Comme si son absence avait ranimé en elle je ne sais quoi, Daisy avança de nouveau le buste et sa voix se fit chaude et chantante.

– Je suis ravie de te voir à ma table, Nick. Tu me fais songer à… à une rose, absolument à une rose. N’est-ce pas qu’il ressemble à une rose ? – Elle se tourna vers miss Baker, quêtant une confirmation.

– Absolument à une rose ?

C’était faux. Je ne ressemble en rien à une rose. Elle improvisait, voilà tout, mais une chaleur troublante émanait d’elle, comme si son cœur s’efforçait de jaillir vers vous, caché dans une de ces paroles émouvantes, sans souffle. Tout à coup, elle jeta sa serviette sur la table, s’excusa et pénétra dans la maison.

Miss Baker et moi, nous échangeâmes un bref coup d’œil, consciemment dépourvu d’expression. J’allais parler, quand elle se redressa sur sa chaise et fit « chut ! » d’une voix significative. Un murmure contraint et passionné s’élevait dans la pièce voisine et miss Baker se pencha, sans honte, pour entendre. Le murmure tremblota au bord de la cohérence, baissa, monta avec surexcitation, puis cessa tout à fait.

– Ce M. Gatsby dont vous parliez est mon voisin, commençai-je.

– Taisez-vous donc. Je veux entendre ce qui se passe.

– Quelque chose se passe donc ? demandai-je avec innocence.

– Vous ne savez pas ? demanda miss Baker sincèrement surprise. Je croyais que tout le monde savait.

– Pas moi.

– Eh bien… dit-elle en hésitant, Tom a une petite amie à New-York.

– Tom a une… ? répétai-je confondu.

Miss Baker hocha la tête.

– Elle pourrait avoir la décence de ne pas lui téléphoner à l’heure du dîner. Qu’en pensez-vous ?

À peine avais-je compris, j’entendis le frou-frou d’une robe et un crissement de cuir de bottes. Tom et Daisy étaient revenus à table.

– Impossible de faire autrement ! s’écria Daisy avec une gaieté tendue.

Elle s’assit, scruta le visage de miss Baker, puis le mien, et reprit : « J’ai regardé une minute dehors, c’est très romantique. Il y a un oiseau sur la pelouse. Je crois que c’est un rossignol qui est arrivé par la Transatlantique ou la Cunard. Il chante… (sa voix chanta) C’est romantique, pas vrai, Tom ?

– Très romantique, lui dit-il, puis à moi d’un air désemparé : S’il fait assez clair après le dîner, je te montrerai les écuries.

Le téléphone nous fit sursauter. Daisy secoua la tête d’un air définitif en regardant Tom, et le sujet des écuries, en fait tous les sujets, s’évanouirent dans l’air. Parmi les fragments brisés des cinq dernières minutes que nous passâmes à table, je me souviens qu’on ralluma les bougies, bien inutilement du reste, et j’étais conscient d’un désir de regarder franchement tout le monde et, en même temps d’éviter tous les regards. Je ne pouvais deviner les pensées de Tom et de Daisy, mais je doute que miss Baker elle-même, qui semblait avoir conquis un robuste scepticisme, fût capable de chasser de son esprit l’urgence aiguë et métallique de ce cinquième invité. Certains tempéraments auraient trouvé la situation curieuse. Quant à moi, l’instinct me poussait à téléphoner immédiatement à la police.

On ne parla plus des chevaux. Tom et miss Baker, un mètre de clair de lune entre eux, pénétrèrent à pas nonchalants dans la bibliothèque, comme pour y veiller un cadavre tangible, tandis que, m’efforçant de paraître aimablement intéressé et un peu sourd, je suivis Daisy à travers une enfilade de vérandas qui communiquaient les unes avec les autres, jusqu’au portique de la façade. Dans l’ombre épaisse, nous nous assîmes côte à côte sur un petit canapé d’osier.

Daisy prit son visage dans ses mains, comme pour en tâter l’adorable contour, et son regard plongea dans le crépuscule velouté. Sentant qu’elle était en proie à de turbulentes émotions, je lui posai sur sa fillette un certain nombre de questions que je croyais de nature à la calmer.

– Nous ne nous connaissons pas très bien, Nick, fit-elle soudain. Nous avons beau être cousins. Tu n’es pas venu à mon mariage.

– Je n’étais pas rentré de la guerre.

– C’est vrai.

Elle hésita un instant.

– Eh bien, j’ai eu pas mal de chagrin, Nick, et maintenant, je fais du cynisme à propos de tout.

Évidemment, elle avait ses raisons. J’attendis, mais elle ne dit plus rien. Au bout d’un instant, je revins assez faiblement sur le sujet de sa fillette.

– Je suppose qu’elle parle… qu’elle mange… et ainsi de suite.

– Oh ! oui.

Elle me regarda d’un air absent.

– Écoute, Nick, je vais te dire quels furent les premiers mots que je dis après sa naissance. Tu veux savoir ?

– Bien sûr.

– Ça te fera comprendre ce que j’en suis venue à penser de la vie. Eh bien, voici, il n’y avait pas une heure qu’elle était née et Tom était Dieu sait où. Je sortis de l’éther avec un sentiment d’indicible abandon. Tout de suite, je demandai à l’infirmière si c’était un garçon ou une fille. C’était une fille. Je détournai la tête et me mis à pleurer. « Bon, dis-je alors, tant mieux que ce soit une fille. Et j’espère qu’elle sera bien sotte. C’est ce qu’une jeune fille a le plus d’avantage à être dans ce monde – une jolie petite sotte. »

« Vois-tu, je trouve que la vie est une chose horrible, continua-t-elle d’un air convaincu. Tout le monde pense comme moi, les gens les plus avancés. Et moi, je sais. J’ai été partout, j’ai tout vu, j’ai tout fait. »

Ses yeux jetèrent autour d’elle des regards brefs, un peu comme Tom, et elle rit avec un mépris émouvant.

– À la page ! Dieu, que je suis à la page !

Dès que sa voix se fut brisée, cessant de contraindre mon attention, ma croyance, je sentis l’insincérité fondamentale de ce qu’elle venait de dire. Je me sentis mal à l’aise, comme si cette soirée n’avait été qu’un truc destiné à m’extorquer le tribut d’une émotion. J’attendis. Je ne m’étais pas trompé. Bientôt, elle me regarda, un sourire affecté et niais sur son joli visage, comme si elle venait de me faire comprendre qu’elle appartenait à je ne sais quelle société secrète assez distinguée dont Tom aurait fait partie lui aussi.

À l’intérieur, la pièce cramoisie se fleurissait de lumière. Tom et miss Baker étaient assis chacun à un bout du long divan. Elle lui lisait le Saturday Evening Post – les mots, murmurés sans aucune inflexion, s’enchevêtraient en un récitatif apaisant. La lueur des lampes, vive sur les bottes de l’homme, amortie sur la blondeur feuille d’automne des cheveux de la jeune fille, luisait sur le papier chaque fois qu’elle tournait une page avec un frémissement de muscles maigres sur ses bras.

Quand nous entrâmes, elle nous empêcha de parler, une main levée.

– La suite au prochain numéro, dit-elle enfin, en jetant le magazine sur la table.

Son corps se tendit avec un mouvement nerveux du genou. Elle fut debout.

– Dix heures, constata-t-elle (Apparemment, c’est au plafond qu’elle avait vu l’heure). Il est temps d’aller au dodo. Faut être bien sage.

– Jordan prend part au match de demain à Westchester, expliqua Daisy.

– Oh ! vous êtes Jordan Baker !

Je compris alors pourquoi son visage m’était si familier – son agréable expression de dédain m’avait souvent regardé, photographiée à la rotogravure, aux pages des journaux où se trouve illustrée la vie sportive d’Asheville, Hot Springs et Palm Beach.

J’avais aussi connu sur elle je ne sais quelle histoire pas très propre, mais je l’avais oubliée depuis longtemps.

– Bonne nuit, fit-elle avec douceur. Réveille-moi à huit heures, veux-tu ?

– Si tu promets de te lever.

– Je te le promets. Bonne nuit, monsieur Carraway. Nous sommes gens de revue.

– Bien sûr, confirma Daisy. Au fait, je crois que je vais m’entremettre pour combiner un mariage. Reviens nous voir, Nick. Je m’arrangerai pour vous laisser souvent ensemble. Tu sais ce que je veux dire : je vous enfermerai par accident dans des placards, je vous pousserai au large dans un bateau, enfin, je ferai ce qui est d’usage dans ces circonstances.

– Bonne nuit, répéta miss Baker sur l’escalier. Je n’ai pas entendu un mot de ce qu’elle vient de dire.

– C’est une bonne petite fille, dit Tom au bout d’un moment. On ne devrait pas la laisser se balader comme ça d’un bout à l’autre du pays.

– Qui ça, on ? demanda Daisy avec froideur.

– Sa famille.

– Sa famille se compose d’une tante âgée de mille ans ou peu s’en faut. Et puis Nick va s’occuper d’elle, pas vrai, Nick ? Elle passera presque toutes ses fins de semaine ici, cet été. Je crois que l’influence de notre vie familiale sera bonne pour elle.

Daisy et Tom se regardèrent un moment en silence.

– Elle est de New-York ? demandai-je très vite.

– De Louisville. Notre candide enfance s’écoula dans cette ville. Notre belle et candide…

– Tu as bavardé avec Nick à cœur ouvert sur la véranda ? demanda Tom soudain.

– Moi ?

Elle me regarda.

– Impossible de m’en souvenir. Je crois que nous avons parlé des races nordiques. Oui, j’en suis sûre. Ça nous a pris comme ça, par surprise, et avant que nous nous en fussions aperçus, nous…

– Il ne faut pas ajouter foi à tout ce que tu entends dire, Nick, me conseilla-t-il.

Je répondis d’un ton léger que je n’avais rien entendu dire et me levai quelques minutes plus tard pour prendre congé. Ils m’accompagnèrent jusqu’à la porte et restèrent debout, à côté l’un de l’autre, dans un gai carré de lumière. Comme je mettais en marche, Daisy cria d’un ton péremptoire :

– Un instant ! J’ai oublié de te demander quelque chose, et c’est important. Il paraît que tu es fiancé à une jeune fille qui vit là-bas dans l’Ouest.

– C’est vrai, corrobora Tom avec bonté. Il paraît que tu es fiancé.

– C’est une diffamation. Je suis trop pauvre.

– Mais nous l’avons entendu dire, insista Daisy qui me surprit en s’ouvrant de nouveau, comme une fleur. Nous l’avons entendu dire, par trois personnes. Ça doit donc être vrai.

Je savais, bien entendu, à quoi ils faisaient allusion, mais je n’étais pas fiancé, même vaguement. Le fait que les cancans s’étaient chargés de publier les bans était une des raisons pour lesquelles j’étais venu dans l’Est. On ne saurait cesser de fréquenter une vieille amie à cause de ce genre de rumeurs, et d’un autre côté, je ne voulais pas me laisser pousser au mariage par des rumeurs.

L’intérêt que venaient de me montrer les Buchanan me toucha assez. Il les rendait moins distants dans leur richesse. Pourtant, en m’éloignant, je me sentais troublé et un peu dégoûté. Il me semblait que Daisy aurait dû se sauver de cette maison, son enfant dans les bras – mais apparemment elle n’avait aucune intention de ce genre. Quant à Tom, qu’il eût « une petite amie à New-York », voilà qui me surprenait moins de sa part que de le voir déprimé par la lecture d’un livre. Quelque chose le poussait à mordiller, comme un poisson l’hameçon, le bord des idées rancies, comme si son robuste égoïsme physique ne suffisait plus à nourrir son cœur autoritaire.

Déjà, c’était l’été sur les toits des auberges et devant les garages, au bord des routes, où les rouges pompes à essence, toutes neuves, se dressaient dans des flaques de lumière. Arrivé chez moi, à West-Egg, je rentrai l’auto dans sa cabane et m’assis un moment dans la cour, sur une tondeuse de gazon abandonnée. Le vent était tombé, laissant une claire nuit, bruyante de battements d’ailes dans les arbres et de l’orgue persistant des crapauds que tous les soufflets de la terre gonflaient d’un excès de vitalité. La silhouette d’un chat en maraude ondula au clair de lune. En tournant la tête pour le suivre des yeux, je vis que je n’étais pas seul – à cinquante pieds de moi, une forme surgie de l’ombre projetée par le château de mon voisin contemplait, les mains dans les poches, le poivre argenté des étoiles. Un je ne sais quoi dans ses mouvements indolents et dans la ferme assise de ses pieds sur le gazon suggérait que c’était là M. Gatsby en personne, sorti pour s’enquérir de la part qui lui était dévolue dans notre ciel local.

J’eus envie de l’interpeller. Miss Baker avait parlé de lui pendant le dîner : cela pouvait suffire comme introduction. Mais je ne l’interpellai pas, car il signifia soudain par un avis indirect son contentement d’être seul – il étendit les bras vers l’eau sombre d’un geste curieux et, pour éloigné que je fusse, j’aurais juré qu’il tremblait. Involontairement, je regardai la mer – et n’y distinguai rien, hormis une solitaire lumière verte, toute petite et très lointaine, qui marquait peut-être le bout d’une jetée. Quand de nouveau je cherchai Gatsby du regard, il avait disparu et je me retrouvai seul dans l’obscurité inquiète.

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Lire: “Gatsby Le Magnifique” en anglaisLire: “Gatsby Le Magnifique” bilingue français/anglais

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History and Synopsis of “the Great Gatsby” by Scott Fitzgerald

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 “The Great Gatsby”, the  third novel by F. Scott Fitzgerald is generally considered to be his masterpiece. It represents a cultural period in the United States that is now referred as the Jazz Age. Today “The Great Gatsby” has sold over 25 millions copies and has been translated into 42 different languages, but when it was published in 1925, the novel was a commercial disappointment, selling fewer than 20,000 copies, and Scott Fitzgerald died in 1940 believing himself to be a failure and his work forgotten.

“The Great Gatsby” is now part of our bilingual French/English books

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“The Great Gatsby” depicts the lives of characters entangled in the New York City social scene, in dangerous love affairs, and endless wealth and reflects various events in Fitzgerald’s youth. Fitzgerald, like the novel’s narrator, Nick, was born in Minnesota, and like Jay Gatsby, he moved to New York to pursue fame and fortune. Also his wife, Zelda, refused to marry him unless he could support her like Gatsby’s experience with Daisy in the novel.

Fitzgerald had difficulty choosing a title for his novel and finally decided on The Great Gatsby, which was inspired by Alain-Fournier’s “Le Grand Meaulnes.”

Fitzgerald was so enamored with the artwork for the first edition of “The Great Gatsby” that he later told editor Max Perkins that he had incorporated Cugat’s imagery into the novel. Cugat’s final cover, was hailed as a masterpiece, and it was the only book cover he ever designed.

“The Great Gatsby” received generally favorable reviews from literary critics of the day but several reviewers felt the novel left much to be desired following Fitzgerald’s previous works and criticized him accordingly. Fitzgerald believed that many critics misunderstood the novel and despaired that they had not understood that he had never intended for the story to be realistic but had crafted the work to be a romanticized depiction that was largely scenic and symbolic. 

To Fitzgerald’s great disappointment, “Gatsby” was a commercial failure in comparison with his previous efforts By October, the book had sold fewer than 20,000 copies.

 With the onset of the Great Depression, “The Great Gatsby” was regarded as little more than a nostalgic period piece. The novel experienced an abrupt surge in popularity when the Council on Books in Wartime distributed free copies to American soldiers serving overseas during World War II. This new-found popularity launched a critical and scholarly re-examination, and the work soon became a core part of most American high school curricula and a part of American popular culture. Numerous stage and film adaptations followed in the subsequent decades.

 Fitzgerald’s novel shows that a class permanence persists despite the country’s capitalist economy that prizes innovation and adaptability. Besides exploring the difficulties of achieving the American dream, “The Great Gatsby” explores societal gender expectations during the Jazz Age. As an upper-class white woman living in East Egg during this time period, Daisy must adhere to societal expectations and gender norms such as actively fulfilling the roles of dutiful wife, nurturing mother, and charming socialite. The novel also abord treatment of race and displacement; in particular, a perceived threat posed by newer immigrants to older Americans, triggering concerns over a loss of socio-economic status. Because of such themes, “The Great Gatsby” captures the perennial American experience as it is a story about change and those who resist it—whether such change comes in the form of a new wave of immigrants, the nouveau riche, or successful minorities.

“The Great Gatsby” has been accused of antisemitism because of its use of Jewish stereotypes, however, it was argued that the Jewish stereotypes displayed by Wolfsheim were typical of the time when the novel was written and that Fitzgerald’s use of Jewish caricatures was not driven by malice and merely reflected commonly held beliefs of his time.

“The Great Gatsby” has been adapted for the stage multiple times since its publication. The first known stage adaptation was by American dramatist Owen Davis,which became the 1926 film version. The novel has also been adapted for ballet performances, in 2009, it was played at the Capitol Theatre in Columbus, Ohio and in 2010 at the Kennedy Center. In 1926 the first movie version of the novel was made which Fitzgerald didn’t like. There were others movies made in 1974, and in 2013. In 2021, it was decided to produce an animated and film adaptation of the novel was directed by William Joyce and written by Brian Selznick. “Gatsby: has been recast multiple times as a short-form television movie. The first was in 1955 as an NBC episode. The novel  has also been adapted into three graphic novels and into series of radio episodes. The first radio episode was a 1950 half-hour-long adaptation for CBS’ Family Hour of Stars. Beginning in 2010, was also made in video games.

Read: The Great Gatsby in EnglishRead: The Great Gatsby bilingual French/English

Beginning of the book

Once again
to
Zelda

Then wear the gold hat, if that will move her;
If you can bounce high, bounce for her too,
Till she cry “Lover, gold-hatted, high-bouncing lover,
I must have you!”

Thomas Parke d’Invilliers

I

In my younger and more vulnerable years my father gave me some advice that I’ve been turning over in my mind ever since.

“Whenever you feel like criticizing anyone,” he told me, “just remember that all the people in this world haven’t had the advantages that you’ve had.”

He didn’t say any more, but we’ve always been unusually communicative in a reserved way, and I understood that he meant a great deal more than that. In consequence, I’m inclined to reserve all judgements, a habit that has opened up many curious natures to me and also made me the victim of not a few veteran bores. The abnormal mind is quick to detect and attach itself to this quality when it appears in a normal person, and so it came about that in college I was unjustly accused of being a politician, because I was privy to the secret griefs of wild, unknown men. Most of the confidences were unsought—frequently I have feigned sleep, preoccupation, or a hostile levity when I realized by some unmistakable sign that an intimate revelation was quivering on the horizon; for the intimate revelations of young men, or at least the terms in which they express them, are usually plagiaristic and marred by obvious suppressions. Reserving judgements is a matter of infinite hope. I am still a little afraid of missing something if I forget that, as my father snobbishly suggested, and I snobbishly repeat, a sense of the fundamental decencies is parcelled out unequally at birth.

And, after boasting this way of my tolerance, I come to the admission that it has a limit. Conduct may be founded on the hard rock or the wet marshes, but after a certain point I don’t care what it’s founded on. When I came back from the East last autumn I felt that I wanted the world to be in uniform and at a sort of moral attention forever; I wanted no more riotous excursions with privileged glimpses into the human heart. Only Gatsby, the man who gives his name to this book, was exempt from my reaction—Gatsby, who represented everything for which I have an unaffected scorn. If personality is an unbroken series of successful gestures, then there was something gorgeous about him, some heightened sensitivity to the promises of life, as if he were related to one of those intricate machines that register earthquakes ten thousand miles away. This responsiveness had nothing to do with that flabby impressionability which is dignified under the name of the “creative temperament”—it was an extraordinary gift for hope, a romantic readiness such as I have never found in any other person and which it is not likely I shall ever find again. No—Gatsby turned out all right at the end; it is what preyed on Gatsby, what foul dust floated in the wake of his dreams that temporarily closed out my interest in the abortive sorrows and short-winded elations of men.


My family have been prominent, well-to-do people in this Middle Western city for three generations. The Carraways are something of a clan, and we have a tradition that we’re descended from the Dukes of Buccleuch, but the actual founder of my line was my grandfather’s brother, who came here in fifty-one, sent a substitute to the Civil War, and started the wholesale hardware business that my father carries on today.

I never saw this great-uncle, but I’m supposed to look like him—with special reference to the rather hard-boiled painting that hangs in father’s office. I graduated from New Haven in 1915, just a quarter of a century after my father, and a little later I participated in that delayed Teutonic migration known as the Great War. I enjoyed the counter-raid so thoroughly that I came back restless. Instead of being the warm centre of the world, the Middle West now seemed like the ragged edge of the universe—so I decided to go East and learn the bond business. Everybody I knew was in the bond business, so I supposed it could support one more single man. All my aunts and uncles talked it over as if they were choosing a prep school for me, and finally said, “Why—ye-es,” with very grave, hesitant faces. Father agreed to finance me for a year, and after various delays I came East, permanently, I thought, in the spring of twenty-two.

The practical thing was to find rooms in the city, but it was a warm season, and I had just left a country of wide lawns and friendly trees, so when a young man at the office suggested that we take a house together in a commuting town, it sounded like a great idea. He found the house, a weather-beaten cardboard bungalow at eighty a month, but at the last minute the firm ordered him to Washington, and I went out to the country alone. I had a dog—at least I had him for a few days until he ran away—and an old Dodge and a Finnish woman, who made my bed and cooked breakfast and muttered Finnish wisdom to herself over the electric stove.

It was lonely for a day or so until one morning some man, more recently arrived than I, stopped me on the road.

“How do you get to West Egg village?” he asked helplessly.

I told him. And as I walked on I was lonely no longer. I was a guide, a pathfinder, an original settler. He had casually conferred on me the freedom of the neighbourhood.

And so with the sunshine and the great bursts of leaves growing on the trees, just as things grow in fast movies, I had that familiar conviction that life was beginning over again with the summer.

There was so much to read, for one thing, and so much fine health to be pulled down out of the young breath-giving air. I bought a dozen volumes on banking and credit and investment securities, and they stood on my shelf in red and gold like new money from the mint, promising to unfold the shining secrets that only Midas and Morgan and Maecenas knew. And I had the high intention of reading many other books besides. I was rather literary in college—one year I wrote a series of very solemn and obvious editorials for the Yale News—and now I was going to bring back all such things into my life and become again that most limited of all specialists, the “well-rounded man.” This isn’t just an epigram—life is much more successfully looked at from a single window, after all.

It was a matter of chance that I should have rented a house in one of the strangest communities in North America. It was on that slender riotous island which extends itself due east of New York—and where there are, among other natural curiosities, two unusual formations of land. Twenty miles from the city a pair of enormous eggs, identical in contour and separated only by a courtesy bay, jut out into the most domesticated body of salt water in the Western hemisphere, the great wet barnyard of Long Island Sound. They are not perfect ovals—like the egg in the Columbus story, they are both crushed flat at the contact end—but their physical resemblance must be a source of perpetual wonder to the gulls that fly overhead. To the wingless a more interesting phenomenon is their dissimilarity in every particular except shape and size.

I lived at West Egg, the—well, the less fashionable of the two, though this is a most superficial tag to express the bizarre and not a little sinister contrast between them. My house was at the very tip of the egg, only fifty yards from the Sound, and squeezed between two huge places that rented for twelve or fifteen thousand a season. The one on my right was a colossal affair by any standard—it was a factual imitation of some Hôtel de Ville in Normandy, with a tower on one side, spanking new under a thin beard of raw ivy, and a marble swimming pool, and more than forty acres of lawn and garden. It was Gatsby’s mansion. Or, rather, as I didn’t know Mr. Gatsby, it was a mansion inhabited by a gentleman of that name. My own house was an eyesore, but it was a small eyesore, and it had been overlooked, so I had a view of the water, a partial view of my neighbour’s lawn, and the consoling proximity of millionaires—all for eighty dollars a month.

Across the courtesy bay the white palaces of fashionable East Egg glittered along the water, and the history of the summer really begins on the evening I drove over there to have dinner with the Tom Buchanans. Daisy was my second cousin once removed, and I’d known Tom in college. And just after the war I spent two days with them in Chicago.

Her husband, among various physical accomplishments, had been one of the most powerful ends that ever played football at New Haven—a national figure in a way, one of those men who reach such an acute limited excellence at twenty-one that everything afterward savours of anticlimax. His family were enormously wealthy—even in college his freedom with money was a matter for reproach—but now he’d left Chicago and come East in a fashion that rather took your breath away: for instance, he’d brought down a string of polo ponies from Lake Forest. It was hard to realize that a man in my own generation was wealthy enough to do that.

Why they came East I don’t know. They had spent a year in France for no particular reason, and then drifted here and there unrestfully wherever people played polo and were rich together. This was a permanent move, said Daisy over the telephone, but I didn’t believe it—I had no sight into Daisy’s heart, but I felt that Tom would drift on forever seeking, a little wistfully, for the dramatic turbulence of some irrecoverable football game.

And so it happened that on a warm windy evening I drove over to East Egg to see two old friends whom I scarcely knew at all. Their house was even more elaborate than I expected, a cheerful red-and-white Georgian Colonial mansion, overlooking the bay. The lawn started at the beach and ran towards the front door for a quarter of a mile, jumping over sundials and brick walks and burning gardens—finally when it reached the house drifting up the side in bright vines as though from the momentum of its run. The front was broken by a line of French windows, glowing now with reflected gold and wide open to the warm windy afternoon, and Tom Buchanan in riding clothes was standing with his legs apart on the front porch.

He had changed since his New Haven years. Now he was a sturdy straw-haired man of thirty, with a rather hard mouth and a supercilious manner. Two shining arrogant eyes had established dominance over his face and gave him the appearance of always leaning aggressively forward. Not even the effeminate swank of his riding clothes could hide the enormous power of that body—he seemed to fill those glistening boots until he strained the top lacing, and you could see a great pack of muscle shifting when his shoulder moved under his thin coat. It was a body capable of enormous leverage—a cruel body.

His speaking voice, a gruff husky tenor, added to the impression of fractiousness he conveyed. There was a touch of paternal contempt in it, even toward people he liked—and there were men at New Haven who had hated his guts.

“Now, don’t think my opinion on these matters is final,” he seemed to say, “just because I’m stronger and more of a man than you are.” We were in the same senior society, and while we were never intimate I always had the impression that he approved of me and wanted me to like him with some harsh, defiant wistfulness of his own.

We talked for a few minutes on the sunny porch.

“I’ve got a nice place here,” he said, his eyes flashing about restlessly.

Turning me around by one arm, he moved a broad flat hand along the front vista, including in its sweep a sunken Italian garden, a half acre of deep, pungent roses, and a snub-nosed motorboat that bumped the tide offshore.

“It belonged to Demaine, the oil man.” He turned me around again, politely and abruptly. “We’ll go inside.”

We walked through a high hallway into a bright rosy-coloured space, fragilely bound into the house by French windows at either end. The windows were ajar and gleaming white against the fresh grass outside that seemed to grow a little way into the house. A breeze blew through the room, blew curtains in at one end and out the other like pale flags, twisting them up toward the frosted wedding-cake of the ceiling, and then rippled over the wine-coloured rug, making a shadow on it as wind does on the sea.

The only completely stationary object in the room was an enormous couch on which two young women were buoyed up as though upon an anchored balloon. They were both in white, and their dresses were rippling and fluttering as if they had just been blown back in after a short flight around the house. I must have stood for a few moments listening to the whip and snap of the curtains and the groan of a picture on the wall. Then there was a boom as Tom Buchanan shut the rear windows and the caught wind died out about the room, and the curtains and the rugs and the two young women ballooned slowly to the floor.

The younger of the two was a stranger to me. She was extended full length at her end of the divan, completely motionless, and with her chin raised a little, as if she were balancing something on it which was quite likely to fall. If she saw me out of the corner of her eyes she gave no hint of it—indeed, I was almost surprised into murmuring an apology for having disturbed her by coming in.

The other girl, Daisy, made an attempt to rise—she leaned slightly forward with a conscientious expression—then she laughed, an absurd, charming little laugh, and I laughed too and came forward into the room.

“I’m p-paralysed with happiness.”

She laughed again, as if she said something very witty, and held my hand for a moment, looking up into my face, promising that there was no one in the world she so much wanted to see. That was a way she had. She hinted in a murmur that the surname of the balancing girl was Baker. (I’ve heard it said that Daisy’s murmur was only to make people lean toward her; an irrelevant criticism that made it no less charming.)

At any rate, Miss Baker’s lips fluttered, she nodded at me almost imperceptibly, and then quickly tipped her head back again—the object she was balancing had obviously tottered a little and given her something of a fright. Again a sort of apology arose to my lips. Almost any exhibition of complete self-sufficiency draws a stunned tribute from me.

I looked back at my cousin, who began to ask me questions in her low, thrilling voice. It was the kind of voice that the ear follows up and down, as if each speech is an arrangement of notes that will never be played again. Her face was sad and lovely with bright things in it, bright eyes and a bright passionate mouth, but there was an excitement in her voice that men who had cared for her found difficult to forget: a singing compulsion, a whispered “Listen,” a promise that she had done gay, exciting things just a while since and that there were gay, exciting things hovering in the next hour.

I told her how I had stopped off in Chicago for a day on my way East, and how a dozen people had sent their love through me.

“Do they miss me?” she cried ecstatically.

“The whole town is desolate. All the cars have the left rear wheel painted black as a mourning wreath, and there’s a persistent wail all night along the north shore.”

“How gorgeous! Let’s go back, Tom. Tomorrow!” Then she added irrelevantly: “You ought to see the baby.”

“I’d like to.”

“She’s asleep. She’s three years old. Haven’t you ever seen her?”

“Never.”

“Well, you ought to see her. She’s—”

Tom Buchanan, who had been hovering restlessly about the room, stopped and rested his hand on my shoulder.

“What you doing, Nick?”

“I’m a bond man.”

“Who with?”

I told him.

“Never heard of them,” he remarked decisively.

This annoyed me.

“You will,” I answered shortly. “You will if you stay in the East.”

“Oh, I’ll stay in the East, don’t you worry,” he said, glancing at Daisy and then back at me, as if he were alert for something more. “I’d be a God damned fool to live anywhere else.”

At this point Miss Baker said: “Absolutely!” with such suddenness that I started—it was the first word she had uttered since I came into the room. Evidently it surprised her as much as it did me, for she yawned and with a series of rapid, deft movements stood up into the room.

“I’m stiff,” she complained, “I’ve been lying on that sofa for as long as I can remember.”

“Don’t look at me,” Daisy retorted, “I’ve been trying to get you to New York all afternoon.”

“No, thanks,” said Miss Baker to the four cocktails just in from the pantry. “I’m absolutely in training.”

Her host looked at her incredulously.

“You are!” He took down his drink as if it were a drop in the bottom of a glass. “How you ever get anything done is beyond me.”

I looked at Miss Baker, wondering what it was she “got done.” I enjoyed looking at her. She was a slender, small-breasted girl, with an erect carriage, which she accentuated by throwing her body backward at the shoulders like a young cadet. Her grey sun-strained eyes looked back at me with polite reciprocal curiosity out of a wan, charming, discontented face. It occurred to me now that I had seen her, or a picture of her, somewhere before.

“You live in West Egg,” she remarked contemptuously. “I know somebody there.”

“I don’t know a single—”

“You must know Gatsby.”

“Gatsby?” demanded Daisy. “What Gatsby?”

Before I could reply that he was my neighbour dinner was announced; wedging his tense arm imperatively under mine, Tom Buchanan compelled me from the room as though he were moving a checker to another square.

Slenderly, languidly, their hands set lightly on their hips, the two young women preceded us out on to a rosy-coloured porch, open toward the sunset, where four candles flickered on the table in the diminished wind.

“Why candles?” objected Daisy, frowning. She snapped them out with her fingers. “In two weeks it’ll be the longest day in the year.” She looked at us all radiantly. “Do you always watch for the longest day of the year and then miss it? I always watch for the longest day in the year and then miss it.”

“We ought to plan something,” yawned Miss Baker, sitting down at the table as if she were getting into bed.

“All right,” said Daisy. “What’ll we plan?” She turned to me helplessly: “What do people plan?”

Before I could answer her eyes fastened with an awed expression on her little finger.

“Look!” she complained; “I hurt it.”

We all looked—the knuckle was black and blue.

“You did it, Tom,” she said accusingly. “I know you didn’t mean to, but you did do it. That’s what I get for marrying a brute of a man, a great, big, hulking physical specimen of a—”

“I hate that word ‘hulking,’ ” objected Tom crossly, “even in kidding.”

“Hulking,” insisted Daisy.

Sometimes she and Miss Baker talked at once, unobtrusively and with a bantering inconsequence that was never quite chatter, that was as cool as their white dresses and their impersonal eyes in the absence of all desire. They were here, and they accepted Tom and me, making only a polite pleasant effort to entertain or to be entertained. They knew that presently dinner would be over and a little later the evening too would be over and casually put away. It was sharply different from the West, where an evening was hurried from phase to phase towards its close, in a continually disappointed anticipation or else in sheer nervous dread of the moment itself.

“You make me feel uncivilized, Daisy,” I confessed on my second glass of corky but rather impressive claret. “Can’t you talk about crops or something?”

I meant nothing in particular by this remark, but it was taken up in an unexpected way.

“Civilization’s going to pieces,” broke out Tom violently. “I’ve gotten to be a terrible pessimist about things. Have you read The Rise of the Coloured Empires by this man Goddard?”

“Why, no,” I answered, rather surprised by his tone.

“Well, it’s a fine book, and everybody ought to read it. The idea is if we don’t look out the white race will be—will be utterly submerged. It’s all scientific stuff; it’s been proved.”

“Tom’s getting very profound,” said Daisy, with an expression of unthoughtful sadness. “He reads deep books with long words in them. What was that word we—”

“Well, these books are all scientific,” insisted Tom, glancing at her impatiently. “This fellow has worked out the whole thing. It’s up to us, who are the dominant race, to watch out or these other races will have control of things.”

“We’ve got to beat them down,” whispered Daisy, winking ferociously toward the fervent sun.

“You ought to live in California—” began Miss Baker, but Tom interrupted her by shifting heavily in his chair.

“This idea is that we’re Nordics. I am, and you are, and you are, and—” After an infinitesimal hesitation he included Daisy with a slight nod, and she winked at me again. “—And we’ve produced all the things that go to make civilization—oh, science and art, and all that. Do you see?”

There was something pathetic in his concentration, as if his complacency, more acute than of old, was not enough to him any more. When, almost immediately, the telephone rang inside and the butler left the porch Daisy seized upon the momentary interruption and leaned towards me.

“I’ll tell you a family secret,” she whispered enthusiastically. “It’s about the butler’s nose. Do you want to hear about the butler’s nose?”

“That’s why I came over tonight.”

“Well, he wasn’t always a butler; he used to be the silver polisher for some people in New York that had a silver service for two hundred people. He had to polish it from morning till night, until finally it began to affect his nose—”

“Things went from bad to worse,” suggested Miss Baker.

“Yes. Things went from bad to worse, until finally he had to give up his position.”

For a moment the last sunshine fell with romantic affection upon her glowing face; her voice compelled me forward breathlessly as I listened—then the glow faded, each light deserting her with lingering regret, like children leaving a pleasant street at dusk.

The butler came back and murmured something close to Tom’s ear, whereupon Tom frowned, pushed back his chair, and without a word went inside. As if his absence quickened something within her, Daisy leaned forward again, her voice glowing and singing.

“I love to see you at my table, Nick. You remind me of a—of a rose, an absolute rose. Doesn’t he?” She turned to Miss Baker for confirmation: “An absolute rose?”

This was untrue. I am not even faintly like a rose. She was only extemporizing, but a stirring warmth flowed from her, as if her heart was trying to come out to you concealed in one of those breathless, thrilling words. Then suddenly she threw her napkin on the table and excused herself and went into the house.

Miss Baker and I exchanged a short glance consciously devoid of meaning. I was about to speak when she sat up alertly and said “Sh!” in a warning voice. A subdued impassioned murmur was audible in the room beyond, and Miss Baker leaned forward unashamed, trying to hear. The murmur trembled on the verge of coherence, sank down, mounted excitedly, and then ceased altogether.

“This Mr. Gatsby you spoke of is my neighbour—” I began.

“Don’t talk. I want to hear what happens.”

“Is something happening?” I inquired innocently.

“You mean to say you don’t know?” said Miss Baker, honestly surprised. “I thought everybody knew.”

“I don’t.”

“Why—” she said hesitantly. “Tom’s got some woman in New York.”

“Got some woman?” I repeated blankly.

Miss Baker nodded.

“She might have the decency not to telephone him at dinner time. Don’t you think?”

Almost before I had grasped her meaning there was the flutter of a dress and the crunch of leather boots, and Tom and Daisy were back at the table.

“It couldn’t be helped!” cried Daisy with tense gaiety.

She sat down, glanced searchingly at Miss Baker and then at me, and continued: “I looked outdoors for a minute, and it’s very romantic outdoors. There’s a bird on the lawn that I think must be a nightingale come over on the Cunard or White Star Line. He’s singing away—” Her voice sang: “It’s romantic, isn’t it, Tom?”

“Very romantic,” he said, and then miserably to me: “If it’s light enough after dinner, I want to take you down to the stables.”

The telephone rang inside, startlingly, and as Daisy shook her head decisively at Tom the subject of the stables, in fact all subjects, vanished into air. Among the broken fragments of the last five minutes at table I remember the candles being lit again, pointlessly, and I was conscious of wanting to look squarely at everyone, and yet to avoid all eyes. I couldn’t guess what Daisy and Tom were thinking, but I doubt if even Miss Baker, who seemed to have mastered a certain hardy scepticism, was able utterly to put this fifth guest’s shrill metallic urgency out of mind. To a certain temperament the situation might have seemed intriguing—my own instinct was to telephone immediately for the police.

The horses, needless to say, were not mentioned again. Tom and Miss Baker, with several feet of twilight between them, strolled back into the library, as if to a vigil beside a perfectly tangible body, while, trying to look pleasantly interested and a little deaf, I followed Daisy around a chain of connecting verandas to the porch in front. In its deep gloom we sat down side by side on a wicker settee.

Daisy took her face in her hands as if feeling its lovely shape, and her eyes moved gradually out into the velvet dusk. I saw that turbulent emotions possessed her, so I asked what I thought would be some sedative questions about her little girl.

“We don’t know each other very well, Nick,” she said suddenly. “Even if we are cousins. You didn’t come to my wedding.”

“I wasn’t back from the war.”

“That’s true.” She hesitated. “Well, I’ve had a very bad time, Nick, and I’m pretty cynical about everything.”

Evidently she had reason to be. I waited but she didn’t say any more, and after a moment I returned rather feebly to the subject of her daughter.

“I suppose she talks, and—eats, and everything.”

“Oh, yes.” She looked at me absently. “Listen, Nick; let me tell you what I said when she was born. Would you like to hear?”

“Very much.”

“It’ll show you how I’ve gotten to feel about—things. Well, she was less than an hour old and Tom was God knows where. I woke up out of the ether with an utterly abandoned feeling, and asked the nurse right away if it was a boy or a girl. She told me it was a girl, and so I turned my head away and wept. ‘All right,’ I said, ‘I’m glad it’s a girl. And I hope she’ll be a fool—that’s the best thing a girl can be in this world, a beautiful little fool.’

“You see I think everything’s terrible anyhow,” she went on in a convinced way. “Everybody thinks so—the most advanced people. And I know. I’ve been everywhere and seen everything and done everything.” Her eyes flashed around her in a defiant way, rather like Tom’s, and she laughed with thrilling scorn. “Sophisticated—God, I’m sophisticated!”

The instant her voice broke off, ceasing to compel my attention, my belief, I felt the basic insincerity of what she had said. It made me uneasy, as though the whole evening had been a trick of some sort to exact a contributory emotion from me. I waited, and sure enough, in a moment she looked at me with an absolute smirk on her lovely face, as if she had asserted her membership in a rather distinguished secret society to which she and Tom belonged.


Inside, the crimson room bloomed with light. Tom and Miss Baker sat at either end of the long couch and she read aloud to him from the Saturday Evening Post—the words, murmurous and uninflected, running together in a soothing tune. The lamplight, bright on his boots and dull on the autumn-leaf yellow of her hair, glinted along the paper as she turned a page with a flutter of slender muscles in her arms.

When we came in she held us silent for a moment with a lifted hand.

“To be continued,” she said, tossing the magazine on the table, “in our very next issue.”

Her body asserted itself with a restless movement of her knee, and she stood up.

“Ten o’clock,” she remarked, apparently finding the time on the ceiling. “Time for this good girl to go to bed.”

“Jordan’s going to play in the tournament tomorrow,” explained Daisy, “over at Westchester.”

“Oh—you’re Jordan Baker.”

I knew now why her face was familiar—its pleasing contemptuous expression had looked out at me from many rotogravure pictures of the sporting life at Asheville and Hot Springs and Palm Beach. I had heard some story of her too, a critical, unpleasant story, but what it was I had forgotten long ago.

“Good night,” she said softly. “Wake me at eight, won’t you.”

“If you’ll get up.”

“I will. Good night, Mr. Carraway. See you anon.”

“Of course you will,” confirmed Daisy. “In fact I think I’ll arrange a marriage. Come over often, Nick, and I’ll sort of—oh—fling you together. You know—lock you up accidentally in linen closets and push you out to sea in a boat, and all that sort of thing—”

“Good night,” called Miss Baker from the stairs. “I haven’t heard a word.”

“She’s a nice girl,” said Tom after a moment. “They oughtn’t to let her run around the country this way.”

“Who oughtn’t to?” inquired Daisy coldly.

“Her family.”

“Her family is one aunt about a thousand years old. Besides, Nick’s going to look after her, aren’t you, Nick? She’s going to spend lots of weekends out here this summer. I think the home influence will be very good for her.”

Daisy and Tom looked at each other for a moment in silence.

“Is she from New York?” I asked quickly.

“From Louisville. Our white girlhood was passed together there. Our beautiful white—”

“Did you give Nick a little heart to heart talk on the veranda?” demanded Tom suddenly.

“Did I?” She looked at me. “I can’t seem to remember, but I think we talked about the Nordic race. Yes, I’m sure we did. It sort of crept up on us and first thing you know—”

“Don’t believe everything you hear, Nick,” he advised me.

I said lightly that I had heard nothing at all, and a few minutes later I got up to go home. They came to the door with me and stood side by side in a cheerful square of light. As I started my motor Daisy peremptorily called: “Wait!”

“I forgot to ask you something, and it’s important. We heard you were engaged to a girl out West.”

“That’s right,” corroborated Tom kindly. “We heard that you were engaged.”

“It’s a libel. I’m too poor.”

“But we heard it,” insisted Daisy, surprising me by opening up again in a flower-like way. “We heard it from three people, so it must be true.”

Of course I knew what they were referring to, but I wasn’t even vaguely engaged. The fact that gossip had published the banns was one of the reasons I had come East. You can’t stop going with an old friend on account of rumours, and on the other hand I had no intention of being rumoured into marriage.

Their interest rather touched me and made them less remotely rich—nevertheless, I was confused and a little disgusted as I drove away. It seemed to me that the thing for Daisy to do was to rush out of the house, child in arms—but apparently there were no such intentions in her head. As for Tom, the fact that he “had some woman in New York” was really less surprising than that he had been depressed by a book. Something was making him nibble at the edge of stale ideas as if his sturdy physical egotism no longer nourished his peremptory heart.

Already it was deep summer on roadhouse roofs and in front of wayside garages, where new red petrol-pumps sat out in pools of light, and when I reached my estate at West Egg I ran the car under its shed and sat for a while on an abandoned grass roller in the yard. The wind had blown off, leaving a loud, bright night, with wings beating in the trees and a persistent organ sound as the full bellows of the earth blew the frogs full of life. The silhouette of a moving cat wavered across the moonlight, and, turning my head to watch it, I saw that I was not alone—fifty feet away a figure had emerged from the shadow of my neighbour’s mansion and was standing with his hands in his pockets regarding the silver pepper of the stars. Something in his leisurely movements and the secure position of his feet upon the lawn suggested that it was Mr. Gatsby himself, come out to determine what share was his of our local heavens.

I decided to call to him. Miss Baker had mentioned him at dinner, and that would do for an introduction. But I didn’t call to him, for he gave a sudden intimation that he was content to be alone—he stretched out his arms toward the dark water in a curious way, and, far as I was from him, I could have sworn he was trembling. Involuntarily I glanced seaward—and distinguished nothing except a single green light, minute and far away, that might have been the end of a dock. When I looked once more for Gatsby he had vanished, and I was alone again in the unquiet darkness.

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